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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1990:G000888.19901116
Date de la décision : 16 Novembre 1990
Numéro de l’affaire : G 0008/88
Décision de saisin : T 0096/88
Numéro de la demande : 81304763.6
Classe de la CIB : H16N 1/36
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande :
Nom du demandeur : Medtronic
Nom de l’opposant : Biotronik
Chambre : EBA
Sommaire : 1. La capacité de représenter l’Organisation européenne des brevets en vertu de l’article 5(3) CBE définit une des fonctions du Président de l’Office européen des brevets, mais elle ne lui confère aucun pouvoir. L’étendue des pouvoirs du Président est bien régie par la CBE, mais pas par les dispositions de l’article 5(3) CBE.
2. Dans la mesure o” l’Accord administratif du 29 juin 1981 entre le Président de l’OEB et le Président de l’Office allemand des brevets comporte des dispositions régissant le traitement des documents qui sont destinés à l’OEB mais sont reçus à l’Office allemand des brevets à Berlin, le Président de l’OEB n’avait pas lui-même le pouvoir de conclure cet accord pour le compte de l’OEB avant l’ouverture le 1er juillet 1989 du bureau de réception créé à l’agence de Berlin de l’OEB.
3. En application du principe de la protection de la bonne foi et de la confiance légitime des usagers de l’OEB, si à un moment quelconque entre la publication de l’Accord au Journal officiel et le 1er juillet 1989, une personne a déposé à l’Office allemand des brevets à Berlin (autrement que par les soins d’un messager) des documents destinés à l’OEB, l’OEB est tenu de traiter ces documents comme s’ils lui étaient parvenus à la date à laquelle ils ont été reçus par l’Office allemand des brevets à Berlin.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 4
European Patent Convention 1973 Art 5
European Patent Convention 1973 Art 6
European Patent Convention 1973 Art 7
European Patent Convention 1973 Art 10
European Patent Convention 1973 Art 33
European Patent Convention 1973 Art 99(1)
European Patent Convention 1973 Art 112
Agreement EPO GPO
Decision President 10.05.1989
Mot-clé : Traitement de documents destinés à l’OEB reçus par l’Office allemand des brevets à Berlin
Fonctions et pouvoirs du Président
Principe de la bonne foi
Protection de la confiance légitime des usagers de l’OEB
Exergue :

Décisions citées :
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0002/97
J 0030/94
J 0014/96
J 0007/97
J 0038/97
J 0005/98
J 0018/01
J 0034/03
J 0013/04
J 0001/12
T 0117/87
T 0149/87
T 0096/88
T 0545/91
T 0201/92
T 0045/94
T 0343/95
T 0460/95
T 0161/96
T 0740/98
T 0846/01
T 0815/02
T 1607/08
T 1037/11
T 2246/13

Exposé des faits et conclusions

I. Dans l’affaire T 117/87 (JO OEB 1989, 127), la chambre de recours 3.4.1, par une décision en date du 6 juillet 1988, a soumis d’office trois questions de droit à la Grande Chambre de recours en application de l’article 112(1) a) CBE :

(i) Si le Président de l’OEB conclut un accord avec une autre organisation (en l’occurrence l’Office allemand des brevets), est-il habilité à introduire dans un tel accord une disposition aux termes de laquelle l’OEB doit, dans certaines circonstances, traiter un document qui a été déposé auprès de ses services après l’expiration d’un délai fixé par la CBE comme si ce document avait été déposé dans ce délai ?

(ii) Si le Président de l’OEB n’est pas habilité à conclure un accord comportant une telle disposition, quel est l’effet juridique produit par ladite disposition, eu égard au fait que l’accord en question a été publié au Journal officiel afin que les parties aux procédures devant l’OEB soient informées de son contenu et considèrent qu’il fait foi ?

(iii) Dans la présente espèce, le délai et le lieu prévus pour le dépôt de l’acte d’opposition auprès de l’OEB sont-ils régis uniquement par l’article 99(1) CBE ou bien par l’article 99(1) CBE en liaison avec l’article 1er, paragraphe 3 de l’Accord administratif du 29 juin 1981 ?

II. Ces questions ont été soulevées suite à un recours formé dans le cadre d’une procédure d’opposition au sujet de la recevabilité de l’opposition. Le dernier jour du délai d’opposition de neuf mois prévu par l’article 99(1) CBE, l’Office allemand des brevets à Berlin a reçu l’acte d’opposition à un brevet européen, ainsi que le paiement de la taxe d’opposition correspondante. L’acte d’opposition et le montant du paiement ont été transmis à l’OEB à Munich, qui les a reçus cinq jours après l’expiration du délai de neuf mois.

En application de la règle 57(1) CBE, l’acte d’opposition a été notifié à la titulaire du brevet ; cette dernière a immédiatement contesté la recevabilité de l’opposition, en faisant valoir qu’il était douteux que les dispositions de “l’Accord administratif du 29 juin 1981 entre l’Office allemand des brevets et l’Office européen des brevets, relatif à la réception des documents et des moyens de paiement” (JO OEB 1981, 381), ci-après dénommé “l’Accord”, puissent s’appliquer en l’occurrence à la production de l’acte d’opposition et au paiement de la taxe d’opposition. Elle a notamment suggéré que l’acte d’opposition avait vraisemblablement été remis à l’Office allemand des brevets par les soins d’un messager, et que l’Accord ne devait pas être interprété comme couvrant ce mode de distribution du courrier. En réponse, l’agent des formalités de la division d’opposition a déclaré dans une notification émise le 28 janvier 1986 qu’il ne pouvait considérer que l’opposition était irrecevable en vertu de la règle 56(1) CBE pour avoir été formée après l’expiration du délai d’opposition de neuf mois, l’Accord “s’appliquant à tous les documents destinés à l’OEB (“intended for the EPO”) qui sont envoyés au service du courrier de l’Office allemand des brevets à Munich ou à Berlin… Les documents reçus au service du courrier de l’Office allemand des brevets sont acceptés automatiquement comme s’ils avaient été déposés au service du courrier de l’Office européen des brevets et vice versa… Sur le plan pratique, il est plutôt malaisé de distinguer entre les dépôts effectués par inadvertance et ceux qui sont intentionnels. L’expression “intended for the EPO” (en allemand : “gerichtet” ; en français : “destiné”) se réfère à la destination finale de l’envoi. Selon l’Accord, une date de réception est attribuée, quel que soit le service du courrier où s’est effectué le dépôt… Au stade actuel de la procédure, la question de savoir si le document a été remis ou non par les soins d’un messager ne change rien à ce qui vient d’être exposé”.

La division d’opposition a rendu une décision sur le fond rejetant l’opposition, tout en jugeant celle-ci recevable pour les raisons avancées par l’agent des formalités qui ont été résumées ci-dessus.

III. Dans deux autres affaires, T 149/87 et T 96/88, la chambre de recours 3.4.1. a rendu le 21 juillet 1988 deux décisions soumettant d’office les trois mêmes questions à la Grande Chambre de recours en application de l’article 112(1) a) CBE. Dans les deux cas, il s’agit d’une procédure d’opposition entre les deux mêmes parties que celles en présence dans l’affaire T 117/87, et les faits sont pratiquement similaires.

Par lettre datée du 17 novembre 1988, le greffier de la Grande Chambre de recours a informé les deux parties qu’en vertu de l’article 8 de son règlement de procédure, la Grande Chambre de recours avait décidé d’examiner au cours d’une procédure commune les trois questions de droit qui lui avaient été soumises. Par conséquent, toute observation soumise par une partie à la Grande Chambre de recours dans l’affaire G 5/88 serait traitée comme ayant été présentée dans le cadre de cette procédure commune.

IV. Suite à la décision rendue par la chambre de recours le 6 juillet 1988, les parties ont été invitées dans l’affaire G 5/88 à présenter leurs observations sur les questions soumises à la Grande Chambre, mais aucune d’entre elles n’a déféré à cette invitation. La Grande Chambre de recours a décidé alors, en application de l’article 11bis de son règlement de procédure (JO OEB 1989, 363), d’inviter le Président de l’OEB à présenter par écrit ses observations sur les questions qui lui avaient été soumises et à lui fournir des informations en réponse aux questions suivantes :

(1) Avant l’entrée en vigueur le 1er juillet 1989 de la décision du Président en date du 10 mai 1989 relative à la création d’un bureau de réception à l’agence de Berlin de l’OEB (JO OEB 1989, 218), et par conséquent à la date à laquelle avait été signé l’Accord administratif du 29 juin 1981 (JO OEB 1981, 381), le dépôt à l’agence de l’OEB à Berlin de documents destinés à l’OEB n’était pas autorisé alors qu’il était possible de déposer des demandes de brevet européen à l’Office allemand des brevets à Berlin en vertu de l’article 75(1)b) CBE. Il semble donc qu’il n’y avait aucune raison d’envoyer des documents à l’agence de l’OEB ou à l’Office allemand des brevets à Berlin en dehors des demandes de brevet européen destinées à l’OEB.

Il est donc demandé de rappeler à ce propos dans quelles conditions et pour quels motifs ont été arrêtées les dispositions de l’Accord administratif relatives à la réception à Berlin de documents destinés à l’OEB.

(2) Le Conseil d’administration a-t-il autorisé le Président à négocier l’Accord administratif ou a-t-il donné son approbation au Président pour la conclusion de l’Accord, conformément à l’article 33(4) CBE ? Dans l’affirmative, il est demandé de fournir toutes précisions à ce sujet. Dans la négative, en vertu de quel pouvoir l’Accord administratif a-t-il été conclu, selon le Président ?

(3) Bien que la décision du Président en date du 10 mai 1989 soit de toute évidence sans rapport direct avec les points soulevés dans les questions soumises à la Grande Chambre, ceux-ci concernant des événements antérieurs, il se peut que la Grande Chambre de recours souhaite examiner la situation juridique actuelle : dans ce contexte, donc, dans quelles conditions et pour quels motifs le Président a-t-il pris la décision en date du 10 mai 1989 ? Cette décision a-t-elle une influence quelconque sur la portée actuelle de l’Accord administratif du 29 juin 1981 ?

V. En réponse, le Président a formulé en substance les remarques suivantes, en numérotant chacune d’elles par référence à la question à laquelle elle correspond :

(1) L’Accord a été conclu parce qu’il avait été constaté qu’il existait un risque de confusion entre l’Office européen des brevets et l’Office allemand des brevets à Munich, notamment pour la distribution du courrier, en raison de leur proximité géographique et de la similarité de leurs fonctions. Il était fréquent que des documents destinés à un office soient reçus par erreur à l’autre office, ce qui pouvait avoir de graves conséquences juridiques et entraîner des pertes de droits.

Ces deux offices, l’OEB et l’Office allemand des brevets, ont jugé nécessaire de conclure un accord instituant des mécanismes qui permettent d’éviter les pertes de droits en cas de distribution erronée du courrier.

A l’origine, Berlin n’était pas inclus dans le projet d’Accord, vu qu’il n’était pas permis de déposer à l’agence de l’OEB à Berlin des documents destinés à l’OEB.

C’est dans un projet d’Accord élaboré par les autorités allemandes à un stade avancé des discussions que Berlin a été inclus pour la première fois, pour des raisons essentiellement politiques, peut-on supposer : il s’agissait de faire en sorte que le département de Berlin de l’Office allemand des brevets soit mentionné dans un accord conclu par cet office.

A l’époque, les affaires en souffrance auprès de l’OEB à Munich étaient devenues très urgentes. Un retard supplémentaire ne semblait pas acceptable. L’OEB a considéré que le problème de l’inclusion de Berlin concernait seulement l’Office allemand des brevets et, par conséquent, a conclu l’Accord sur la base du projet révisé présenté par les autorités allemandes.

(2) Le Président n’a pas sollicité l’autorisation du Conseil d’administration pour négocier et conclure l’Accord.

(a) L’article 5(3) CBE prévoit que le Président de l’Office européen des brevets représente l’Organisation, et confère au Président un large pouvoir de représentation vis-à-vis des tiers, qu’il s’agisse de personnes publiques ou privées, de personnes physiques ou d’institutions. Le large pouvoir de représentation prévu à l’article 5(3) CBE ne couvre pas seulement les cas où le Président agit directement pour le compte de l’Organisation européenne des brevets en tant que telle (ci-après dénommée “l’Organisation”), mais également les cas où il agit pour le compte de l’Office vis-à-vis de tiers en application de l’article 10(1) CBE (cf. à cet égard les documents préparatoires à la CBE, et notamment le Rapport de la 4e session de la Conférence Intergouvernementale, doc. BR/125/71, nos 97, 100, 102).

(b) Si le Président était en droit de conclure l’Accord avec l’Office allemand des brevets sans devoir demander l’autorisation et l’approbation préalables du Conseil d’administration comme le prévoit l’article 33(4) CBE, c’est également pour les raisons suivantes :

L’article 4(3) CBE a fixé pour tâche à l’OEB la délivrance de brevets européens.

Au paragraphe 1 et au paragraphe 2, lettre a de l’article 10 CBE, il est prévu que la direction de l’OEB est assurée par le Président qui est notamment compétent pour prendre toutes mesures utiles en vue d’assurer le fonctionnement de l’OEB. Un accord relatif à des modalités particulières de dépôt de documents pour l’ouverture des procédures de demande de brevet européen et le traitement des demandes correspondantes est essentiellement une mesure qui vise à assurer le fonctionnement de l’OEB en lui permettant de mener à bien sa tâche de délivrance des brevets.

L’article 10(2) a) CBE donne expressément au Président compétence pour prendre toutes mesures utiles. L’on peut sans conteste déduire des documents préparatoires à la CBE que cette disposition lui donne également compétence pour conclure des accords.

En conluant l’Accord avec l’Office allemand des brevets, le Président a agi pour le compte de l’OEB en application de l’article 10(2) a) CBE, et non pas directement pour le compte de l’Organisation.

La compétence que peut avoir ou non le Président pour conclure un accord sans autorisation ou approbation préalable du Conseil d’administration dépend de la nature des engagements pris dans l’accord en question. En outre, le Président n’ayant aucune compétence législative générale, il n’aurait certainement pas le droit de déroger par des accords aux dispositions de la CBE.

(c) Il est important de noter à cet égard que l’Accord ne prévoit pas de proroger les délais en vigueur à l’OEB, ni ne fixe les conditions juridiques à remplir pour qu’un document soit considéré comme ayant été déposé dans les délais.

Le sens exact de l’Accord, et également ses limitations, apparaissent plus clairement si l’on se réfère à la version en allemand, langue dans laquelle l’Accord a été conclu. L’article 1er, paragraphe 3 de l’Accord prévoit uniquement que les documents remis à l’Office allemand des brevets sont traités par l’Office européen des brevets comme s’ils avaient directement été reçus par lui (en allemand : “eingegangen”). Cependant, pour pouvoir apprécier d’un point de vue juridique si un délai a ou non été observé, il y a lieu de déterminer dans quelles conditions et à quel moment la demande a été “zugegangen” (c’est-à-dire reçue au sens juridique du terme). La traduction en anglais de l’Accord ne reflète pas cette distinction et utilise uniformément le terme “received”*. (*Ndt :c’est également le cas de la version française, qui utilise le terme “reçus”.) L’Accord ne modifie en rien la définition de la date à laquelle un document doit être réputé reçu au sens juridique du terme et, par conséquent, ne change rien à l’interprétation qui doit être donnée de la CBE ou des délais fixés par la CBE.

Certes, la date de réception effective (“Eingang”) d’un document est généralement très importante pour déterminer à quel moment le document a été reçu au sens juridique du terme (“Zugang”) ; il n’en demeure pas moins que la fiction juridique contenue dans l’Accord ne modifie pas l’interprétation qui doit être donnée des dispositions correspondantes de la Convention : elle crée seulement une certaine base factuelle pour cette interprétation.

(d) L’Accord ne visait qu’à apporter un remède dans les cas où un document destiné à l’OEB était remis par erreur à l’Office allemand des brevets. Il ne visait pas les cas où un document destiné à l’OEB avait été volontairement déposé à l’Office allemand des brevets. L’OEB n’a jamais encouragé les parties à déposer des documents à l’Office allemand des brevets.

Il faut admettre que, par le passé, l’OEB a appliqué l’Accord de façon libérale afin d’éviter aux demandeurs de subir des pertes de droits. L’Office allemand des brevets ne faisait pas de distinction entre la remise par erreur et l’envoi intentionnel à un Office de documents destinés à l’autre Office. Dans ces conditions, l’OEB a préféré donner une interprétation large de l’Accord afin d’éviter que des pertes de droit ne se produisent pour des raisons de forme.

(3) Une des raisons pour lesquelles il a été décidé de créer un bureau de réception à l’agence de l’OEB de Berlin était qu’il convenait de fournir un lieu de dépôt géographiquement propice aux demandeurs et mandataires de la partie Nord du territoire d’application de la CBE. Un autre objectif visé par cette décision était de mettre fin à une situation paradoxale, le dépôt à l’agence de Berlin de demandes de brevets et autres documents produits ultérieurement étant interdit, alors que cette agence était bien connue des utilisateurs comme agence de l’OEB. Lorsque de tels documents étaient déposés par erreur à l’agence de l’OEB à Berlin, il pouvait se produire des pertes de droits. La sécurité juridique était également menacée lorsque des documents destinés à l’OEB étaient déposés à l’Office allemand des brevets à Berlin, notamment si le département de l’Office allemand des brevets à Berlin transmettait ces documents à l’agence de l’OEB à Berlin au lieu de les transmettre à Munich.

Une autre considération qui a prévalu lors de la création d’un bureau de réception à l’agence de Berlin était que cette agence relève du département de La Haye, ainsi qu’il est précisé à la section I(3)(a), deuxième phrase du protocole sur la centralisation. L’article 75(1)(a) CBE ne doit pas être interprété dans un sens géographique comme faisant de Munich et de La Haye les seuls lieux géographiques où des demandes peuvent être déposées. Cette disposition doit bien plutôt être interprétée dans un sens fonctionnel, comme attribuant au département de La Haye (situé en fait à Rijswijk), tout comme au siège central de Munich, la tâche consistant à recevoir les demandes, même si seul le département de La Haye est concerné par le traitement des demandes à leur stade initial. Aux fins de l’article 75(1)a) CBE, une unité administrative faisant juridiquement partie du département de La Haye, même si elle n’est pas située à La Haye, peut par conséquent être compétente pour recevoir les demandes de brevet européen.

VI. (i) Dans les observations qu’elle a présentées en réponse aux remarques du Président, la requérante a fait valoir notamment qu’il ressort clairement de ces déclarations que la conclusion de l’Accord était bien fondée. Au cas où la Grande Chambre de recours se montrerait d’avis contraire et estimerait que le Président n’avait pas compétence pour conclure l’Accord, il convient de signaler que le public n’a pas été informé que l’Accord pouvait ne pas avoir été conclu par un organe compétent. En vertu de ce principe général du droit qu’est le principe de la protection de la confiance légitime, les usagers de l’OEB doivent pouvoir se fier à l’Accord, d’autant plus que cet Accord a été conçu pour accroître la sécurité juridique et simplifier la procédure à l’intention de ces usagers.

(ii) En réponse à ces remarques, l’intimée a elle aussi présenté des observations, dans lesquelles elle s’est référée notamment aux dispositions des articles 4, 5 et 7 CBE, et a soutenu également que la CBE fixe les procédures à suivre et les délais à respecter pour le dépôt de documents et que, de toute évidence, “tous les documents doivent être reçus par l’OEB avant l’expiration du délai concerné” (sous réserve de la dérogation prévue à l’article 75(1) CBE pour le dépôt des demandes). Ses arguments étaient les suivants :

– Bien que l’Accord semble modifier ces dispositions et que les effets qu’il produit n’apparaissent pas clairement, il ne peut être interprété comme permettant le dépôt intentionnel auprès d’un département de l’Office allemand des brevets (Munich ou Berlin) de n’importe quel document destiné à l’OEB, car pareille interprétation étendrait la portée des dispositions relatives à la réception de documents bien au-delà de ce que prévoient les articles 4, 5, 7 et 75 CBE.

– la requérante n’a jamais laissé entendre que c’est par erreur que ses actes d’opposition ont été déposés à l’Office allemand des brevets à Berlin.

– l’on doit de toute évidence conclure de la décision du Président de l’OEB en date du 10 mai 1989 relative à la création d’un bureau de réception à l’agence de Berlin de l’OEB qu’avant cette décision, l’agence en question n’était pas un bureau de réception et, notamment, ne pouvait pas assurer la réception d’actes d’opposition.

En réponse aux observations de la requérante, l’intimée a fait valoir que l’Accord ne visait, de toute évidence, qu’à protéger les usagers en cas d’erreur dans la distribution des documents et qu’il était bien connu que c’était au département de l’OEB à La Haye et au siège de l’OEB à Munich qu’il convenait de déposer les documents destinés à l’OEB. De même, il était bien connu qu’avant le 10 mai 1989, l’agence de Berlin n’avait d’autres fonctions que la recherche. Par conséquent, l’on voit mal comment il aurait été possible d’interpréter de bonne foi l’Accord comme permettant le dépôt à l’agence de l’OEB ou à l’Office allemand des brevets à Berlin de documents destinés à l’OEB, tels qu’un acte d’opposition.

Motifs de la décision

1. Rappel

1.1. Dépôt de documents dans le cadre d’une procédure devant l’OEB

Les modalités de dépôt d’une demande de brevet européen sont régies par des dispositions précises de la CBE, celles de l’article 75 CBE. La demande peut être déposée soit auprès de l’OEB à Munich ou de son département à La Haye, soit auprès du service central de la propriété industrielle ou d’autres services compétents d’un Etat contractant, si la législation de cet Etat le permet.

Pour les documents autres que les demandes de brevet européen, les modalités du dépôt ne sont pas fixées dans un article précis de la CBE. Il est prévu notamment que l’opposition doit être notifiée par écrit à l’OEB (article 99 CBE). L’OEB est défini par l’article 6(2) CBE qui dispose que “l’OEB est situé à Munich. Il a un département à La Haye.” Une communication du Président de l’OEB en date du 5 décembre 1979 concernant la mise en place de bureaux de réception de l’OEB à Munich et à son département de La Haye a été publiée dès les premières années dans le Journal officiel (JO OEB 1980, 2).

L’article 7 CBE prévoit la possibilité de créer des agences de l’OEB par décision du Conseil d’administration. De fait, le jour même où l’OEB ouvrait ses portes pour recevoir les demandes de brevet européen (1er juin 1978), une agence faisant partie du département de La Haye et relevant de ce département était créée à Berlin. L’agence de Berlin était prévue à la section I(3) du protocole sur la centralisation qui fait partie intégrante de la Convention en vertu de l’article 164(1) CBE. La mise en place de l’agence de Berlin a été annoncée dans le Journal officiel (JO OEB 1978, 248).

Pendant les premières années de fonctionnement de l’OEB, l’agence de Berlin n’était compétente que pour l’exécution de recherches. Les documents adressés à l’OEB dans le cadre des procédures devant l’Office européen des brevets ne pouvaient pas être déposés à l’agence de Berlin. Or, le 10 mai 1989, le Président de l’OEB a pris la décision de créer un bureau de réception à l’agence de Berlin (JO OEB 1989, 218), décision entrée en vigueur le 1er juillet 1989. D’après l’article premier de cette décision, tous les documents destinés à l’OEB peuvent y être déposés et toutes les taxes à verser à l’OEB peuvent y être acquittées.

1.2. Compétences du Président de l’OEB

L’article 5 CBE dispose que le Président de l’OEB représente l’Organisation européenne des brevets. L’OEB est un organe de l’Organisation (article 4(2)a) CBE) dont la tâche est de délivrer les brevets européens sous le contrôle du Conseil d’administration (article 4(3) CBE).

L’article 10(1) CBE prévoit que la direction de l’OEB est assurée par le Président, qui est responsable de l’activité de l’Office devant le Conseil d’administration, lequel est lui aussi un organe de l’Organisation, en vertu de l’article 4(2)b) CBE.

En outre, l’article 10(2) CBE dispose que pour pouvoir assurer la direction de l’OEB, le Président est doté notamment d’un certain nombre de compétences énumérées aux alinéas a à i du paragraphe 2 de l’article 10 CBE. Ainsi, en particulier, aux termes de l’article 10(2)a) CBE, “il prend toutes mesures utiles, notamment l’adoption d’instructions administratives internes et la publication d’indications pour le public, en vue d’assurer le fonctionnement de l’OEB”. Les alinéas b à i de cette même disposition précisent ses compétences en ce qui concerne essentiellement les activités internes de l’OEB.

Aux termes de l’article 33(4) CBE, “le Conseil d’administration a compétence pour autoriser le Président de l’OEB à négocier et, sous réserve de son approbation, à conclure, au nom de l’Organisation européenne des brevets, des accords avec des Etats ou des organisations intergouvernementales ainsi qu’avec des centres de documentation créés en vertu d’accords conclus avec ces organisations”.

1.3. L’Accord administratif du 29 juin 1981

(a) Cet Accord a été conclu directement entre le Président de l’OEB et le Président de l’Office allemand des brevets.

L’article premier de l’Accord vise les documents destinés à l’OEB qui parviennent à l’Office allemand des brevets à Munich ou à Berlin. L’article 2 vise les documents destinés à l’Office allemand des brevets qui parviennent à l’OEB à Munich. A la différence de l’article 1er, l’article 2 ne fait nullement référence à Berlin.

Les paragraphes suivants de l’article premier sont particulièrement significatifs pour la présente affaire :

1. “Les bureaux de dépôt de l’Office allemand des brevets à Munich et à Berlin transmettent sans délai au siège le plus proche de l’OEB les documents destinés à celui-ci qui leur parviennent.”

2. “La date de réception est mentionnée sur les documents selon la pratique habituellement suivie à l’Office allemand des brevets…”.

3. “Les documents sont traités par l’OEB comme s’ils avaient directement été reçus par lui…”.

4. “Les bureaux de dépôt de l’Office allemand des brevets n’acceptent pas de documents destinés à l’OEB qui leur seraient remis par les soins d’un messager.”

(b) Pour la remise de documents visée au paragraphe 4, l’Office allemand des brevets est équipé d’une boîte aux lettres à l’entrée. Par conséquent, s’il peut certes refuser d’accepter des documents adressés à l’OEB qui lui sont remis par les soins d’un messager à un des guichets de son bureau de réception, il lui est manifestement impossible de savoir si des documents adressés à l’OEB qui ont simplement été déposés dans cette boîte aux lettres l’ont été par erreur, et il lui serait par ailleurs difficile dans la pratique d’essayer de faire une distinction entre les documents qui ont été remis par un messager et ceux qui sont arrivés par la poste. En outre, lorsque (comme c’est le cas en l’espèce) l’Office allemand des brevets a accepté des documents qui lui sont parvenus alors qu’ils étaient destinés à l’OEB, et lorsqu’il a transmis ceux-ci à l’OEB, il est bien entendu tout à fait impossible à l’OEB, dans la pratique, de contester les moyens par lesquels ces documents ont été remis à l’Office allemand des brevets ou de procéder à une enquête à leur sujet. La position adoptée par l’agent des formalités dans la lettre du 28 janvier 1986 citée au point II ci-dessus est donc bien compréhensible. (“Selon l’Accord, une date de réception est attribuée, quel que soit le service du courrier où s’est effectué le dépôt… Au stade actuel de la procédure, la question de savoir si le document a été remis ou non par les soins d’un messager ne change rien à ce qui vient d’être exposé”).

2. Question (i)

2.1. La question soumise à la Grande Chambre porte essentiellement sur le point de savoir si le Président avait compétence pour conclure l’Accord pour le compte de l’OEB, eu égard notamment aux dispositions de l’article premier, paragraphe 3 dudit Accord. Toutefois, au vu des remarques formulées par le Président en réponse aux questions que lui a posées la Grande Chambre, cette dernière juge nécessaire d’examiner la validité de l’Accord en élargissant le débat par rapport à l’objet proprement dit de la question (i) qui lui a été soumise.

2.2. Le Président a fait valoir qu’il convenait de considérer que sa compétence pour conclure l’Accord dérivait de l’article 5(3) CBE, ceci ressortant notamment de certains documents préparatoires de la CBE.

La Grande Chambre de recours estime toutefois que l’article 5(3) CBE se borne à conférer au Président la capacité de représenter l’Organisation européenne des brevets, capacité qui ne doit pas être confondue avec sa compétence. La capacité de représenter l’Organisation en vertu de l’article 5(3) CBE définit une des fonctions du Président, mais elle ne lui confère aucun pouvoir.

Le Président ne peut représenter l’Organisation en accomplissant un acte tel que la signature d’un accord que s’il est compétent pour accomplir cet acte. L’étendue de la compétence du Président est régie par la CBE, mais par des dispositions autres que celles de l’article 5(3) CBE.

La thèse du Président selon laquelle certains documents préparatoires lui permettent d’affirmer que l’article 5(3) CBE lui confère une large compétence pour agir sans l’autorisation et l’approbation du Conseil d’administration procède d’une interprétation erronée de ces documents (notamment de l’expression “pouvoir de représentation” utilisée dans ces documents, qui prête quelque peu à confusion).

2.3. La compétence du Président pour agir en vue d’assurer la direction de l’OEB est régie par l’article 10 CBE et découle de ce dernier.

L’article 10(1) CBE dispose, d’une façon générale, que “la direction de l’OEB est assurée par le Président, qui est responsable de l’activité de l’Office devant le Conseil d’administration”, mais cette disposition doit être interprétée dans son contexte, et notamment en tenant compte des dispositions de l’article 10(2) et de l’article 4(3) CBE.

L’article 10(2) CBE énumère les compétences dévolues au Président, lesquelles, comme il a été signalé au point 1.2 ci-dessus, concernent essentiellement les activités internes de l’OEB. La question de savoir dans quelles limites le Président a le droit, sans être soumis au contrôle du Conseil d’administration prévu à l’article 4(3) CBE, “d’assurer la direction de l’OEB” pour ce qui concerne les activités externes de l’Office, conformément à l’article 10 CBE, dans la mesure où il s’agit d’activités n’ayant aucun rapport direct avec les compétences du Président énumérées à l’article 10(2) CBE, ne trouve pas de réponse dans des dispositions précises de la CBE et appelle une interprétation de la Convention. La Grande Chambre estime que les documents préparatoires invoqués par le Président ne sont pas concluants à cet égard. Etant donné les considérations développées ci-après, il n’est cependant pas nécessaire que la Grande Chambre considère plus avant dans la présente décision ce problème d’interprétation de la CBE.

2.4. En ce qui concerne l’Accord en l’occurrence, le Président, dans sa réponse à la question (2) que lui a posée la Grande Chambre (cf. point IV ci-dessus), a admis n’avoir pas obtenu l’autorisation et l’approbation préalables du Conseil d’administration prévues à l’article 33(4) CBE. Le Président n’a pas contesté par ailleurs que l’Accord n’avait pas été conclu sous le contrôle du Conseil d’administration. Par conséquent, pour répondre à la question posée, il suffit d’examiner si, d’un point de vue juridique, le Président pouvait à bon droit (comme il l’a indiqué par ailleurs) conclure l’Accord en exerçant les compétences dont il dispose pour assurer la direction de l’OEB conformément à l’article 10, paragraphes 1 et 2a) CBE, c’est-à-dire en les exerçant dans le but “d’assurer le fonctionnement de l’OEB”. Tout dépend à cet égard de la nature et de la teneur de l’Accord.

2.5. Il ressort clairement du libellé de l’Accord que celui-ci vise avant tout à instituer un mécanisme permettant d’attribuer comme date de réception aux documents adressés à l’OEB mais remis par erreur à l’Office allemand des brevets (et vice versa) la date à laquelle ils parviennent par erreur à l’office auquel ils n’étaient pas destinés et de les faire traiter ensuite par l’office auquel ils étaient destinés comme bénéficiant de cette date de réception. Il est clairement précisé dans l’Accord que celui-ci ne couvre pas les documents remis par les soins d’un messager. Dans les remarques qu’il a formulées à l’intention de la Grande Chambre, le Président a confirmé que tel était bien l’objet de l’Accord.

Il ne fait aucun doute que des erreurs similaires dans la distribution de documents par la poste pourraient facilement se produire à Munich, vu la proximité de l’OEB et de l’Office allemand des brevets dans cette ville. Toutefois, avant le 1er juillet 1989, comme il est rappelé au point 1 ci-dessus, l’agence de l’OEB à Berlin n’avait jamais été autorisée à recevoir des documents destinés à être déposés à l’OEB. Lorsque l’OEB a ouvert ses portes, le public savait fort bien que l’agence de Berlin n’allait exercer qu’un nombre limité d’activités. Il ne pouvait donc y avoir de raison d’envoyer à Berlin des documents destinés à l’OEB. C’est ce que la Grande Chambre a fait remarquer au Président (cf. ci-dessus, point IV, question (1)), lequel l’a admis dans les remarques qu’il a formulées en réponse aux questions posées (point V ci-dessus). Il n’a jamais été affirmé que l’Accord avait été conclu pour résoudre notammment le problème posé par les documents destinés à l’OEB qui étaient envoyés à Berlin par des personnes qui ignoraient qu’avant le 1er juillet 1989, l’OEB n’avait pas de bureau de réception à Berlin.

Le Président a expliqué que c’est l’Office allemand des brevets qui a le premier proposé d’inclure Berlin dans l’accord, pour des raisons d’ordre essentiellement politique, semble-t-il.

2.6. L’article 10(2)a) CBE donne au Président le pouvoir et lui fait obligation de prendre “toutes mesures utiles… en vue d’assurer le fonctionnement de l’Office européen des brevets”. L’étendue des compétences ainsi conférées ne peut être définie avec précision, et il n’est pas nécessaire d’ailleurs de tenter de donner une telle définition aux fins de la présente décision. La question à examiner dans chaque cas est celle de savoir si une mesure donnée est nécessaire en vue d’assurer le fonctionnement de l’OEB. Dans la mesure où l’Accord vise à remédier au problème posé par les erreurs commises dans la distribution des documents à Munich (confusion entre les services de l’OEB et ceux de l’Office allemand des brevets dans cette ville), la Grande Chambre juge que l’on peut raisonnablement estimer que l’Accord conclu avec l’Office allemand des brevets était une mesure qui devait effectivement être prise par le Président pour éviter que les parties ne subissent des pertes de droits injustifiées, et pour assurer ainsi le bon fonctionnement de l’OEB.

Toutefois, dans la présente espèce, il ne s’agit pas de la validité de l’Accord pour ce qui est des dispositions concernant la remise de documents à Munich.

2.7. La seule raison avancée par le Président pour justifier le fait que Berlin avait été inclus dans l’Accord était non pas que le bon fonctionnement de l’OEB était en jeu, mais que l’inclusion de Berlin répondait aux intérêts politiques des autorités allemandes. De l’avis de la Grande Chambre, quelle que soit l’étendue exacte des compétences conférées au Président par l’article 10(2)a) CBE “en vue d’assurer le fonctionnement de l’OEB”, il est certain que celles-ci ne couvrent pas la conclusion d’un accord avec une organisation telle que l’Office allemand des brevets, dans la mesure où certaines dispositions de cet accord sont sans rapport avec le fonctionnement de l’OEB, n’ayant pour seule raison d’être que de répondre aux intérêts politiques de l’autre partie à l’Accord. La Grande Chambre estime que ceci vaut même dans le cas où (comme l’a suggéré le Président dans la présente affaire) il était devenu “très urgent” de conclure un accord, et où les dispositions incluses dans l’Accord par l’autre partie n’étaient qu’une clause parmi bien d’autres. La Grande Chambre juge que dans ces conditions, le Président n’est compétent pour signer un tel accord que s’il a l’autorisation et l’approbation du Conseil d’administration.

2.8. Les dispositions de l’Accord qui concernent Berlin peuvent aisément être dissociées des dispositions s’appliquant à Munich. La Chambre est d’avis que le Président n’était pas compétent pour conclure l’Accord dans la mesure où celui-ci contient des dispositions régissant le traitement de documents destinés à l’OEB qui sont reçus par l’Office allemand des brevets à Berlin.

La Grande Chambre constate que les remarques formulées par le Président permettent fort bien de comprendre comment l’Accord actuel a pu être signé, y compris les dispositions relatives à Berlin. Il n’en reste pas moins que l’exercice des compétences du Président ne peut légitimement outrepasser le cadre fixé dans la CBE.

2.9. La Grande Chambre considère qu’il ressort clairement du libellé de l’Accord que l’objectif et la finalité de ce dernier étaient de résoudre le problème posé par la remise par inadvertance de documents à un office auquel ils n’étaient pas destinés. Néanmoins, alors que les dispositions de l’article premier et de l’article 2 de l’Accord concernant la remise de documents à l’un ou l’autre des offices à Munich visent de toute évidence à apporter une solution à ce problème, les dispositions de l’Accord portant sur la remise de documents (destinés à l’OEB) à Berlin (article premier seulement) ne peuvent à proprement parler être considérées comme concernant de près ou de loin ce problème, vu qu’il ne pouvait y avoir, à l’époque où l’Accord a été conclu, aucune raison pour envoyer de tels documents à Berlin. Les dispositions de l’Accord qui concernent Berlin vont donc au-delà de l’objectif et de la finalité assignés fondamentalement à l’Accord.

Les dispositions relatives à la remise de documents à Berlin qui ont été incluses dans l’Accord ont conduit à la création d’une nouvelle possibilité de dépôt pour les documents destinés à l’OEB (via l’Office allemand des brevets à Berlin). Un document destiné à l’OEB qui est déposé dans la boîte aux lettres de l’Office allemand des brevets à Berlin est de ce fait accepté et transmis à l’OEB. Une fois accepté par l’Office allemand des brevets à Berlin et reçu par l’OEB, il est traité par la première instance à l’OEB comme un document couvert par l’Accord. Une telle possibilité sort du cadre proprement dit de l’Accord.

De l’avis de la Grande Chambre, pendant toute la période qui a précédé l’entrée en vigueur le 1er juillet 1989 de la décision du Président relative à la création d’un bureau de réception à l’agence de Berlin de l’OEB, l’Accord n’aurait dû être appliqué qu’aux documents destinés à l’OEB à Munich qui avaient été remis par inadvertance à l’Office allemand des brevets à Munich, et avaient été reçus par lui, ou vice-versa.

2.10. Depuis l’entrée en vigueur le 1er juillet 1989 de la décision du Président relative à la création d’un bureau de réception à l’agence de Berlin de l’OEB, il existe manifestement un risque que des documents destinés à l’OEB à Berlin puissent être remis par erreur à l’Office allemand des brevets. Les dispositions de l’article premier de l’Accord qui concernent la remise de documents à Berlin peuvent à bon droit être considérées comme anticipant sur la situation actuelle, dans laquelle l’OEB et l’Office allemand des brevets ont tous deux des bureaux de réception à Berlin avec les risques de distribution erronée que cela comporte. Par conséquent, la Grande Chambre estime que, dans la mesure où l’article premier de l’Accord concerne Berlin, ses dispositions sont désormais également applicables à ce cas.

3. Questions (ii) et (iii)

3.1. La requérante a fait valoir au sujet de la question (ii) que puisque l’Accord, y compris les dispositions concernant le traitement de documents reçus à l’Office allemand des brevets à Berlin, a été publié au Journal officiel, elle était en droit d’attendre que ces dispositions soient applicables à un acte d’opposition remis à l’office précité. L’intimée, de son côté, a affirmé qu’on ne pouvait pas escompter légitimement que le dépôt intentionnel d’actes d’opposition à l’Office allemand des brevets à Berlin (comme il a été constaté dans les trois affaires à propos desquelles des questions ont été soumises à la Grande Chambre) soit considéré comme conforme à l’esprit de l’Accord.

3.2. La protection de la confiance légitime est un principe général du droit solidement ancré dans l’ordre juridique communautaire et universellement admis dans les Etats contractants et dans la jurisprudence des chambres de recours. Dans la présente espèce, ce principe est applicable, eu égard à la bonne foi qui doit régir les relations entre l’OEB et ses usagers. Pour l’application de ce principe à la procédure devant l’OEB, il convient de considérer que la confiance légitime des parties à la procédure ne doit pas être abusée du fait des mesures prises par l’OEB.

3.3. Bien qu’avant le 1er juillet 1989, comme il est expliqué ci-dessus, l’Accord en tant que tel ne fût pas applicable en droit aux documents destinés à l’OEB qui parvenaient et étaient reçus à l’Office allemand des brevets à Berlin, le texte de l’Accord comporte des dispositions précises qui prévoient que ces documents doivent être traités comme il est indiqué à l’article premier, paragraphes 2 et 3 dudit Accord, la seule réserve, énoncée au paragraphe 4, étant que les documents destinés à l’OEB qui seraient remis aux bureaux de dépôt de l’Office allemand des brevets par les soins d’un messager ne doivent pas être acceptés.

Etant donné la publication au Journal officiel de l’Accord comportant ces dispositions, la Grande Chambre estime que les usagers de l’OEB étaient en droit de se fier à la promesse contenue dans cet Accord, à savoir que les documents destinés à l’OEB qui parviennent à l’Office allemand des brevets et sont acceptés par ce dernier se voient apposer la date de réception correspondante et sont traités par l’OEB comme s’ils avaient directement été reçus par lui.

3.4. Par conséquent, la Grande Chambre est d’avis que toute personne qui, se fiant au texte de l’Accord, avait volontairement déposé des documents destinés à l’OEB à l’Office allemand des brevets à Berlin, était en droit d’attendre que ces documents soient traités par l’OEB comme s’ils avaient directement été reçus par lui à la date à laquelle ils avaient été reçus à l’Office allemand des brevets. Ceci est dans la logique de l’Accord tel qu’il a été publié au Journal officiel.

3.5. Etant donné ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner séparément la question (iii).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Les réponses apportées aux questions de droit soumises à la Grande Chambre sont les suivantes :

(i) Dans la mesure où l’Accord administratif du 29 juin 1981 entre le Président de l’OEB et le Président de l’Office allemand des brevets comporte des dispositions régissant le traitement de documents qui sont destinés à l’OEB mais sont reçus à l’Office allemand des brevets à Berlin, le Président de l’OEB n’avait pas lui-même le pouvoir de conclure un tel accord pour le compte de l’OEB, et ce pendant toute la période qui a précédé l’ouverture le 1er juillet 1989 d’un bureau de réception à l’agence de Berlin de l’OEB.

(ii) En application du principe de la protection de la bonne foi et de la confiance légitime des usagers de l’OEB, si à un moment quelconque entre la publication de l’Accord au Journal officiel et le 1er juillet 1989, une personne a déposé à l’Office allemand des brevets à Berlin (autrement que par les soins d’un messager) des documents destinés à l’OEB, l’OEB était tenu de traiter ces documents comme s’ils lui étaient parvenus à la date à laquelle ils ont été reçus par l’Office allemand des brevets à Berlin.