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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2005:G000204.20050525
Date de la décision : 25 Mai 2005
Numéro de l’affaire : G 0002/04
Décision de saisin : T 1091/02
Numéro de la demande : 92305862.2
Classe de la CIB : C12Q 1/68
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Versions : OJ
Titre de la demande :
Nom du demandeur : F. HOFFMANN-LA ROCHE AG, et al.
Nom de l’opposant : (1) Akzo Nobel N.V.
(2) Vysis Inc.
Chambre : EBA
Sommaire : I. a) La qualité d’opposant ne peut être librement transmise.
b) Une personne morale qui était une filiale de l’opposant lorsque l’opposition a été formée et qui poursuit les activités auxquelles se rapporte le brevet opposé ne peut acquérir la qualité d’opposant lorsque l’intégralité de ses actions est cédée à une autre société.
II. Si, lorsqu’un recours est formé, il existe une insécurité juridique justifiable sur la manière d’interpréter le droit en ce qui concerne la question de savoir qui est partie à la procédure, il est légitime que le recours soit formé au nom de la personne que celui ou celle qui agit considère, selon son interprétation, comme étant la partie habilitée et parallèlement, à titre subsidiaire, au nom d’une autre personne qui pourrait elle aussi, selon une autre interprétation possible, être tenue pour la partie habilitée.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 58
European Patent Convention 1973 Art 99(1)
European Patent Convention 1973 Art 105
European Patent Convention 1973 Art 107
European Patent Convention 1973 Art 108
European Patent Convention 1973 Art 112(1)(a)
European Patent Convention 1973 Art 114(2)
European Patent Convention 1973 Art 134
European Patent Convention 1973 R 20
European Patent Convention 1973 R 60(2)
European Patent Convention 1973 R 61
European Patent Convention 1973 R 64(a)
European Patent Convention 1973 R 65(2)
European Patent Convention 1973 R 88
European Patent Convention 1973 R 101(1)
European Patent Convention 1973 R 101(4)
Mot-clé : Recevabilité de la saisine (oui)
Transmission de la qualité d’opposant – libre transmission (non) – transmission à une filiale dans l’intérêt de laquelle l’opposition a été formée (non)
Rectification de la mention du requérant contraire à l’intention réelle (non)
Requête subsidiaire concernant la personne du requérant en cas d’insécurité juridique
Exergue :

Décisions citées :
G 0004/88
G 0009/91
G 0010/91
G 0008/92
G 0009/93
G 0001/97
G 0003/97
G 0003/99
J 0016/94
J 0027/94
T 0563/89
T 0659/92
T 0670/95
T 0298/97
T 0097/98
T 0964/98
T 0711/99
T 0009/00
T 0715/01
T 0854/02
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/12
G 0001/13
J 0037/03
J 0038/03
J 0017/12
T 0147/00
T 0416/00
T 1071/00
T 0136/01
T 0561/01
T 1086/02
T 1091/02
T 0207/03
T 0293/03
T 0345/03
T 0503/03
T 0956/03
T 1178/04
T 0006/05
T 0108/05
T 0659/05
T 0675/05
T 0677/05
T 0724/05
T 1421/05
T 0426/06
T 0875/06
T 1081/06
T 1206/06
T 1324/06
T 0391/07
T 0500/07
T 0993/07
T 1668/07
T 1697/07
T 0384/08
T 0445/08
T 0737/08
T 0960/08
T 1588/08
T 1790/08
T 1877/08
T 1145/09
T 1284/09
T 1938/09
T 1982/09
T 0128/10
T 0284/10
T 0518/10
T 1032/10
T 0184/11
T 0577/11
T 2136/11
T 0545/12
T 0854/12
T 1138/12
T 2357/12
T 1729/13
T 0615/14
T 0194/15
T 0219/15

Exposé des faits et conclusions

I. Dans sa décision T 1091/02 (JO OEB 2005, 14 – Méthodes de détection/HOFFMANN-LA ROCHE), la chambre de recours technique 3.3.4 a soumis à la Grande Chambre de recours les questions de droit suivantes :

1. a) La qualité d’opposant est-elle librement transmissible ?

b) S’il est répondu par la négative à la question 1a),

une personne morale qui était une filiale détenue à 100 % par l’opposant lorsque l’opposition a été formée et qui poursuit les activités auxquelles se rapporte le brevet opposé peut-elle acquérir la qualité d’opposant lorsque l’intégralité de ses actions est cédée par l’opposant à une autre société et que les personnes impliquées dans la transaction approuvent le transfert de l’opposition ?

2. S’il est répondu par l’affirmative aux questions 1a) ou b) :

a) Quelles sont les conditions de forme qui doivent être remplies avant que le transfert de la qualité d’opposant puisse être autorisé ? En particulier, faut-il produire des documents apportant la preuve complète des faits allégués ?

b) Un recours formé par le prétendu nouvel opposant est-il recevable dès lors que ces conditions de forme ne sont pas remplies avant l’expiration du délai de dépôt de l’acte de recours ?

3. S’il est répondu par la négative aux questions 1a) et b) :

un recours qui a été introduit pour le compte d’une personne non habilitée à former un recours est-il néanmoins recevable lorsqu’il est demandé à titre subsidiaire dans l’acte de recours que le recours soit considéré comme ayant été formé pour le compte d’une personne habilitée ?

II. Dans la procédure ayant donné lieu à la saisine, deux oppositions avaient été formées aux noms d’Akzo Nobel N.V. et de Vysis Inc. respectivement. Suite au rejet des oppositions, un recours a été formé le 25 octobre 2002 au nom de bioMérieux B.V. L’acte de recours précisait que bioMérieux B.V. possédait désormais les activités de diagnostic d’Akzo Nobel N.V., auxquelles se rapportait l’opposition. Il était en outre demandé par précaution, pour le cas où le recours au nom de bioMérieux B.V. serait déclaré irrecevable, que le recours soit considéré comme étant formé au nom d’Akzo Nobel N.V.

Une déclaration accompagnant le recours expliquait que les activités de diagnostic d’Akzo Nobel avaient été concentrées dans sa filiale Organon Teknika B.V. A la suite d’une restructuration au sein d’Akzo Nobel N.V., un accord avait été conclu avec effet au 30 juin 2001, par lequel Akzo Nobel N.V. avait transféré les activités de diagnostic d’Organon Teknika B.V. à bioMérieux S.A. L’opposition avait été formée par Akzo Nobel N.V. dans l’intérêt de ses activités de diagnostic européennes, conduites en son nom par son unité Organon Teknika B.V. Toutes les actions d’Organon Teknika B.V. avaient été transférées à bioMérieux S.A., qui détenait désormais à 100 % Organon Teknika B.V., laquelle portait à présent la dénomination “bioMérieux B.V.”.

III. La décision de saisine

La chambre 3.3.4 a pris pour point de départ que les conditions requises par la jurisprudence constante pour la transmission de la qualité d’opposant n’étaient pas remplies. L’affaire ne porte pas sur une succession universelle, laquelle est reconnue par la règle 60(2) CBE et la décision G 4/88 (JO OEB 1989, 480 – Transfert d’opposition/MAN, point 4 des motifs) comme base pour la transmission d’une opposition. De même, l’opposition n’était pas transmise en tant que partie de l’élément patrimonial (activité économique) de l’opposant au sens de la décision G 4/88 (loc. cit., point 6 des motifs). A supposer que la vente et la cession des actions d’une entité juridiquement indépendante par la société mère puissent être considérées comme un transfert des activités économiques de ladite entité, le cessionnaire serait bioMérieux S.A., et non Organon Teknika B.V., renommé ultérieurement bioMérieux B.V., qui a formé le recours.

Néanmoins, la chambre 3.3.4 a estimé que la situation de fait telle que présentée par le requérant est assez similaire à celle dans laquelle la Grande Chambre de recours a admis, dans la décision G 4/88, la transmission de la qualité d’opposant, la seule différence résidant dans la structure d’entreprise de l’opposant.

La chambre a donc jugé approprié d’examiner plus attentivement les postulats à la base de la jurisprudence antérieure, qui sont les suivants :

– la qualité d’opposant n’est pas librement transmissible et

– la situation traitée dans la décision G 4/88 constitue une exception restreinte à ce principe, qui ne doit pas être étendue.

Après examen de ces questions, la chambre 3.3.4 a été encline à admettre un transfert de la qualité d’opposant lorsque l’opposant initial vend et cède ses parts d’une filiale aux activités de laquelle l’opposition appartient. Toutefois, la jurisprudence des chambres de recours étant divergente sur ce point, elle a estimé nécessaire de saisir la Grande Chambre de recours.

Pour le cas où la Grande Chambre de recours ne considérerait pas bioMérieux B.V. comme une personne admise à former le recours aux fins de l’article 107 CBE, l’autre question qui se pose est de savoir si la requête subsidiaire est admissible, auquel cas le recours pourrait se poursuivre au nom d’Akzo Nobel N.V. Cette dernière requête pourrait également être interprétée comme une requête conditionnelle en rectification du nom du requérant. Il faut dès lors se demander si la mention du requérant pourrait être considérée comme une irrégularité à laquelle il serait possible de remédier conformément à la règle 65(2) CBE.

IV. Les moyens invoqués par écrit par les parties et au cours de la procédure orale qui a eu lieu le 13 avril 2005 peuvent se résumer comme suit :

Recevabilité de la saisine

L’intimé s’est interrogé sur la nécessité d’une décision de la Grande Chambre de recours au sens de l’article 112(1) a) CBE, étant donné l’irrecevabilité évidente du recours formé.

a) Aucune preuve n’a été apportée que le requérant/opposant 01 était dûment représenté lorsque l’opposition et le recours ont été formés. Dans la notification préparant la procédure orale, la Grande Chambre de recours a informé les parties qu’elle avait relevé que les personnes agissant pour le requérant lors de la formation de l’opposition et du recours étaient des mandataires agréés, et qu’en règle générale, ces personnes n’étaient pas tenues de produire un pouvoir. Pendant la procédure orale, l’intimé a maintenu son objection sans développer plus avant ce point.

b) De plus, le recours et, partant, la saisine ne sont pas recevables puisque le recours n’a pas été formé par une personne aux prétentions de laquelle la décision n’a pas fait droit au sens de l’article 107, première phrase CBE. En l’absence de recours recevable, il ne peut être tenu compte des requêtes subsidiaires. Le requérant a répondu que l’on ne saurait examiner la question de la recevabilité sans prendre en considération les requêtes subsidiaires. Le grief est transmis au cessionnaire en même temps que la qualité de partie.

Question 1a)

a) Le requérant a proposé la réponse suivante :

Les oppositions devraient toujours être librement transmissibles.

Le requérant adhère aux énonciations de la décision de saisine en ce qui concerne les exigences de fond attachées à la transmission de la qualité d’opposant. Il a expliqué que dans la jurisprudence faisant suite à l’affaire G 4/88 (loc. cit), la décision en question a été interprétée de manière trop étroite. Celle-ci traite d’une situation particulière et ne donne pas d’orientations générales pour la transmission de la qualité d’opposant. La décision G 3/97 (JO OEB 1999, 245 – Opposition pour le compte d’un tiers/INDUPACK) énonce quant à elle qu’un opposant n’a pas le droit de disposer de sa qualité de partie et que sa participation à l’opposition peut prendre fin, ce qui signifie donc qu’une autre partie peut obtenir la qualité d’opposant.

C’est l’opposant qui a pris la décision stratégique de former toutes les oppositions en son nom propre, indépendamment de la filiale à laquelle appartiennent les activités concernées. Il semble déraisonnable qu’une opposition, après avoir été formée par une entreprise conformément à sa stratégie, ne puisse plus être transmise au motif que la CBE ou la jurisprudence prescrivent des règles de transmission auxquelles il ne peut être satisfait. Au cours de la procédure orale, le requérant a invoqué l’affaire T 563/89 (décision en date du 3 septembre 1991, non publiée au JO OEB), dans laquelle une transmission a été admise dans la même situation.

b) L’intimé a proposé la réponse suivante à la question 1 a) :

La libre transmission des oppositions ne doit pas être admise. La qualité d’opposant ne peut être transmise que s’il est établi au- delà de tout doute raisonnable que des biens corporels ou incorporels ont été transférés conformément aux lois en vigueur dans un ou plusieurs Etats contractants, et lorsqu’il appert que l’opposition initiale vise à protéger les biens transférés et qu’elle est donc liée à ces derniers. Une telle transmission devrait entraîner automatiquement la transmissibilité du statut d’opposant si et seulement si l’ensemble des biens protégés par l’opposition peut être considéré comme ayant été transmis.

L’intimé a estimé que la réponse proposée est conforme aux décisions antérieures de la Grande Chambre en ce qui concerne la qualité d’opposant, notamment la décision G 4/88 (loc. cit.), mais qu’elle propose un concept un peu plus vaste que cette décision. Ce concept apporterait des solutions adéquates à un certain nombre de situations potentielles, tout en préservant l’exigence essentielle d’équité et l’équilibre entre les intérêts de l’opposant, du titulaire du brevet et du public en général. L’absence de dispositions spécifiques concernant l’inscription du transfert d’une opposition prouve de prime abord que le législateur n’a pas envisagé que les transmissions puissent être effectuées librement et en toute indépendance. L’intimé s’est demandé s’il était opportun que la Grande Chambre de recours introduise une nouvelle forme de transmission d’un titre de propriété qui pourrait nécessiter la création de nouvelles règles de procédure.

Question 1 b)

a) Le requérant a proposé la réponse suivante :

S’il est répondu par la négative à la question 1a), il doit être répondu par l’affirmative à la question 1b).

Les motifs invoqués par le requérant correspondent en grande partie aux arguments qu’il a avancés au sujet de la question 1a). De plus, le requérant a fait valoir qu’un opposant ne peut prévoir d’éventuels changements dans sa structure d’entreprise.

b) L’intimé a proposé la réponse suivante à la question 1b) :

Une personne morale détenue à 100 % par l’opposant lorsque l’opposition est formée (et qui poursuit les activités auxquelles se rapporte le brevet opposé) ne peut acquérir la qualité d’opposant lorsque 100 % de ses actions sont achetés par une autre partie (et que toutes les personnes ayant participé à la transaction ont approuvé le transfert de l’opposition).

L’intimé a fait valoir que la vente d’une filiale ne concerne que la société mère et le tiers. La filiale fait l’objet de la transmission et n’est pas partie à la transaction. Elle ne saurait donc obtenir la qualité d’opposant à la suite de la transaction. La situation diffère entièrement des faits à la base de la décision G 4/88 (loc. cit.). Dans cette affaire en effet, les activités dans l’intérêt desquelles une opposition avait été formée constituaient une division dépourvue de la personnalité morale au sein d’une entreprise. Pour élargir la portée de la décision G 4/88 et englober les faits à la base de la saisine, il faudrait invalider le principe général de droit posé dans la décision G 3/97 (loc. cit.), en vertu duquel une partie ne peut pas disposer librement de sa qualité de partie.

Question 2 a)

a) Le requérant a proposé la réponse suivante :

S’il ressort clairement des faits que les parties consentent toutes à la nouvelle situation, il n’est pas nécessaire de produire des documents apportant une preuve complète. Si les informations figurant dans l’acte de recours ne suffisent pas à établir les faits allégués avec un degré suffisant de probabilité, autrement dit à démontrer que le requérant présumé est la partie aux prétentions de laquelle il n’a pas été fait droit conformément à l’article 107 CBE, la chambre doit inviter le requérant à produire d’autres éléments de preuve en application de la règle 65(2) CBE.

Eu égard aux exigences de forme attachées à la transmission de la qualité d’opposant, le requérant a fait valoir que le droit national régit la transmission proprement dite des actifs auxquels ressortit la qualité de partie à titre accessoire, et que la CBE énonce seulement des dispositions relatives à l’inscription de cette transmission. Compte tenu du principe de la libre appréciation des preuves, les déclarations correspondantes des parties concernées devraient suffire.

b) L’intimé a proposé la réponse suivante à la question 2a) :

Il doit être produit des documents apportant la preuve complète de la transmission effective de la qualité d’opposant.

Selon l’intimé, il convient d’appliquer dans toute la mesure du possible les formalités prévues à la règle 20 CBE pour inscrire la transmission de la qualité d’opposant. Il est par conséquent nécessaire de fournir à l’OEB des documents prouvant cette transmission. Pour éviter de devoir vérifier l’existence d’un transfert allégué, il serait opportun de demander des documents qui prouvent la transmission selon des normes reconnues dans les droits nationaux correspondants.

Question 2b)

a) Le requérant a proposé la réponse suivante :

Il devrait être possible de produire des documents à titre de preuve, par exemple à l’invitation de la chambre, après l’expiration du délai de recours.

Pour ce qui est du moment déterminant, il ne faut pas traiter différemment la présentation de preuves établissant la transmission et la situation où il est remédié à une irrégularité en application de la règle 64a) CBE. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’identité du requérant est indéterminée pendant un certain laps de temps après l’expiration du délai de recours. Même si les règles 64a) et 65(2) CBE ne sont pas considérées comme des exceptions au principe selon lequel le requérant doit être identifié à la fin du délai de recours, la jurisprudence des chambres de recours a admis que des erreurs sont commises et qu’elles peuvent être rectifiées dès lors que l’intention ne fait aucun doute. Dans l’affaire à la base de la saisine, aucune incertitude n’existe quant à l’identité du requérant, puisque l’ancien et le nouveau requérant sont connus.

b) L’intimé a proposé la réponse suivante à la question 2b) :

Si le prétendu nouvel opposant ne remplit pas les conditions de forme avant l’expiration du délai de dépôt de l’acte de recours, ledit recours est irrecevable.

Conformément à la règle 20(3) CBE, un transfert n’a d’effet qu’à partir du moment et dans la mesure où des documents prouvant le transfert ont été fournis à l’OEB. Le droit de faire opposition doit être considéré comme un faisceau de droits individuels qui ne peuvent être exercés que dans des délais donnés. Dans l’intérêt de l’équité et de la sécurité de la procédure, seule la personne inscrite au registre au moment déterminant peut exercer ces droits individuels.

Question 3

a) Le requérant a proposé la réponse suivante :

Il convient de répondre par l’affirmative à la question 3.

Le requérant est d’accord avec l’avis émis dans la décision de saisine concernant la recevabilité du recours, eu égard à la requête subsidiaire formulée dans l’acte de recours. Il n’y a aucune incertitude pour le titulaire du brevet, car la requête subsidiaire lui enseigne que le requérant est l’une ou l’autre des deux parties.

b) L’intimé a proposé la réponse suivante à la question 3 :

Un recours ne saurait être recevable au moyen d’une requête subsidiaire présentée au nom d’une personne dûment admise à former le recours.

L’intimé a d’emblée estimé que la jurisprudence ne présente pas de divergence apparente en ce qui concerne la question 3, sous- entendant ainsi que les conditions attachées à une saisine de la Grande Chambre ne sont pas remplies pour cette question. En tout état de cause, une réponse négative s’impose, car les requêtes subsidiaires ne peuvent être présentées que par une personne habilitée à agir pendant une procédure en instance introduite par un recours recevable, ce qui suppose que le recours remplit de manière inconditionnelle et sans doute possible les conditions de forme prévues aux articles 107 et 108 CBE et aux règles 64 et 65 CBE.

V. L’opposant 02, partie de droit à la procédure de recours, n’a pas pris position.

VI. Aucune observation n’a été produite par des tiers.

VII. A la fin de la procédure orale, le Président a clos le débat et a annoncé que la décision serait rendue par écrit.

Motifs de la décision

1. La saisine est recevable.

1.1 Les objections de l’intimé concernant la représentation du requérant ne suscitent aucun doute de la part de la Chambre.

1.1.1 Il n’est pas nécessaire de prouver l’habilitation des personnes agissant pour le requérant. La liste tenue par l’OEB, qui est accessible au public sous forme imprimée et électronique, permet d’établir à tout moment si une personne est ou non mandataire agréé conformément à l’article 134 CBE. Les inscriptions, modifications et radiations sont publiées au Journal officiel de l’OEB. Il ressort clairement de ces informations que le recours a été formé par un mandataire agréé.

1.1.2 En règle générale, un mandataire agréé n’est pas tenu de déposer un pouvoir (règle 101(1), première phrase CBE, ensemble la décision du Président de l’OEB, en date du 19 juillet 1991, relative au dépôt de pouvoirs, JO OEB 1991, 489). Le mandataire agréé est par conséquent réputé habilité à agir au nom de la partie concernée, à moins qu’il ne dépose pas de pouvoir dans les délais après y avoir été invité dans un cas particulier (règle 101(4) CBE).

1.2 Les autres objections formulées à l’encontre de la recevabilité du recours ont trait à la question de droit soumise. De manière générale, une saisine présuppose en effet que le recours est recevable. Cela ne s’applique toutefois pas lorsque la question de droit soumise à la Grande Chambre de recours porte sur la recevabilité du recours (G 3/99, JO OEB 2002, 347 – Recevabilité d’une opposition conjointe ou d’un recours conjoint/HOWARD FLOREY, point 4 des motifs, se référant à la décision G 8/92 en date du 5 mars 1993, non publiée au JO OEB, point 3 des motifs).

1.3 Les questions 1 et 2 sont soumises à la Grande Chambre de recours afin d’assurer une application uniforme du droit, compte tenu de l’absence d’une jurisprudence claire, ainsi que l’indique la décision de saisine.

Eu égard à la question 3, il est manifeste que des principes juridiques clairs sont nécessaires pour apprécier qui peut être partie à la procédure devant l’OEB (pour l’opposant, cf. G 3/99, loc. cit., point 12 des motifs). A aucun moment de la procédure, il ne doit y avoir de doute quant à la personne qui est habilitée à exercer valablement les droits découlant de la procédure et qui est le destinataire des actes officiels de l’OEB. D’où l’importance que revêt, en droit, la question de savoir dans quelle mesure il peut être remédié à des irrégularités concernant l’identification du requérant.

1.4 L’intimé fait valoir qu’une décision de la Grande Chambre de recours n’est pas nécessaire car la situation juridique est sans ambiguïté au regard des dispositions concernées de la CBE et de la jurisprudence antérieure de la Grande Chambre de recours. Une telle approche amalgame la question de la recevabilité de la saisine, qui relève du droit procédural, et la réponse à apporter à la question de droit soumise, qui relève du fond. Il ne fait aucun doute que la question de droit soumise est pertinente pour la décision à rendre au sujet de l’affaire ayant conduit à la saisine.

2. La décision de saisine comporte deux argumentations qui tendent à admettre une transmission de l’opposition dans les circonstances à l’origine de la saisine et dont résultent les questions 1a) et 1b).

2.1 Question 1a)

Libre transmissibilité de la qualité d’opposant ?

2.1.1 S’il est possible d’affirmer que dans la décision G 4/88, la question de savoir si la qualité d’opposant peut être transmise librement n’a pas été tranchée (loc. cit., point 5 des motifs), la Grande Chambre de recours a pris position à ce sujet dans la décision G 3/97, en affirmant que l’opposant ne peut pas disposer librement de sa qualité de partie à la procédure (loc. cit., point 2.2 des motifs ; cf. également T 659/92, JO OEB 1995, 519 – Transmission de la qualité d’opposant/SCHWEISFURTH ; T 670/95, en date du 9 juin 1998 – Zementzusammensetzung/SIKA, citée dans la Jurisprudence des Chambres de recours de l’OEB, 4e édition 2001, VII.C.5 et VII.D.5.2 ; T 298/97, JO OEB 2002, 83 – Composition détergente/UNILEVER, point 5 des motifs et suivants). Il n’y a aucun motif de s’écarter de cette position.

Le requérant a tenté de donner à la conclusion énoncée dans la décision G 3/97 un sens étroit, en avançant que la décision n’exclut pas l’éventualité que la participation d’un opposant prenne fin. A l’instar de toute partie à une procédure, l’opposant peut renoncer à sa qualité dans la procédure en retirant l’opposition ou le recours, ou en se retirant d’un groupe de co- opposants, suivant le cas. La conclusion susmentionnée de la décision G 3/97 n’enseigne rien d’autre, ce que montre la phrase suivante, dans laquelle il est énoncé que l’opposant ne peut pas transmettre sa qualité à un tiers. Cela exclut expressément l’interprétation du requérant selon laquelle un tiers peut reprendre à son compte la qualité d’opposant lorsque la participation de l’opposant prend fin.

2.1.2 Le principal argument examiné par la chambre à l’origine de la saisine, au soutien de la libre transmissibilité de la qualité d’opposant, est le principe de l’égalité de traitement entre le titulaire du brevet et l’opposant (T 1091/02, point 2.5.1 des motifs).

La décision de saisine ne manque pas de relever que la situation du titulaire du brevet et celle de l’opposant sont différentes. Dans le cas du titulaire du brevet, le titre de propriété industrielle peut être transféré et un tel transfert peut avoir des effets à l’égard de l’OEB s’il est inscrit conformément à la règle 61 ensemble la règle 20 CBE. Le nouveau titulaire du brevet est ainsi en mesure de défendre son brevet au cours de la procédure d’opposition devant l’OEB. Par conséquent, la qualité de titulaire du brevet ne peut pas être transférée sans le titre matériel. Or, un tel titre n’existe pas dans le cas de l’opposant. Dès lors, la question ne se pose pas de savoir si un changement de propriété peut entraîner un changement de la qualité dans la procédure. Les deux situations diffèrent par conséquent entièrement l’une de l’autre.

La décision de saisine ne manque pas de noter non plus que selon les principes généraux du droit procédural, une partie à une procédure juridictionnelle ne peut pas librement transmettre sa qualité de partie à une autre personne (point 2.5.6 des motifs). Si la CBE comporte des dispositions régissant les conditions dans lesquelles la qualité de demandeur ou de titulaire du brevet pendant la procédure devant l’OEB peut changer, il n’existe pas de dispositions correspondantes pour l’opposant, à l’exception de la situation de l’héritier en tant que successeur universel, qui est couverte par la règle 60(2) CBE. Le législateur n’a apparemment pas souhaité arrêter de dispositions pour les cas de transmission autres que la succession universelle. Il n’en résulte aucune lacune juridique que la jurisprudence pourrait être appelée à combler (cf. G 1/97, JO OEB 2000, 322 – Requête en vue d’une révision/ETA, point 3 b) des motifs).

2.1.3 Le requérant fait valoir que la libre transmission de la qualité d’opposant est justifiée en raison de l’intérêt du public à obtenir la révocation des brevets non valables. La procédure d’opposition vise en effet à donner au public l’occasion de contester la validité du brevet (G 9/93, JO OEB 1994, 891 – Opposition par les titulaires du brevet/PEUGEOT ET CITROEN, point 3 des motifs). Cette possibilité peut servir l’intérêt individuel de l’opposant, qui ne veut pas se voir imposer une restriction de ses activités commerciales, sachant toutefois qu’un tel intérêt n’est pas une condition. En tout état de cause, la procédure d’opposition est dans l’intérêt du public, qui est notamment d’obtenir l’examen de faits s’opposant à la brevetabilité qui n’ont pas été révélés pendant la procédure de délivrance (G 3/97, loc. cit., point 3.2.3 des motifs). Selon le requérant, cet objectif justifie une libre transmission, par exemple dans le cas où l’opposition ne revêt plus d’intérêt pour l’opposant initial et qu’une autre personne souhaite en revanche poursuivre la procédure. Se référant à la décision G 3/97, le requérant a fait valoir que le titulaire du brevet n’a pas d’intérêt légitime à connaître l’opposant.

2.1.4 La Chambre ne saurait adhérer à ce point de vue. L’opposition est conçue comme une procédure simple et rapide. Le but est d’une part de dûment examiner les objections pertinentes et, d’autre part, de rendre une décision le plus vite possible. Il est non seulement de l’intérêt des deux parties (G 3/97, loc. cit., point 3.2.3 des motifs), mais aussi de celui du grand public de savoir dès que possible s’ils sont tenus de respecter un droit exclusif. C’est la raison pour laquelle l’opposition est assujettie à un délai, et que la participation de tiers est restreinte dans l’article 105 CBE. Il serait contraire à ce concept de permettre à un tiers qui n’a pas fait opposition en temps utile de reprendre à son compte la qualité qu’occupait dans la procédure un opposant ayant perdu tout intérêt dans son action, et de prolonger ainsi une procédure qui se serait autrement achevée (cf. également T 298/97, loc. cit., point 7.1 des motifs).

La décision T 563/89 (loc. cit.), citée par le requérant, ne peut étayer sa position pour les raisons suivantes. En premier lieu, contrairement à la situation à la base de la saisine, la chambre a reconnu dans l’affaire invoquée le transfert de l’entreprise à l’origine de l’opposition au profit de l’acquéreur de l’entreprise. De plus, les faits sous-jacents ne ressortent pas très clairement de la décision. Celle-ci indique ainsi que l’entreprise acheteuse agissait en tant qu’ayant cause, ce qui peut signifier que l’opposant initial n’existait plus. Enfin, le transfert n’a pas été contesté et la chambre, en l’admettant, s’est bornée à se référer aux motifs de la décision G 4/88.

De même, la référence du requérant à la décision G 3/97 ne justifie pas les conclusions qu’il en tire. Lorsqu’elle précise que l’intérêt de connaître l’identité de la personne à l’instigation de laquelle l’opposition a été formée n’est pas protégé juridiquement (loc. cit., point 3.2.1 des motifs), la décision G 3/97 traite d’une situation dans laquelle l’opposant agit dans l’intérêt d’un tiers. Elle énonce que la personne remplissant les conditions de forme est seule considérée comme partie à la procédure, de sorte qu’il ne saurait y avoir de doutes quant à la position des parties (point 3.2.5 des motifs). Cela signifie que le titulaire du brevet ne dispose d’aucun moyen de procédure pour connaître l’identité du tiers. Il est toutefois indispensable que l’identité de l’opposant soit claire, même s’il s’agit d’un prête-nom.

2.2 Question 1 b)

Extension des conclusions énoncées dans la décision G 4/88 ?

La décision de saisine émet des doutes quant à la question de savoir si la transmission d’une partie des activités économiques d’une entreprise peut être assimilée à la vente d’une filiale ayant elle-même ses activités (point 2.3.2 des motifs). Il existe de fait une différence entre une personne morale et une partie de ses activités économiques conduite par une simple division dépourvue de la personnalité morale (T 9/00, JO OEB 2002, 275 – Opposition/HENKEL, p. 289). La vente d’une filiale ne change pas le statut des entreprises concernées, alors que la vente d’une simple division entraîne une fragmentation de l’entreprise qui cède une partie de ses activités économiques. La chambre 3.3.4 suggère toutefois que la situation donnant lieu à la saisine et la situation dans laquelle la Grande Chambre de recours a admis, dans la décision G 4/88, la transmission de l’opposition, sont très similaires eu égard aux intérêts impliqués. Dans les deux cas, l’opposant initial a un intérêt légitime, suite à une transaction majeure, à transférer l’opposition. Selon la chambre 3.3.4, la rupture des liens entre l’opposant et sa filiale est donc comparable à la transmission des activités économiques d’une entreprise (loc. cit., point 2.4 des motifs).

2.2.1 La chambre 3.3.4 affirme d’emblée à juste titre que dans la première situation, l’opposition aurait pu être directement formée pour le compte de la filiale aux activités de laquelle l’opposition se rapportait. Cela n’était pas possible dans l’affaire G 4/88, dans laquelle une personne morale distincte avait été créée, après la formation de l’opposition, à partir de la scission d’une partie de l’entreprise formant, jusqu’alors, une seule personne morale. Une différence essentielle est donc établie entre les deux situations :

Dans l’affaire G 4/88, la Grande Chambre de recours était confrontée à une situation dans laquelle il était d’emblée impossible, pour des raisons juridiques, de conférer la qualité d’opposant à l’entreprise (activité économique) dans l’intérêt de laquelle l’opposition avait été formée, alors que la présente saisine a trait à une situation dans laquelle la société mère n’a pas voulu attribuer la qualité d’opposant à l’entité dans l’intérêt de laquelle l’opposition a été formée. Choisir la forme juridique dans laquelle les parties organisent leurs relations juridiques, notamment en vue de participer à une procédure prévue par la loi, revient à mettre en balance les avantages et les inconvénients inhérents aux possibilités existantes.

Il y a sans aucun doute de bonnes raisons de préférer, le cas échéant, concentrer toutes les questions de propriété industrielle d’un groupe de filiales au sein d’une unité centrale de la société mère. Il faut mettre en balance ces raisons et les inconvénients éventuels. Ainsi, la centralisation permet à l’évidence de regrouper les titres de protection au sein de la société mère. L’inconvénient éventuel réside toutefois dans le fait que la transmission de droits peut souvent être coûteuse, voire totalement exclue, ainsi que le montre la présente espèce.

En tout état de cause, rien n’empêchait l’opposant de prendre des dispositions pour l’éventualité où sa filiale devrait reprendre ultérieurement à son compte la responsabilité de l’opposition. Si la société mère et sa filiale avaient formé l’opposition en qualité de co-opposants, la première aurait pu se retirer à tout moment de l’opposition et laisser sa filiale comme unique opposant (G 3/99, loc. cit., point 13 des motifs).

Cela montre que les possibilités existantes d’organiser les questions de propriété industrielle au sein d’un groupe d’entreprises affiliées impliquent des conséquences juridiques différentes et comportent des options différentes sur la manière de préserver les intérêts d’une partie. Toutefois, de telles différences ne justifient pas en soi d’ignorer délibérément les conséquences juridiques de la stratégie retenue. Il doit en effet y avoir des raisons convaincantes de ne pouvoir éventuellement accepter de telles conséquences dans une situation donnée.

2.2.2 Dans la jurisprudence des chambres de recours faisant suite à la décision G 4/88 (loc. cit.), le fondement logique de cette dernière n’a pas été étendu à d’autres situations. Outre les cas de succession universelle, la transmission de l’opposition n’a été admise que si une partie déterminante des activités de l’opposant était transférée (T 670/95, loc. cit., résumant la jurisprudence antérieure ; T 711/99, JO OEB 2004, 550 – Transfert de l’opposition/L’OREAL).

Les intérêts en jeu ne justifient pas que le fondement logique de la décision G 4/88 soit appliqué par analogie au cas de la vente d’une filiale dans l’intérêt de laquelle la société mère a formé l’opposition.

a) Sécurité juridique et efficacité de la procédure

Aux fins de la sécurité juridique, on doit à tout moment savoir clairement qui est partie à la procédure (cf. point 1.3 ci- dessus). Si la vente d’une filiale était considérée comme un motif justifiant la transmission de la qualité d’opposant, les transferts de ce type soulèveraient tous la question de savoir si la société mère veut rester partie à la procédure ou au contraire requérir la transmission. Alors qu’il était clair auparavant qu’il n’existait qu’un seul et unique opposant, la vente d’une filiale créerait un choix quant à la personne agissant comme opposant dans la suite de la procédure. En cas de transmission de l’opposition, il faut se demander de surcroît qui, de la nouvelle société mère (dans l’affaire à la base de la saisine, bioMérieux S.A.) ou de la filiale vendue (dans l’affaire à la base de la saisine, Organon Teknika/bioMérieux B.V.), est le cessionnaire légitime. Il n’est guère possible de considérer la première variante comme analogue à l’affaire G 4/88, et la deuxième serait contraire à l’intention expresse de l’opposant initial.

Une autre question de fait serait de savoir si l’opposant peut produire des preuves suffisantes pour convaincre la division d’opposition ou la chambre de recours que la vente a bel et bien eu lieu. Pour des raisons fiscales, les ventes de sociétés impliquent assez souvent des opérations via des paradis fiscaux, à la suite de quoi il est difficile d’apprécier la validité et la dimension de la vente. Dans l’affaire faisant l’objet de la saisine, l’opposant avance que les activités concernées ont été vendues avec la filiale. Force lui a été toutefois de reconnaître que ses activités brevets dans le domaine concerné n’ont pas totalement cessé après la vente. Il en découle que si l’on admettait facilement les transmissions, il s’avérerait souvent nécessaire d’examiner des questions de fait contestées ou des questions difficiles relevant du droit des entreprises. Cela élargirait l’éventail des batailles de procédure possibles pour les parties et occasionnerait des complications et des retards dans les procédures d’opposition, ainsi que l’illustre la décision de saisine (point 2.5.2).

b) L’intérêt de l’opposant

On peut acquiescer à l’hypothèse émise dans la décision de saisine selon laquelle un opposant ne chercherait pas normalement à transmettre sa qualité sans motif valable de le faire. La question n’est toutefois pas de savoir si une approche plus libérale en matière de transmissibilité des oppositions comporterait un risque grave de comportement fantaisiste ou frivole de la part des opposants (loc. cit., point 2.5.3 des motifs). Il convient en revanche de s’interroger sur l’existence de motifs convaincants justifiant une nouvelle exception au principe selon lequel une partie à la procédure ne peut pas librement transmettre sa qualité. Sachant qu’une opposition formée conjointement par la société mère et la filiale écarte tout problème pratique éventuel (cf. point 2.2.1 ci-dessus), l’opposant est seul responsable s’il n’agit pas en conséquence, et il ne saurait se plaindre que le droit procédural ne répond pas à ses besoins.

c) L’intérêt du titulaire du brevet

L’article 99(1) CBE autorise “toute personne” à former une opposition dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la mention de la délivrance du brevet européen. L’intérêt légitime du titulaire du brevet est de ne pas avoir à défendre son brevet contre un nouvel opposant après l’expiration de ce délai. Il est exact que le nouvel opposant n’acquiert pas une position plus favorable dans la procédure que l’ancien opposant (T 1091/02, point 2.5.4 des motifs). Il est toutefois probable qu’une nouvelle partie réexaminera la stratégie adoptée par son prédécesseur et tentera de lancer une nouvelle offensive. Un cessionnaire qui dispose de moyens économiques plus importants peut intensifier considérablement ses attaques contre le brevet. Même si l’article 114(2) CBE prévoit des moyens visant à éviter tout retard injustifié, la procédure peut se prolonger et devenir plus ardue pour le titulaire du brevet.

d) L’intérêt du public

La décision de saisine constate le risque de compromettre l’intérêt du public, qui est que chaque opposition soit examinée au fond, si la qualité d’opposant ne peut être transmise que dans des circonstances exceptionnelles (point 2.5.5 des motifs). Lorsqu’un opposant n’est pas autorisé à transmettre sa qualité d’opposant à une autre personne, il est probable qu’il retirera simplement son opposition ou s’abstiendra de jouer un rôle actif dans la procédure d’opposition. Il est vrai que cette hypothèse ne saurait être exclue. Cependant, un tel comportement est normalement peu probable dans le cas où une filiale est vendue. Dans l’affaire faisant l’objet de la saisine, l’opposant n’a pas cessé ses activités en matière de brevets dans le domaine concerné à partir du moment où il a vendu sa filiale. Il existe également d’autres circonstances dans lesquelles il ne semble pas absurde qu’un opposant mette fin à une procédure d’opposition en instance afin de se conformer à des obligations contractuelles à l’égard de l’acquéreur de la société dans l’intérêt de laquelle une opposition a été formée.

Il convient par ailleurs de souligner qu’en principe, c’est l’acte d’opposition qui définit le cadre de droit et de fait dans lequel l’examen quant au fond de l’opposition devra se dérouler (G 9/91 et G 10/91, JO OEB 1993, 408 et 420 – Compétence pour examiner/ROHM AND HAAS et Examen d’oppositions et de recours, point 6 des motifs). Il est de l’intérêt du public non seulement que les brevets non valables soient révoqués, mais également que la procédure d’opposition soit conduite rapidement (cf. point 2.1.4 ci-dessus). C’est la raison pour laquelle l’opposant doit présenter sa cause au début de la procédure et qu’une décision définitive doit être rendue à ce sujet dès que possible. Si un opposant se retire de la procédure, la règle 60(2) CBE, qui autorise la poursuite d’office de la procédure, préserve l’intérêt du public à ce que des objections valables soient examinées, dans les limites jugées nécessaires par le législateur.

2.2.3 En résumé, il n’y a pas de raison convaincante, et en particulier d’intérêt supérieur des parties ou du public justifiant que l’application du fondement logique de la décision G 4/88 soit étendue au cas de la vente d’une filiale dans l’intérêt de laquelle l’opposition a été formée par la société mère.

3. Etant donné qu’il est répondu par la négative aux questions 1a) et 1b), il n’est pas nécessaire de répondre aux questions 2a) et 2b). Il reste donc à traiter la question 3.

3.1 La déclaration produite avec l’acte d’opposition en ce qui concerne la personnalité morale du (premier) requérant est tout à fait claire et ne donne pas lieu à interprétation. C’est bioMérieux B.V. et non l’opposant Akzo Nobel N.V. qui est mentionné en tant que requérant. Cela est conforme à l’intention réelle de l’auteur de la déclaration. Il découle de la jurisprudence constante que dans une telle situation, il n’est pas d’irrégularité à laquelle il puisse être remédié en vertu de la règle 64a) ensemble la règle 65(2) CBE (cf. en détail la décision T 97/98, JO OEB 2002, 183 – Procédé de filage/MINNTECH, point 1.3 et suivants des motifs) ni d’erreur susceptible d’être corrigée en vertu de la règle 88, première phrase CBE (T 964/98 en date du 22 janvier 2002, non publiée au JO OEB – Purines/MERRELL, point 1 des motifs). La nécessité de pouvoir identifier une partie revêtant un intérêt supérieur, la Chambre ne voit aucune raison d’étendre le champ d’application de la règle 65(2) ou de la règle 88, première phrase CBE. Par conséquent, il est impossible de remplacer bioMérieux B.V. par Akzo Nobel N.V. par voie de rectification et il n’est pas nécessaire de discuter du lien entre ces dispositions aux fins de la présente saisine (cf. T 715/01 en date du 24 septembre 2002 – Glycosides/COGNIS, non publiée au JO OEB, point 9 des motifs).

3.2 Reste donc la question de savoir si un requérant peut être valablement indiqué dans une requête subsidiaire.

3.2.1 En général, une déclaration concernant un acte de procédure ne doit pas être assortie de conditions (J 27/94, JO OEB 1995, 831 – Demande divisionnaire/UNIVERSITE LAVAL). Dans l’intérêt de la sécurité juridique et de l’efficacité de la procédure, la validité ou la non-validité d’une déclaration doit d’emblée être établie. Cela s’applique en particulier aux déclarations qui introduisent une procédure. Un recours formé sous réserve a donc été jugé irrecevable (J 16/94, JO OEB 1997, 331 – Acte de recours/XXX).

Cependant, l’exigence selon laquelle un acte de procédure ne doit pas être assorti de conditions ne va pas sans exception.

Ainsi que le relève à juste titre la décision de saisine, le dépôt éventuel de requêtes subsidiaires par une partie est un principe admis dans les procédures devant l’OEB. Lorsqu’elles sont utilisées à bon escient, de telles requêtes n’entravent pas le cours de la procédure. Au contraire, elles signalent clairement, à un stade précoce, les positions de repli d’une partie, et permettent à la partie adverse ainsi qu’à l’instance appelée à statuer d’être préparées lorsque la requête en question devient pertinente. Tel est ainsi le cas lorsque l’instance appelée à statuer rejette la requête qui précédait dans l’ordre de préférence de son auteur.

3.2.2 L’acte de recours dans l’espèce à l’origine de la saisine peut être interprété de différentes manières.

a) D’une part, il est possible de parler de deux recours différents, le premier au nom de bioMérieux B.V. et le deuxième au nom d’Akzo Nobel N.V. En ce cas, il serait logique d’exiger que les deux recours remplissent indépendamment l’un de l’autre les conditions de forme.

b) D’autre part, il est possible de parler d’un seul recours, dont on ne sait pas pour le compte de qui il doit être mené. En ce cas, il s’agit vraisemblablement d’un recours au nom de bioMérieux B.V. et, si bioMérieux B.V. n’est pas habilitée à former le recours, il se pose la question de savoir si la requête subsidiaire est recevable.

c) Compte tenu du libellé de l’acte de recours, le requérant ne voulait manifestement pas former deux recours distincts. Il y a un seul acte de recours, le mot recours est employé au singulier, et il était indiqué que le recours au nom d’Akzo Nobel N.V. était formé “à titre subsidiaire” et “par précaution uniquement”.

d) L’objectif de la déclaration importe plus que son simple libellé. L’intention était de former un seul recours. L’auteur de la déclaration voulait former le recours au nom de la personne habilitée, sans savoir toutefois avec certitude qui, de l’opposant initial ou de la filiale dans l’intérêt de laquelle l’opposition avait été formée, était partie à la procédure. La réponse à cette question n’est pas fonction de circonstances extérieures à la procédure. La chambre à l’origine de la saisine doit au contraire y répondre en examinant la recevabilité du recours.

3.2.3 La chambre 3.3.4 a posé la question 3 dans le contexte de la sécurité juridique relative à l’identité des parties à la procédure, et la présente Chambre ne voit pas de motif d’y répondre dans un contexte plus large. Il existe certainement des situations où, pour des raisons d’ordre juridique, on ne sait pas clairement qui est partie à la procédure.

a) Un exemple a été évoqué au cours de la procédure orale devant la Chambre. Au moment de préparer, le dernier jour du délai prévu, un acte de recours pour son client non domicilié en Europe, à savoir la société A, un mandataire agréé européen reçoit un courriel de son client l’informant que la société A a fusionné avec sa société concurrente B pour former l’entreprise C, et que les contrats signés ont été soumis pour approbation aux autorités anti-trust. Il n’est pas certain que la société A existe encore. Dans cette situation, il se pose non seulement la question factuelle de savoir si la fusion sera ou non approuvée, mais aussi des questions de droit, notamment en ce qui concerne les conséquences de l’approbation ou de l’interdiction de la fusion par les autorités anti-trust sur les effets des contrats entre les parties en droit des entreprises.

b) La clarification de la qualité de partie peut assez souvent poser des questions complexes relevant du droit national. Même la question d’ordinaire simple de savoir quelles entités bénéficient de la qualité de partie en tant que société assimilée à une personne morale en vertu du droit dont elle relève, au sens de l’article 58 CBE, peut s’avérer difficile dans un cas particulier. A preuve la “Gesellschaft bürgerlichen Rechts”, régie par le droit allemand, qui, pendant près d’une centaine d’années après l’entrée en vigueur du code civil allemand, n’a pas été considérée comme une personne morale et comme partie aux procédures juridictionnelles, jusqu’à ce que les juridictions de droit civil commencent à modifier la jurisprudence concernée (cf. Cour fédérale de justice, arrêt en date du 29 janvier 2001, Neue Juristische Wochenschrift 2001, 1056). Finalement, cette entité est maintenant reconnue comme partie aux procédures devant l’Office allemand des brevets et des marques (Mitteilung des Präsidenten des Deutschen Patent- und Markenamts Nr. 4/05, BIPMZ 2005, 2).

c) Il peut également y avoir insécurité juridique quant à la qualité de partie dans une situation telle qu’envisagée dans la décision G 4/88 (loc. cit.), lorsqu’une demande de transfert de l’opposition a été présentée et que le transfert n’a pas encore été inscrit. Dans un cas particulier, on peut douter que les moyens de preuve produits par le demandeur afin d’établir le transfert suffisent pour convaincre l’OEB que les actifs concernés ont été dûment transférés. Tant que le transfert n’est pas inscrit, la qualité de partie n’est pas absolument claire. Il se peut néanmoins que des délais courent pour accomplir des actes de procédure. Dans une telle situation, il semble légitime que des dispositions soient prises en faveur du cessionnaire qui est considéré par le demandeur comme la personne habilitée à agir et, à titre subsidiaire, en faveur du cédant au cas où les exigences attachées au transfert n’auraient pas encore été établies.

3.2.4 Il convient de distinguer les cas découlant des problèmes juridiques évoqués ci-dessus d’un recours assorti d’une condition, qui a fait l’objet de la décision J 16/94 (loc. cit.).

a) Un recours assorti d’une condition vise à laisser en suspens l’hypothèse d’une procédure de recours jusqu’à ce que la condition soit remplie. Dans l’affaire jugée par la chambre de recours juridique, la condition résidait dans le rejet d’une requête en restitutio in integrum. Pour des raisons de sécurité juridique, un acte de recours ne doit toutefois pas laisser planer de doutes quant à la question de savoir si une décision est effectivement attaquée (J 16/94, loc. cit., point 4 des motifs ; T 854/02 en date du 14 octobre 2002 – Use of taxol/BRISTOL-MYERS SQUIBB, non publiée au JO OEB, relative à un recours incident).

b) De tels doutes n’existent pas si un recours comprend une requête subsidiaire relative à la personne du requérant. L’incertitude ne porte pas sur le réexamen effectif de la décision attaquée, mais uniquement sur la personne au nom de laquelle la procédure se déroulera finalement. Il convient d’interpréter l’acte de recours comme un seul et unique recours qui est déclaré, à titre principal, au nom de la personne indiquée en premier lieu et, subsidiairement, au nom de la personne indiquée à titre de remplacement. Dans l’affaire à l’origine de la saisine, le mandataire agréé était habilité à agir au nom des deux personnes (cf. point 1.1.2 ci-dessus).

c) Les affaires citées ont en outre ceci en commun que la question de la qualité de partie doit être tranchée par l’organe compétent de l’OEB sur la base des pièces versées au dossier. Dès lors, la “condition” déterminant l’application de la requête subsidiaire dépend du seul jugement de cet organe. La qualité de partie n’est donc pas fonction d’un événement incertain extérieur à la procédure. L’insécurité n’est pas due au comportement de la partie au cours de la procédure, mais à une situation juridique qui peut objectivement être tenue pour ambiguë. Par conséquent, l’insécurité concernant la personne qui doit être considérée comme la véritable partie est limitée, et la question de droit qui se pose doit en tout état de cause être réglée pendant la procédure en instance, qu’une requête subsidiaire soit ou non produite. Cette insécurité limitée peut être admise dans l’intérêt de la partie qui est contrainte d’accomplir un acte de procédure dans un délai prescrit tout en étant confrontée à une situation juridique permettant différentes interprétations.

3.2.5 Pour tirer au clair la question de la qualité de partie, il serait possible à titre d’alternative de présenter deux déclarations distinctes, soit, dans l’affaire à la base de la saisine, de former un recours au nom de bioMérieux B.V. et un autre au nom d’Akzo Nobel N.V.

a) Même si cette approche est adoptée, la chambre doit d’office examiner la question de la qualité de partie avant de statuer au fond. Pour ce qui est de l’introduction de la procédure de recours, l’unique différence qu’il importe de mentionner entre les deux approches possibles réside dans le fait que deux taxes de recours sont dues si deux recours sont formés, alors qu’une seule est exigible dans le cas d’une requête subsidiaire. Cependant, le choix du requérant n’affecte en réalité ni la sécurité juridique ni l’efficacité de la procédure. L’examen des deux recours nécessiterait selon toute apparence une seule et même procédure, conformément à l’article 9 du règlement de procédure des chambres de recours, étant donné que les recours sont formés contre une seule décision. La question de procédure décisive qu’il conviendrait d’examiner au préalable dans une procédure jointe pour les deux recours serait la même, à savoir qui est partie à la procédure lorsqu’une société mère vend une filiale dans l’intérêt de laquelle l’opposition a été formée.

b) Dans cette situation, il semble excessivement formaliste et contraire au bon sens de demander le paiement de deux taxes de recours pour répondre, au cours d’une seule procédure, à la même question juridique de savoir qui est partie à la procédure. Toute utilisation abusive des options de procédure semble exclue si une requête indiquant un requérant à titre subsidiaire est limitée à une situation où la partie concernée ne peut pas être tenue responsable de l’insécurité juridique quant à la question de savoir laquelle des deux entités peut réellement être considérée comme la partie habilitée.

c) L’intimé allègue que le fait d’admettre la mention d’un autre requérant au moyen d’une requête subsidiaire impliquerait, au détriment de la sécurité juridique, la possibilité de déposer à un stade ultérieur d’autres requêtes subsidiaires de nature similaire, ainsi que l’a d’ailleurs fait le requérant au cours de la procédure orale devant la chambre 3.3.4. Cet argument est fondé sur l’approche de l’intimé selon laquelle une requête subsidiaire ne peut être déposée que dans le cadre d’un recours recevable, et ne fait pas la distinction entre un recours assorti d’une condition, qui est irrecevable, et une requête subsidiaire ne laissant planer aucun doute sur le fait que la décision de la première instance est contestée (cf. point 3.2.4 ci-dessus). En tout état de cause, le point de vue de l’intimé ne semble pas tenir dûment compte de la jurisprudence, qui exige qu’un requérant soit mentionné dans le délai de recours et qu’il puisse être identifié (cf. les références ci-dessus, point 3.1).

3.2.6 En conclusion, la Grande Chambre de recours juge légitime qu’une déclaration soit faite au nom de la personne que celui ou celle qui agit considère, selon son interprétation, comme la partie habilitée et parallèlement, à titre subsidiaire, au nom d’une autre personne qui pourrait elle aussi, selon une autre interprétation possible, être tenue pour la partie habilitée, s’il existe une insécurité juridique justifiable sur la façon d’interpréter le droit en ce qui concerne à la question de savoir qui est partie à la procédure.

3.3 La question de savoir s’il existe une insécurité juridique justifiable doit être tranchée sur la base des faits de l’espèce concernée. S’agissant des faits sous-jacents à la présente saisine, c’est à la chambre ayant demandé la saisine de statuer.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

La Grande Chambre de recours apporte les réponses suivantes aux questions qui lui ont été soumises :

I. a) La qualité d’opposant ne peut être librement transmise.

b) Une personne morale qui était une filiale de l’opposant lorsque l’opposition a été formée et qui poursuit les activités auxquelles se rapporte le brevet opposé ne peut acquérir la qualité d’opposant lorsque l’intégralité de ses actions est cédée à une autre société.

II. Si, lorsqu’un recours est formé, il existe une insécurité juridique justifiable sur la manière d’interpréter le droit en ce qui concerne la question de savoir qui est partie à la procédure, il est légitime que le recours soit formé au nom de la personne que celui ou celle qui agit considère, selon son interprétation, comme étant la partie habilitée et parallèlement, à titre subsidiaire, au nom d’une autre personne qui pourrait elle aussi, selon une autre interprétation possible, être tenue pour la partie habilitée.