http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/recent/t930167fp1.html
Content reproduced from the Website of the European Patent Office as permitted by their terms of use.

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1996:T016793.19960503
Date de la décision : 03 Mai 1996
Numéro de l’affaire : T 0167/93
Numéro de la demande : 83200938.5
Classe de la CIB : C11D 3/39
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 32.598K)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : DE | EN | FR
Versions : OJ
Titre de la demande :
Nom du demandeur : PROCTER & GAMBLE
Nom de l’opposant : Unilever PLC
Chambre : 3.3.01
Sommaire : Au regard des principes de la CBE et de “l’autorité de la chose jugée”, une décision rendue par une chambre de recours à la suite d’un recours formé contre une décision d’une division d’examen ne s’impose pas dans une procédure d’opposition ultérieure ou lors d’une procédure de recours engagée sur cette opposition.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 111(2)
European Patent Convention 1973 Art 113(1)
European Patent Convention 1973 Art 125
Mot-clé : Autorité de la chose jugée (non) – Une décision rendue par une chambre de recours à la suite d’un recours formé contre une décision d’une division d’examen ne lie pas la division d’opposition
Nouveauté (requête principale, non)
Etat de la technique le plus proche
Activité inventive (requête subsidiaire, oui) – variante non évidente
Exergue :

Décisions citées :
G 0005/83
T 0007/86
T 0269/87
T 0298/87
T 0332/87
T 0666/89
T 0690/91
T 0843/91
T 0934/91
T 0133/92
T 0386/94
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/97
J 0003/95
T 0460/95
T 1028/96
T 0710/97
T 0387/98
T 0546/98
T 0638/01
T 0694/01
T 1099/06
T 1684/06
T 1827/06
T 0051/08
T 1872/08
T 2291/08
T 0637/09
T 1643/10
T 2529/10
T 0222/11
T 1760/11
T 2084/11
T 0576/12
T 0449/15

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre la décision de révoquer le brevet européen n 0 098 021, que la division d’opposition a prononcée suite à l’opposition, fondée sur l’article 100a) CBE, qui avait été faite à l’encontre du brevet dans son ensemble.

II. L’opposition s’appuyait sur plusieurs documents, dont les suivants :

(1) GB-A-839 715

(2) GB-A-836 988

(3) GB-A 864 798 et

(9) EP-A 0 043 173.

III. La décision se basait sur les revendications 1 à 6 du brevet tel que délivré (requête principale). La revendication 1 portait sur une :

composition détergente pour blanchissage, pour utilisation dans des machines à laver automatiques domestiques, comprenant :

a) de 1 à 30% en poids, par rapport à la composition, d’un tensioactif choisi parmi les classes anioniques, nonioniques et cationiques, et leurs mélanges compatibles ;

b) de 1 à 60% en poids d’un composé de blanchiment peroxygéné, capable de donner du peroxyde d’hydrogène dans une solution aqueuse ; et

c) de 0,5 à 40% en poids d’un activateur de blanchiment spécifique …

où le rapport en moles du peroxyde d’hydrogène donné par (b) à l’activateur de blanchiment (c) est supérieur à 1,5.

La décision se fondait également sur les revendications 1 à 6 déposées le 8 décembre 1992 à titre subsidiaire. La revendication 1 correspondait à la revendication 1 du brevet tel que délivré, à l’exception de la caractéristique a) qui était définie comme suit :

“de 1 à 30% en poids, par rapport à la composition, d’un tensioactif choisi parmi la classe nonionique et, à titre facultatif, d’un tensioactif choisi parmi les classes cationiques et anioniques, et leurs mélanges compatibles et …”.

IV. La division d’opposition a estimé que l’objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré était dépourvu de nouveauté et que l’objet des revendications selon la requête subsidiaire n’impliquait pas d’activité inventive à la lumière du document 3.

Bien que dans la décision T 298/87, qui annulait la décision de la division d’examen de rejeter la présente demande de brevet, au motif que l’objet des revendications figurant alors au dossier était dénué d’activité inventive, la chambre ait considéré que la combinaison du rapport spécifique en moles du peroxyde d’hydrogène, donné par le composé de blanchiment à l’activateur de blanchiment, et des activateurs spécifiques de blanchiment, constituait une sélection par rapport au document 3 de portée plus large, la division d’opposition a conclu que l’objet revendiqué était dépourvu de nouveauté conformément à la décision T 666/89, au motif qu’il résultait de la combinaison de caractéristiques préférées, indiquées dans la description du document 3, de sorte que l’on ne pouvait pas parler d’ “objet caché”.

La division d’opposition a également considéré que l’objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire, qui portait sur des compositions de blanchiment contenant obligatoirement un tensioactif nonionique, était dépourvu d’activité inventive. …

V. La procédure orale s’est tenue le 3 mai 1996.

VI. Se référant à la décision T 298/87, par laquelle la chambre alors saisie de l’affaire avait annulé la décision de la division d’examen de rejeter la présente demande de brevet, au motif qu’aucun des documents examinés (à savoir les documents 3 et 9), pris isolément ou combinés, ne permettait d’aboutir de manière évidente à l’objet revendiqué, notamment en ce qui concerne le “rapport en moles” supérieur à 1,5 en association avec les activateurs de blanchiment sélectionnés, le requérant a estimé que les questions examinées par la division d’opposition, et sur lesquelles elle avait fondé sa décision, étaient revêtues de l’autorité de la chose jugée. A l’appui de ses dires, il a mentionné les décisions T 934/91 et T 843/91.

Le requérant a également allégué que l’objet de la revendication 1 du brevet en litige était nouveau eu égard au document 3, vu que …

VII. L’intimé a contesté quant à lui l’autorité de la chose jugée, dont seraient revêtues les questions examinées par la division d’opposition. A son avis, une division d’opposition est en droit de ne pas être d’accord avec la décision d’une chambre de recours rendue sur recours formé contre une décision d’une division d’examen. En outre, l’autorité de la chose jugée ne peut s’appliquer qu’aux décisions intéressant les mêmes parties.

L’intimé a par ailleurs entièrement souscrit au raisonnement de la division d’opposition quant au défaut de nouveauté dans la requête principale et à l’absence d’activité inventive dans la requête subsidiaire.

IX. A l’issue de la procédure orale, la Chambre a prononcé la décision de faire droit à la requête subsidiaire du requérant.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. La première question à examiner concerne les allégations du requérant quant à l’autorité de la chose jugée. Le requérant a fait valoir que la division d’opposition était liée par les motifs et le dispositif de la décision de renvoi T 298/87, par laquelle la chambre de recours avait annulé la décision de la division d’examen de rejeter la présente demande de brevet pour absence d’activité inventive au regard du document 3. De l’avis du requérant, cela signifie aussi que les constatations de fait tirées du document 3, sur lesquelles se fonde la partie de la décision ayant acquis autorité de la chose jugée, ne peuvent être réexaminées car elles sont toutes revêtues de l’autorité.

2.1 Cette question appelle un premier examen, à savoir si ladite autorité repose sur un quelconque fondement juridique dans la Convention sur le brevet européen.

La seule référence explicite à l’autorité d’une décision d’une chambre de recours (autre que la Grande Chambre de recours) figure à l’article 111(2) CBE, lequel dispose :

“Si la chambre de recours renvoie l’affaire pour suite à donner à l’instance qui a pris la décision attaquée, cette instance est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours, pour autant que les faits de la cause soient les mêmes. Si la décision attaquée a été prise par la section de dépôt, la division d’examen est également liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours.” (C’est la Chambre qui souligne).

2.2 Il n’est point précisé qu’une division d’opposition est liée par une décision d’une chambre de recours rendue à la suite d’un recours formé à l’encontre d’une décision d’une division d’examen. Une telle autorité ne pourrait donc trouver un fondement, si tant est qu’il en existe un, qu’en vertu de l’article 125 CBE, lequel dispose :

“En l’absence d’une disposition de procédure dans la présente convention, l’Office européen des brevets prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les Etats contractants”.

Tout principe développé par voie d’interprétation de la Convention sur le brevet européen peut également être pris en considération.

2.3 Aux fins de mettre en évidence les principes de procédure généralement admis dans les Etats contractants, il convient tout d’abord de se référer aux adages du droit romain. En effet, ceux-ci ont fait leurs preuves, en pratique, au fil des siècles, ils ont fondamentalement marqué les législations de tous les Etats contractants, et ils y survivent, éventuellement sous une forme quelque peu modifiée.

Dans la présente affaire, où le requérant s’est référé au principe de l’autorité de la chose jugée au soutien de ses arguments, les adages pertinents sont les suivants :

(1) Res inter alios judicata alii non praejudicat (Le Digeste, 2, 7, § 2 in Corpus iuris civilis, editio stereotypa, livre 1, Berlin 1908)

La chose jugée entre les uns ne nuit pas aux autres.

(2) Res judicata pro veritate accipitur (Le Digeste 1, 5, 25, op. cit.)

La chose jugée est tenue pour vérité.

(3) Res judicatas restaurari exemplo grave est. (Code justinien 7, 52, 4 in Corpus iuris civilis, editio stereotypa, livre 2, Berlin 1877)

Il n’est pas souhaitable de réouvrir des choses jugées, car cela serait un mauvais exemple.

(4) Expedit rei publicae, ut finis sit litium (Code justinien 7, 52, 2 (Caracalla); 2, 4, 10 (Philippe); 3, 1, 16 (Justinien) in Corpus iuris civilis, editio stereotypa, livre 1, Berlin 1908).

Il est de l’intérêt du public de mettre un terme au litige.

Le principe de l’autorité de la chose jugée est donc un compromis entre, d’une part, le droit de toutes les parties d’être entendues équitablement (adage 1) et, d’autre part, le désir de mettre rapidement un terme au litige (adages 2, 3 et 4).

2.4 Cela est également admis dans les législations nationales de certains Etats contractants, comme exposé ci-après.

2.4.1 Aux fins du droit anglais, il est utile de citer les définitions suivantes tirées de Halsbury’s Laws of England, quatrième édition, 1992, volume 16 :

“There is said to be an estoppel where a party is not allowed to say that a certain statement of fact is untrue, whether in reality it is true or not. Estoppel may therefore be defined as a disability whereby a party is precluded from alleging or proving in legal proceedings that a fact is otherwise than it has been made to appear by the matter giving rise to that disability.” (§ 951)

“Estoppel per rem judicatam arises:

(1) where an issue of fact has been judicially determined in a final manner between the parties by a tribunal having jurisdiction, concurrent or exclusive in the matter, and the same issue comes directly in question in subsequent proceedings between the same parties (this is sometimes known as cause of action estoppel);

(2) where the first determination was by a court having exclusive jurisdiction, and the same issue comes incidentally in question in subsequent proceedings between the same parties (this is sometimes known as issue estoppel)” (§ 953)

“On dit qu’il y a “estoppel”, lorsqu’une partie n’est pas autorisée à affirmer qu’une certaine constatation de fait est inexacte, que ce soit vrai ou non. L’ “estoppel” peut donc être défini comme une incapacité, à savoir qu’une partie n’est pas en droit d’alléguer ou de prouver lors d’une procédure judiciaire qu’un fait n’est pas tel qu’il a été constaté (§ 951).

Il y a “estoppel per rem judicatam” :

(1) lorsqu’un point de fait a été judiciairement tranché de manière définitive entre les parties par une juridiction ayant compétence exclusive ou non en la matière, et que le même point est remis directement en question dans une procédure ultérieure entre les mêmes parties (ce qui est parfois appelé “cause of action estoppel”) ;

(2) lorsque la première décision a été rendue par une juridiction ayant compétence exclusive, et que le même point est incidemment remis en question dans une procédure ultérieure entre les mêmes parties (ce qui est parfois appelé “issue estoppel”) (§ 953).

2.4.2 En droit français, l’article 1351 du code civil dispose que :

“L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.”

2.4.3 En droit allemand, l’article 325 du code de procédure civile (Zivilprozeßordnung) sur la force de la chose jugée et la succession (Rechtskraft et Rechtsnachfolge) dispose que:

“Das rechtskräftige Urteil wirkt für und gegen die Parteien und die Personen, die nach dem Eintritt der Rechtshängigkeit Rechtsnachfolger der Parteien geworden sind oder den Besitz der in Streit begangenen Sache in solcher Weise erlangt haben, daß eine der Parteien oder ihr Rechtsnachfolger mittelbarer Besitzer geworden ist.”

Un jugement passé en force de chose jugée produit ses effets à l’égard et contre les parties et les personnes qui, après l’introduction de l’instance, sont devenues les ayants cause des parties ou ont acquis la possession de la chose en litige, de telle façon que l’une des parties ou son ayant cause est devenu le possesseur indirect.

2.5 De l’avis de la Chambre, il n’est pas nécessaire d’examiner plus avant les législations des Etats contractants pour constater, sur la base de ce qui précède, que tout principe généralement admis de l’autorité de la chose jugée revêt, dans les Etats contractants, une portée extrêmement limitée, puisqu’il implique une chose qui a été :

a) judiciairement tranchée,

b) de manière définitive,

c) par une juridiction compétente,

d) dans une affaire où les questions de fait sont les mêmes,

e) les parties (ou leurs ayants cause) sont les mêmes et

f) les parties agissent en la même qualité.

2.6 Dans les affaires T 843/91 (JO OEB 1994, 832) et T 934/91 (JO OEB 1994, 184) que le requérant a citées à l’appui de ses prétentions, les critères a) à f) étaient tous remplis, vu que dans les deux cas, un deuxième recours avait été formé dans la même procédure d’opposition. En revanche, dans la présente espèce, un critère au moins n’est pas rempli, à savoir le critère e), étant donné que l’intimé n’avait pas été partie à la procédure concernant la demande, au cours de laquelle la décision T 298/87 a été prononcée.

2.7 Comme indiqué ci-dessus, le principe de l’autorité de la chose jugée se fonde sur l’intérêt public à ce qu’un terme soit mis au litige. Mais la Convention sur le brevet européen prévoit expressément la faculté d’examiner la délivrance d’un brevet, tout d’abord au stade de l’examen (articles 96 et 97 CBE), puis de l’opposition (articles 99 à 102 CBE). En outre, l’article 113(1) CBE dispose que “les décisions de l’Office européen des brevets ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position”. De l’avis de la Chambre, ces dispositions claires de la Convention excluent toute notion d’intérêt implicite du public, susceptible de faire obstacle à un deuxième examen dans une procédure judiciaire (“estoppel per rem judicatam”). De plus, le seul fait de vérifier, lors de la procédure d’opposition, si certaines argumentations sont exclues en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée, compliquerait inutilement la procédure. Etant donné qu’une partie à la procédure d’opposition est libre de faire siens, dans son argumentation, les motifs énoncés par une chambre de recours dans une décision rendue au cours d’une procédure ex parte, la Chambre estime que l’intérêt d’une procédure rapide est servi au mieux lorsque l’instance compétente statue sur l’ensemble des questions soulevées dans la procédure d’opposition, en se fondant sur sa propre perception des faits et indépendamment de toute considération d’autorité de la chose jugée, dont seraient revêtues les décisions rendues au cours de la procédure d’examen.

2.8 Il convient de noter que jusqu’au début de 1996, il était généralement admis que les chambres de recours appelées à statuer dans une procédure inter partes ne sont pas liées par les décisions rendues dans les procédures ex parte (cf. par exemple l’avis catégorique à ce sujet dans le commentaire réalisé sur la base de la jurisprudence allemande et européenne par Schulte dans “Patentgesetz mit EPÜ”, 5e édition (Carl Heymanns Verlag KG 1994), dernière phrase page 710). Conformément aux critères susmentionnés de l’autorité de la chose jugée, ce principe aurait pu être justifié en se fondant non seulement sur le critère e), mais également sur le critère c). En effet, comme une division d’examen n’a pas compétence pour statuer dans une procédure inter partes, sa décision ne peut pas lier la division d’opposition.

2.9 Toutefois, dans la décision T 386/94 du 11 janvier 1996 (JO OEB 1996, 658), la chambre 3.3.4 a déclaré qu’un document ne pouvait pas être pris en considération lors de l’appréciation de la nouveauté au titre de l’article 54(3) et (4) CBE (en l’espèce, il s’agissait d’une demande déposée au nom d’un opposant, ce dernier prétendant avoir droit à la priorité de celle-ci, ce qui détruisait selon lui la nouveauté du brevet opposé), car, au cours de deux procédures de recours antérieures relatives à la demande de l’opposant, la chambre 3.3.2 avait tout d’abord décidé (dans l’affaire T 269/87 du 24 janvier 1989, non publiée au JO OEB) que la demande ne pouvait revendiquer une telle priorité, puis la chambre 3.3.4 avait estimé dans l’affaire T 690/91 du 10 janvier 1996 (non publiée au JO OEB) que les énonciations de la décision T 269/87 eu égard à la priorité étaient revêtues de l’autorité de la chose jugée et n’étaient pas susceptibles d’être réexaminées.

2.9.1 Il est à noter que le brevet examiné dans l’affaire T 386/94 avait en fait été révoqué pour défaut d’activité inventive par rapport à l’état de la technique. Aussi, la partie de cette décision (points 19, 21 et 22 des motifs), selon laquelle l’opposant ne pouvait se fonder sur sa propre demande, compte tenu des décisions antérieures, pour détruire la nouveauté du brevet opposé, n’était-elle pas nécessaire au soutien du dispositif.

2.9.2 La décision T 386/94 est muette sur les raisons pour lesquelles lesdites énonciations sont revêtues de l’autorité de la chose jugée dans la procédure d’opposition, ainsi que sur la question de savoir si le fait que le demandeur ait changé de qualité et soit devenu l’opposant n’exigerait pas un réexamen de l’argument quant à son bien-fondé. D’autres opposants auraient pu invoquer le même argument, si bien que l’on ne sait pas clairement pour quelle raison le bien-fondé de l’allégation ne devrait pas être examiné dans l’intérêt du public. De plus, s’il est vrai que dans l’affaire T 386/94, l’opposant avait été entendu sur les faits de la cause dans plusieurs procédures, la présente Chambre considère que cela n’est pas suffisant pour invoquer le principe de l’autorité de la chose jugée, afin d’empêcher l’opposant de soulever une question déterminée, pour laquelle il n’a pas obtenu gain de cause, en sa qualité de demandeur, dans différentes procédures.

2.10 Aussi la présente Chambre estime-t-elle que l’autorité de la chose jugée ne trouve aucun fondement dans la présente espèce, que ce soit aux termes des articles 111 ou 125 CBE, ou en vertu d’une interprétation de la Convention sur le brevet européen.

2.11 Conformément à la décision G 6/83 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 1985, 67, point 5), il est justifié, dans la présente situation, de prendre en considération les travaux préparatoires et les circonstances de la conclusion de la Convention, pour confirmer une interprétation que la Chambre considère exacte.

2.11.1 L’avant-dernière version de ce qui constitue l’actuel article 111(2) CBE s’énonce comme suit :

“Toute décision ultérieure concernant la même demande de brevet ou le même brevet, si les faits de la cause sont les mêmes, doit se fonder sur la même appréciation juridique que celle sur laquelle est fondée la décision de la chambre de recours” (cf. document BR/184 f/72 des Travaux préparatoires à la Convention sur le brevet européen).

2.11.2 La raison pour laquelle cette version a été remplacée par le texte actuel de l’article est exposée dans le document BR/209 f/72 zat/QU/K des Travaux préparatoires à la Convention sur le brevet européen. Il en ressort en effet que ce changement résulte d’une proposition conjointe des délégations allemande, britannique, française et néerlandaise, visant à éviter que les divisions d’opposition, les juridictions nationales ou les divisions d’annulation prévues par la deuxième convention ne soient liées par les décisions des chambres de recours. Le Comité avait pour l’essentiel donné son accord à cette suggestion, tout en approuvant une modification tendant à préciser que l’instance à laquelle l’affaire est renvoyée est liée par les motifs et le dispositif de la décision, pour autant que les faits de la cause soient les mêmes.

2.11.3 La Chambre en conclut donc qu’au regard des principes de la Convention sur le brevet européen et de l’autorité de la chose jugée, une décision rendue par une chambre de recours à la suite d’un recours formé contre une décision d’une division d’examen ne s’impose pas dans une procédure d’opposition ultérieure ou lors d’une procédure de recours engagée sur cette opposition.

2.12 La question des éventuelles circonstances dans lesquelles le principe de l’autorité de la chose jugée est susceptible d’être invoqué, pour que l’autorité d’une décision d’une chambre de recours aille au-delà de ce qui est expressément prévu à l’article 111(2) CBE, est de celles que la Grande Chambre de recours peut être appelée à trancher. S’agissant toutefois de la décision T 298/87, que le requérant avait citée à l’appui de son argumentation quant à l’autorité de la chose jugée, et qui avait été rendue à la suite d’un recours formé contre une décision d’une division d’examen, si la chambre concernée avait bien admis l’existence d’une activité inventive pour la revendication 1 qui lui était soumise, elle a également estimé que la caractéristique a) de cette revendication 1, qui avait été introduite au cours de la procédure d’examen, afin de lever l’objection d’absence de nouveauté, et que la division d’examen avait approuvée sans le moindre commentaire, ne semblait pas, à y regarder de plus près, satisfaire aux exigences de forme énoncées à l’article 123(2) CBE. Comme la chambre n’avait pas été en mesure de déterminer si la caractéristique a) avait été explicitement divulguée dans les pièces initiales, elle a estimé nécessaire de renvoyer l’affaire à la division d’examen, aux fins d’examiner de façon approfondie les revendications modifiées, notamment au regard de l’article 123 CBE, étant donné que la décision de la division d’examen, contre laquelle un recours avait été introduit, était entièrement muette sur ce point. La division d’examen à laquelle l’affaire a été renvoyée a ensuite jugé ces revendications irrecevables au regard de l’article 123(2) CBE, mais a délivré le brevet sur la base d’un jeu de revendications différent. Les revendications examinées par la chambre de recours dans l’affaire T 298/87 différaient donc considérablement de celles qui ont été soumises à la division d’opposition et sur lesquelles la présente chambre doit maintenant statuer. En conséquence, quelle que soit l’interprétation du droit qui est faite, on ne saurait conclure à l’existence d’un “estoppel”, et il y a lieu d’effectuer un examen indépendant de la nouveauté et de l’activité inventive. Dans ces circonstances, la présente Chambre ne juge pas nécessaire de soumettre en l’espèce la question de l’autorité de la chose jugée à la Grande Chambre de recours.

2.13 La Chambre estime donc qu’il convient de statuer à nouveau sur les arguments que l’intimé a présentés au sujet de toutes les questions, en se fondant sur les faits tels que déterminés.

3. Requête principale

3.1 La première question de fond à trancher est de savoir si l’objet des revendications du brevet tel que délivré, qui est en litige, est nouveau au regard des objections formulées à l’encontre de la nouveauté aux points IV et VII supra.

4. Requête subsidiaire

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision contestée est annulée.

2. L’affaire est renvoyée à la première instance, à charge pour elle de maintenir le brevet sur la base du jeu de revendications déposé à titre subsidiaire au cours de la procédure orale du 3 mai 1996, et d’adapter en conséquence la description.