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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2005:T019003.20050318
Date de la décision : 18 Mars 2005
Numéro de l’affaire : T 0190/03
Numéro de la demande :
Classe de la CIB :
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande :
Nom du demandeur :
Nom de l’opposant :
Chambre :
Sommaire : I. L’existence de la partialité au titre de l’article 24 CBE peut être déterminée sur la base des deux tests suivants :
Premièrement, un test “subjectif” nécessitant une preuve de la partialité avérée du membre intéressé.
Deuxièmement, un test “objectif” au cours duquel la Chambre qui statue juge si l’une quelconque des circonstances de l’espèce donne lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié (point 9 des motifs de la décision).
II. En l’absence de circonstances exceptionnelles, tout vice de procédure dans l’admission de requêtes relève simplement d’erreurs qui interviennent au cours des étapes que la Chambre doit nécessairement franchir pour aboutir à une décision. Par conséquent, le refus d’admettre des revendications modifiées, indépendamment du fait que la Chambre ait ou non correctement fait usage de ses compétences ou de son pouvoir d’appréciation, ne donne pas lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié dans le cadre du test objectif (point 20 des motifs de la décision ).
III. Au début d’une procédure de recours dans laquelle une Chambre dûment constituée n’a pas encore accompli d’acte de procédure, il n’existe généralement aucune circonstance donnant lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié, basé sur les faits d’une affaire précédente (point 22 des motifs de la décision).
IV. Le simple fait qu’en réponse à une invitation au titre de l’article 3(2) RPCR, le membre intéressé expose ses motifs et donne des explications qui vont au-delà des faits, ne donne pas lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié dans le cadre du test objectif (point 27 des motifs de la décision).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 24
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 3
Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms Art 6-1
Mot-clé : Soupçon de partialité (non)
Exergue :

Décisions citées :
G 0005/91
G 0002/94
T 0261/88
T 0433/93
T 1028/96
T 0577/97
T 0954/98
T 0367/01
T 0900/02
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/05
G 0003/08
T 1058/07
T 1365/07
T 1465/07
T 0718/10
T 2385/10
T 2161/11
T 0869/12
T 1674/12
T 0420/13

Exposé des faits et conclusions

I. La présente décision résulte d’une procédure au titre de l’article 24(3) CBE, dans laquelle le titulaire du brevet a récusé le président de la Chambre 3.X.X. qu’il soupçonnait de partialité.

II. La demande de récusation, déposée par lettre en date du 16 septembre 2004, se fondait sur de prétendus vices de procédure intervenus pendant la procédure orale relative à l’affaire T XXX/XX, portée devant la même Chambre dans une composition différente, mais avec le même président.

Le titulaire du brevet a également prétendu qu’une action intentée auprès du Verwaltungsgericht (tribunal administratif) de XXX, avec pour requête principale d’annuler la décision T XXX/XX et pour requête subsidiaire de déclarer que la décision n’avait pas d’effet juridique en Allemagne, éveillait également un soupçon de partialité.

Le titulaire du brevet a formulé des objections similaires dans ses six autres procédures de recours en instance devant la même Chambre, avec des compositions diverses, mais avec le même président et/ou rapporteur.

III. La Chambre, dans sa composition compétente pour connaître du recours, a considéré que la récusation était recevable. Pour statuer sur le soupçon de partialité, le président a été remplacé par son suppléant.

IV. La Chambre, dans sa nouvelle composition, a invité, conformément à l’article 3(2) RPCR, le président à donner son avis sur le motif de récusation allégué. Le président a dûment présenté ses observations.

V. Suite à une notification de la Chambre invitant les parties à formuler d’autres commentaires, le titulaire du brevet a présenté une requête subsidiaire en vue d’une procédure orale.

VI. En réponse à la notification qui accompagnait la citation à la procédure orale, indiquant que la récusation d’un membre suspecté de partialité au titre de l’article 24(3) CBE serait l’unique objet de la procédure orale, le titulaire du brevet a allégué que l’avis émis par le président en réponse à l’invitation au titre de l’article 3(2) RPCR donnait des raisons supplémentaires de le soupçonner de partialité.

Dans sa réponse, l’opposant a considéré comme non fondée la récusation, par le titulaire du brevet, d’un membre soupçonné de partialité, et indiqué qu’il n’assisterait pas à la procédure orale.

VII. Une procédure orale traitant de la présente espèce et des six affaires similaires s’est tenue les 17 et 18 mars 2005. Après ouverture de la procédure orale, le public a été exclu, conformément aux dispositions de la règle 93(a) CBE. A la fin de la procédure orale, le public a été réadmis et la décision a été prononcée.

VIII. Le titulaire du brevet a allégué les arguments suivants :

(1) L’article 24 CBE est une disposition indispensable, parce que les chambres de recours représentent la dernière instance pour un brevet européen, et qu’il n’existe aucune possibilité de révision judiciaire des décisions des chambres.

C’est dans cet esprit que la Grande Chambre de recours a insisté sur le respect strict de l’obligation d’impartialité, dans sa décision G 5/91.

Cet aspect est essentiel dans un système juridique fonctionnant correctement, car les parties doivent avoir le sentiment que justice leur a été rendue.

(2) Il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle une partie a recours à des allégations de partialité parce que ses chances de succès sont mauvaises, dans une affaire donnée. Au contraire, le titulaire du brevet pense que ses perspectives sont bonnes, dans ses sept affaires en instance devant la Chambre de recours 3.X.X. En outre, le titulaire du brevet n’est pas intéressé par une révision de la décision qui a déjà été rendue en l’affaire T XXX/XX.

(3) Lors d’une récusation pour “soupçon” de partialité, la question de savoir si les membres récusés ont réellement été partiaux est tout à fait sans importance. Ce qui importe, c’est le point de vue d’une partie qui exerce un jugement raisonnable, en l’occurrence le titulaire du brevet, car il risque de perdre le brevet.

(4) La récusation ne remet pas en cause la compétence des membres concernés. Elle n’implique pas non plus qu’ils cherchent délibérément à désavantager le titulaire du brevet, ou qu’ils aient un quelconque préjugé personnel. Il est simplement allégué que les membres ne peuvent rester insensibles à la situation générale qui découle des événements déclenchés par l’affaire T XXX/XX.

(5) La présente situation comporte trois aspects :

(i) Les événements survenus lors de la procédure orale dans l’affaire T XXX/XX.

(ii) L’action en instance devant le Verwaltungsgericht de XXX, intentée par le titulaire du brevet à l’encontre de l’OEB (action en justice de XXX).

(iii) L’avis du président émis en réponse à l’invitation au titre de l’article 3(2) RPCR (avis du président).

La procédure orale en l’affaire T XXX/XX

(6) Lors de la procédure orale en l’affaire T XXX/XX, il a été décidé que la requête principale et la première requête subsidiaire, qui était une combinaison des revendications 1, 19 et 20 du brevet tel que délivré, ne satisfaisaient pas aux exigences de la CBE. Vers la fin de la procédure orale, le titulaire du brevet a produit une deuxième et une troisième requête subsidiaire, ajoutant les caractéristiques des revendications 3, 8 et 9 du brevet tel que délivré à la première requête subsidiaire (la deuxième requête subsidiaire ne contenant pas la revendication 20).

(7) La Chambre, exerçant son “pouvoir d’appréciation”, n’a pas admis les deuxième et troisième requêtes subsidiaires. Elle a également refusé de saisir la Grande Chambre de recours et de suspendre la procédure. La Chambre a par conséquent annulé la décision de la division d’opposition et révoqué le brevet.

La Chambre a agi ainsi en dépit du fait que les requêtes étaient manifestement admissibles et qu’elles représentaient la dernière chance du titulaire d’obtenir le maintien de son brevet.

(8) Les modifications combinant des caractéristiques issues de sous-revendications ne sauraient être confondues avec les modifications qui ajoutent des caractéristiques provenant de la description. Un opposant qui s’est opposé au brevet dans son intégralité doit être en mesure de débattre de ces requêtes en procédure orale. De plus, ces revendications ne nécessitent pas de recherche supplémentaire. Si ces requêtes ne sont pas admises, il est possible que le titulaire perde le brevet dans sa totalité, pour des raisons de forme. C’est sa dernière chance, car il n’existe aucune possibilité de révision judiciaire.

(9) Il n’existe, dans la CBE, aucune base juridique appropriée pour rejeter ces requêtes produites tardivement. L’article 114(2) CBE ne concerne que les faits ou les preuves, et ne peut pas servir de base au rejet de requêtes produites lors d’une procédure orale. La perte intégrale des droits est une sanction trop sévère pour qu’on s’en remette aux règles, comme la règle 71bis (2) ou la règle 57bis CBE. Ces règles elles-mêmes n’indiquent pas clairement comment traiter ces requêtes “produites tardivement”.

(10) De plus, il n’existe pas de jurisprudence à l’appui d’un tel pouvoir d’appréciation pour rejeter des requêtes produites tardivement et qui combinent des revendications du brevet délivré. C’est plutôt le contraire. En particulier, la décision T 577/97 – Destruction de composés organohalogénés/ALLIEDSIGNAL (non publiée au JO OEB) a indiqué que “de manière générale, un opposant doit s’attendre à ce qu’en défense contre ses attaques, des revendications soient limitées, en cours de procédure orale, à l’objet de l’une des revendications dépendantes”, que “s’il s’avère que le jeu de revendications modifiées satisfait aux exigences de la CBE, le rejet de ces revendications pour des raisons de procédure porte gravement préjudice au titulaire du brevet” et que “le titulaire a normalement la possibilité de limiter ses revendications, même en procédure orale, de sorte qu’il ait une dernière chance d’obtenir un brevet”.

(11) La procédure suivie pour T XXX/XX (supra) est même en contradiction avec la propre pratique adoptée précédemment par la Chambre 3.X.X. Par exemple, dans les quarante-deux affaires citées à l’annexe 7 de la réponse du titulaire du brevet à la citation à la procédure orale, la Chambre, avec le même président, a accepté sans la moindre hésitation des documents, des revendications ou des requêtes produits tardivement.

(12) Ces vices de procédure dépassent les limites d’erreurs normales et doivent être considérés comme des actes “arbitraires”. Le titulaire du brevet ne voit aucune raison qui puisse expliquer cette décision, qui s’écarte de façon aussi évidente de la jurisprudence de l’OEB.

Selon une tradition de longue date dans la théorie et la pratique juridiques des Etats membres, des vices de procédure sérieux peuvent être une preuve de partialité justifiant une récusation (cf. par exemple commentaire de Vollkommer dans Richard Zöller, “Zivilprozessordnung”, 24e édition, Köln, Verlag Dr. Otto Schmidt, 2004, § 42, note 24).

S’il existe une motivation à ces actes, ce doit être une raison qui n’a rien à voir avec la procédure, mais avec le titulaire du brevet lui-même. Le titulaire se voit donc contraint de présumer que la Chambre lui a délibérément porté préjudice en éliminant une partie du brevet manifestement admissible, pour des raisons purement formelles, tout en sachant qu’il n’y avait pas de possibilité de révision judiciaire. Cela a donné au titulaire du brevet l’impression que les membres de la Chambre avaient peut-être des préjugés à son encontre. Il est essentiel, pour le système juridique, que le titulaire du brevet ait le sentiment que la procédure orale lui offre une chance équitable, et ce ne fut pas le cas à l’issue des événements survenus dans l’affaire T XXX/XX.

L’action en justice de XXX

(13) L’action en justice de XXX, dirigée contre l’OEB, a été déclenchée par les événements survenus dans l’affaire T XXX/XX, et met en évidence les faiblesses du système du brevet européen révélées à cette occasion.

(14) La première faiblesse est la perte de droits disproportionnée qui risque de découler du refus d’admettre des requêtes présentées tardivement, où sont combinées des revendications dépendantes du brevet tel que délivré. L’injustice de cette situation peut être illustrée de la façon suivante (cf. demande d’introduction d’instance dans l’action en justice de XXX à l’annexe 4 de la lettre de récusation du titulaire du brevet, point B, IV) : le titulaire du brevet a déposé une demande de brevet et s’est vu délivrer une protection à 100 %. La division d’opposition lui en a délivré 80 %. La Chambre de recours a quant à elle octroyé 0 % de protection, au motif que la requête concernant les 60 % avait été déposée trop tard.

(15) La deuxième faiblesse, c’est que la CBE ne contient aucune base juridique appropriée pour une perte intégrale des droits du titulaire (cf. ci-dessus et demande d’introduction d’instance dans l’action en justice de XXX : point D, II, 1), ce qui a donné lieu à une pratique imprévisible à l’OEB.

Si des requêtes combinant des revendications du brevet tel que délivré risquent de ne pas être acceptées, le titulaire du brevet se voit contraint de déposer à l’avance de nombreuses requêtes subsidiaires, pour être certain qu’elles soient admises dans la procédure.

(16) Les événements intervenus dans l’affaire T XXX/XXX, de même que l’action en justice de XXX constituent une attaque sérieuse et de grande ampleur de l’ensemble du système prévu par la Convention sur le brevet européen. En tant que partie à ce procès, l’OEB est nécessairement impliqué et concerné par son issue. Les membres de la Chambre participant à l’affaire T XXX/XX n’ont sans doute pas apprécié cette ligne d’action. Par conséquent, l’avis du président (conclusion concernant le motif (ii)) donné en réponse à l’invitation, selon lequel “la Chambre ne peut pas être concernée par une action en justice intentée contre l’Office européen des brevets ou son Président” ne saurait être exact.

Ce sont justement les membres récusés qui doivent se sentir concernés, car ce sont leurs actions qui ont provoqué la situation. A plus forte raison, une partie exerçant un jugement raisonnable doit donc considérer que les membres sont concernés par l’issue de l’affaire.

(17) Pour ce qui est des chances de succès de l’action en justice, les perspectives n’étaient pas si mauvaises que le donnait à penser l’avis du président (conclusion concernant le motif (ii)). En fait, le “Verwaltungsgericht” avait déjà envoyé une citation à une procédure orale prévue le 14 avril 2005, ce qui montre qu’il ne s’agissait pas d’une action futile ou vexatoire. Bien au contraire, une action en instance pour laquelle une procédure orale est prévue est une affaire sérieuse.

(18) Le stade atteint par l’action en justice montre également que le titulaire du brevet n’a pas pu provoquer artificiellement la présente situation dans le but d’étayer la récusation d’un membre soupçonné de partialité, ou de manipuler la composition de la Chambre, comme il semble ressortir également de l’avis du président (motif (ii), deuxième paragraphe). Quoi qu’il en soit, comme cela a été mentionné précédemment, le titulaire du brevet n’avait pas intérêt à agir ainsi, puisqu’il n’y avait aucune raison de douter de ses chances de succès dans les sept affaires en cours.

(19) Ce qui précède montre aussi pourquoi il ne s’agit pas, en l’espèce, d’un cas “normal” de recours contre une décision de première instance relative à une question de droit, comme l’affirme le président dans son avis (motif (ii), troisième paragraphe). En fait, l’issue de cette affaire est même encore incertaine et, jusqu’à ce qu’elle aboutisse, il y aura toujours une part de conflit. C’est ainsi, par exemple, que le président pourrait être cité comme témoin dans la procédure devant le tribunal allemand.

L’avis au titre de l’article 3(2) RPCR

(20) L’article 24 CBE prévoit deux situations différentes, à savoir l’exclusion et la récusation. Le premier cas, visé au paragraphe 1, concerne l’exclusion d’office d’un membre d’une chambre de recours pour des raisons spécifiques, notamment s’il possède un intérêt personnel dans une affaire ou s’il est intervenu dans la décision qui fait l’objet du recours. Le deuxième cas, mentionné au paragraphe 3, est la récusation par une partie si elle soupçonne un membre d’une chambre de partialité.

L’article 24 CBE prévoit deux solutions au niveau de la procédure. Premièrement, au paragraphe 2, le membre intéressé peut avertir lui-même la chambre d’un motif d’exclusion. Deuxièmement, au paragraphe 3, une partie peut récuser un membre pour l’une des deux raisons mentionnées, si cette récusation est fondée.

L’article 3(1) RPCR indique une troisième possibilité au niveau de la procédure, à savoir que la chambre elle-même peut avancer un motif de récusation. Cela déclenche également la procédure au titre de l’article 24(4) CBE.

(21) L’article 3(2) RPCR dispose que “le membre intéressé est invité à donner son avis sur le motif de récusation allégué”. C’est explicitement l’exclusion qui est visée, et non la récusation. Par conséquent, dans la présente espèce qui concerne la récusation d’un membre soupçonné de partialité, et non une exclusion, le membre intéressé n’aurait même pas dû être invité à donner son avis sur les motifs.

(22) Dans certains cas, il peut être nécessaire de consulter les membres intéressés pour clarifier les faits avant de statuer sur la récusation. Néanmoins, dans la présente affaire, le président ne s’est pas limité à donner son avis sur les faits qui entourent la décision T XXX/XX, mais a rendu un avis juridique sur le fond de l’affaire, ce qui équivaut à orienter la décision de la Chambre. Le style de son avis ressemble plus à celui d’un avocat qui présente une affaire en ne soulignant que les faits à l’appui de ses propres conclusions. L’avis n’est donc pas factuel, mais relève plutôt d’une opinion personnelle. Cette démarche n’est pas prévue dans l’invitation au titre de l’article 3(2) RPCR. Elle est en outre contraire à l’article 24(4) CBE, en vertu duquel le membre intéressé ne peut pas participer à la prise de décision. Enfin, conformément à la jurisprudence constante des Etats membres, le juge récusé ne doit se prononcer que sur les faits. En ce qui concerne la procédure civile en Allemagne, ce point ressort du commentaire de Vollkommer dans Zöller (cf. supra, § 44, note 4).

(23) C’est aussi ce que font apparaître très clairement les points suivants de l’avis du président :

(a) “Il n’existe, selon moi, aucun motif pour m’empêcher de continuer à agir en tant que président de la Chambre 3.X.X. dans l’affaire …” (paragraphe d’introduction). Cette déclaration n’est pas basée sur des faits et exprime une conclusion et une opinion personnelle.

(b) “… le titulaire du brevet a accompli un acte de procédure après cette décision …, c’est-à-dire alors qu’il avait déjà connaissance du motif de récusation, rendant ainsi la récusation irrecevable, conformément à l’article 23(3), deuxième phrase, CBE” (point 2). Cette affirmation n’est absolument pas basée sur des faits, mais constitue une instruction à l’adresse de la Chambre qui statue. Cela va à l’encontre des dispositions de l’article 24(4) CBE, qui prévoit que les chambres doivent statuer sans la participation du membre intéressé.

(c) “Premièrement, l’action en justice a été intentée par le titulaire du brevet lui-même, et non par la Chambre ; cet acte ne relève donc pas de la responsabilité de la Chambre. Par conséquent, le comportement effectif des différents membres de la Chambre ne permet pas de les soupçonner de partialité.” (motif (ii), deuxième paragraphe). Cela revient en quelque sorte à attribuer la responsabilité de l’action en justice et à laisser entendre que le titulaire du brevet peut “créer” le motif de récusation afin d’exercer une influence sur la composition de la Chambre.

(d) “La Chambre ne peut être concernée par une action en justice dirigée contre l’Office européen des brevets ou son Président (indépendamment du fait qu’une telle action devant des tribunaux nationaux soit même recevable) …” (conclusion relative au motif (ii)). Cette phrase implique que l’action en justice de XXX n’a aucune chance de succès et qu’il ne s’agit donc pas d’une entreprise sérieuse.

(24) Raisonnablement, aucune partie ne se sentirait à l’aise face à une telle opinion. En particulier, le président a manifesté un intérêt au lieu de rester neutre, comme aurait dû l’être un juge, dans l’idéal. Cette attitude donne au moins lieu de soupçonner que le président entretient peut-être des préjugés eu égard à la partie. De surcroît, si la Chambre qui statue admet le raisonnement du président, le titulaire du brevet risque d’avoir l’impression négative que ce raisonnement a eu une influence sur la décision.

(25) En outre, les points de vue exprimés dans cet “avis juridique” renforcent les autres aspects de la présente situation. Ils indiquent notamment au titulaire du brevet que les objections pour vices de procédure soulevées dans l’action en justice de XXX ont une influence sur l’opinion du président concernant la partie.

(26) Par conséquent, une partie ne peut pas s’attendre à un traitement impartial en analysant l’enchaînement complet des faits, à commencer par la violation fondamentale du droit du titulaire de brevet de modifier son brevet et l’allégation de cette violation devant un tribunal allemand avec toutes les conséquences que cela peut impliquer, comme une procédure orale, la citation de membres de la Chambre comme témoins et l’incertitude inhérente quant à l’issue d’autres instances, pour terminer par la réponse du président qui témoigne d’un intérêt pour l’affaire, va au-delà des faits et dicte à la Chambre la décision à prendre. Les conditions du “soupçon” de partialité visées à l’article 24(3) CBE sont ainsi remplies.

IX. L’opposant a fait valoir les arguments suivants :

(1) Les commentaires invoqués par le titulaire du brevet sur le droit civil allemand sont inopérants. L’article 125 CBE ne prévoit de référence aux dispositions générales de procédure qu’en l’absence de telles dispositions dans la CBE, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, étant donné l’article 24 CBE. De plus, le titulaire du brevet n’a pas montré que les principes du droit allemand qu’il invoque sont généralement reconnus dans les Etats membres. Même en Allemagne, la réponse à la question de savoir si les membres récusés peuvent exprimer un avis juridique varie d’un commentaire à l’autre.

(2) Abstraction faite de ce qui précède, il n’apparaît pas comment l’avis juridique du président concernant la procédure pourrait donner lieu à un soupçon de partialité. Le président a simplement exposé les actes de procédure accomplis et expliqué pourquoi il les jugeait appropriés. La Chambre qui statue en l’occurrence n’est nullement tenue par cet avis, mais est libre de décider par elle-même.

Motifs de la décision

Compétence de la Chambre

1. La Chambre, dans sa composition compétente pour connaître du recours, a considéré que la récusation d’un membre soupçonné de partialité est recevable au titre de l’article 24(3) CBE. Elle doit donc appliquer la procédure prévue à l’article 24(4) CBE et décider de la suite à donner (T 1028/96 – Soupçon de partialité/DU PONT DE NEMOURS, publiée au JO OEB 2000, 475, cf. points 1 s. des Motifs).

2. Conformément à l’article 24(4), deuxième phrase CBE, le membre récusé (président) a été remplacé par son suppléant, en application correcte de l’article 2(1) du plan de répartition des affaires des chambres de recours techniques pour l’année 2004 (cf. supplément au Journal officiel Nº 1/2004).

3. La Chambre, dans sa composition actuelle, est donc compétente pour siéger et statuer sur la demande de récusation d’un membre soupçonné de partialité.

Le test de partialité

4. L’article 24 CBE énonce diverses raisons pour lesquelles un membre d’une chambre de recours ne doit pas ou ne peut pas siéger dans une affaire. Ainsi, le paragraphe 1 prévoit que :

“Les membres d’une chambre de recours … ne peuvent participer au règlement d’une affaire s’ils y possèdent un intérêt personnel, s’ils y sont antérieurement intervenus en qualité de représentants de l’une des parties ou s’ils ont pris part à la décision qui fait l’objet du recours.”

Le paragraphe 2 énonce ce qui suit :

“Si, pour l’une des raisons mentionnées au paragraphe 1 ou pour tout autre motif, un membre d’une chambre de recours … estime ne pas pouvoir participer au règlement d’une affaire, il en avertit la chambre.”

Le paragraphe 3 prévoit quant à lui que :

“Les membres d’une chambre de recours … peuvent être récusés par toute partie pour l’une des raisons mentionnées au paragraphe 1 ou s’ils peuvent être soupçonnés de partialité….”

5. Comme le titulaire du brevet, la présente Chambre estime que la Grande Chambre de recours a souligné, dans sa décision G 5/91 susceptible de recours DISCOVISION (JO OEB 1992, 617), l’importance de l’obligation d’impartialité qui découle des dispositions de l’article 24 CBE. Cette décision énonce, au point 3 des motifs, qu'”il est particulièrement important de satisfaire strictement à cette exigence lors des procédures devant les chambres de recours et la Grande Chambre de recours, compte tenu de leurs fonctions judiciaires en tant qu’instances suprêmes en droit européen des brevets”.

6. Concernant le critère d’appréciation de la partialité, la Grande Chambre a en outre déclaré, au point 3 précité de sa décision G 5/91 (cf. supra) qu'”il convient d’admettre … comme un principe général du droit qu’une personne ne devrait pas statuer sur une affaire lorsque l’une des parties concernées peut avoir de bonnes raisons d’en soupçonner la partialité. “

De même, dans la décision G 2/94 – Représentation/HAUTAU II (JO OEB 1996, 401) la chambre a précisé, à la fin du point 5 concernant les restrictions nationales qui s’appliquent aux juges exerçant ultérieurement la profession d’avocat, que “Ces restrictions reflètent le principe de droit généralement admis en vertu duquel les parties à la procédure ont le droit d’être entendues en toute objectivité par des juges dont elles ne doivent raisonnablement pas craindre la partialité.”

7. Un certain nombre de décisions des chambres de recours soulignent en outre que l’important n’est pas de savoir si le membre récusé est effectivement partial, mais uniquement s’il existe objectivement de “bonnes raisons” ou des “motifs raisonnables” de soupçonner un membre de partialité (cf. T 261/88 – Décision susceptible de recours/DISCOVISION, JO OEB 1992, 627 au point 3.2 des motifs, T 433/93 – Réexamen/ATOTECH, JO OEB 1997, 509 au point 2 ou T 1028/96, cf. supra, au point 6.1). La nécessité de disposer de motifs “objectifs” et “raisonnables” signifie que, malgré le respect strict de l’obligation d’impartialité dont il est question dans la décision G 5/91, des impressions purement subjectives ou de vagues soupçons ne sont pas suffisants (cf. T 954/98 – Ablehnung wegen Besorgnis der Befangenheit, non publiée au JO, au point 2.4 ou T 261/88, cf. supra, au point 3.2).

8. En l’espèce, les objections et arguments du titulaire du brevet impliquent une combinaison assez complexe de sources possibles de partialité : certains actes de procédure constitueraient un acte “arbitraire” ou porteraient délibérément préjudice au titulaire du brevet (cf. point VIII(12) ci-dessus) ; les critiques émises par la partie entraîneraient des préjudices à son encontre (cf. point VIII(16) ci-dessus), la comparution en tant que témoin dans une procédure civile donnerait lieu à un conflit d’intérêts (cf. point VIII(19) ci-dessus) ; l’avis relatif aux objections du titulaire du brevet orienterait la décision de la Chambre compétente (cf. point VIII(22) ci-dessus) et témoignerait de préjugés à l’encontre de la partie (cf. point VIII(24) ci-dessus), etc. De plus, la Chambre voit une certaine contradiction entre les affirmations du titulaire du brevet lorsqu’il assure qu’il n’existe pas de préjugé réel (cf. point VIII(4) ci-dessus) et ses objections effectives, dont certaines donnent à penser que le membre intéressé a forcément des préjugés à son encontre.

9. Les différentes objections mentionnées ci-dessus n’entrent à première vue pas dans la catégorie des motifs possibles de partialité indiqués à l’article 24 CBE, qui ne cite expressément que quelques raisons et laisse la possibilité d’autres motifs, notamment en utilisant les termes “pour tout autre motif” au paragraphe 2. Il est donc nécessaire d’analyser plus en détail la nature de la partialité, afin d’en tirer des critères permettant d’apprécier son existence. Les objections du titulaire du brevet et les situations prévues à l’article 24 CBE impliquent deux aspects distincts de la partialité, à savoir d’une part la partialité pour des raisons subjectives, c’est-à-dire la partialité avérée d’un membre de chambre, par exemple en raison d’un intérêt personnel ou d’une antipathie à l’égard d’une partie ; d’autre part, un soupçon ou une impression de partialité que ressentirait un “observateur objectif” au vu d’un acte particulier d’un membre de chambre ou d’une réaction présumée à une action du titulaire du brevet.

La partialité avérée est une caractéristique interne propre au membre de la chambre et sa présence est assurément répréhensible, car elle va à l’encontre du principe d’une procédure équitable. Cependant, des soupçons et des apparences ne suffisent pas à établir la partialité avérée. En effet, un membre de chambre de recours a pour devoir fondamental, lorsqu’il exerce son pouvoir judiciaire, de prendre objectivement des décisions et de ne pas se laisser influencer par un intérêt personnel ou par les avis ou actes de tiers. Ce principe figure explicitement dans la déclaration solennelle prononcée par les membres des chambres de recours au moment de leur entrée en fonction. Ainsi, l’impartialité personnelle d’un membre de chambre de recours doit être présumée jusqu’à preuve du contraire.

En revanche, l’impression de partialité implique des aspects externes et traduit le niveau de confiance que la chambre inspire au public, que le membre ait réellement des préjugés ou non ; selon un vieil adage, il ne faut pas seulement que la justice soit rendue, il faut aussi qu’elle donne l’apparence d’être rendue (cf. également T 900/02, non publiée au JO, au point 4 des motifs). Etant donné que cet aspect de la partialité concerne les apparences, il n’est pas nécessaire de le prouver de la même façon que la partialité avérée ; il convient plutôt d’examiner les circonstances pour déterminer si elles donnent lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié. Cela correspond pour l’essentiel aux motifs “objectifs” et “raisonnables” identifiés ci-dessus dans la jurisprudence de l’OEB.

10. Ce qui précède va dans le sens des principes de procédure généralement admis dans les Etats membres, par exemple dans la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Cour EDH). Cette cour s’est prononcée à maintes reprises sur l’article 6, paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CEDH), qui dispose que “toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue … par un tribunal … impartial …qui décidera des contestations sur ses droits …de caractère civil ….” Depuis l’affaire Piersack c. Belgique (1er octobre 1982, Série A, Nº 53, p. 14, point 30), la Cour EDH interprète l’impartialité au sens de cette disposition en tenant compte des deux aspects mentionnés ci-dessus, ce qu’elle a confirmé récemment dans l’affaire Puolitaival et Pirttiaho c. Finlande (23 novembre 2004, requête nº 54857/00, point 41).

11. Dans la présente espèce, il s’est posé la question de savoir qui doit juger les motifs susceptibles de donner lieu au soupçon de partialité. Selon le titulaire du brevet, c’est la partie qui émet l’objection, parce que c’est la seule partie pour laquelle il y a un enjeu, comme la perte du brevet, et qu’elle doit avoir le sentiment que cet aspect est pris en considération en toute équité. Cependant, la Chambre considère que la question de la partialité ne doit pas dépendre des éléments en jeu, parce que ce critère peut varier d’une affaire à l’autre, alors que le soupçon de partialité est jugé d’un point de vue objectif et qu’il implique un critère fixe. Dans le cas contraire, cela signifierait que si l’enjeu est important, le moindre soupçon suffirait à justifier la crainte de partialité. Par conséquent, c’est la Chambre qui juge si les circonstances de l’espèce considérées dans leur ensemble donnent lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié. Cette conclusion concorde avec la jurisprudence de la Cour EDH, par exemple au paragraphe 42 de l’arrêt dans l’affaire Puolitaival et Pirttiaho c. Finlande (cf. supra), où il a été déclaré que “le point de vue de la personne concernée est important, mais pas décisif”.

12. Par conséquent, l’existence de la partialité doit être déterminée sur la base des deux tests suivants, qui s’appliquent à chacun des aspects identifiés ci-dessus par la Chambre :

Premièrement, un test “subjectif” nécessitant une preuve de la partialité avérée du membre intéressé.

Deuxièmement, un test “objectif” dans lequel la Chambre juge si l’une quelconque des circonstances de l’espèce donne lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié.

13. En appliquant ces tests à la présente espèce, la Chambre doit déterminer s’il existe soit une preuve de préjugé effectif (test subjectif), soit un fait quelconque donnant lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié (test objectif) pour chacun des divers aspects évoqués par le titulaire du brevet.

Test subjectif

La procédure orale dans l’affaire T XXX/XX

14. Le titulaire du brevet fait valoir que le refus d’admettre les requêtes subsidiaires, dans l’affaire T XXX/XX, constitue un vice de procédure qui ne peut s’expliquer que par une intention de nuire au titulaire du brevet, c’est-à-dire de la partialité (cf. point VIII(12) ci-dessus). Il n’a cependant été fourni aucune preuve d’un réel préjugé du président de la Chambre. Au contraire, le titulaire du brevet a souligné à maintes reprises qu’il n’alléguait pas que dans l’affaire T XXX/XX, un membre de la Chambre ait fait le moindre commentaire personnel ou exprimé une antipathie personnelle ou un préjugé (cf. point VIII(4) ci-dessus). Il n’existe donc aucune preuve de partialité et, partant, aucune partialité au titre du test subjectif.

L’action en justice de XXX

15. La seule partie de cette action qui pourrait concerner directement le président, dans la présente espèce, est l’exercice prétendument abusif du pouvoir d’appréciation lors du rejet de requêtes présentées tardivement, et même dans ce cas, cela ne concerne que la décision de la Chambre dans son ensemble, et pas directement un membre en particulier. Le type de préjugé qui vient à l’esprit, à la suite de ces allégations, devrait provenir du sentiment d’irritation ou de contrariété de voir ses propres actions critiquées en public (cf. point VIII(16) ci-dessus). Le titulaire du brevet n’a toutefois fourni aucune preuve d’une telle réaction, comme le requiert le test subjectif. Au contraire, comme cela a été mentionné ci-dessus, le titulaire du brevet s’est donné beaucoup de mal pour souligner qu’en l’espèce, la critique n’est pas de nature personnelle, mais qu’elle est dirigée contre la jurisprudence de l’OEB dans son ensemble. De plus, il n’est pas rare que des décisions des chambres de recours soient critiquées publiquement, par exemple dans les commentaires ou articles de doctrine. Nommer spécifiquement des membres ayant pris part à la décision incriminée ne changerait pas la situation, surtout en l’absence d’attaques personnelles. Par conséquent, la présente Chambre estime que la présomption d’un préjugé subjectif en réaction à une telle critique est loin d’en établir la preuve, comme le requiert le test subjectif.

16. Le comportement du président, s’il était cité comme témoin devant le Verwaltungsgericht (cf. point VIII(19) ci-dessus) pourrait aussi constituer un aspect subjectif potentiel. Cependant, étant donné que cette comparution n’a pas eu lieu, elle ne peut servir à prouver la partialité, comme le nécessite le test subjectif.

L’avis du président

17. En guise de préliminaire, le titulaire du brevet allègue que l’article 3(2) RPCR ne s’applique pas aux cas où le membre intéressé a été révoqué par une partie au titre de l’article 24(3) CBE (cf. points VIII(20)-(21) ci-dessus). La présente Chambre reconnaît que le champ d’application de l’article 3(2) RPCR n’est pas parfaitement clair. D’une part, cette disposition suit immédiatement l’article 3(1), qui traite du cas où le motif de récusation (“exclusion or objection” en anglais ; un seul mot dans la version allemande : “Ausschließungsgrund”) émane de la Chambre, mais pas du membre intéressé. En outre, comme le souligne le titulaire du brevet, l’article 3(2) de la version anglaise utilise les termes “reason for exclusion”, et non le terme “objection”. D’autre part, la dernière disposition de l’article 3, à savoir l’article 3(3), prévoit d’une façon générale que la procédure relative à l´affaire n´est pas poursuivie avant qu´une décision ait été prise au sujet de la récusation, ce qui doit s’appliquer à tous les cas d’exclusion et de récusation. Enfin, la version française de l’article 3 RPCR n’utilise que le mot “récusation” pour couvrir à la fois l’exclusion et la récusation, de sorte que l’article 3(2) pourrait s’appliquer aux deux cas. Néanmoins, la Chambre considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner dans quels cas de partialité le membre doit être impérativement invité à donner un avis au titre de l’article 3(2) RPCR puisque, comme le concède lui-même le titulaire du brevet (cf. point VIII(22) ci-dessus), il peut être judicieux, dans certaines situations, d’inviter un membre à donner son avis sur les motifs de partialité allégués, si la Chambre le juge utile. C’est ce qui s’est passé en l’espèce.

18. Appliquant le test subjectif à l’avis formulé par le président en réponse à l’invitation, la Chambre estime que les mots utilisés ne prouvent en rien une quelconque partialité. Selon la Chambre, les passages que le titulaire du brevet juge problématiques (cf. point VIII(23) ci-dessus) sont tous des résumés neutres de l’opinion du président, à savoir par exemple qu’il n’y a aucun motif d’exclusion, que l’action en justice engagée par le titulaire du brevet ne peut pas impliquer de partialité de la part de la Chambre, ou encore que les questions examinées dans l’action en justice de XXX, qui pourrait s’avérer irrecevable, n’ont aucune incidence sur la présente espèce. Par conséquent, la Chambre ne décèle dans les termes de l’avis aucune preuve de partialité, telle que requise dans le cadre du test subjectif.

De même, la Chambre ne décèle dans cet avis aucune preuve d’un “intérêt” justifiant l’exclusion, par exemple au sens de l'”intérêt personnel” mentionné à l’article 24(1) CBE, comme l’a allégué le titulaire du brevet (cf. point VIII(24) ci-dessus).

19. Néanmoins, la présente Chambre peut concevoir que dans certaines circonstances, l’avis du membre intéressé concernant une affaire antérieure ou en instance pourrait constituer une preuve de préjugé personnel, et donc de partialité. Dès lors, il convient de choisir avec soin la teneur et la formulation d’un tel avis. Pour des raisons similaires, lorsque l’invitation au titre de l’article 3(2) RPCR ne s’impose pas, il convient d’examiner soigneusement si cet avis est vraiment nécessaire.

Test objectif

La procédure orale dans l’affaire T XXX/XX

20. Le titulaire du brevet prétend que la non-admission des requêtes subsidiaires, dans l’affaire T XXX/XX, était un acte “arbitraire”, un vice de procédure aussi sérieux prouvant directement la partialité (cf. point VIII(12) ci-dessus). La Chambre estime toutefois qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles, tout vice de procédure de ce type relève simplement d’erreurs qui interviennent au cours des étapes nécessairement suivies par la Chambre pour aboutir à une décision, et qu’un tel vice ne s’apparente pas, en soi, à une quelconque forme de partialité. Par conséquent, le refus d’admettre des revendications modifiées, indépendamment du fait que la Chambre ait ou non correctement fait usage de ses compétences ou de son pouvoir d’appréciation, ne donne pas lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié.

21. En outre, la présente Chambre considère qu’il n’y a pas eu de vice de procédure ni de circonstances exceptionnelles dans l’affaire T XXX/XX.

Contrairement au titulaire du brevet (cf. point VIII(10) ci-dessus), la Chambre estime que selon la jurisprudence de l’OEB, l’acceptation de revendications produites tardivement dans une procédure de recours relève d’un pouvoir d’appréciation (cf. chapitre VII.D.14, intitulé “Dépôt de revendications modifiées lors de la procédure de recours”, dans l’ouvrage “Jurisprudence des Chambres de recours de l’Office européen des brevets”, 4e édition 2001).

Il ressort de surcroît du point 14.2 de ce chapitre, que l’exercice de ce pouvoir d’appréciation est soumis à des critères relativement bien définis. Ces critères concernent la date de dépôt des requêtes, la difficulté que suscite leur examen et les raisons du dépôt tardif. Ainsi, la présente Chambre ne peut souscrire à l’allégation du titulaire de brevet (cf. point VIII(12) ci-dessus) selon laquelle l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Chambre dans l’affaire T XXX/XX constitue un acte “arbitraire”. Le point 13 de la décision T XXX/XX analyse en détail le contexte de la deuxième requête subsidiaire. La décision constate notamment que la requête a été présentée tardivement, qu’elle n’était accompagnée d’aucune explication concernant le retard et qu’elle différait considérablement des requêtes précédentes. Ces aspects correspondent exactement à ceux qui sont requis par la jurisprudence précitée. La troisième requête subsidiaire a été rejetée pour les mêmes motifs.

La Chambre estime dès lors que la procédure suivie dans l’affaire T XXX/XX ne s’écarte pas des dispositions de la CBE, ni du règlement de procédure, ni de la jurisprudence des chambres de recours et que, par conséquent, elle ne peut en soi donner lieu à aucun soupçon de partialité objectivement justifié.

22. En outre, la présente Chambre estime que dans un cas basé sur les circonstances d’une précédente affaire, il existe une différence fondamentale entre le fait d’alléguer une partialité avérée, ou d’exprimer simplement une crainte de partialité. La partialité avérée persiste dans le temps, tandis que les circonstances qui éveillent un soupçon de partialité varient généralement d’un cas à l’autre et ne subsistent donc pas nécessairement. En particulier, au début d’une procédure de recours dans laquelle une Chambre dûment constituée n’a pas encore accompli d’acte de procédure, il n’existe généralement aucune circonstance donnant lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié. Dans le cas contraire, toutes les procédures pourraient prêter le flanc à des objections de ce type. Faire droit à ces objections aurait en outre un effet secondaire indésirable, à savoir le réexamen en fait des motifs d’une décision rendue dans une affaire antérieure.

La Chambre note également qu’aucun des exemples mentionnés dans l’extrait du commentaire sur la procédure civile en Allemagne cité par le titulaire du brevet (cf. point VIII(12) ci-dessus) ne semble non plus concerner le cas de demandes de récusation fondées sur des actes de procédure accomplis dans des affaires antérieures.

23. La situation pourrait être différente s’il y avait eu, dans plusieurs affaires, une application systématiquement erronée de la loi à l’encontre de la même partie, ce qui n’apparaîtrait qu’en association avec une autre affaire. Ce n’est toutefois pas le cas ici, puisque le titulaire du brevet s’appuie exclusivement sur les circonstances de l’affaire T XXX/XX. Néanmoins, le titulaire du brevet a essayé de démontrer a contrario ce préjugé systématique en produisant une liste d’affaires qui montrent, selon lui, que la Chambre, avec le même président, a admis “sans la moindre hésitation” des requêtes présentées tardivement dans d’autres affaires (cf. point VIII(11) ci-dessus). A ce propos, la Chambre note toutefois que dans deux de ces affaires (T XXX/XX et T XXX/XX), les requêtes admises avaient en fait été produites par le présent titulaire du brevet.

24. En conséquence, la Chambre considère que les circonstances de la présente espèce, qui impliquent une question de pouvoir d’appréciation dans une affaire différente et ancienne et dans lesquelles une chambre dûment constituée n’a pas encore accompli d’acte de procédure, ne donnent pas lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié.

L’action en justice de XXX

25. Etant donné que la procédure devant l’OEB est distincte de l’action intentée devant le Verwaltungsgericht, la Chambre ne voit aucun lien possible entre elles et, par conséquent, aucun motif donnant lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié.

L’avis du président

26. La Chambre estime que le simple fait d’émettre un avis en réponse à une invitation en ce sens, ne saurait donner lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié, et ce indépendamment du contenu de cet avis.

27. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’avis va au-delà des faits (cf. point VIII(22) ci-dessus), la présente Chambre estime que les déclarations du membre intéressé ne sont pas soumises à des limites formelles. La Chambre considère que le président a simplement répondu à l’invitation, exposé ses raisons et expliqué celles-ci, ce qui ne dénote aucune partialité. En outre, les commentaires relatifs à la procédure civile en Allemagne invoqués par le titulaire du brevet ne sont pas déterminants, puisque les opinions varient manifestement sur ce point, comme l’a fait remarquer l’opposant (cf. point IX(1) ci-dessus).

28. S’agissant de la présence de commentaires relatifs à des questions juridiques, la Chambre note que la récusation d’un membre soupçonné de partialité est fondée sur une prétendue absence de base juridique concernant le pouvoir d’appréciation, pour une chambre, de rejeter des requêtes présentées tardivement, ce qui constitue une objection d’ordre juridique. Par conséquent, les faits qui sont à l’origine de la récusation ont en l’espèce une dimension juridique et il n’est donc pas inhabituel que des questions juridiques soient abordées.

29. La présente Chambre convient avec le titulaire du brevet (cf. point VIII(22) ci-dessus) que le président tire effectivement de ces faits certaines conclusions qui représentent manifestement des décisions possibles pour la Chambre compétente. Toutefois, les décisions de la présente Chambre ne sont pas pertinentes pour la partialité des membres de la Chambre dans sa composition d’origine. Quoi qu’il en soit, l’avis du président n’équivaut pas à une “participation du membre intéressé” au sens de l’article 24(4) CBE, qui a trait à la délibération et au vote conformément aux articles 14 et 15 RPCR. La Chambre est en revanche d’accord avec l’opposant (cf. point IX(2) ci-dessus) pour affirmer qu’elle n’est nullement tenue par cet avis, mais qu’elle est au contraire libre de statuer par elle-même. Par conséquent, il n’existe pas non plus, au titre de l’article 24(4) CBE, de motif donnant lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié, dans la décision.

30. Enfin, l'”intérêt” allégué par le titulaire du brevet (cf. point VIII(24) ci-dessus) est tout au plus un intérêt portant sur l’interprétation correcte des faits de la précédente affaire T XXX/XX, c’est-à-dire un intérêt professionnel abstrait. La Chambre considère qu’un tel intérêt n’est pas surprenant de la part d’un président de chambre de recours, et qu’il ne donne pas lieu à un soupçon de partialité objectivement justifié.

31. En conclusion, la présente Chambre estime qu’aucun des éléments évoqués par le titulaire du brevet ne prouve une quelconque partialité de la part du président, ni dans le cadre du test subjectif, ni dans le cadre du test objectif. La Chambre ne voit donc aucune raison de faire droit à la demande de récusation émanant du titulaire du brevet.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

La demande de récusation du président initial de la Chambre, soupçonné de partialité, est rejetée.