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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2005:J001804.20050504 | ||||||||
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Date de la décision : | 04 Mai 2005 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | J 0018/04 | ||||||||
Numéro de la demande : | 03014103.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | – | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | MICROSOFT CORPORATION | ||||||||
Nom de l’opposant : | – | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | I. La règle 25(1) CBE impose une condition de fond qui doit être remplie au moment où la demande divisionnaire est déposée. Une chambre n’est pas habilitée à dispenser un demandeur de remplir cette condition. II. La notion de délai selon la CBE implique deux éléments conceptuels : 1) une période exprimée en années, mois ou jours et 2) une date déterminante, à compter de laquelle le délai commence à courir et à partir de laquelle est calculée ladite période. Si elles ne comportent pas ces deux éléments conceptuels, les limites de temps que la CBE impose aux demandeurs ne peuvent être considérées comme des délais aux fins de l’article 122 CBE. III. Aucun droit substantiel ne peut résulter d’une demande divisionnaire avant la date à laquelle elle a été effectivement déposée. Les droits substantiels qui ont été perdus quant à la demande initiale ne sauraient être rétablis quant à la demande divisionnaire par application de l’article 122 CBE. |
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Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Restitutio in integrum quant au dépôt d’une demande divisionnaire (non) Notion de délai |
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Exergue : |
– |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours a été formé contre la décision de la section de dépôt remise à la poste le 17 mai 2004, par laquelle avait été rejetée la requête du demandeur en restitutio in integrum fondée sur l’article 122 CBE. En raison de cette décision, la demande de brevet européen nº 03 014 103.0 n’avait pas été traitée en tant que demande divisionnaire.
II. Le recours a été déposé le 27 juillet 2004 et la taxe de recours a été acquittée le même jour. Un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 27 septembre 2004.
III. La demande de brevet européen antérieure nº 00 950 901.9 [la demande initiale] a été déposée le 31 juillet 2000. Pendant la procédure d’examen, le demandeur a été informé, le 13 mars 2003, que la mention de la délivrance du brevet serait publiée au Bulletin européen des brevets le 23 avril 2003.
IV. La demande de brevet européen nº 03 014 103.0 a été déposée le 23 juin 2003, prétendument comme demande divisionnaire de la demande initiale susmentionnée nº 00 950 901.9. En même temps, le demandeur a également déposé une requête au titre de l’article 122 CBE. Il semblait toutefois que cette requête concernait la demande initiale nº 00 950 901.9, puisque ce numéro de demande était indiqué dans l’objet de la requête. La section de dépôt a donc versé la requête au dossier de la demande initiale et non pas à celui de la demande divisionnaire.
V. Le 14 août 2003, l’OEB a émis une notification constatant la perte d’un droit conformément à la règle 69(1) CBE (OEB Form 1044) et informant le demandeur que la demande ne pouvait pas être traitée comme demande divisionnaire, puisqu’elle avait été déposée après la date à laquelle le Bulletin européen des brevets avait mentionné la délivrance du brevet issu de la demande de brevet européen antérieure nº 00 950 901.9.
VI. Par lettre du 26 août 2003, le demandeur a requis une décision en l’espèce au titre de la règle 69(2) CBE, faisant référence à sa requête antérieure en restitutio in integrum, qu’il avait déposée le 23 juin 2003 en même temps que la prétendue demande divisionnaire (cf. point IV supra). Ensuite, la section de dépôt a rendu la décision faisant l’objet du présent recours.
VII. Il est mentionné dans la décision que la section de dépôt a émis la notification conformément à la règle 69(1) CBE sans avoir pris connaissance de la requête en restitutio in integrum, étant donné que cette dernière ne faisait pas partie du dossier de la demande divisionnaire au moment où la notification était émise. En dehors de cette mention, la section de dépôt n’a signalé aucun problème de forme en ce qui concerne la requête en restitutio in integrum (cf. points 33 et 34 des motifs de la décision). Dans sa décision, elle a au contraire rejeté la requête sur le fond.
VIII. En substance, la section de dépôt a considéré que les dispositions de l’article 122 CBE n’étaient pas applicables à l’article 76(3) CBE. Elle a également cité des décisions antérieures des chambres de recours, selon lesquelles la limite de temps pour le dépôt d’une demande divisionnaire prévue à la règle 25(1) CBE n’est pas un délai au sens de l’article 122(1) CBE. La section de dépôt a constaté qu’il ne peut pas y avoir inobservation de délai, puisque la CBE ne prévoit pas de délai pour le dépôt d’une demande divisionnaire. Etant donné que la CBE n’oblige pas le demandeur à déposer une demande divisionnaire, il n’existe aucun acte susceptible de ne pas avoir été accompli et qui doit l’être ultérieurement. Il s’ensuit qu’il ne peut y avoir une perte de droits liés à l’observation d’un délai.
IX. Dans son recours, le requérant a demandé à titre de requête principale que la décision de rejet de la requête en restitutio in integrum et la notification conformément à la règle 69(1) CBE soient annulées, que la restitutio in integrum soit accordée, et que la date de dépôt de la demande initiale soit attribuée à la demande divisionnaire. Subsidiairement, il a requis la saisine de la Grande Chambre de recours. Il a également demandé une procédure orale pour le cas où la Chambre ne ferait droit ni à la requête principale, ni à la requête subsidiaire dans le cadre de la procédure écrite.
X. Le requérant a essentiellement fait valoir que tous les éléments-clés de l’article 122 CBE se retrouvaient dans l’espèce, à savoir
1. l’inobservation d’un délai vis-à-vis de l’OEB,
2. une perte de droits subie par le demandeur,
3. l’incapacité d’observer un délai, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessaire.
XI. En ce qui concerne la signification du mot “délai” au sens de l’article 122 CBE, le requérant a fait référence aux décisions J 10/01 et J 24/03, selon lesquelles la date limite prévue pour le dépôt d’une demande divisionnaire n’est pas un délai qui permet au demandeur d’être rétabli dans ses droits au titre de l’article 122 CBE. Le requérant a demandé à la Chambre de statuer différemment, s’appuyant à cet égard sur la décision de la Grande Chambre de recours G 5/83, selon laquelle la CBE doit être interprétée conformément aux règles établies par le droit public international, notamment suivant les principes définis par la Convention de Vienne sur le droit des traités (articles 31 et 32).
XII. Selon le requérant, il y a lieu d’interpréter les termes de l’article 122 de bonne foi, suivant le sens ordinaire qu’il convient de leur attribuer, et à la lumière de l’objet et du but de la CBE, en faisant éventuellement appel à des moyens complémentaires d’interprétation.
XIII. Le requérant a soutenu que même si le terme de “délai” devait être considéré comme une période d’une certaine durée (cf. notamment la décision J 3/83), ou comme une période ayant un début et une fin, c’est-à-dire déterminable (comme indiqué dans le commentaire de Singer, The European Patent Convention, Sweet and Maxwell, Londres 1995), il n’est indiqué nulle part, que ce soit dans la doctrine pertinente, la jurisprudence des Etats contractants ou la CBE elle-même, que la fin de cette période doit être déterminable dès son commencement, afin que ladite période soit un délai au sens de l’article 122 CBE. Par ailleurs, et comme en l’espèce, la période en question est entièrement déterminable sur la base des événements survenus dans la procédure relative à la demande initiale ; elle commence à la date de dépôt et finit à la date à laquelle la mention de la délivrance du brevet est publiée.
XIV. Le requérant a aussi allégué que les actes à effectuer pour procéder au dépôt de la demande divisionnaire avant la date limite étaient les mêmes que ceux qui doivent normalement être accomplis en vue d’observer d’autres délais de la CBE. Par conséquent, la date limite pour déposer une demande divisionnaire est un délai au sens ordinaire de ce terme et doit être considérée également comme un délai aux fins de l’article 122 CBE.
XV. Le requérant a ajouté que l’article 122 CBE visait à atténuer les situations difficiles pouvant résulter de l’application formelle des règles qui prévoient une perte de droits définitive lorsque le demandeur ou le titulaire du brevet n’a pas accompli en temps utile un acte devant l’OEB, et que la CBE envisageait implicitement l’application générale de l’article 122 CBE, sauf dans les cas explicitement exclus de la restitutio in integrum par l’article 122(5) CBE.
XVI. Le requérant a exposé les raisons pour lesquelles le rejet de la requête en restitutio in integrum impliquait une perte de ses droits, ainsi que les circonstances qui avaient conduit, en l’espèce, à l’inobservation du délai.
XVII. A l’appui de sa requête subsidiaire, le requérant a souligné l’importance de la question de droit soulevée et a fait valoir une contradiction entre la jurisprudence actuelle de la Chambre de recours juridique et les principes d’interprétation établis par la jurisprudence de la Grande Chambre de recours, tels qu’exposés dans la décision G 5/83.
XVIII. Suite à une notification de la Chambre, une procédure orale a eu lieu le 4 mai 2005. Dans une réponse écrite à la notification et pendant la procédure orale, le requérant a tenté de réfuter les arguments de la Chambre (cf. les motifs ci-après), a maintenu ses arguments précédents et en a avancé de nouveaux.
XIX. Le requérant a cité des règles de la procédure allemande qu’il convient, à son avis, de prendre en considération au titre de l’article 125 CBE. Il a souligné que les conditions de transformation d’une demande de brevet en modèle d’utilité sont très semblables à celles du dépôt d’une demande divisionnaire. Conformément à l’article 5 de la loi allemande sur le modèle d’utilité, il peut être procédé à une telle transformation jusqu’à l’expiration d’une période de deux mois suivant la fin du mois au cours duquel s’est achevée la procédure concernant la demande de brevet ou une éventuelle opposition. Le requérant a soutenu que cette disposition établissait un délai pouvant faire l’objet d’une restitutio in integrum, du moins selon la jurisprudence pertinente du Tribunal fédéral allemand des brevets. Etant donné que le concept de restitutio in integrum dans la CBE est entièrement modelé sur la législation allemande, il convient d’accorder une importance particulière à l’exemple allemand lors de l’application conjointe des articles 125 et 122 CBE.
XX. Le requérant a fait aussi observer que le délai prévu par la règle 38(5) CBE n’était pas déterminable d’avance, puisque l’acte de procédure pertinent, à savoir le dépôt de la traduction d’un document de priorité, peut être accompli valablement avant même la survenue des événements mentionnés à la règle 38(5) CBE. C’est pourquoi le requérant soutient que le point de départ du délai prévu par la règle 38(5) CBE est la date à partir de laquelle le demandeur peut valablement accomplir l’acte de procédure pertinent, par exemple, dans le cas du dépôt d’une traduction, la date de dépôt de la demande.
XXI. Pendant la procédure orale, le requérant a demandé à titre subsidiaire que les questions suivantes soient soumises à la Grande Chambre de recours :
1. La formulation “demande de brevet antérieure encore en instance” employée dans la règle 25(1) CBE a-t-elle pour effet de définir un délai selon une interprétation de la CBE qui soit conforme à la Convention de Vienne sur le droit des traités ?
2. S’il est répondu par l’affirmative à la question 1, ce “délai” visé à la règle 25(1) CBE est-il un délai à l’égard duquel le demandeur d’une demande de brevet européen peut être rétabli dans ses droits en application de l’article 122(1) CBE ?
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
Requête principale
2. La question décisive en l’espèce concerne avant tout l’interprétation du terme “délai” figurant dans le libellé de l’article 122 CBE. Cela ressort également des arguments avancés par le requérant. Toutefois, l’interprétation du terme “délai” ne saurait se limiter à l’examen isolé de son libellé, indépendamment des conséquences juridiques pour le requérant. Elle doit se faire dans le contexte des autres exigences de l’article 122 CBE, notamment celle d'” accomplir l’acte omis” (cf. point 10 infra) ou celle de “la perte de droits comme conséquence directe” (cf. points 12, 13 et 39 infra), et en tenant compte de la structure et de la finalité de la CBE en général.
3. Bien qu’il existe plusieurs décisions antérieures des chambres de recours portant en gros sur la même question juridique (cf. J 3/83, J 11/91 [JO OEB 1994, 028], J 16/91 [JO OEB 1994, 028], J 21/96, J 10/01, J 24/03 [JO OEB 2004, 544]), leurs conclusions ne sont pas directement applicables. D’un point de vue formel, la plupart des décisions précédentes ne sont pas tout à fait pertinentes parce que la règle 25 CBE avait alors un libellé différent. Seule la décision J 24/03 concerne une affaire dans laquelle le cadre juridique était le même qu’en l’espèce, à savoir qu’à la date où la demande divisionnaire avait été déposée, la définition de la date limite prévue par la règle 25(1) CBE était libellée de la même façon que dans la version actuelle. Dans cette disposition, la date limite est définie de manière implicite, par la simple indication qu’une demande divisionnaire peut être déposée tant que la demande initiale est encore en instance.
4. Toutefois, la conclusion principale des décisions précédentes, à savoir que la règle 25(1) CBE n’impose pas de délai au sens de l’article 122 CBE, reste entièrement valable. Qui plus est, même dans ces affaires, les requérants avaient argumenté que la date limite pour le dépôt d’une demande divisionnaire devait être la date de publication de la mention de la délivrance du brevet.
5. Par ailleurs, la décision J 3/83, sur laquelle se sont fondées des décisions ultérieures, ne fournit aucune explication au sujet des délais au sens de l’article 122 CBE considérés comme des périodes d’une certaine durée. On trouve dans la décision J 21/96 une analyse plus détaillée du terme “délai” afin de pouvoir interpréter la règle 25(1) ensemble les articles 76 et 122 CBE. Il y est expliqué que la règle 25(1) CBE ne fixe pas de délai au sens de l’article 122(1) CBE. Elle définit seulement une date dans la procédure de délivrance après laquelle il n’est plus possible de déposer une demande divisionnaire. C’est le demandeur qui détermine cette date quand il donne son accord conformément à la règle 51(4) CBE. Par conséquent, en l’absence d’un délai à observer, la restitutio in integrum est impossible.
6. Pour ce qui est de l’applicabilité de l’article 122 CBE au cas d’espèce, il faut partir du libellé de la règle 25(1) CBE :
“Le demandeur peut déposer une demande divisionnaire relative à toute demande de brevet européen antérieure encore en instance.”
7. La Chambre estime que la formule “demande de brevet…encore en instance” ne définit pas un délai mais plutôt une condition de fond, qui doit être remplie au moment où une demande divisionnaire est déposée. Le fait que cette condition de fond ne puisse être remplie que pendant une certaine période, raison pour laquelle un demandeur doit procéder comme s’il s’agissait d’un véritable délai de procédure, n’engendre pas un délai que le demandeur aurait à observer au titre de la règle 25(1) CBE (voir aussi J 24/03).
8. Il résulte de la structure de la Convention que le règlement d’exécution ne doit pas comporter des conditions de fond, c’est-à-dire des dispositions qui influent directement sur l’étendue des droits substantiels conférés par un brevet délivré, mais plutôt des dispositions de procédure. Toutefois, il est inévitable que des exigences de procédure aient des conséquences au niveau des droits substantiels et, pour cette raison, il est difficile, sinon impossible, de distinguer ces notions de façon absolument claire. La Chambre estime que la règle 25(1) CBE est une disposition de nature procédurale, puisqu’elle concerne la “procédure destinée à…” selon l’article 76(3) CBE, et que le Conseil d’administration a compétence pour statuer en la matière, en vertu du même article ensemble l’article 33(1)b) CBE. La Chambre considère cependant que la règle 25(1) CBE, bien que constituant une disposition de procédure, présente un caractère substantiel considérable. Ce dernier ne réside pas dans le fait qu’une limite de temps de nature procédurale est fixée, mais dans la façon de mettre celle-ci en oeuvre, c’est-à-dire de savoir pourquoi le législateur a précisément choisi comme date déterminante cette date-là plutôt qu’une autre.
9. Lorsqu’il s’agit d’établir si une disposition de la CBE, qui est apparemment de nature procédurale et détermine une limite de temps pour accomplir un acte de procédure – que ce soit sous la forme d’un délai (cf. points 14 à 30 infra) ou d’une autre façon – est en même temps une condition de fond, il peut être utile de se poser la question suivante : si le législateur modifiait, si peu que ce soit (p. ex. quelques jours) la “mesure”, donc la date d’expiration effective, de la limite de temps en question, cela aurait-il pour effet d’affecter de manière significative les droits substantiels du demandeur ou les intérêts substantiels des tiers ? Si la réponse est négative, il s’agit d’une simple disposition de procédure et il est probable que la limite de temps constitue un compromis entre le besoin d’une procédure rapide et la nécessité objective de laisser au demandeur suffisamment de temps pour accomplir l’acte de procédure pertinent. Autrement dit, la date d’expiration effective aura été choisie d’une façon plus ou moins arbitraire, et il n’existe aucune raison particulière pour laquelle cette date précise a été choisie comme date d’expiration. Dans ce cas, la mesure de la limite de temps n’implique pas la prise en considération des droits substantiels. Si, toutefois, la réponse à la question énoncée plus haut est affirmative, la disposition de procédure présente aussi un caractère substantiel qui réside dans le choix de la date de début et/ou de fin, c’est-à-dire dans la façon dont la limite de temps a été définie. Ayant appliqué ce critère à l’espèce, la Chambre estime que la condition pour qu’une demande de brevet soit en instance n’est pas seulement une exigence procédurale, mais aussi, pour une large part, une condition de fond. Son choix reflète des considérations telles que la prise en compte des conséquences juridiques pour les droits substantiels du demandeur et les intérêts des tiers. Le fait qu’une demande soit en instance ou non a un effet substantiel direct sur les intérêts juridiques des tiers. Dès lors qu’une demande n’est plus en instance, le brevet ayant été délivré, l’OEB n’a plus compétence pour statuer sur ces effets substantiels. Cela veut dire que la situation juridique après la délivrance du brevet est indépendante de l’OEB (ainsi que du demandeur). Dès la délivrance, l’objet protégé et l’objet abandonné de la demande deviennent définitifs et l’étendue de la protection du brevet délivré est déterminée. La revendication d’un objet abandonné constituerait une violation manifeste des intérêts du public, exactement comme si le demandeur revendiquait un objet qui fait partie de l’état de la technique. Est également défendable le point de vue selon lequel le dépôt d’une demande divisionnaire après la délivrance du brevet est conceptuellement impossible, car il n’y a rien à diviser, si la demande initiale n’existe plus. En d’autres termes, ces considérations montrent bien que si le législateur prorogeait légèrement la limite de temps – en autorisant par exemple le dépôt d’une demande divisionnaire dans un laps de temps d’un ou deux mois, voire même seulement de quelques jours après la délivrance du brevet – il en résulterait une situation juridique complètement différente pour les tiers comme pour le demandeur. Ceci montre que l’effet juridique substantiel du libellé actuel de la règle 25(1) CBE va bien au-delà de la “simple” détermination d’une date. Le choix de cette date n’a rien d’arbitraire et la date ne peut être repoussée, même légèrement, sans affecter sérieusement les intérêts légitimes des tiers. Par conséquent, il est clair que l’exigence selon laquelle la demande initiale doit être en instance est une condition non seulement de procédure mais aussi de fond. La différence est nette par rapport aux limites de temps de nature purement procédurale – telles que l’obligation de répondre à une notification de l’OEB ou d’acquitter une taxe dans un certain délai – dans lesquelles la date effective n’est que le résultat d’un compromis approximatif entre des intérêts divergents, résultat qui, par ailleurs, n’a pas vraiment d’incidence sur les intérêts substantiels des tiers. La durée de la période accordée au demandeur pour déposer sa réponse ou pour payer une taxe particulière n’a aucune influence sur la situation juridique de l’objet pouvant être valablement revendiqué. Autrement dit, la date d’expiration d’un simple délai de procédure n’est vraiment rien d’autre qu’une date et l’étendue des droits ou intérêts substantiels n’est pas affectée par le choix spécifique de cette date. Il en est de même pour tous les délais de procédure pour lesquels une restitutio in integrum conformément à l’article 122 CBE a été jugée applicable par la jurisprudence constante des chambres de recours.
10. Par conséquent, même si elle partait du principe que la règle 25(1) CBE pose non seulement une condition, mais détermine aussi un délai au sens de l’article 122 CBE, la Chambre ne serait pas en mesure d’accorder au demandeur le rétablissement demandé de ses droits, parce qu’elle n’y est pas habilitée. L’article 122 CBE permet seulement à la division compétente de l’OEB (ou à une chambre de recours) d’autoriser qu’un acte de procédure soit accompli après l’expiration du délai prévu pour cet acte. Mais ni une division, ni une chambre de recours ne dispose du pouvoir d’appréciation pour dispenser un demandeur de remplir une condition de fond. En d’autres termes, la restitutio in integrum ne peut être accordée au titre de l’article 122 CBE pour la simple raison qu’il n’est plus possible d’accomplir valablement l’acte omis (cf. article 122(2), deuxième phrase CBE). En l’espèce, il n’est plus possible de déposer une demande divisionnaire pendant que la demande initiale est en instance.
11. Ce qui précède explique pourquoi la règle 25(1) CBE est libellée de telle façon qu’elle fixe une condition et non pas un délai, comme indiqué dans la décision J 24/03. Toutefois, on pourrait soutenir que l’observation d’un délai revient simplement à remplir une condition, laquelle consiste à accomplir un acte de procédure avant une certaine date. Par conséquent, il incombe à la Chambre d’examiner la différence entre un délai véritable et d’autres conditions possibles prévues par la CBE, et de trouver le fondement juridique de cette différence dans le libellé de la CBE elle-même, afin de clarifier la notion de “délai” aux fins de l’interprétation de l’article 122 CBE.
12. La Chambre estime que la formulation “conséquence directe, en vertu des dispositions de la présente convention” utilisée dans l’article 122 CBE signifie que le délai non observé doit être un délai prévu par la Convention de façon explicite et spécifique pour l’accomplissement de l’acte de procédure en question. Sinon, l’omission de l’acte de procédure, c’est-à-dire l’inobservation du délai, entraînerait seulement une perte de droits indirecte. C’est précisément le cas en l’espèce. Le fait que la demande initiale ait cessé d’être en instance a été la cause directe de la perte de droits, à savoir la perte de la possibilité de revendiquer la date de dépôt de la demande antérieure (cf. point 39 infra). Il convient de noter que l’événement qui a engendré cet effet juridique, à savoir la publication de la mention de la délivrance, a eu lieu – et que ses conséquences juridiques se sont produites – indépendamment du fait que le demandeur ait ou non accompli l’acte de procédure en question, c’est-à-dire qu’il ait ou non déposé une demande divisionnaire.
13. En d’autres termes, l’inobservation d’un délai ne constitue la cause directe d’une perte de droits que s’il existe seulement deux événements juridiquement pertinents qui déterminent si un acte de procédure a été dûment accompli et, plus précisément, si un délai a été observé ou non : 1) l’écoulement de temps, c’est-à-dire l’expiration d’un délai comme événement objectif survenant indépendamment des actes du demandeur, et 2) l’accomplissement ou non, avant l’expiration du délai, de l’acte approprié par le demandeur. Une autre condition est l’existence dans la CBE d’une disposition déterminant les droits qui seront perdus en cas d’expiration du délai. En revanche, dès lors que l’écoulement de temps revêt une importance juridique non pas en raison d’une disposition de la CBE, mais de la survenue d’un autre événement indépendant et juridiquement pertinent, la validité des actes du demandeur dépend d’une condition et non d’un délai. A cet égard, un événement est indépendant et juridiquement pertinent s’il survient indépendamment de l’accomplissement ou non d’un acte par le demandeur (c.-à-d. de l’acte spécifique qui doit être accompli pour observer le délai). En outre, la survenue de cet autre événement aura une influence sur l’accomplissement en bonne et due forme de l’acte de procédure spécifique. En l’espèce, contrairement à un véritable délai, l’écoulement de temps a seulement une importance juridique parce que cet autre événement indépendant et juridiquement pertinent s’est produit, à savoir la publication de la mention de la délivrance. Autrement dit, dans le cas d’un véritable délai, rien ne s’oppose à l’accomplissement valable de l’acte de procédure en question, sauf l’expiration du délai prescrit lui-même. L’acte de procédure pertinent peut même être accompli ultérieurement, précisément parce qu’aucune autre condition juridique n’a changé pendant le temps écoulé. Plus exactement, les modifications des conditions juridiques se limitent à celles qui ont été causées elles-mêmes par l’inobservation du délai. Cela ressort de l’article 122(2), deuxième phrase CBE : l’acte non accompli doit l’être dans le délai prévu pour présenter la requête en restitutio in integrum. Cette disposition de la CBE suppose qu’il est encore possible d’accomplir l’acte omis. Si tel n’est pas le cas, parce que le changement des conditions ne permet pas l’accomplissement de cet acte, la perte de droits n’est pas la “conséquence directe” de l’inobservation du délai, mais celle du changement des conditions.
14. La conclusion de la Chambre, à savoir que la limite de temps imposée par la règle 25(1) CBE n’est pas un délai au sens de la CBE, s’appuie aussi sur d’autres considérations de nature fort différente. La Chambre est d’accord avec le requérant sur le fait que la période pendant laquelle une demande divisionnaire peut être déposée représente pour le demandeur un “délai” au sens ordinaire du terme, puisqu’il doit en effet prendre les mêmes mesures que pour les délais prescrits par la CBE ou l’OEB. Toutefois, le fait que la limite de temps imposée par la publication de la mention de la délivrance d’un brevet dans la procédure relative à la demande initiale fasse l’objet en pratique du même traitement que les autres délais de procédure, n’implique pas qu’elle soit aussi de même nature juridique.
15. Il y a lieu de noter que la Convention de Vienne accorde une importance égale au “sens ordinaire” des termes d’un traité ainsi qu’à l’ “objet et [au] but” de ce dernier. L’objet et le but de la CBE consistent à créer un cadre juridique, englobant le droit matériel et les règles de procédure, en vue de la délivrance des brevets. Il est donc clair que le terme “délai” dans la CBE ne désigne pas n’importe quel délai en général, mais un délai en tant que notion du droit de la procédure (cf. aussi J 24/03, point 3 des motifs).
16. Il est vrai également que la période dont dispose le demandeur en vertu de la règle 25(1) CBE est une période d’une durée limitée ou, du moins, qui le sera lorsque la mention de la délivrance du brevet aura été effectivement publiée.
17. La Chambre, cependant, ne partage pas l’avis du demandeur, selon lequel il n’est pas nécessaire que la période en question soit définie d’emblée pour qu’elle puisse être considérée comme un délai au sens de l’article 122 CBE. Certes, la détermination du “point de départ” d’un délai requiert un examen attentif. L’argument du demandeur, selon lequel le terme “délai” doit être interprété à la lumière de la définition qu’en ont donné des spécialistes allemands dans des commentaires du code civil allemand ou du code de la procédure civile allemande, n’est pas convaincant. L’article 125 CBE s’applique “en l’absence de dispositions de procédure”, c’est-à-dire lorsque la Convention elle-même ne fournit pas suffisamment d’indications. Toutefois, ce n’est pas le cas en l’espèce, comme expliqué ci-après. La Chambre estime que la CBE donne des indications suffisantes pour interpréter correctement le terme “délai”, tel qu’il est employé dans l’article 122(1) CBE, et dans la Convention en général.
18. L’article 120 CBE concerne explicitement les délais (“time limits”, “Fristen”) tels qu’ils sont utilisés dans la CBE. Il dispose que “Le règlement d’exécution détermine :
a) le mode de calcul [“computation”, “Berechnung”] des délais ainsi que les conditions dans lesquelles ils peuvent être prorogés,… ;
b) la durée minimale et maximale des délais qui sont impartis par l’Office européen des brevets.”
19. Le libellé de l’article 120 CBE implique que les délais au sens de la CBE doivent généralement être définissables dès leur commencement. Autrement, il ne serait guère possible de déterminer leur durée minimale et maximale. Il est vrai que si l’on analyse strictement ce libellé, il demeure théoriquement possible que des délais prescrits par la CBE – et non par l’OEB – n’aient pas nécessairement une durée minimale ou maximale. Toutefois, le libellé de la lettre a) devrait être applicable à tous les délais de la CBE, c’est-à-dire que ces délais devraient être calculables, ce qui n’est possible en pratique que si la fin du délai est définie par rapport à son début. Cette considération se reflète dans la règle 13(5) CBE (la suspension de la procédure entraîne celle des délais qui courent) et la règle 85 CBE (prorogation des délais).
20. Ce point de vue est étayé par une analyse des dispositions d’application de l’article 120 CBE, à savoir la règle 83 :
” Calcul des délais
(1) Les délais sont fixés [“laid down”, “berechnet”] en années, mois, semaines ou jours entiers.
(2) Le délai part du jour suivant celui où a eu lieu l’événement par référence auquel son point de départ est fixé, cet événement pouvant être soit un acte, soit l’expiration d’un délai antérieur…”
21. A titre préliminaire, il convient de noter que la version anglaise de la règle 83 utilise le terme “period” au lieu de “time limit”, ce qui crée une certaine confusion, alors que suivant les versions allemande et française, il ne fait pas de doute que le mot “period” doit être pris au sens de “time limit” aux fins de la règle 83 CBE. Le mot “time limit” figure d’ailleurs dans le libellé anglais du titre de la règle 83 CBE et le mot “period” est le seul qui soit utilisé comme équivalent du terme “time limit” tout au long de la règle en question. Cette interprétation s’appuie aussi sur le fait que les versions allemande et française emploient systématiquement les termes “Frist” et “délai” tant dans le titre que dans le texte de la règle 83 CBE.
22. Concernant la portée de la règle 83 CBE, il y a lieu de noter que cette disposition a été arrêtée par la Conférence diplomatique qui a rédigé la Convention. Rien n’indique dans la CBE que ladite règle doit se limiter aux délais fixés par l’OEB. Etant donné que la CBE donne pouvoir au Conseil d’administration de fixer la durée des délais pour la CBE en général (article 33(1)a) CBE), il est clair que la règle 83 CBE établit valablement des dispositions générales applicables à n’importe quel délai devant être considéré comme tel aux fins de la CBE. En l’absence de solides indices du contraire, il convient de supposer que le Conseil d’administration, qui ne saurait vouloir créer des règles ne concordant pas entre elles, a voulu modifier la règle 25(1) CBE en conformité avec la règle 83 CBE.
23. Il s’ensuit que si la limite de temps pendant laquelle une demande divisionnaire peut être déposée avait été initialement conçue comme un délai au sens de l’article 120 CBE aux fins de la CBE, et donc aussi aux fins de l’article 122 CBE, elle aurait dû être fixée en années, mois ou jours dans la CBE ou le règlement d’exécution. Dans le cas contraire, le libellé actuel de la règle 25 CBE ne concorderait pas avec la règle 83(1) CBE, puisque le “délai” défini à la règle 25 n’est pas exprimé en années, mois ou jours. Autrement dit, les délais prévus par la CBE sont censés avoir un point de départ et une date d’expiration déterminés d’avance, le demandeur pouvant calculer cette date de manière prévisible dès qu’il connaît le point de départ – dies a quo – qui fait courir le délai.
24. De plus, la règle 83(2) CBE précise qu’un délai, en tant que concept juridique inhérent à la procédure selon la CBE, doit comporter un autre élément, à savoir la définition d’un événement de référence, à partir duquel le délai en question est calculé. Là aussi, le lecteur de la CBE doit se tourner vers les versions allemande et française de cette règle pour clarifier le sens de l’expression “relevant event” : il s’agit de l’événement de référence qui déclenche le délai, selon le concept habituel de “dies a quo”. La clé pour le calcul du délai est le jour où a eu lieu l’événement par référence auquel son point de départ est fixé [“on which the relevant event occurred”, “an dem das Ereignis eingetreten ist, aufgrund dessen der Fristbeginn festgelegt wird”,].
25. A la lumière de ce qui précède, le commentaire de Singer, cité par le requérant, n’est pas en contradiction avec l’interprétation du terme “délai” par la Chambre. Un délai au sens de la CBE est en effet une période ayant un début et une fin (c’est-à-dire déterminable – voir les arguments du requérant au point XIII supra). Le point de départ du délai est déterminé par l’événement de référence et son expiration par la durée spécifiée dans la disposition juridique qui prescrit le délai.
26. Cette interprétation du terme “délai” correspond tout à fait aux dispositions de la Convention européenne sur la computation des délais (Convention de Bâle du 16 mai 1972, en vigueur depuis le 28 avril 1983) : voir en particulier les articles 2, 3 et 4. La Chambre relève que plusieurs Etats parties à la CBE sont aussi signataires de la Convention de Bâle, laquelle peut donc être prise en considération au titre de l’article 125 CBE lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de déterminer le sens du terme “délai”. Il convient de noter que le rapport explicatif concernant la Convention de Bâle mentionne que le terme “time limit” a été choisi comme celui qui correspond, en anglais, au terme “délai” en français. Le rapport explicatif contient également une liste – non exhaustive – d’exemples de périodes que le comité d’experts chargé de préparer la Convention de Bâle n’a pas considéré comme des “délais”. Toutefois, aucun de ces exemples n’est directement comparable à la condition qu’une demande de brevet soit en instance.
27. Par conséquent, lorsqu’on examine la règle 83 CBE en détail, il apparaît que toute disposition de la CBE visant à définir un délai au sens de l’article 120 CBE, et donc de l’article 122 CBE, doit contenir expressément (ou par référence directe) les deux éléments conceptuels suivants : 1) une période exprimée en années, mois ou jours, et 2) un événement dont la date sert de point de départ pour le calcul du délai. Aucun de ces éléments ne se trouve manifestement dans la règle 25(1) CBE.
28. Le requérant a soutenu que la règle 83(1) CBE prescrivait seulement que les délais ne peuvent comporter des subdivisions d’une journée, telles que les heures et les minutes. La Chambre ne partage pas cet avis. Même si l’interdiction de recourir à de telles subdivisions est un corollaire de la règle 83 CBE, il reste que les délais, selon cette règle, doivent être fixés en années, mois et jours, et non pas seulement qu’ils doivent pouvoir être calculés (a posteriori) de cette façon.
29. A l’évidence, prétendre que la règle 83 CBE vise à garantir que la durée des délais prescrits par la CBE ou impartis par l’OEB soit déterminable a posteriori en années, mois et jours serait une interprétation vraiment absurde de ladite règle, contraire à l’article 32a) de la Convention de Vienne et donc en contradiction avec les propres arguments du requérant. Le but de la règle 83 CBE est, au contraire, de garantir aux demandeurs une procédure équitable, dans laquelle les délais ont une date d’expiration claire et prévisible, qui peut être calculée ab initio dans le cadre d’une procédure normale. Ceci s’applique même si la date d’expiration d’un délai peut varier en raison de circonstances exceptionnelles, telles que la suspension de la procédure. De fait, tous les autres délais de la CBE considérés comme pouvant faire l’objet d’une restitutio in integrum sont définis dans la CBE de la façon décrite à la règle 83 CBE. C’est aussi le cas des délais définis uniquement par référence à d’autres délais, puisque les délais de référence sont eux-mêmes conformes à la règle 83 CBE (cf. p. ex. le délai à la règle 38(5) CBE).
30. L’argument du requérant selon lequel la CBE contiendrait plusieurs délais dont la durée n’est pas déterminable d’avance n’est pas convaincant. La définition du délai qui découle de la règle 83 CBE n’implique pas que l’acte de procédure, pour lequel un délai a été fixé, ne puisse être accompli avant le point de départ du délai. Un délai fixé pour accomplir un acte de procédure n’est pas nécessairement synonyme de période pendant laquelle ledit acte peut être accompli valablement. Dans de nombreux cas, la CBE autorise les demandeurs à accomplir des actes avant même qu’un délai ait commencé à courir. Toutefois, cela signifie seulement que le point de départ du délai – la date de l’événement de référence selon la règle 83(2) CBE – est différent de la date à partir de laquelle il est possible d’accomplir l’acte de procédure. Le point de départ du délai (dies a quo) reste la date de l’événement de référence (“fristauslösendes Ereignis”) défini en tant que tel dans la disposition juridique qui détermine le délai spécifique en question. C’est pourquoi un délai – ou plutôt sa date d’expiration – fixé pour accomplir un acte de procédure peut en effet être indéterminable au moment où il est déjà possible de procéder valablement à l’accomplissement de cet acte, mais il sera déterminable dès que la date de l’événement qui le fait courir, c’est-à-dire la date de l’événement de référence visé à la règle 83(2) CBE, sera connue. Il convient de souligner à nouveau que l’événement qui sert de point de départ à un délai n’est pas forcément le même que celui qui donne la possibilité d’accomplir un acte de procédure. La CBE elle-même effectue clairement cette distinction, par exemple à l’article 86(2) CBE ensemble la règle 37(1), dernière phrase CBE. La jurisprudence concernant le délai de dépôt d’un recours le confirme (T 389/86, JO OEB 1988, 87 et T 427/99). Cela veut dire que le délai défini à la règle 38(5) CBE ne commence pas à courir à compter de la date de dépôt de la demande, contrairement aux dires du requérant. Que l’acte de procédure considéré (dépôt de la traduction) puisse être accompli à une date antérieure n’a pas d’incidence sur la durée du délai lui-même, qui reste un délai d’une durée déterminée, telle que définie par la règle 38(5) CBE. Même si la règle 38(5) CBE renvoie seulement à d’autres délais, elle n’en fixe pas moins un délai conforme à la règle 83 CBE, puisque les événements de référence et la durée des délais sont précisés par le biais du renvoi. Par conséquent, il s’agit d’un délai qui peut faire l’objet d’une restitutio in integrum au titre de l’article 122 CBE.
31. L’interprétation donnée ci-dessus est également conforme à celle des délais au sens de l’article 122 CBE, telle qu’elle figure dans les décisions J 10/01 et J 24/03 citées par le demandeur. La Chambre ne voit aucune raison de s’écarter des conclusions tirées dans ces décisions. La décision J 24/03 explique très clairement le caractère juridique des dispositions de la règle 25, à savoir que cette règle impose simplement une condition, mais ne fixe pas de délai.
32. La Chambre ne saurait accepter les arguments du requérant qui sont fondés sur l’analogie entre une demande divisionnaire et la transformation en un modèle d’utilité à partir d’un brevet antérieur. Le dépôt d’une demande divisionnaire au titre de la CBE n’est pas comparable à la transformation d’un modèle d’utilité en droit allemand. Dans ce dernier cas, il est évident qu’il n’existe pas de condition selon laquelle la demande de brevet initiale doit être en instance. Au contraire, la situation typique de transformation en un modèle d’utilité est celle où la demande initiale a été définitivement rejetée. En outre, la question de savoir si ce délai est effectivement susceptible de restitutio in integrum en droit allemand reste en suspens ou, du moins, la Chambre ne connaît pas de décision allemande pertinente en la matière. Même si c’était le cas, il subsisterait une différence considérable entre les deux procédures. Il semble que les dispositions applicables du droit allemand citées par le demandeur définissent un véritable délai, comportant un événement de référence (le dernier jour du mois au cours duquel la procédure concernant la demande de brevet est clôturée) et une durée déterminée (deux mois).
33. Bien qu’il soit possible, comme indiqué ci-dessus, de statuer sur la requête du requérant en examinant uniquement la question de l’existence d’un délai, il convient également de savoir si la perte de droits alléguée par le requérant peut être considérée comme une perte de droits au sens de l’article 122 CBE. En l’espèce, le requérant a prétendu avoir perdu le droit d’obtenir une protection complète pour l’invention divulguée ainsi que le droit de priorité correspondant (cf. point 1.2 des motifs du recours). Toutefois, il n’a pas établi clairement si la perte de droits s’est produite quant à la demande initiale ou à la demande divisionnaire. La Chambre considère que le droit d’obtenir une protection complète pour une invention divulguée est vraisemblablement un droit afférent à la demande initiale. A première vue, le requérant a déposé sa requête en restitutio in integrum dans la procédure concernant la demande initiale, alors que son recours a nécessairement été formé dans le cadre de la procédure concernant la demande divisionnaire puisqu’il désirait attaquer la décision que l’OEB avait rendue dans la procédure relative à la demande divisionnaire. Par ailleurs, le requérant a aussi fait référence, dans cette procédure, à sa requête en restitutio in integrum, et la section de dépôt a examiné cette requête quant au fond, la traitant ainsi implicitement comme si elle avait été déposée à l’égard de la prétendue demande divisionnaire et non de la demande initiale. Sur le plan de la procédure, il semble que la section de dépôt n’ait pas examiné la question de savoir si une telle requête est formellement recevable dans le cadre d’une procédure autre que celle dans laquelle elle a été déposée.
34. D’un point de vue purement procédural, le dépôt d’une demande divisionnaire est un acte de procédure accompli dans le cadre de la procédure concernant la demande divisionnaire. C’est l’acte par lequel s’engage cette procédure. Cela paraît conforter l’hypothèse qu’il était correct, sur le plan formel, d’examiner la requête en restitutio in integrum dans la procédure concernant la demande divisionnaire. Il est clair également que les procédures concernant une demande initiale et une demande divisionnaire qui en est issue sont en réalité liées, même si elles sont distinctes au plan formel et procédural. La Chambre est consciente des aspects formels contradictoires évoqués plus haut, mais elle estime plus approprié de statuer sur la requête du requérant en s’appuyant sur des considérations de fond plutôt que sur les seuls aspects formels. La Chambre a donc choisi de ne pas trop approfondir ces aspects formels et a admis – malgré certaines réserves – qu’il convenait d’examiner la requête en restitutio in integrum du requérant dans le cadre de la procédure relative à la demande divisionnaire. La Chambre a considéré qu’il était plus judicieux d’examiner aussi brièvement l’autre possibilité : voir le point 40 ci-après. En conséquence, la décision a été rendue après un examen complet de la requête, plutôt que de la rejeter uniquement pour des motifs concernant la forme. Néanmoins, la Chambre considère qu’il est utile de clarifier les droits qui pourraient avoir été perdus dans ladite procédure.
35. Le requérant a fait valoir que l’OEB, dans sa notification du 14 août 2003, reconnaissait qu’une perte de droits avait eu lieu. La Chambre ne conteste pas cette allégation en soi. Toutefois, aucun argument convaincant n’a été avancé afin d’expliquer pourquoi l’article 122 CBE permettrait de rétablir le requérant dans les droits qu’il a perdus.
36. Le requérant a soutenu qu’il avait perdu le droit d’obtenir une protection pour un objet divulgué dans la demande initiale (qu’il souhaitait reprendre dans la demande divisionnaire). Selon le requérant, la demande divisionnaire aide le demandeur à exercer son droit – préexistant – à l’obtention d’une protection par brevet. Le dépôt d’une demande divisionnaire est donc fondamentalement différent de celui d’une demande de brevet européen classique, puisqu’il s’agit de poursuivre des droits déjà existants.
37. La Chambre ne partage pas cette approche. Une demande divisionnaire – si elle est traitée comme telle – est réputée avoir été déposée à la date de dépôt de la demande antérieure (et bénéficie, le cas échéant, de sa priorité). Autrement, les deux demandes sont indépendantes au plan procédural et les droits substantiels revendiqués dans chacune d’elles existent de façon indépendante. Cette indépendance n’est affectée ni par la limitation de l’étendue de la protection prévue par l’article 76(1), deuxième phrase CBE, ni par le fait que la demande divisionnaire ne peut générer de droits substantiels que si l’existence de tels droits est établie pour la demande initiale. L’objet de la demande antérieure telle que déposée (description, revendications, dessins), qui déterminera finalement l’étendue de la protection, ne devient cependant pas automatiquement l’objet de la demande divisionnaire, même si le demandeur veut par ce moyen obtenir la protection de droits substantiels rigoureusement identiques. L’article 76(1) précise seulement que les éléments de la demande divisionnaire ne peuvent s’étendre au-delà du contenu de la demande initiale telle qu’elle a été déposée. Dans le cadre de cette limite, c’est le demandeur lui-même qui définit le contenu de la demande divisionnaire et non pas une disposition quelconque de la CBE. Il en résulte, du point de vue procédural, que les éléments de la demande divisionnaire, c’est-à-dire les droits substantiels qu’il convient de protéger, ne sont établis qu’à la date du dépôt effectif de la demande divisionnaire, lorsque le demandeur, en déposant une nouvelle demande contenant une description, des revendications et des dessins, définit positivement l’objet de la demande divisionnaire (même si ce n’est que provisoire, puisque l’objet définitif est déterminé au moment de la délivrance). Certes, le demandeur peut décider de déposer le contenu de la demande antérieure, sans la moindre modification, mais du point de vue juridique, l’objet de la demande divisionnaire ne se concrétise et n’est établi qu’à la date du dépôt effectif de cette demande. Avant cette date, l’objet de la demande divisionnaire n’est que pure spéculation et n’existe pas en tant que droit substantiel, même si la date de dépôt de la demande initiale est attribuée rétroactivement à la demande divisionnaire, après son dépôt, en vertu de l’article 76(1) CBE. Cette conclusion concorde avec le fait que la demande divisionnaire est indépendante de la demande initiale sur le plan de la procédure (cf. p. ex. T 1177/00).
38. Par conséquent, les droits que le demandeur peut perdre si la demande divisionnaire n’est pas déposée pendant que la demande antérieure est encore en instance – à savoir le contenu de la demande divisionnaire – ne sont pas établis avant le dépôt effectif de la demande divisionnaire, puisqu’il n’existe alors pas de demande divisionnaire. Ces droits qui n’existent pas ne peuvent donc pas être perdus. Il s’ensuit, du point de vue procédural, qu’il n’est pas possible de demander une restitutio in integrum quant à la demande divisionnaire.
39. La notification émise par la section de dépôt n’avait pas trait aux droits substantiels revendiqués par le requérant et évoqués ci-dessus. En l’espèce, la notification concernant la perte de droits s’appuyait sur l’article 90(2), deuxième phrase CBE. L’article 76(1), dernière phrase CBE dispose qu’une demande divisionnaire est “considérée comme déposée à la date de dépôt de la demande initiale et bénéficie du droit de priorité”. Si cette date de dépôt n’a pas pu être accordée, il est généralement supposé qu’une autre demande ayant une date de dépôt ultérieure serait sans intérêt pour le demandeur, puisque la demande initiale serait destructrice de nouveauté pour la demande divisionnaire déposée ultérieurement. Par conséquent, seules sont pertinentes la date de dépôt et (le cas échéant) la date de priorité de la demande antérieure. Si ces dates ne sont pas attribuées à la demande, la pratique de l’Office consiste à ne pas reconnaître l’existence d’une autre demande dont la date de dépôt est postérieure à celle de la demande initiale. La demande est traitée comme si elle n’avait pas été déposée, de sorte que la taxe de dépôt est systématiquement remboursée. La situation est comparable à celle qui fait l’objet de l’article 90(2) CBE, ce qui justifie l’application de cette disposition par analogie (cf. J 11/91, point 4.2 des motifs). Par conséquent, c’est à juste titre que la section de dépôt a émis immédiatement une notification conformément à l’article 90(2) CBE, indiquant que la demande ne serait pas traitée en tant que demande de brevet européen. Le droit que le demandeur a perdu dans la procédure concernant la demande divisionnaire est donc le droit (substantiel) de revendiquer la date de dépôt antérieure.
40. Si la Chambre acceptait que les droits perdus soient en fait ceux qui ont été établis dans la procédure relative à la demande initiale, une restitutio in integrum quant à ces droits ne serait possible que dans cette procédure-là. Il faudrait alors établir si la requête en restitutio in integrum du requérant aurait eu des chances de succès si elle avait été examinée sur le fond dans la procédure relative à la demande initiale (cf. point 32 supra). La Chambre estime à titre d’opinion incidente qu’il n’y aurait pas eu lieu à première vue de faire droit à une telle requête pour la simple raison que la procédure relative à la demande antérieure ne permet pas au demandeur d’accomplir des actes aux fins du dépôt d’une demande divisionnaire. Il n’existe donc pas de délai qui aurait pu ne pas être observé (cf. J 10/01, point 19 des motifs).
Requête subsidiaire
41. En ce qui concerne la requête subsidiaire, la Chambre partage l’avis du requérant selon lequel le problème soulevé est une question de droit d’importance fondamentale. Toutefois, les conditions d’une saisine au titre de l’article 112(1), lettre a) CBE ne sont pas réunies.
42. Premièrement, il n’existe pas de décisions contradictoires des chambres de recours. Dans toutes les affaires analogues concernant l’interprétation de la règle 25(1) CBE, les décisions des chambres de recours concordent en ce sens que les requêtes en restitutio in integrum ont été rejetées chaque fois qu’une demande divisionnaire a été déposée après la date limite applicable.
43. Deuxièmement, la Chambre ne voit pas en quoi la validité de la jurisprudence existante des chambres de recours pourrait être sérieusement remise en question. Les différences supposées dans l’interprétation de la CBE ne justifient pas en soi une saisine de la Grande Chambre de recours, car, même si les interprétations varient, les conclusions sont les mêmes. Dans l’avis de la Grande Chambre de recours cité par le requérant (G 10/92, JO OEB 1994, 633), le dépôt d’une demande divisionnaire une fois que la demande initiale n’est plus en instance n’a pas été examiné et son éventualité n’a même pas été envisagée. (cf. p. ex. le point 10 des motifs, 3e alinéa). Par conséquent, la Chambre ne voit pas de contradiction entre la jurisprudence constante de la Chambre de recours juridique et celle de la Grande Chambre de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête en saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.
2. Le recours est rejeté.