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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2007:T117804.20070227
Date de la décision : 27 Fevrier 2007
Numéro de l’affaire : T 1178/04
Numéro de la demande : 96920670.5
Classe de la CIB : A23K 1/165
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande :
Nom du demandeur : Her Majesty the Queen in Right of Canada
Nom de l’opposant : BASF Aktiengesellschaft
Chambre : 3.3.09
Sommaire : L’obligation qui incombe à l’Office européen des brevets d’examiner d’office la qualité d’opposant à tous les stades de la procédure s’étend non seulement à la recevabilité de l’opposition initiale, mais aussi à la validité d’une transmission prétendue de la qualité d’opposant à une nouvelle partie.
La doctrine de l’interdiction de la reformatio in pejus ne s’applique pas dans le contexte de l’exercice d’une telle obligation.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 106(1)
European Patent Convention 1973 Art 106(3)
European Patent Convention 1973 Art 107
European Patent Convention 1973 Art 112(2)
European Patent Convention 1973 R 67
European Patent Convention 1973 R 68(1)
Mot-clé : Prétendu nouvel opposant “partie à la procédure” (oui)
Recevabilité du recours formé par le prétendu opposant (oui)
Décision relative à la transmission de la qualité d’opposant – “décision” de la division d’opposition (oui)
Titulaire lésé par la décision (non)
Titulaire non lésé par la décision privé de la faculté de présenter des arguments relatifs à la validité de la transmission de la qualité d’opposant (non)
Reformatio in pejus (non applicable)
Validité de la transmission de la qualité d’opposant (non)
Renvoi à la division d’opposition (oui)
Remboursement de la taxe de recours (non)
Exergue :

Décisions citées :
G 0004/88
G 0005/91
G 0009/92
G 0004/93
G 0003/97
G 0004/97
G 0001/99
G 0003/99
G 0002/04
J 0018/84
J 0037/89
T 0010/82
T 0244/85
T 0389/86
T 0073/88
T 0289/91
T 0199/92
T 0028/93
T 0522/94
T 0670/95
T 0960/95
T 0239/96
T 0298/97
T 0799/97
T 1180/97
T 1229/97
T 0263/00
T 0604/01
T 0846/01
T 0261/03
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
J 0017/12
T 1081/06
T 1423/06
T 0659/07
T 0384/08
T 2232/08
T 1982/09
T 0545/12
T 0854/12
T 0540/13
T 0614/13
T 0194/15

Exposé des faits et conclusions

I. Les questions soulevées dans le présent recours portent sur la qualité d’opposant et sur la recevabilité de son recours.

II. La mention de la délivrance du brevet européen nº0841859, au nom de Sa Majesté la reine du chef du Canada, représentée par le ministère de l’agriculture et de l’agroalimentaire du Canada (le “titulaire”), a été publiée au Bulletin européen des brevets le 31 octobre 2001. L’acte d’opposition au brevet délivré a été déposé par DSM N.V. A la suite d’un changement de nom, cette entreprise porte la dénomination “Koninklijke DSM N.V”. Cependant, dans la présente décision, elle sera simplement dénommée “DSM”.

III. Pendant la procédure d’opposition, une requête a été présentée en vue de la transmission de l’opposition de DSM à un cessionnaire, BASF AG (dénommé “BASF” dans la présente décision). Par lettre en date du 3 novembre 2003, DSM a produit à l’appui de cette requête les documents D5 et D6, qui seront examinés plus en détails ultérieurement. Le titulaire a mis en question l’admissibilité de la transmission dans ses courriers du 17 novembre et du 11 décembre 2003. De plus, le 14 janvier 2004, le service des transcriptions de l’Office européen des brevets a relevé que les documents D5 et D6 ne se rapportaient qu’à des accords entre une filiale de DSM, à savoir DSM Food Specialities B.V. (dénommée “DFS” dans la présente décision) et BASF, et ce alors que DSM était l’opposant inscrit.

IV. Le 25 mars 2004, BASF a produit en réponse une déclaration (D7) à l’effet d’établir que l’opposition lui avait été transmise.

V. Le 22 avril 2004, la division d’opposition a envoyé aux parties une notification indiquant que la question relative à l’admissibilité de la transmission de l’opposition serait tranchée en premier lieu lors de la procédure orale qui allait se tenir.

VI. A la date de la procédure orale, soit le 4 mai 2004, DSM et BASF étaient représentées par le même mandataire, bien que celui-ci n’ait pas comparu à la procédure orale proprement dite, ainsi qu’il avait été annoncé au préalable. Les moyens et requêtes présentés par écrit par DSM ont été de fait repris par BASF.

VII. Pendant la procédure orale, le titulaire s’est borné à déclarer, à la lumière du document D7, qu’il avait toujours de “légers doutes” quant à la validité de la transmission de l’opposition (cf. point 2 du procès-verbal). Sur la base des nouveaux éléments de preuve figurant dans le document D7, la division d’opposition a décidé que la transmission était valable. Au point 2 du procès-verbal, il est indiqué que :

“Le président annonce que la transmission de l’opposition à BASF AG est admissible et qu’il sera procédé à l’inscription correspondante. BASF AG est considérée comme l’opposant à partir de ce moment”.

VIII. Le président a ensuite résumé les requêtes présentées par les parties. Il est consigné au procès-verbal que l’opposant a requis la révocation du brevet dans son intégralité en application de l’article 100 a) (absence de nouveauté et d’activité inventive) et de l’article 100 c) CBE. Le titulaire a requis a) à titre de requête principale, le rejet de l’opposition et le maintien du brevet tel que délivré, b) à titre de requêtes subsidiaires, le maintien du brevet sous une forme modifiée. Se reporter à cet égard au point 3 du procès-verbal. La division d’opposition s’est ensuite penchée sur les questions de fond. A la fin de la procédure, après que la requête principale et la première requête subsidiaire du titulaire eurent été rejetées, il a été décidé que le brevet devait être maintenu sur la base de la deuxième requête subsidiaire du titulaire.

IX. Bien que les motifs de cette décision comportent les motifs de la décision concernant l’admissibilité de la transmission, la décision intermédiaire proprement dite, telle que signifiée par écrit (règle 68(1) CBE, formulaire 2327), n’y fait pas référence.

X. La décision écrite telle que signifiée, les motifs de la décision et le procès-verbal ont été adressés à BASF et au titulaire, mais pas à DSM, et leur ont été transmis par leurs mandataires respectifs.

XI. Le 7 septembre 2004, BASF a formé un recours contre la décision de la division d’opposition et, le même jour, a acquitté la taxe de recours. Les motifs du recours, soumis le 4 novembre 2004, étaient fondés sur l’article 123(2) CBE, sur l’absence de nouveauté et sur le défaut d’activité inventive.

XII. Le titulaire n’a pas formé de recours. Cependant, dans sa réponse en date du 14 avril 2005, où il a présenté ses arguments et longuement traité des questions de fond soulevées par le recours, le titulaire a mis en question la décision de la division d’opposition concernant la transmission de la qualité d’opposant et a demandé à la Chambre d’examiner la question de savoir si la transmission “était légitime”.

XIII. Dans sa notification en date du 1er décembre 2006, la Chambre a informé les parties que la procédure orale qui allait se tenir serait consacrée uniquement aux questions relatives à la qualité d’opposant du requérant, à la recevabilité du recours et au renvoi éventuel de la procédure devant la division d’opposition aux fins de poursuite de la procédure d’opposition avec le véritable opposant. La Chambre a émis des doutes quant à la validité de la transmission de l’opposition.

XIV. BASF et le titulaire ont produit d’autres moyens concernant ces questions les 25 et 29 janvier 2007 respectivement.

XV. La procédure orale a eu lieu le 27 février 2007. BASF était représentée mais, ainsi qu’il avait été annoncé au préalable, le titulaire ne l’était pas.

XVI. Les arguments invoqués par BASF à la fois verbalement et par écrit peuvent se résumer comme suit :

a) Le recours est recevable car il satisfait aux exigences des articles 107 et 108 CBE. BASF était partie à la procédure au sens de l’article 107 CBE (cf. citation à la procédure orale émise par la division d’opposition, le procès-verbal de cette procédure orale et le registre des brevets proprement dit). De plus, les conditions visées à l’article 108 CBE concernant le délai, la taxe et le mémoire exposant les motifs ont été observées. De DSM ou de BASF, seule BASF pouvait former le recours.

b) Etant donné que le titulaire du brevet n’a pas formé de recours, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si la décision relative à la possibilité de transmettre la qualité d’opposant était correcte et, à plus forte raison, si la décision de la division d’opposition a fait droit ou non aux prétentions de l’intimé-titulaire. Le titulaire n’a soulevé la question de la transmission qu’en réponse aux motifs invoqués par BASF à l’appui du recours. Cette question sort pas conséquent du cadre du présent recours.

c) La doctrine relative à l’interdiction de la reformatio in pejus s’applique. BASF ne saurait être placée dans une situation plus défavorable que dans le cas où elle n’aurait pas formé de recours. Dans la présente procédure de recours, l’action du titulaire se limite à la défense du brevet sous la forme dans laquelle il a été maintenu pendant la procédure d’opposition.

d) S’il est fait droit au recours et que l’affaire soit renvoyée devant la division d’opposition, il convient de rembourser la taxe de recours en application de la règle 67 CBE. BASF n’est aucunement responsable de la position où elle se trouve.

XVII. Les arguments avancés par écrit par le titulaire peuvent se résumer comme suit :

a) Le titulaire est libre de mettre en question la transmission de la qualité d’opposant car les conclusions de la division d’opposition en l’espèce ne constituaient pas une décision pouvant faire l’objet d’un recours indépendant. L’unique décision rendue par la division d’opposition a porté sur le maintien du brevet sous une forme modifiée. Le titulaire était satisfait de ce résultat. Il n’aurait pas pu former de recours contre cette partie de la décision seulement, à savoir, de fait, contre une partie seulement des motifs de cette décision. Le titulaire ne saurait devoir former un recours contre la décision rejetant sa requête principale ou sa première requête subsidiaire aux seules fins de pouvoir soulever la question concernée. Les décisions T 73/88 (JO OEB 1992, 557) et G 5/91 (JO OEB 1992, 617) s’appliquent par analogie.

b) Si les conclusions relatives à la transmission de la qualité d’opposant avaient constitué une décision susceptible de faire l’objet d’un recours indépendant, il aurait fallu les rendre à ce titre, au lieu de les présenter comme une partie des motifs de la décision ayant conduit au maintien du brevet sous une forme modifiée.

c) La transmission de la qualité d’opposant n’était pas valable. Les doutes exprimés par la Chambre dans sa notification ont été essentiellement confirmés.

d) Etant donné que le recours a été formé au nom d’une personne qui n’était pas le véritable opposant, le recours est irrecevable.

e) Le renvoi de l’affaire irait à l’encontre de l’économie de la procédure et générerait de nouveaux frais pour le titulaire. Quand bien même la procédure d’opposition prendrait totalement fin si le recours était jugé irrecevable, BASF aurait encore la possibilité de contester la validité du brevet auprès des tribunaux nationaux. Aussi, en considération des positions respectives des parties, le rejet du recours pour irrecevabilité serait-il la solution adéquate.

f) Si l’affaire était renvoyée, le titulaire s’inquiète surtout de ce que les questions de fond soient reéxaminées devant la division d’opposition. Un éventuel renvoi de l’affaire devrait donc avoir pour unique objet la révision de la décision relative à la transmission de la qualité d’opposant.

g) Si l’affaire était renvoyée, il devrait être enjoint à DSM, pour des motifs d’équité, d’acquitter les frais de la procédure renvoyée.

XVIII. Les parties ont formulé leur requête de la manière suivante :

a) BASF a requis :

i) que le recours soit jugé recevable ;

ii) de façon implicite que la procédure de recours se poursuive avec BASF en qualité de requérant-opposant ;

iii) que la taxe de recours soit remboursée si la procédure est renvoyée devant la division d’opposition.

b) l’intimé-titulaire a requis :

i) que la transmission de la qualité d’opposant de DSM à BASF soit jugée non valable ;

ii) que le recours soit déclaré irrecevable ;

iii) que la procédure ne soit pas renvoyée devant la division d’opposition ;

iv) en cas de renvoi de la procédure devant la division d’opposition :

que le dispositif précise que l’affaire est renvoyée seulement en vue d’une révision des conclusions relatives à la transmission de la qualité d’opposant et, pour le reste, en vue du renouvellement de la décision prise en première instance ;

que tous les frais afférents à la procédure de renvoi soient répartis en faveur du titulaire et aux dépens de l’opposant initial, DSM.

Motifs de la décision

Recevabilité du recours

1. La première question que la Chambre examinera est celle de savoir si le recours serait recevable même dans l’hypothèse où la transmission de la qualité d’opposant n’était pas valable. La question est formulée en ces termes puisque BASF a fait valoir que la validité de la transmission ne peut en aucun cas être examinée dans le cadre du présent recours.

2. L’article 107 CBE dispose que “Toute partie à la procédure ayant conduit à une décision peut recourir contre cette décision pour autant qu’elle n’ait pas fait droit à ses prétentions”. L’unique problème qui se pose dans cette partie de l’affaire est de savoir si BASF était, au moment concerné, “partie à la procédure” au sens de l’article 107 CBE, quand bien même la transmission de l’opposition à BASF ne serait pas valable. De l’avis de la Chambre, BASF était, et est à l’évidence partie en ce sens.

3. La Chambre estime qu’une “partie” désigne simplement, dans ce contexte, une personne prenant part à la procédure devant l’Office européen des brevets. A cette fin, une personne est partie même si sa capacité à prendre part à cette procédure est mise en question et fait l’objet d’une décision en instance. Bien qu’elle puisse cesser d’être partie si elle est jugée ne pas avoir capacité pour prendre part à la procédure, cela ne signifie pas qu’elle n’a jamais été partie, mais seulement qu’elle n’est plus habilitée à prendre part à la procédure. Avant cela, elle avait qualité de partie à la procédure, et cette qualité était limitée à la question de savoir si elle était habilitée à prendre part à la procédure. S’il est décidé qu’elle a capacité pour prendre part à la procédure, elle reste partie même si cette décision peut être annulée ultérieurement lors d’un recours. Une telle décision impliquera qu’elle ne sera plus habilitée à prendre part à la procédure, mais elle ne signifiera pas qu’elle n’a jamais été partie à la procédure. Sa situation ne saurait changer rétroactivement de manière que, après avoir été partie à la procédure, elle n’ait jamais été partie à la procédure, ou vice-versa, selon la teneur d’une telle décision. Elle ne peut pas occuper une position à mi-chemin entre ces deux situations, jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement en l’espèce.

4. Par conséquent, BASF a été et est partie à cette procédure. Le fait que la décision de la division d’opposition concernant la qualité d’opposant ait été erronée selon l’hypothèse posée ne saurait signifier que BASF n’était pas partie à la date où elle a présenté son acte de recours.

5. Etant donné qu’en l’espèce, il a sans conteste été satisfait aux autres exigences des articles 107 et 108 CBE, il s’ensuit que le recours de BASF est recevable.

Validité de la transmission de la qualité d’opposant en tant qu’objet de la présente procédure de recours

6. Dans le présent recours, BASF défend principalement la thèse que la question de la transmission de la qualité d’opposant ne peut pas être examinée dans le cadre du présent recours, puisque le titulaire n’a pas formé de recours.

7. Pour les motifs exposés aux points 18 à 36 ci-dessous, la Chambre considère que l’issue du présent recours n’est en rien influencée par le fait que le titulaire n’a pas formé de recours, et encore moins par la question de savoir si oui ou non il pouvait former un recours. La Chambre examinera néanmoins les arguments des parties à ce sujet.

8. Le titulaire fait valoir que les conclusions selon lesquelles la qualité d’opposant a été valablement transmise ne constituaient pas une “décision” de la division d’opposition au sens de l’article 106(1) CBE, mais faisaient seulement partie des motifs de la décision proprement dite, à savoir le maintien du brevet sous une forme modifiée. Etant donné que seule une “décision” de la division d’opposition, et non un motif de cette décision, est susceptible de recours (article 106(1) CBE), le titulaire n’aurait pu former de recours contre la question concernée.

9. S’agissant de ce problème, le titulaire indique à juste titre que l’unique décision rendue à l’issue de la procédure orale portait sur le fait que le brevet, tel que modifié, et l’invention qui en faisait l’objet remplissaient les exigences de la CBE. Bien que le procès-verbal ne contienne aucune précision en ce sens, tel est néanmoins manifestement le cas. En tout état de cause, telle est la décision qui a ensuite été signifiée par écrit aux parties, en application de la règle 68(1) CBE. Voir à ce sujet le formulaire 2327 en date du 28 juin 2004. Les motifs de la décision en apportent de surcroît la confirmation (cf. déclaration finale à la rubrique “décision”).

10. La Chambre estime cependant que la décision relative à la transmission équivalait à une décision au sens de l’article 106(1) CBE. Dans le contexte de cet article, une “décision” est un acte administratif ou juridictionnel de l’Office européen des brevets par lequel le droit d’une ou de plusieurs parties à une procédure est déterminé de manière contraignante sur le plan juridique. La décision T 263/00 (non publiée au JO OEB) va dans le même sens.

11. En l’occurrence, il était manifeste qu’un acte administratif ou juridictionnel était nécessaire pour résoudre la question de la transmission. Qui plus est, celle-ci a effectivement été résolue par un tel acte, à savoir l’annonce de la division d’opposition, à l’issue de la première étape de la procédure orale, que la transmission de l’opposition à BASF AG était recevable et qu’il serait procédé à l’inscription correspondante (cf. point 2 du procès-verbal). Le fait que cette décision a été rendue verbalement ne revêt aucune importance aux fins de l’article 106 CBE, puisque la règle 68(1) CBE établit clairement qu’une décision peut être prononcée. Voir aussi à cet égard la décision T 389/86 (non publiée au JO OEB). Si, par exemple, il y avait eu une procédure intermédiaire indépendante, limitée à cette question, toute conclusion concernant la transmission de la qualité d’opposant aurait à l’évidence équivalu à une décision au sens de l’article 106(1) CBE (cf. par exemple les décisions connexes T 799/97 et T 1229/97 – non publiées au JO OEB), contre laquelle un recours indépendant aurait normalement été prévu (comme dans la décision T 10/82 – JO OEB 1983, 407).

12. La décision concernant la transmission de la qualité d’opposant dans la présente affaire n’était toutefois qu’une décision intermédiaire contre laquelle il n’était pas possible de prévoir un recours indépendant conformément à l’article 106(3) CBE, du moins au moment où elle a été rendue. L’unique décision contre laquelle un recours indépendant était expressément prévu était celle selon laquelle le brevet, tel que modifié, et l’invention qui en faisait l’objet remplissaient les exigences de la CBE. Voir le formulaire 2327 en date du 28 juin 2004. Un recours pouvait être formé seulement contre l’intégralité de cette décision, autrement dit le titulaire n’était pas libre de former un recours contre la décision relative à la transmission de la qualité d’opposant, en excluant de son recours la décision relative au maintien du brevet sous une forme modifiée. S’il avait tenté de le faire, le recours aurait été irrecevable. Un recours ne peut pas être dirigé contre une partie d’une décision rendue par une instance du premier degré si le résultat est identique, quand bien même le requérant obtiendrait gain de cause. Voir à cet égard la décision T 846/01 (non publiée au JO OEB). En l’occurrence, le résultat (maintien du brevet sous une forme modifiée, conformément à la deuxième requête subsidiaire du titulaire) aurait sans conteste été le même, quelle qu’ait été la décision relative à la question de la transmission de l’opposition.

13. Dans ces conditions, BASF a-t-elle raison d’avancer que le titulaire aurait dû former un recours contre la décision concernant la validité sur le fond pour conserver le droit de débattre la question de la transmission de la qualité d’opposant lors d’un éventuel recours formé par BASF ? Le titulaire aurait-il pu former un tel recours ?

14. En théorie du moins, le titulaire aurait pu former un recours contre la décision rejetant sa requête principale ou sa première requête subsidiaire. Cependant, il serait tout à fait inacceptable de conclure que le titulaire, bien que satisfait par le résultat final (maintien du brevet sous une forme modifiée, conformément à sa deuxième requête subsidiaire), aurait dû former un recours contre le rejet de sa requête principale ou de sa première requête subsidiaire uniquement pour conserver sa capacité de contester la question de la transmission lors d’un éventuel recours de BASF. (Le titulaire aurait probablement retiré le recours si BASF n’avait pas formé de recours.) De telles conclusions semblent également erronées eu égard aux conséquences qui auraient découlé de l’admission de la requête principale du titulaire, car, en l’occurrence, le titulaire n’aurait eu aucune possibilité de former un recours. Le titulaire aurait-il pu être privé de la faculté de soulever la question de la transmission dans le cadre du recours de BASF ? Il ne saurait à l’évidence y avoir de distinction entre ces deux situations. La Chambre constate toutefois à cet égard que dans la décision T 239/96 (non publiée au JO OEB), les propos suivants ont été tenus au sujet d’une question comparable :

“5. Une autre question qui a été soulevée dans la présente affaire tient à l’argument avancé par l’intimé, à savoir qu’il n’aurait pu former de recours recevable puisque la division d’opposition avait fait droit à sa requête principale et qu’il n’était donc pas lésé. Sur ce point, la Chambre se réfère d’une part au principe de la libre disposition de l’instance, reconnu par l’OEB (cf. G 8/91, JO OEB 1993, 346, point 5 des motifs). Selon ce principe, les parties doivent décider elles-mêmes quelles requêtes elles veulent soumettre, et les chambres de recours n’examinent généralement pas d’office une affaire. En bref, la conclusion qui peut en découler dans la présente affaire est que l’intimé s’est mis lui-même dans cette situation défavorable en ne conservant pas les revendications retenues en tant que requête principale devant la division d’opposition.”

Cette réponse ne semble toutefois guère satisfaisante. Que se serait-il passé si l’opposition avait été rejetée en vertu de l’article 102(2) CBE et si le brevet avait été maintenu tel que délivré ? Le titulaire n’aurait rien pu faire pour conserver son droit à mettre en question la transmission de l’opposition de la manière suggérée par la décision ci-dessus. Il n’est cependant pas nécessaire que la Chambre se penche plus avant sur cette question puisque, comme nous le verrons ultérieurement, le point mentionné dans le passage ci-dessus est au coeur de la présente affaire, à savoir si le principe selon lequel les chambres de recours n’examinent généralement pas d’office une affaire s’applique à la présente espèce.

15. Pour revenir à la question de savoir si le titulaire aurait pu former un recours, une partie à une procédure peut recourir contre une décision seulement si celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions (article 107 CBE). Dans l’affaire examinée, le titulaire indique qu’il était satisfait de la décision de la division d’opposition de maintenir le brevet sous une forme modifiée, et qu’il ne souhaitait pas former de recours contre elle. La Chambre n’a aucune raison de douter de cette déclaration, que les faits corroborent. Dans la décision T 244/85 (JO OEB 1988, 216), il est dit :

“4. Toutefois, il ne suffit pas de comparer les conclusions initiales d’une partie avec la teneur de la décision rendue pour conclure qu’il n’a pas été fait droit aux prétentions de ladite partie. Il faut, en plus, que ces prétentions aient encore existé au moment où la décision attaquée a été rendue et où le recours a été formé. Une partie qui, au cours de la procédure, s’est déclarée d’accord avec une proposition de décision ne peut plus ensuite attaquer cette décision sous prétexte qu’elle ne fait pas droit à ses prétentions, même si, par sa teneur, ladite décision ne correspond pas à ce qu’elle avait demandé au départ.” (C’est la Chambre qui souligne.)

Il en découle que la décision ne lésait pas le titulaire lorsque le délai prévu à l’article 108 CBE pour la formation d’un recours a expiré.

16. De plus, la Chambre estime que le titulaire aurait commis un abus de procédure s’il avait formé un recours contre la décision sous prétexte que la décision sur le fond ne lui convenait pas, et ce dans l’unique intention d’accéder aux chambres de recours pour être entendu au sujet de la transmission de l’opposition. Si des éléments avaient prouvé qu’il y avait bien prétexte, l’avis provisoire de la Chambre est que le recours aurait pu être rejeté pour irrecevabilité.

17. La Chambre en conclut qu’en l’espèce, le titulaire n’aurait pu former de recours recevable contre la décision relative à la transmission de la qualité d’opposant.

Reformatio in pejus

18. Ces points étant réglés, il est permis de s’interroger à présent sur les raisons pour lesquelles la Chambre ne pourrait pas examiner la question de la transmission de la qualité d’opposant. BASF fait valoir à cet égard que procéder de cette manière serait contraire au principe de l’interdiction de la reformatio in pejus, comme cela est exposé dans les décisions G 9/92, G 4/93 (JO OEB 1994, 875) et G 1/99 (JO OEB 2001, 381) de la Grande Chambre de recours.

19. Sur ce point, la Chambre peut convenir que BASF risque de se trouver dans une situation plus défavorable que si elle n’avait pas formé de recours. Tel pourrait être le cas si la décision attaquée était annulée et si, après que les questions de fond ont été une nouvelle fois instruites, le brevet était maintenu sous une forme plus étendue qu’à présent, par exemple sur la base de la requête principale ou de la première requête subsidiaire présentée par le titulaire devant la division d’opposition.

20. La Chambre constate d’emblée que si la thèse de BASF était correcte, un titulaire ne pourrait jamais soulever une telle question dans le cadre d’un recours s’il était fait droit à sa requête principale.

21. En ce qui concerne les décisions susmentionnées de la Grande Chambre, cette dernière a examiné dans la décision G 4/93 (dont le texte officiel était en anglais – la décision allait dans le même sens que dans l’affaire G 9/92, où le texte officiel était en allemand) si les requêtes présentées par un titulaire-intimé à l’effet de maintenir le brevet sous une forme plus étendue que celle maintenue ci-dessous, ou présentées par un opposant-intimé à l’effet de révoquer le brevet, étaient recevables et, partant, si et dans quelle mesure une chambre de recours pouvait, au cours de la procédure de recours sur opposition, s’écarter de la requête initiale au détriment du requérant (point 7 des motifs). La Chambre a souligné que quiconque ne faisant pas appel d’une décision dans le délai imparti ne peut revendiquer le droit – non limité dans le temps – de présenter des requêtes dont la portée correspond à un acte de recours, et donc se mettre dans la position de requérant, en réaction à un recours de la partie adverse (point 10). Il en découle logiquement que, en ce qui concerne le cas où un opposant a été l’unique requérant,

“Le titulaire du brevet, qui n’a formé aucun recours et qui est donc seulement partie à la procédure, conformément à l´article 107, deuxième phrase CBE, n´a pas le droit de former un “recours incident” non soumis à un délai. Ses requêtes sont donc limitées par rapport aux droits dont il bénéficierait en tant que requérant. En ne formant pas de recours, le titulaire du brevet a laissé entendre qu´il n´avait pas l´intention de contester le brevet tel que maintenu en vertu de la décision de la division d´opposition. En principe, il ne peut donc que défendre ce texte. La chambre de recours peut rejeter toutes les modifications qu´il propose au cours de la procédure de recours si celles-ci ne sont ni utiles ni nécessaires, ce qui est le cas lorsque les modifications ne sont pas occasionnées par le recours …” (point 16).

22. Dans la décision G 1/99, la Grande Chambre de recours s’est interrogée sur ce qui pourrait équivaloir en ce sens à des modifications “utiles” et “nécessaires”. La décision G 4/93 a établi, selon les conclusions de la Grande Chambre, que “la partie non requérante ne peut pas en principe présenter une requête qui va au-delà de l’étendue du recours définie dans la requête du requérant” (point 7 des motifs, c’est la Chambre qui souligne). De l’avis de la Grande Chambre de recours, la décision G 4/93 impliquait que des requêtes présentées par la partie non requérante pourraient, dans certaines circonstances tout à fait particulières et de façon limitée, modifier l’étendue de la procédure (cf. point 10.3). La Grande Chambre a ajouté qu’une application indifférenciée du principe de l’interdiction de la reformatio in pejus comme entre le titulaire-intimé et l’opposant-intimé serait

“… inappropriée dans les cas où le titulaire du brevet est uniquement partie de droit à la procédure de recours, car elle pourrait avoir des conséquences inéquitables dans certaines situations particulières. L’application dans la procédure de recours devant l’OEB du principe de l’interdiction de la reformatio in pejus résultant de sa propre jurisprudence, la Grande Chambre de recours doit également peser les conséquences de l’application de ce principe, s’il apparaît qu’elles ne seraient pas satisfaisantes” (point 11).

23. Ces décisions portent donc sur des affaires où un titulaire-intimé propose de modifier le brevet, et discute des conditions limitées où un titulaire peut apporter de telles modifications, bien qu’enfreignant à première vue le principe d’interdiction de la reformatio in pejus. Dans la présente affaire, la Chambre n’a pas affaire à une situation de ce type, mais à la question très différente du droit d’une personne à être partie dans l’absolu. D’ailleurs, eu égard à la citation de la décision G 4/93 au point 21 ci-dessus, il est possible de constater, quant à la question de fond de la brevetabilité, que a) le titulaire ne conteste pas dans la présente espèce le maintien du brevet dans le texte accepté par la division d’opposition dans sa décision et que b) le titulaire cherche avant tout à défendre ce texte dans le présent recours (des requêtes subsidiaires ont été présentées afin de défendre le brevet sous une forme plus limitée).

24. Pour les raisons exposées ci-après, la Chambre est d’avis que le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus ne s’applique pas si le droit d’une personne à être partie est en cause, comme dans la présente affaire. La Chambre se réfère à cet égard au fait que le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus, dont l’application aux recours devant les chambres de recours a été confirmée par la Grande Chambre, émane principalement du principe bien établi en droit allemand (“Verschlechterungsverbot”), lui-même repris du droit romain. Aux fins du présent recours, il importe de retenir que ce principe du droit allemand ne s’applique pas aux cas où a) des conditions préalables en matière de procédure régissent la présentation de requêtes pertinentes au tribunal (“Verfahrensvoraussetzungen”) et où b) ces conditions préalables ne peuvent donner lieu ni à des dérogations ni à des dispenses (“unverzichtbaren Verfahrensvoraussetzungen”), ce qui implique que le tribunal doit être lui-même convaincu qu’elles ont été remplies. En ce qui concerne les procédures relatives à des brevets, à l’instar de la présente affaire, ces conditions préalables incluent la recevabilité de l’opposition proprement dite (“Zulässigkeit des Einspruchs”) et la capacité d’une personne à être partie à la procédure dans l’absolu (“Parteifähigkeit”), une question qui est fonction de la capacité d´ester en justice ou d´être poursuivi en justice en son nom et pour son propre compte (un point qui a été traité par la Grande Chambre de recours dans la décision G 3/99, point 9).

25. La Chambre tire cette déclaration de principe du commentaire “Patentgesetz mit Europäischem Patentübereinkommen”, 7e édition (2005), de Rainer Schulte et al., où il est expliqué, au point 7.6.1, note 72, page 986, que :

“L’interdiction de la reformatio in pejus n’est pas applicable a) de manière générale pour les questions de procédure qui doivent être tranchées d’office. Aussi le Tribunal fédéral des brevets doit-il examiner les conditions préalables impératives [unverzichtbaren Verfahrensvoraussetzungen], indépendamment de la requête […], par exemple la question de savoir si l’opposition est recevable, si la demande est en instance, si la requête en examen a été valablement déposée ou si les conditions préalables générales en matière de procédure ont été remplies.”

Dans le commentaire “Patentgesetz” de Georg Benkard et al., Munich, 2006, un passage à cheval sur les pages 1135 et 1136 (attribué à Alfons Schäfers) va dans le même sens. De plus, au point 8.2, page 987, Schulte indique également sous le titre “Conditions préalables absolues en matière de procédure”, que :

“Les conditions préalables en matière de procédure, qui sont impératives pour la procédure de première instance (procédure d’examen, d’opposition et de fixation des frais), doivent également toujours être examinées d’office pendant la procédure de recours. Comme elles doivent être vérifiées d’office, elles peuvent aussi être invoquées après l’expiration du délai prévu pour la formation du recours. Si elles ne sont pas réunies au moment où la décision est prise, force est de rejeter le recours. Les conditions préalables suivantes doivent être examinées d’office à tout stade de la procédure : […] b) recevabilité du recours […] d) capacité d’être partie et capacité d’ ester en justice.”

26. L’obligation qui découle du droit allemand de vérifier d’office le respect des conditions préalables précitées en matière de procédure, et la non-application du principe de l’interdiction de la reformatio in pejus dans ces situations sont dues, selon la Chambre, au concept selon lequel, lorsqu’il existe des conditions préalables impératives qu’une partie est tenue d’observer pour s’adresser à un tribunal et pour présenter des requêtes liées aux questions de fond dans l’affaire concernée, un tribunal ne connaît de ces questions sur le fond que si les conditions préalables ont été remplies. Si tel n’est pas le cas, ces requêtes sont irrecevables et le tribunal n’a pas compétence pour trancher sur le fond.

27. S’agissant de l’éventuelle application de principes similaires dans le cadre de la CBE, les décisions des chambres de recours ont ancré le principe selon lequel la recevabilité de l’opposition est une exigence de procédure impérative pour que les moyens invoqués à l’appui de l’opposition soient examinés quant au fond à tous les stades de la procédure. L’OEB doit vérifier la recevabilité proprement dite, même pendant un recours et même si les parties n’ont pas soulevé la question. Voir par exemple les décisions T 289/91 (JO OEB 1994, 649), T 28/93 (non publiée au JO OEB), T 522/94 (non publiée au JO OEB). Dans les décisions G 3/97 et G 4/97 (JO OEB 1999, 245, 270), la Grande Chambre s’est penchée sur la situation d’une opposition formée par “un homme de paille”, et a déclaré que :

“6.Il se pose également la question de savoir si l´on peut soulever pour la première fois au stade du recours une objection pertinente à l´encontre de la recevabilité de l´opposition …. Cette question ne se pose pas uniquement … dans le cas où cette objection est soulevée par le titulaire du brevet, mais également lorsque la recevabilité de l´opposition est remise en question d´office.

Il convient d´apporter la même réponse dans les deux cas. Un contournement abusif de la loi par interposition d´un homme de paille … ne doit pas être admis au stade du recours, même s´il n´a pas été critiqué en première instance. Cela résulte déjà du fait qu´une décision de l´OEB relative à la validité du brevet suppose que l´opposition est recevable. Ce principe s´applique aussi bien à la procédure devant la chambre de recours que devant la division d´opposition. En outre, l´intérêt public à ce que de telles pratiques inadmissibles soient interdites est ici prioritaire sur un quelconque allégement de la procédure de recours.”

28. Les affaires susmentionnées (G 3/97 et G 4/97) avaient trait à un opposant qui était un “homme de paille” mais, ainsi que l’illustrent les autres affaires citées au point 27, les mêmes principes s’appliquent lorsque la question est de savoir si l’opposition a été déposée dans le délai de neuf mois prescrit par l’article 99(1) CBE, ou si l’acte d’opposition a satisfait aux dispositions de l’article 99(1) CBE ensemble les règles 56(1) et 55 c) CBE (cf. décision T 522/94, JO OEB 1998, 421).

29. Comme le montre clairement le passage de la décision G 3/97 cité au point 27 ci-dessus, l´opposition doit être recevable pour que l´OEB statue sur la validité du brevet. Pour compléter cette position, on peut dire que la recevabilité de l’opposition est une condition préalable impérative pour qu’une personne ait capacité à présenter des requêtes concernant la brevetabilité de l’invention revendiquée. En ce sens, il est donc possible d’affirmer que des principes similaires à ceux exposés aux points 24 à 26 ci-dessus s’appliquent dans le cadre de la CBE.

30. Ces considérations font apparaître sans conteste que les chambres de recours se sont penchées sur la question de la recevabilité de l’opposition même dans les cas où (si les faits de l’espèce sont étudiés) l’opposant/l’unique requérant aurait pu se retrouver à la fin dans une position plus défavorable que s’il n’avait pas formé de recours. Voir par exemple les décisions T 199/92, T 960/95 et T 1180/97 (non publiées au JO OEB). Il est manifeste dans ces affaires que les parties ou les chambres compétentes n’ont même jamais eu à l’idée de soulever la question de l’interdiction de la reformatio in pejus.

31. Les affaires susmentionnées sont toutes liées à la recevabilité de l’opposition initiale et non à la validité de la transmission de la qualité d’opposant. Cependant, la Chambre estime que des principes similaires s’appliquent également dans cette dernière situation. Les décisions rendues par la Grande Chambre de recours dans les affaires G 4/88 (JO OEB 1989, 480), G 3/97 (JO OEB 1999, 245) et G 2/04 (JO OEB 2005, 549) ont établi que la qualité d’opposant ne peut être librement transmise. Au point 2.2 de la décision G 3/97 (“homme de paille”), la Grande Chambre a indiqué :

“L´opposant ne peut pas disposer librement de sa qualité de partie à la procédure. S´il a rempli les conditions pour que l´opposition soit recevable, il est opposant et le reste jusqu´à ce que prenne fin la procédure ou sa participation à la procédure. Il ne peut pas transmettre sa qualité à un tiers … Aussi ne saurait-il y avoir d´autre “véritable” opposant à côté de l´opposant qui remplit les conditions de forme prévues.”

Dans la décision G 2/04, les raisons de ne pas autoriser la libre transmission d’une opposition ont été étendues comme suit (point 2.1.4) :

“L´opposition est conçue comme une procédure simple et rapide. Le but est d´une part de dûment examiner les objections pertinentes et, d´autre part, de rendre une décision le plus vite possible. Il est non seulement de l´intérêt des deux parties (G 3/97, loc. cit., point 3.2.3 des motifs), mais aussi de celui du grand public de savoir dès que possible s´ils sont tenus de respecter un droit exclusif. C´est la raison pour laquelle l´opposition est assujettie à un délai, et que la participation de tiers est restreinte dans l´article 105 CBE. Il serait contraire à ce concept de permettre à un tiers qui n´a pas fait opposition en temps utile de reprendre à son compte la qualité qu´occupait dans la procédure un opposant ayant perdu tout intérêt dans son action, et de prolonger ainsi une procédure qui se serait autrement achevée.”

32.De plus, comme l’a noté la Chambre dans la décision T 298/97 (JO OEB 2002, 83), point 7.1 :

“Si une opposition, une fois formée, pouvait être transférée sans condition à un tiers, une personne qui n´a pas exercé son droit de faire opposition dans le délai d´opposition de neuf mois pourrait faire opposition à un brevet en dehors des délais. Un tel “commerce” d´oppositions serait contraire à l´esprit de l´article 99(1) CBE et mettrait en péril le principe de la juridiction nationale exclusive des Etats contractants sur les brevets européens au terme du délai d´opposition de neuf mois.”

33. Bien que la situation à laquelle la Chambre est confrontée ne corresponde pas exactement à l’une de celles qui ont été identifiées au point 25 ci-dessus, à savoir la recevabilité de l’opposition proprement dite (“Zulässigkeit des Einspruchs”) ou la capacité d’une personne à être partie à la procédure (“Parteifähigkeit”), la Chambre estime se trouver face à une question d’une grande similitude, qui est celle de savoir si BASF est, d’un point de vue juridique, l’opposant approprié. La Chambre considère notamment que la présente situation se rapproche étroitement de celle où la recevabilité de l’opposition est en cause. Cette grande similitude résulte du fait que dans une procédure devant l’Office européen des brevets, les parties admises à soumettre des requêtes concernant la brevetabilité de l’invention revendiquée sont limitées par les dispositions de la CBE. S’agissant d’une procédure d’opposition, ces personnes sont a) le titulaire, b) les opposants dont l’opposition satisfait aux exigences des articles 99 et 100 CBE et c) les intervenants qui ont rempli les conditions de l’article 105 CBE. S’agissant de la recevabilité des recours devant les chambres de recours, les personnes autorisées à soumettre des requêtes concernant la brevetabilité ou d’autres éléments de l’invention revendiquée sont les mêmes en vertu de l’article 107 CBE. D’autres personnes, par exemple celles qui prétendent faire partie de l’une de ces catégories, peuvent être parties à la procédure mais, comme cela est expliqué au point 3 ci-dessus, leur qualité de partie à la procédure est limitée. Elles ne sont pas admises à présenter des requêtes concernant la brevetabilité de l’invention revendiquée. Conformément aux décisions précitées de la Grande Chambre de recours, un opposant ne peut transmettre l’opposition que dans certaines conditions définies et restreintes. Les déclarations tirées des décisions de la Grande Chambre de recours, et citées aux points 27 et 31 ci-dessus, montrent le caractère impératif de cette exigence de procédure, selon laquelle la qualité d’opposant n’est valablement transmise que si les conditions régissant cette transmission sont observées. Une personne à qui l’opposition a été prétendument mais non valablement transmise n’est donc pas admise à présenter des requêtes concernant la brevetabilité de l’invention revendiquée. Il en va pratiquement de même pour toute personne qui n’est pas le “véritable” opposant ou qui a formé une opposition en dehors du délai de neuf mois prescrit par l’article 99 CBE. De telles requêtes ne sont pas recevables. C’est sans conteste la raison pour laquelle la Grande Chambre de recours a déclaré dans la décision G 2/04 : “… la chambre doit d´office examiner la question de la qualité de partie avant de statuer au fond” (cf. point 3.2.5).

34. De l’avis de la Chambre, il s’ensuit donc que l’Office a l’obligation d’examiner à tous les stades de la procédure la position d’une partie qui prétend être le cessionnaire de l’opposant initial, au même titre qu’il est tenu d’office d’examiner la recevabilité de l’opposition initiale. Aussi la Chambre doit-elle d’office examiner la validité de la transmission de l’opposition à BASF, afin d’établir si les requêtes soumises par BASF à la Chambre de recours et à la division d’opposition concernant la validité des inventions revendiquées sont ou étaient recevables.

35. Il s’ensuit également que le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus n’est pas applicable dans la présente situation.

36. Comme l’obligation mentionnée ci-dessus est valable indépendamment de la question de savoir si le titulaire a ou non soulevé la question ou si la division d’opposition a ou non déjà statué en l’espèce, il est de surcroît indifférent que le titulaire ait pu former, ou ait réellement formé un recours.

Transmission de DSM à BASF

37. La Chambre va examiner à présent la validité de la transmission de la qualité d’opposant de DSM à BASF.

38. Ainsi qu’il est indiqué au point III ci-dessus, les documents D5 et D6 ont d’abord été utilisés pour établir la validité de la transmission de la qualité d’opposant. Le document D6, le plus ancien, est daté du 29 août 2003 et se compose d’extraits limités d’un accord passé entre DFS et BASF. Les extraits ne comportent pas de dispositions d’exécution. Dans un document joint à la fin en annexe, DSM s’engage vis-à-vis de BASF à ce que DFS, sa filiale indirecte, qu’elle détient en totalité, honore les obligations qui lui incombent en vertu de l’accord (bien que le document soit muet quant à la nature de ces obligations). Le document D5, daté du 15 octobre 2003, se compose lui aussi d’extraits limités d’un accord passé entre DFS et BASF, et complète à l’évidence l’accord du 29 août 2003. Selon ce document, l’accord porte notamment sur la transmission d’oppositions formées par DFS contre des brevets détenus par des tiers et relatifs, entre autres, à des enzymes pour aliments. La pièce nº4 de l’accord contient, conformément à la disposition 3.1, une liste des oppositions en instance formées par DFS devant l’Office européen des brevets contre des brevets détenus par des tiers. La présente procédure d’opposition figure dans cette liste. Conformément à la disposition 3.2 de l’accord, DFS s’engage à transmettre à BASF l’ensemble des dossiers relatifs à ces oppositions, mais les extraits de l’accord ne mentionnent pas expressément la transmission de l’opposition proprement dite. Fait plus problématique, il n’y a nulle part la preuve de la transmission prétendument effectuée par DSM, le véritable opposant.

39. Lorsque le service des transcriptions de l’Office a souligné que ces documents n’établissaient pas la validité de la transmission de la qualité d’opposant, BASF a produit le document D7. Ce document consiste en une déclaration du 23 mars 2004, signée pour le compte de DSM, DFS et BASF. Dans cette déclaration, qui se réfère aux documents D5 et D6, les parties déclarent entre autres que l’opposition formée contre le brevet EP 841 859 B1 a été transmise à BASF par lesdits accords [à savoir D5 et D6]. C’est cette déclaration qui, de l’avis de la division d’opposition, établissait que les conditions préalables à une transmission de l’opposition ont été observées (cf. point 2 des motifs de la décision).

40. Dans la décision T 261/03 (non publiée au JO OEB), la chambre de recours a examiné quel type de preuves était requis pour établir la validité d’une transmission :

“3.5.5 Compte tenu des considérations ci-dessus, il faut se demander quel degré de certitude les documents utilisés comme moyens de preuve doivent offrir pour répondre aux exigences de la règle 20 CBE. La Chambre n’a pas connaissance d’une décision prise lors d’un recours, selon laquelle les documents à produire en application de cette disposition doivent prouver de manière absolue la transmission alléguée. Un tel critère de preuve complète et absolue serait en effet par trop strict, car il est des situations où les moyens de preuve fondés uniquement sur des documents ne sauraient guère suffire. Comme le suggère le texte de la règle 20(1) CBE (“des documents prouvant ce transfert ont été fournis à l’Office européen des brevets”), le degré de certitude requis se situe en-deçà. La Chambre estime qu’il est satisfait aux exigences de la règle 20 CBE si les documents produits … sont tels qu’ils convainquent l’instance compétente de l’OEB qui évalue raisonnablement les documents, en tenant compte de l’ensemble des conditions, que les faits avancés sont exacts. Le simple fait qu’un autre document ait pu constituer un moyen de preuve plus direct que celui produit par le requérant n’invalide pas la preuve qui a de fait été proposée (cf. T 273/02 en date du 27 avril 2005, point 2.6).” (C’est la Chambre qui souligne.)

41. Il n’est pas satisfait à ce test dans la présente espèce. Bien que, selon la déclaration figurant dans le document D7, l’opposition ait été transmise en vertu des documents D6 et D5, il ne suffit pas d’affirmer simplement qu’une transmission a été effectuée (cf. décision T 670/95 – non publiée au JO OEB). Or les extraits de ces accords qui ont été fournis ne mentionnent ni cession ni transmission par DSM, l’opposant. Ils suggèrent dans le meilleur des cas une intention de DFS de céder l’opposition à BASF. DFS n’était bien entendu pas l’opposant. La décision de la division d’opposition était donc fondée sur des éléments inexacts.

42. Même en supposant que, d’une certaine manière, on puisse voir dans ces accords une prétendue intention de l’opposant initial, DSM, de transmettre l’opposition, aucun élément ne prouve que DSM ait transmis d’autres actifs pertinents au moment en question. L’opposition n’aurait donc pas pu être transmise “à titre d’accessoire de l’élément patrimonial (activité économique)” (cf. sommaire de la décision G 4/88). La décision de la Grande Chambre de recours dans l’affaire G 2/04 précise en outre que la qualité d’opposant ne peut pas être transmise par une société mère si celle-ci vend une filiale qu’elle détenait en totalité, et ce même si la société mère a formé l’opposition dans l’intérêt de cette filiale. Cette conclusion s’applique a fortiori à la présente affaire, où l’opération n’était en rien liée à la vente d’actifs quelconques par la société mère/l’opposant, mais avait plutôt un rapport avec la vente d’une partie des activités d’une filiale indirecte.

43. La Chambre conclut par conséquent que la qualité d’opposant n’a pas été valablement transmise et que la décision de la division d’opposition était en l’espèce erronée. Il s’ensuit en outre que les requêtes présentées par BASF pendant la procédure orale devant la division d’opposition au sujet de la brevetabilité de l’invention revendiquée étaient irrecevables (cf. point 33).

Conséquences d’ordre procédural

44. Le seul moyen de remédier à cette erreur est d’annuler l’ensemble de la décision. La Chambre ne peut pas annuler la partie de la décision qui porte sur la transmission de la qualité d’opposant et, en quelque sorte, laisser le reste inchangé. La Chambre ne juge pas non plus qu’il serait correct, comme semble le suggérer le titulaire, de ne rien faire et de laisser BASF contester la validité du brevet auprès des tribunaux nationaux. L’opposant (DSM) reste opposant ; il était et reste habilité, si tel est son souhait, à faire opposition au brevet, en application des dispositions de la CBE, y compris en formant un recours contre la décision rendue par la division d’opposition, et il est tout simplement impossible d’ignorer ce droit.

45. La Chambre est consciente du fait que le titulaire s’inquiète du nouveau retard que la présente décision va entraîner, notamment si l’affaire est renvoyée devant la division d’opposition. Elle a donc considéré la possibilité de poursuivre, sous une forme ou une autre, la procédure de recours avec DSM en tant que requérant. Cependant, en définitive, les problèmes que cela pourrait poser paraissent trop importants à la Chambre. Aussi ne voit-elle pas d’autre solution que de renvoyer la procédure devant la division d’opposition.

46. La Chambre n’a pas compétence pour renvoyer l’affaire en ordonnant, comme le requiert le titulaire du brevet, de réviser uniquement la décision relative à la transmission de la qualité d’opposant et pour le reste de confirmer la décision de la première instance. Etant donné que la décision de la division d’opposition doit être annulée avant que l’affaire puisse être renvoyée, la division d’opposition ne sera pas liée par sa décision antérieure. De plus, dans un renvoi de ce type, la division d’opposition ne sera liée que par les motifs et le dispositif de la décision de la Chambre (cf. article 111(2) CBE), et ceux-ci ne peuvent avoir trait qu’à la transmission de la qualité d’opposant, et non aux questions de fond relatives à la brevetabilité, qui sont également soulevées dans l’affaire. Rien dans les énonciations de la Chambre ne saurait donc avoir d’effet contraignant dans la mesure où ces questions de fond sont concernées.

47. La Chambre espère néanmoins que la division d’opposition pourra conclure la procédure d’opposition relativement vite.

Frais

48. Pour ce qui est de la requête du titulaire selon laquelle il devrait être enjoint à DSM, pour des motifs d’équité, d’acquitter les frais de la procédure renvoyée, la Chambre n’est pas compétente pour énoncer un dispositif concernant les frais à venir. En tout état de cause, il ne serait pas juste de le faire, car DSM n’est pas responsable.

Remboursement de la taxe de recours

49. Dans la présente affaire, un vice de procédure a été commis au sens de la règle 67 CBE, puisque les requêtes concernant l’absence de brevetabilité de l’invention revendiquée ont été présentées par une personne qui n’était pas habilitée à cet effet. Pour les motifs précités, la décision attaquée sera annulée. Une condition préalable au remboursement de la taxe de recours au titre de la règle 67 CBE est toutefois qu’il soit “fait droit au recours par la Chambre de recours”. Dans la décision J 37/89 (JO OEB 1993, 201), la Chambre a souligné qu’il ressort clairement du libellé et de la finalité de cette disposition que l’expression “faire droit” doit être entendue en ce sens que la chambre de recours “suit” les prétentions des requérants, tout du moins sur le fond, soit, en d´autres termes, qu’elle fait droit à leurs requêtes. Il est exact que la condition préalable ci-dessus sera remplie si le requérant n’obtient que partiellement raison, c’est-à-dire s’il n’est fait droit qu’à certaines requêtes du requérant (cf. décisions J 18/84, JO OEB 1987, 215, et T 604/01, non publiée au JO OEB), et il est également exact qu’en la présente espèce, l’une des requêtes de BASF a été admise pendant l’audition à titre interlocutoire, à savoir que son recours soit jugé recevable. Il faut garder toutefois à l’esprit que cette décision n’a porté que sur les questions préliminaires relatives à la qualité d’opposant de BASF et à la recevabilité de son recours, et non sur le fond du recours de BASF proprement dit. BASF a requis dans le cadre du recours que la décision de la division d’opposition soit annulée et que le brevet soit entièrement révoqué (cf. acte du recours en date du 7 septembre 2004). Le fait est que le recours de BASF a totalement échoué, étant donné que la Chambre a décidé que ces requêtes sont irrecevables et que BASF n’est pas habilitée à rester partie à la procédure d’opposition. C’est la Chambre elle-même qui a agi d’office pour annuler la décision de la division d’opposition.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. Le recours est jugé recevable.

2. La décision faisant l’objet du recours est annulée.

3. L’affaire est renvoyée à la division d’opposition, qui a instruction de poursuivre la procédure d’opposition avec DSM N.V. en tant qu’opposant.

4. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.