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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T097793.19990330
Date de la décision : 30 Mars 1999
Numéro de l’affaire : T 0977/93
Numéro de la demande : 84902632.3
Classe de la CIB : A61K 39/12
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande : VACCIN CONTRE LE CORONAVIRUS CANIN
Nom du demandeur : American Home Products Corporation
Nom de l’opposant : Rhoôe Mérieux
Chambre : 3.3.04
Sommaire : Un produit rendu accessible au public n’est pas reproductible au sens où l’entend l’avis G 1/92 (point 2.1) et ne fait donc pas partie de l’état de la technique si l’homme du métier n’est pas en mesure d’établir que le produit une fois reproduit est identique au produit disponible dans le commerce, parce que les caractéristiques intrinsèques et extrinsèques du produit existant dans le commerce ne peuvent être déterminées et risquent fort de se modifier lors de la reproduction (cf. exposé des motifs, points 11.1, 11.2, 11.3 et 12).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Accessibilité des caractéristiques intrinsèques et extrinsèques d’un vaccin (non)
Activité inventive (oui)
Exergue :

Décisions citées :
G 0002/88
G 0001/92
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1076/00

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n 0 145 783 (demande n 84 902 632.3), portant sur un vaccin inactivé contre le coronavirus canin, a été délivré sur la base de 28 revendications.

II. Deux opposants (opposant I et opposant II) ont fait opposition à ce brevet et demandé qu’il soit révoqué dans son intégralité pour absence de nouveauté et d’activité inventive (articles 54, 56 et 100 a) CBE). L’opposant II, notamment, a fait valoir que deux vaccins (le Duramune C® et le Coronavac®) couverts par la revendication 1 du brevet contesté étaient accessibles au public avant la date de priorité la plus ancienne revendiquée pour ce brevet, soit parce qu’ils avaient été mis en vente, soit parce qu’ils avaient fait l’objet d’une offre de vente.

III. La division d’opposition a révoqué le brevet. Dans sa décision, elle s’est fondée sur les revendications du brevet tel que délivré. La revendication 1 du brevet délivré pour l’ensemble des Etats contractants hormis AT était libellée comme suit :

“1. Composition de vaccin comprenant le produit antigénique avirulent produit :

a) en atténuant le coronavirus canin vivant par passage dans des cellules d’origine féline, de façon que, lorsqu’il est administré à un chien par injection, le virus vivant atténué infecte sélectivement l’épithélium intestinal, ou bien

b) en inactivant le coronavirus canin propagé dans des cellules félines ou canines, le produit antigénique avirulent étant présent en une quantité efficace pour protéger un chien contre l’infection par le coronavirus canin virulent ; et un excipient non toxique pharmaceutiquement acceptable.”

Les revendications dépendantes 2 à 10 avaient trait à des modes de réalisation spécifiques du vaccin selon la revendication 1. Les revendications 11 à 28 avaient trait à des procédés pour la préparation de vaccins contre le coronavirus canin (revendications 11 à 16), pour la propagation du coronavirus canin (revendications 17 à 24), et pour l’évaluation de l’efficacité du vaccin (revendications 25 à 28). Les revendications 1 à 28 pour AT étaient rédigées sous forme de revendications portant sur des procédés ou des méthodes correspondant à ceux revendiqués pour les autres Etats contractants.

IV. La division d’opposition a considéré que le Coronavac® était couvert par la définition donnée dans la revendication 1, et qu’il avait été rendu accessible au public du fait que son acquéreur, M. Fazzi, pouvait en déterminer les caractéristiques intrinsèques et extrinsèques et le reproduire. Le vaccin Coronavac® ayant été offert à la vente, l’objet de la revendication 1 du brevet était dépourvu de nouveauté.

V. Ayant statué négativement au sujet de la nouveauté, la division d’opposition n’a pas jugé utile d’examiner le bien-fondé de l’autre motif d’opposition, relatif à l’absence d’activité inventive (article 56 CBE).

VI. Le requérant (titulaire du brevet) a formé recours contre cette décision, a acquitté la taxe prescrite et déposé un mémoire exposant les motifs de son recours. L’ intimé (opposant) a répondu à ce mémoire en présentant toute une série de contre-arguments.

VII. Par lettre en date du 10 mars 1998, l’opposant I a fait savoir qu’il retirait son opposition.

VIII. Le 3 novembre 1998, le requérant a déposé une nouvelle requête principale, ainsi qu’une requête subsidiaire 1 et une requête subsidiaire 2.

IX. Au cours de la procédure orale tenue le 30 mars 1999, le requérant a déposé une requête principale unique, remplaçant toutes ses requêtes précédentes.

La revendication 1 selon la requête principale, valable pour l’ensemble des Etats contractants hormis AT, est libellée comme suit (les passages ajoutés par rapport à la revendication 1 du brevet tel que délivré sont indiqués en caractères gras) :

“1. Composition de vaccin comprenant le produit antigénique avirulent produit : a) en atténuant le coronavirus canin vivant par au moins huit passages dans des cellules d’origine féline, avec un rapport entre les particules de virus et les cellules peu élevé, compris entre environ 1 :1000 et 1 :10000, les particules de virus étant mesurées par le procédé TCID50 de façon que, lorsqu’il est administré à un chien par injection, le virus vivant atténué infecte sélectivement l’épithélium intestinal, ou bien

b) en inactivant le coronavirus canin propagé dans des cellules félines ou canines, le produit antigénique avirulent étant présent en une quantité efficace pour protéger un chien par administration par voie parentérale contre l’infection par le coronavirus canin virulent ;

et un excipient non toxique pharmaceutiquement acceptable.”

Abstraction faite de l’introduction dans la revendication 11 d’une référence à la revendication 1 et de l’adjectif “inactivé” à la suite de “coronavirus canin”, ainsi que d’une référence à la revendication 1a) dans la revendication 17, les revendications 2 à 28 étaient identiques aux revendications 2 à 28 du brevet tel que délivré.

X. Les documents cités dans la présente décision sont les suivants :

(3) US-A-3, 704,203

(7) Horzinek M.C. et al., Infection and Immunity, vol. 37, n° 3, pages 1148 à 1155 (1982)

(8) Woods R.D., Veterinary Microbiology, vol. 7, pages 427 à 435 (1982)

(10) Appel M. et al., Canine Practice-Medicine, vol. 7, pages 25 à 29 et 32 à 35 (1980)

(15) Pollock R. et al., Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, vol. 13, n 3, pages 551 à 556 (août 1983)

(21) Vaccines Inc., Outline of production, Canine corona virus vaccine, Modified live virus, Cell line origin US. Veterinary licence n° 227 (22 juillet 1981)

(25) Déclaration du Dr. R. Wichmann devant la Cour fédérale de Californie, en date du 24 avril 1991

(26) Déclaration du Dr. C.J. York devant la Cour fédérale de Californie, en date du 19 avril 1991

(27) Déposition du Dr. C.J. York devant la Cour fédérale de Californie, en date du 6 février 1991

(46) Schultz R.H. et al., Can. Vet. J., vol. 31, pages 617 à 620 (1990)

(47) Déclaration du Dr. Acree devant l’USPTO, en date du 20 septembre 1984

(49) Lettre du Prof. L. Carmichael au Dr. G. Chappuis, en date du 27 mai 1994

(62) Compte rendu du séminaire du 7 avril 1983 sur les maladies virales du chien (“Canine Virus Disease Seminar”), organisé par les Fort Dodge Laboratories

(63) Horst Glathe, Virusimpfstoffe, Akademie Verlag GmbH, Berlin, pages 32, 41 et 65 (1991)

(64) Déclaration du Prof. L. Carmichael en date du 28 octobre 1998

(66)Encyclopaedia of Virology, vol. 1, Academic Press, pages 255 à 260 (1994)

XI. Les arguments que le requérant a présentés par écrit et lors de la procédure orale afin d’appuyer sa requête étaient les suivants :

Nouveauté

– Le vaccin Duramune C® étant couvert par des accords de confidentialité entre le titulaire du brevet et la société Vaccine Inc., il ne pouvait avoir été accessible au public.

– Le vaccin contre le coronavirus cavin (CVC) tel que revendiqué comportait les trois caractéristiques suivantes :

(1) il comprenait le CVC, atténué par au moins huit passages dans des cellules d’origine féline, avec un rapport entre les particules de virus et les cellules peu élevé, compris entre environ 1 :1000 et 1 :10000, les particules de virus étant mesurées par le procédé TCID50 ;

(2) injecté par voie parentérale, le virus atténué infectait sélectivement l’épithélium intestinal ;

(3) le vaccin protégeait les chiens de l’infection par le CVC.

– Il n’avait pas été prouvé par l’intimé que la composition Coronavac® était couverte par la revendication 1 du brevet en litige. Il n’avait pas été démontré non plus que le Coronavac® présentait les caractéristiques 1), 2, et 3) mentionnées ci-dessus.

– Il n’avait pas été prouvé qu’il y avait eu antérieurement utilisation d’un vaccin à base de CVC atténué préparé selon la revendication 1 du brevet en litige.

– Même à supposer que l’homme du métier ait effectivement eu entre les mains le Coronavac® et le Duramune C® avant la date de priorité revendiquée pour le brevet en litige, cela ne signifiait pas pour autant que les caractéristiques intrinsèques et extrinsèques de ces deux produits lui étaient accessibles. Il n’aurait pas pu parvenir par déduction aux trois caractéristiques (1), (2) et (3) mentionnées ci-dessus. Pour que l’on puisse considérer que ces caractéristiques étaient accessibles au public, il aurait fallu que l’homme du métier puisse analyser le produit et le reproduire sans difficulté excessive (cf. avis G 1/92, JO OEB 1993, 277). Or il n’était pas possible de déterminer de quelle manière le virus avait été atténué ni à combien de passages il avait été soumis (caractéristique (1)). Les caractéristiques (2) et (3) n’étaient pas connues elles non plus de l’homme du métier, parce que l’on savait mal comment le système immunitaire réagissait au CVC, et parce qu’il n’existait pas de modèle expérimental permettant d’évaluer l’efficacité du vaccin à l’aide d’une infection provoquée. En outre, il n’était pas possible de reproduire le virus parce qu’il n’existait pas de “master seed virus” (“working stock”). Il était impossible de reproduire un vaccin à base de CVC atténué en propageant à nouveau le Coronavac®, car pour éviter des mutations indésirables, l’on était obligé de limiter le nombre de passages (documents (63) et (66)).

Activité inventive

– L’état de la technique le plus proche était constitué par le document (10), dans lequel il était indiqué qu’il n’existait pas de vaccin contre le CVC, et que l’inoculation par voie parentérale du CVC atténué ne conférait qu’une protection limitée. Cette indication a été confirmée par le document (15), publié ultérieurement. Le problème résolu par le brevet en litige consistait à fournir les moyens de parvenir à un vaccin contre le CVC.

– Dans le document (62), il était simplement indiqué qu’un vaccin à base de CVC administré par voie parentérale conférait une protection à 95% de l’intestin. Il n’était cependant pas précisé si le virus contenu dans le vaccin en question était un virus vivant atténué ou un virus inactivé. Par ailleurs, la caractéristique “infecte sélectivement l’épithélium intestinal” n’était pas suggérée par l’expression “protection de l’intestin”.

– Ni les vaccins Duramune C® et Coronavac® accessibles au public avant la date de priorité du brevet en litige, ni les documents (62) et (10), considérés séparément ou en combinaison, ne pouvaient suggérer un moyen d’obtenir le vaccin revendiqué.

– Le virus atténué de la gastro-entérite transmissible(VGET) selon le document (3) n’était analogue à aucune des variantes du coronavirus du chien, et ne faisait que susciter une réaction sérologique similaire à celle observée en cas d’infection par le CVC ; il ne protégeait pas les chiens contre le CVC (document 10, page 28, col. de d.). Les documents (3), (7) et (8) ne divulguaient pas les caractéristiques mentionnées dans la revendication 1.

– Dans la communauté scientifique, on ne s’attendait pas à ce qu’un vaccin à base de CVC inactivé puisse conférer une protection, surtout si ce vaccin était administré par voie parentérale, car l’on était convaincu que seul un vaccin atténué à base de CVC vivant administré oralement aurait pu susciter une réponse suffisante du système immunitaire.

– L’influence de la procédure d’inactivation sur les déterminants antigéniques nécessaires pour conférer une protection était impossible à prévoir.

XII. L’argumentation développée par l’intimé, aussi bien par écrit qu’au cours de la procédure orale, a été essentiellement la suivante :

Nouveauté

– Deux vaccins (Duramune C® et Coronavac®), couverts par la revendication 1 du brevet en litige, avaient été rendus accessibles au public avant la date de priorité la plus ancienne revendiquée pour ce brevet, du fait qu’ils avaient fait l’objet d’une offre de vente, ou avaient été effectivement mis en vente. Le Coronavac® avait été préparé à partir d’une souche de CVC (K-378)-51 atténuée par des passages à travers des cellules félines (cf. documents (25), (26), (27) et (49)). Le Duramune C® avait été préparé à partir de la souche de CVC TN-449 atténuée par 12 passages à travers des cellules félines (cf. document (21)).

– L’utilisation antérieure qui avait été faite de ces vaccins avait permis de les analyser et de les reproduire comme la Grande Chambre de recours l’avait exigé dans son avis G 1/92 (cf. supra). Le concept d’utilisation antérieure d’un produit englobe toutes les informations écrites et orales qui accompagnent de toute évidence cette utilisation. L’homme du métier savait que les vaccins en question avaient été préparés à partir de CVC atténué, et qu’ils devaient être injectés par voie parentérale. Pour que ces instructions puissent être suivies, il fallait nécessairement que toutes les caractéristiques extrinsèques et intrinsèques soient présentes (“doctrine du “contenu intrinsèque”). En outre, comme le Coronavac® et le Duramune C® conféraient une protection, et que cette protection était liée à l’infection de l’épithélium intestinal, ils devaient l’un et l’autre comporter implicitement les caractéristiques (2) et (3), lesquelles sont également inhérentes à n’importe quelle souche de CVC (cf. document (47), points 6 et 9).

– La caractéristique (2) avait également été divulguée par le Dr. Acree lors du “Séminaire sur les maladies virales des chiens”, tenu le 7 avril 1983 (cf. document (62)), avant donc la date de priorité la plus ancienne revendiquée pour le brevet en litige.

– L’absence de nouveauté venait en fait de ce qu’il y avait eu utilisation antérieure, et non pas de ce que le produit avait été analysé.

– Pour ce qui est de la reproductibilité, il était de pratique courante aux Etats-Unis que de petites entreprises préparent des vaccins à partir de flacons de vaccin disponibles dans le commerce. Il était donc parfaitement possible de reproduire le vaccin revendiqué à partir par exemple du contenu d’un seul flacon de Coronavac®, utilisé comme “master seed stock” et soumis à un nombre limité de passages dans ces cellules canines.

Activité inventive

– L’état de la technique la plus proche était constitué par le document (62), ainsi que par les produits Coronavac® et Duramune C®, disponibles sur le marché. D’une part, les pages 9 et 10 du document (62) enseignaient au public que l’injection par voie parentérale de CVC vivant atténué conférait une protection au tractus intestinal. D’autre part, il existait déjà sur le marché deux vaccins à base de virus CVC atténué, devant être administrés par voie parentérale. Il était donc évident qu’en atténuant le CVC et en contrôlant s’il infectait le tractus intestinal comme indiqué dans le document (62), l’on avait de grandes chances de parvenir au vaccin revendiqué.

– Le document (3) divulguait la préparation d’un vaccin à base de VGET vivant atténué conférant une protection lorsqu’il était administré par voie parentérale. Le VGET et le CVC étant immunologiquement très proches (cf. documents (7) et (8)), l’on avait de grandes chances de parvenir au vaccin revendiqué en atténuant le virus CVC.

– Quant au vaccin comprenant le virus CVC inactivé, il ressortait du document (3) qu’un vaccin à base de VGET inactivé administré par voie parentérale conférait lui aussi une protection. Il était donc clair que les déterminants antigéniques n’étaient pas détruits par l’inactivation, mais qu’ils étaient préservés.

XIII. Le requérant (titulaire du brevet) a demandé l’annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale présentée lors de la procédure orale.

L’intimé (opposant II) a demandé que le recours soit rejeté.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Articles 123(2) et (3) CBE

2. Le passage suivant de la revendication 1 “par au moins huit passages dans des cellules d’origine féline, avec un rapport entre les particules de virus et les cellules peu élevé, compris entre environ 1 :1000 et 1 :10000, les particules de virus étant mesurées par le procédé TCID50”, se fonde sur le passage figurant à la page 7, lignes 10 à 15 de la demande telle que déposée. L’expression “par administration par voie parentérale”, figurant dans la revendication 1, se fonde sur le passage figurant à la page 5, ligne 19 de la demande telle que déposée. Ces caractéristiques qui ont été ajoutées ont un caractère restrictif. Les modifications apportées aux revendications 11 et 17 (voir point IX supra) visent simplement à préciser que le coronavirus canin doit être inactivé (cf. revendication 1b)), et que la méthode revendiquée a trait à un vaccin selon la revendication 1a. Il est satisfait par conséquent aux conditions requises à l’article 123(2) et (3) CBE.

Utilisation antérieure

3. Aux termes de l’avis G 1/92, point 1.4 (cf. supra), “tout enseignement technique a essentiellement pour objet de permettre à l’homme du métier de fabriquer ou d’utiliser un produit donné en appliquant cet enseignement. Lorsque celui-ci découle d’un produit mis sur le marché, l’homme du métier doit compter sur ses connaissances techniques générales pour réunir toutes les informations lui permettant de préparer ledit produit. Si l’homme du métier parvient à découvrir la composition ou la structure interne du produit et à la reproduire, alors le produit et sa composition ou sa structure interne sont compris dans l’état de la technique”. L’idée générale qui se dégage de cet avis est qu’il doit être considéré que les propriétés d’un produit n’ont pas été rendues accessibles au public au sens de l’article 54(2) CBE si l’homme du métier n’avait aucun moyen de déterminer la composition ou la structure interne du produit et n’était pas capable de la reproduire, bien que le produit ait été accessible au public avant la date de priorité du brevet.

4. L’intimé a produit un grand nombre de documents pour étayer sa thèse selon laquelle, puisque le Duramune C® et le Coronavac® étaient accessibles au public, il y avait eu divulgation de l’invention par usage antérieur. La Chambre va d’abord examiner la question de savoir s’il était possible d’analyser et de reproduire l’invention, ainsi qu’il était exigé dans l’avis G 1/92 cité supra pour qu’il y ait utilisation antérieure, comme le prétendait l’intimé. S’il s’avère que ce n’était pas le cas, il n’est plus utile d’examiner si le Duramune C® et le Coronavac® étaient effectivement à la disposition d’une personne du public avant la date de priorité du brevet en litige et s’ils étaient couverts par la revendication 1.

5. Il conviendrait d’examiner si l’homme du métier qui aurait eu entre les mains le Coronavac® ou le Duramune C® aurait pu ou non en déduire l’une ou l’autre des trois caractéristiques (1), (2) et (3) énoncées dans la revendication 1 en litige (cf. point IX supra), à savoir : (1) que le vaccin contenait le virus CVC atténué par au moins huit passages dans des cellules d’origine féline, avec un rapport entre les particules de virus et les cellules peu élevé, compris entre environ 1 :1000 et 1 :10000, les particules de virus étant mesurées par le procédé TCID50 (revendication 1a))

(2) que le virus atténué, administré à un chien par injection, infectait sélectivement l’épithélium intestinal (revendication 1a)), et que

(3) lorsqu’il était administré par voie parentérale, le produit antigénique avirulent protégeait les chiens contre l’infection par le CVC virulent (revendication 1a) et 1b)).

6. Pour ce qui est de la caractéristique (1), l’homme du métier sait de manière générale que pour atténuer un virus, on le fait passer dans de la matière vivante (p.ex. des cellules animales) de manière à provoquer des changements génétiques spécifiques (mutations, délétions, etc.) qui réduisent la virulence du virus tout en maintenant son immunogénicité. A chaque nouveau passage du virus dans la cellule hôte se produisent de nouvelles modifications génétiques qui influent sur son immunogénicité et/ou son infectivité. Ces modifications dépendent de la cellule hôte dans laquelle l’atténuation est effectuée et des conditions appliquées (notamment, nombre de passages et ratio particules de virus/cellules). Par ailleurs, au point 6 du document (64), il était déclaré qu’il était impossible pour l’homme du métier qui aurait eu du Coronavac® ou du Duramune C® entre les mains avant la date de priorité du brevet en litige de déterminer dans quelles conditions et à l’intérieur de quelle cellule hôte le virus était atténué, et pour la Chambre, cette déclaration est convaincante. L’un des obstacles majeurs à cet égard tenait manifestement au fait qu’il était impossible d’établir un lien entre les modifications génétiques et le nombre de passages, la nature de la cellule hôte ou le rapport existant entre les particules de virus et les cellules.

7. Quant à la caractéristique (2), à savoir l’infection sélective de l’épithélium intestinal du chien par administration parentérale du vaccin atténué qui était revendiqué, la Chambre estime comme l’intimé qu’il s’agit là d’une caractéristique inhérente à l’interaction du vaccin à base de CVC vivant atténué avec le chien (doctrine du “contenu intrinsèque”), mais cela ne signifie pas pour autant que la Chambre n’a pas à examiner s’il s’agissait d’une caractéristique existant à l’état “latent” ou d’une caractéristique qui était déjà accessible à l’homme du métier avant la date de priorité revendiquée pour le brevet en litige. Ceci correspond à l’idée générale qui se dégage de la décision G 2/88, JO OEB 1990, 93, point 10.1, dans laquelle il est déclaré : “en vertu de l’article 54(2) CBE, la question est de savoir ce qui a été “rendu accessible” au public, et non pas ce qui pouvait être “contenu intrinsèquement” dans ce qui a été rendu accessible (par une description écrite antérieure, ou dans l’utilisation antérieure, par exemple)”.

8. La Chambre note que pour que la caractéristique (2) ait été accessible à l’homme du métier, il aurait fallu que ce dernier sache précisément par quel mécanisme le Coronavac® ou le Duramune® protégeait les chiens. Or, avant la date de priorité du brevet en litige, le mécanisme de l’immunité au coronavirus canin n’était pas connu, ainsi qu’en témoigne le document (15), plus récent puisque publié en août 1983, cité comme représentant un avis d’expert (cf. page 558, dernier paragraphe : “Still less is known about immunity to canine coronavirus” “On en sait encore moins sur l’immunité au coronavirus”). Ce que l’on savait en revanche avant la date de priorité, c’était que le CVC virulent infectait l’intestin des chiens par voie orale (cf. document (10), page 26, sous le titre “Route of infection”), mais qu’en revanche l’administration de ce même virus par voie parentérale ne provoquait pas d’infection intestinale (ibid. page 28, col. de g.). Pour l’homme du métier, cela ne signifiait pas qu’un coronavirus atténué devait se comporter de la même façon. Il n’était en particulier pas certain que cette caractéristique reste active dans le cas où le virus atténué est administré par voie parentérale. La Chambre estime par conséquent qu’il n’existait aucun moyen de parvenir à cette caractéristique.

9. Les intimées font valoir que cette caractéristique (2), ainsi qu’une méthode pour la tester, avaient été divulguées pendant la conférence du Dr. Acree (cf. document (62), page 24/51, point IV.5.a, et page 25/51, point E.1). La Chambre signale toutefois que dans le document (62), il est simplement mentionné que l’administration par voie parentérale d’un vaccin CVC non défini assure une protection à 95% de l’intestin. Il n’est toutefois pas précisé dans ce document si le vaccin en question est du Coronavac® ou du Duramune C®, ni s’il s’agit d’un virus vivant atténué, d’un virus inactivé ou d’un virus se présentant sous une autre forme. De plus, la “protection de l’intestin” n’est pas nécessairement liée à la caractéristique (2), à savoir “infecte sélectivement l’épithélium intestinal”, car il se peut que la protection intestinale soit due à la présence d’anticorps locaux, et non pas à l’infection par le virus. Il est exact par ailleurs que le document (62) (cf. page 9/51, point 3) divulgue une technique basée sur “la coloration de matière intestinale par des anticorps fluorescents”. Toutefois, cette technique est citée à propos du diagnostic du coronavirus du chien (voir titre page 9/51), et non pas à propos de l’évaluation de la “protection intestinale” conférée par le vaccin CVC indéfini auquel il est fait référence dans le document. Donc, à supposer même qu’il était autorisé aux fins de l’examen de la nouveauté de combiner les informations figurant dans le document (62) avec l’enseignement retiré de l’utilisation antérieure du Coronavac® ou du Duramune C®, il n’en demeurerait pas moins que la caractéristique (2) n’était pas connue de l’homme du métier avant la date de priorité du brevet en litige.

10. En ce qui concerne la caractéristique (3), à savoir le fait que le produit antigénique avirulent provenant soit du coronavirus canin vivant atténué selon la revendication 1a), soit du coronavirus canin inactivé propagé dans des cellules félines ou canines selon la revendication 1b) protégeait de l’infection par le CVC les chiens auxquels il avait été administré par voie parentérale, la Chambre fait observer qu’avant la date de la priorité du brevet en litige, ainsi que le confirme le passage intitulé “Clinical diagnosis” figurant à la page 551 du document ultérieur (15) (publié en août 1983), qui était cité comme avis d’expert, il était impossible de diagnostiquer une infection par le CVC sur la seule base des signes cliniques. Il est également indiqué à la page 9/51 (point 2) du document (62) que “a diagnosis of CVC gastroenteritis based on the symptoms can be misleading” (l’on risque d’être induit en erreur si l’on se fonde uniquement sur les symptômes pour diagnostiquer une gastro-entérite provoquée par une infection par le CVC). Par conséquent, les tests d’efficacité effectués dans la pratique ne permettaient pas de tirer des conclusions ni donc de faire des prévisions concernant l’immunoprotection. Il n’était pas possible non plus de tirer des conclusions dans le cas des examens sérologiques puisque la présence d’anticorps humoraux ne signifiait pas qu’il y avait protection (cf. document (10), page 28, col. de g., sous “Immunity”). Aussi l’homme du métier devait-il, pour triompher de cet obstacle, recourir à un modèle expérimental fiable d’infection provoquée pour évaluer si un vaccin donné conférait effectivement une protection. Or, avant la date de priorité du brevet en litige, ce modèle expérimental n’était pas connu de l’homme du métier. Il n’avait pas non plus été divulgué lors de la conférence du Dr. Acree (cf. document 62, page 25/51, point E.1 : “The specific procedure used to evaluate the efficacy of a vaccine cannot be discussed” (il ne peut être discuté de la procédure spécifique mise en oeuvre pour évaluer l’efficacité d’un vaccin). Ce modèle expérimental était fondé sur le procédé selon la revendication 25 du brevet en litige, consistant à examiner des échantillons du tractus intestinal d’un chien vacciné et d’un chien témoin non vacciné, infectés tous les deux par le virus CVC, ceci afin de déterminer le degré de réplication du virus infectant. Par conséquent, étant donné qu’avant la date de priorité du brevet en litige, l’homme du métier ne disposait d’aucun moyen fiable pour évaluer si un vaccin CVC donné présentait ou non la caractéristique (3), force est de conclure que l’homme du métier ignorait également l’existence de cette caractéristique (3).

Reproductibilité

11.1 L’intimé fait valoir qu’il était possible de parvenir à l’un des vaccins utilisés antérieurement, le Coronavac® par exemple, en le reproduisant à partir du contenu d’un seul flacon de Coronavac®, utilisé comme “master seed stock” et soumis à un nombre limité de passages dans des cellules canines. Or la Chambre estime que cet argument n’est pas valable, ceci pour deux raisons essentielles.

11.2 Premièrement, comme la Chambre l’a rappelé au point 3 supra, la Grande Chambre a déclaré au point 1.4 de l’avis G 1/92 : “tout enseignement technique a essentiellement pour objet de permettre à l’homme du métier de fabriquer ou d’utiliser un produit donné en appliquant cet enseignement”. Il en résulte que pour pouvoir fabriquer ou utiliser un produit donné, il est nécessaire de savoir quelle est la composition du produit ou sa structure interne. Par conséquent, pour pouvoir reproduire un produit, l’on doit pouvoir comprendre quel produit on a entre les mains, avant et après la reproduction de ce produit, sinon, en cas de reproduction “à l’aveugle”, l’on risque d’aboutir à quelque chose d’incontrôlable. Toutefois, dans la présente affaire, l’homme du métier ne savait pas et ne pouvait pas savoir si le vaccin existant dans le commerce ou si un vaccin reproduit (cf. points 6 à 10 supra) présentaient les caractéristiques (1), (2) et (3) mentionnées plus haut, si bien qu’il ne pouvait déterminer si le vaccin reproduit était identique au vaccin de départ.

11.3 Deuxièmement, il était fort probable qu’un changement génétique se produise dans le génome du virus lors de la propagation dans une cellule hôte vivante. Tout virus peut, lorsqu’il est propagé, subir des modifications génétiques susceptibles d’entraîner des altérations au niveau notamment du tropisme cellulaire, de la virulence, des marqueurs d’atténuation ou de la stabilité thermique. Cela correspond du reste tout à fait à ce qui est indiqué dans le document (46), dans lequel il est expliqué que lors de la propagation d’un vaccin obtenu à partir d’un virus vivant, il convient de limiter le nombre de passages afin d’éviter que des mutations indésirables ne se produisent (cf. page 618, col. de g., deuxième paragraphe). Il ressort toutefois de documents ultérieurs que les virus ARN simple brin tels que le CVC sont particulièrement prédisposés à subir de telles mutations (cf. le document 66, paragraphe commençant à la fin de la page 257 et se terminant à la page 258, ainsi que le document (63), au bas de la page 65). Comme la Chambre l’a déjà souligné plus haut au point 6, ces altérations génétiques sont fonction de la cellule hôte dans laquelle la propagation est effectuée, et des conditions dans lesquelles cette propagation s’effectue (et notamment du nombre de passages et du rapport existant entre les particules de virus et les cellules).

12. Avant la date de priorité du brevet en litige, du fait des effets conjugués des deux éléments qui viennent d’être mentionnés (le fait que l’homme du métier ignorait la composition ou la structure interne du produit et le fait qu’il était très probable qu’un changement génétique se produise dans le génome du virus lors de sa propagation dans une cellule hôte vivante), l’on aurait pu aboutir à une situation incontrôlable si l’on avait essayé de préparer un vaccin CVC à partir d’un flacon de vaccin dans le commerce. Par exemple, puisqu’il n’était pas possible de comprendre quelle était la véritable nature du contenu du flacon, et que l’on savait simplement qu’il s’agissait d'”un vaccin à base de CVC vivant atténué du fait qu’il avait été modifié par des procédures cellulaires spécifiques” (cf. page 72 du document (25), c’est-à-dire de la notice accompagnant le flacon), on ne disposait d’aucune indication sur les mesures à prendre pour propager le CVC ; il était donc très probable que si l’homme du métier avait essayé de propager le virus, le virus serait redevenu virulent (cf. le brevet en litige, page 5, lignes 25 à 29). En conclusion, tout en reconnaissant qu’il était possible d’amplifier le virus CVC en partant d’un seul flacon, par exemple de Coronavac® utilisé comme “master seed stock” et soumis à un nombre limité de passages, la Chambre refuse d’admettre que le virus CVC ainsi amplifié soit considéré comme étant le “vaccin revendiqué”, puisqu’il n’existe aucun moyen de vérifier que tel est bien le cas. Les deux conditions requises dans l’avis G 1/92 (cf. supra) pour qu’un produit puise être considéré comme appartenant au domaine public, à savoir qu’il doit d’une part pouvoir être fabriqué et utilisé et, d’autre part, pouvoir être analysé, sont donc des conditions étroitement liées.

13. Dès lors, même si l’on admet que le Duramune C® et le Coronavac® étaient accessibles au public avant la date de priorité du brevet en litige, les caractéristiques (1), (2) et (3) mentionnées dans la revendication ne pouvaient pas en revanche avoir été rendues accessibles au public au sens où l’entend l’article 54(2) CBE, puisque l’homme du métier n’avait aucun moyen de les identifier et ne pouvait pas non plus contrôler le processus de reproduction pour veiller à ce que les caractéristiques du “master seed stock” soient préservées. Le simple fait que le Duramune C® et/ou le Coronavac® faisaient partie du domaine public ne saurait donc avoir d’incidence sur la nouveauté de l’objet des revendications en cause.

La Chambre n’a pu non plus découvrir d’autre antériorité divulguant l’objet revendiqué. Force est donc de conclure que les revendications selon la requête unique du requérant satisfont aux conditions requises à l’article 54 CBE.

Activité inventive

Etat de la technique le plus proche

14. L’intimé soutient que la divulgation orale faite par le Dr. Acree (document (62)), ainsi que le Coronavac® et le Duramune C® existant sur le marché constituent l’état de la technique le plus proche ; le requérant quant à lui déclare que le document (10), complété par le document (15) publié ultérieurement, qui est cité comme avis d’expert, constitue l’état de la technique le plus proche. Or, le document (15) publié ultérieurement ne saurait être pris en considération pour l’appréciation de l’activité inventive. La Chambre ne tiendra pas compte non plus dans ce contexte des vaccins Coronavac® et/ou Duramune C® puisque, comme elle l’a expliqué plus haut, l’homme du métier ne pouvait pas déceler dans ces derniers la moindre caractéristique intrinsèque ou extrinsèque du vaccin, si bien qu’il lui était impossible de les reproduire et de les utiliser.

La Chambre considère que le document (10) constitue l’état de la technique le plus proche car il porte sur l’entérite du chien causée par le CVC et sur l’immunité à ce virus. Dans ce document, il est indiqué que lors d’expériences antérieures, faisant notamment intervenir l’administration par voie parentérale de préparations à base de CVC, atténué ou non, il n’avait pu être obtenu de protection totale, si bien qu’il n’existait pas de vaccin contre le coronavirus canin. Il est également indiqué dans ce document (10) qu’une immunité locale au niveau de l’intestin est essentielle pour assurer une protection contre l’infection par le CVC.

Dans le document (62), il est expliqué qu’un vaccin non défini contre le CVC, administré par voie parentérale, assure une protection de l’intestin à 95 % ; toutefois, ce document ne précise pas si le vaccin en question est un vaccin vivant atténué, un vaccin inactivé ou quelque autre forme de vaccin ; il n’explique pas non plus comment ce vaccin est obtenu. Donc, en conclusion, ce document ne fournit pas d’enseignement technique supplémentaire par rapport à celui fourni dans le document (10) ; il ne fait que confirmer ce qui était déjà connu de par le document (10), à savoir qu’une immunité locale au niveau de l’intestin est essentielle pour assurer une protection contre l’infection par le CVC.

Le problème à résoudre et sa solution

15. Partant du document (10), on peut considérer que le problème technique à résoudre par le brevet en litige était de fournir un moyen de protéger efficacement les chiens contre l’infection par le CVC, ainsi qu’un moyen de parvenir à un vaccin efficace. Eu égard aux résultats de l’immunisation présentés entre autres dans les exemples 5 et 15, la Chambre a acquis la conviction que ce problème a été résolu grâce aux vaccins selon les revendications 1 à 10, grâce au procédé selon les revendications 11 à 16 et grâce aux méthodes selon les revendications 17 à 28.

16. Il convient d’examiner si la solution de ce problème découlait ou non à l’évidence du document (10). La Chambre estime que le document (10), qui indiquait simplement qu’un vaccin efficace doit conférer une immunité locale au niveau de l’intestin, ne suggérait nullement comment obtenir les vaccins revendiqués. Qui plus est, il était indiqué dans le document (10) (page 28, col. de d.) que l’administration par voie parentérale de préparations à base de CVC, atténué ou non, ne permettait pas d’assurer une protection totale, ce qui était de nature à dissuader l’homme du métier d’essayer de mettre au point un vaccin destiné à être administré par voie parentérale. L’homme du métier aurait été plutôt amené à mettre au point un vaccin à administrer par voie orale, car il était indiqué à la page 28, col. de g. du document (10), que “les chiens infectés par voie orale acquéraient une immunité”.

17. En ce qui concerne le vaccin à base de CVC inactivé (revendication 1b)), non seulement aucun document antérieur n’en suggérait la préparation, mais, de l’avis de la Chambre, la communauté scientifique ne s’attendait guère à ce qu’un tel vaccin puisse conférer une protection intestinale, et encore moins s’il était administré par voie parentérale, puisqu’elle était convaincue que seul un vaccin à base de CVC vivant atténué administré par voie orale pouvait déclencher une réponse suffisante du système immunitaire (cf. point 16 supra). De plus, il était impossible de prévoir l’influence que la procédure d’inactivation aurait sur les déterminants antigéniques nécessaires pour assurer la protection.

18. La Chambre fait également observer qu’il n’était pas évident d’arriver aux vaccins revendiqués dans la mesure où il fallait triompher de l’obstacle important mentionné au point 9 supra (le fait qu’avant la date de priorité du brevet en litige, l’homme du métier ne pouvait recourir à un modèle expérimental permettant de tester l’efficacité du vaccin). Nulle part dans les antériorités il n’était indiqué de méthode d’évaluation de l’efficacité d’un vaccin contre le CCV correspondant à celle divulguée dans la revendication 25 du brevet en litige, qui consistait à examiner des échantillons du tractus intestinal d’un chien vacciné et d’un chien témoin non vacciné, l’un et l’autre infectés avec le coronavirus canin, ceci en vue de déterminer le degré de réplication du virus infectant. En outre, l’on ne pouvait trouver dans aucun des documents antérieurs l’autre information technique nécessaire pour parvenir aux vaccins revendiqués, à savoir que l’atténuation du CVC devait s’effectuer comme indiqué dans la revendication indépendante de procédé 23, c’est-à-dire en faisant passer de 8 à 60 fois le virus dans des cellules félines, avec un rapport très bas entre les particules de virus et les cellules (entre 1 :1000 et 1 :10.000).

19. La Chambre juge également non convaincante l’argumentation développée par l’intimé sur la base du document (62) et de l’existence sur le marché des deux vaccins Coronavac® et Duramune C®. En effet, il n’était pas précisé dans le document (62) si le vaccin en question était un vaccin vivant atténué, un vaccin inactivé ou une autre forme de vaccin et, qui plus est, il n’était pas expliqué comment parvenir audit vaccin ; par ailleurs, le Coronavac® et le Duramune C®, bien qu’accessibles au public, n’auraient été d’aucune utilité (cf. points 9 et 10 supra).

20. L’intimé fait également valoir que l’atténuation du CVC paraissait avoir toutes chances de conduire à un vaccin efficace, puisque le document (3) avait divulgué la préparation d’un vaccin à base de VGET vivant atténué et d’un vaccin inactivé conférant tous les deux une protection lorsqu’ils étaient administrés par voie parentérale. La Chambre fait cependant observer que le VGET n’est pas analogue au CVC, qu’il ne fait que susciter des réactions sérologiques croisées avec celles observées en cas d’infection par le CVC, et qu’il ne protège pas les chiens d’une infection par le coronavirus canin (document 10, page 28, col. de d.). Etant donné que les documents 10 et 62, qui constituent même un état de la technique encore plus proche pour ce qui est du CVC, ne peuvent suggérer à l’homme du métier qu’une protection pourrait être obtenue par administration par voie parentérale d’un vaccin CVC atténué, la Chambre considère qu’il n’est pas possible d’obtenir avec le CVC les mêmes résultats que ceux qui avaient été obtenus avec le VGET. En tout état de cause, les caractéristiques énoncées dans la revendication 1 n’ont été ni divulguées, ni suggérées dans le document (3).

21. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre conclut que l’objet de la revendication 1 et l’objet des revendications dépendantes 2 à 22 satisfont aux conditions requises à l’article 56 CBE. Cette conclusion vaut aussi pour l’objet des revendications indépendantes 23 et 25 car, comme la Chambre l’a déjà expliqué plus haut au point 18, ces revendications portent respectivement sur un procédé d’atténuation du coronavirus canin et sur un procédé pour l’évaluation de l’efficacité d’un vaccin contre le coronavirus canin, procédés qui n’étaient suggérés dans aucun des documents antérieurs figurant au dossier. Ces procédés constituent donc des moyens non évidents de parvenir aux vaccins revendiqués, de même qu’à l’objet des revendications dépendantes (24, 26, 27 et 28).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L’affaire est renvoyée devant la première instance, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet sur la base de la requête principale déposée au cours de la procédure orale.