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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1997:T052294.19970922
Date de la décision : 22 Septembre 1997
Numéro de l’affaire : T 0522/94
Numéro de la demande : 85902531.4
Classe de la CIB : B22D 41/12
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande : VEHICULE A MOTEUR POUR LA MANIPULATION DE POCHES, EN PARTICULIER POUR LA COLLECTE D’ALUMINIUM
Nom du demandeur : TECHMO
Nom de l’opposant : GLAMA Maschinenbau GmbH
Chambre : 3.2.05
Sommaire : 1. La recevabilité de l’opposition doit être vérifiée d’office à tous les stades de la procédure d’opposition et de la procédure de recours qui lui fait suite. La chambre de recours peut et, le cas échéant, doit vérifier la recevabilité de l’opposition dans le cadre de la procédure de recours, même si cette question est soulevée pour la première fois à ce stade (T 289/91, JO OEB 1994, 649; T 28/93, point 2 des motifs, non publiée au JO OEB).
2. La recevabilité de l’opposition doit être appréciée d’après le contenu de l’acte d’opposition tel qu’il a été déposé, en tenant compte des documents supplémentaires produits avant l’expiration du délai d’opposition afin de remédier à toutes les irrégularités fatales pour la recevabilité de l’opposition. Les irrégularités de ce genre ne peuvent être rectifiées une fois passé le délai d’opposition (règle 56(1) CBE in fine).
3. En s’appuyant sur les indications contenues dans l’acte d’opposition, il doit être possible de déterminer si l’exemple ou l’aspect de l’état de la technique a été rendu accessible au public par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (article 54(2) CBE), ainsi que ce en quoi il consiste.
4. Pour que l’opposition soit fondée au sens de la règle 55 c) CBE, l’acte d’opposition doit indiquer “en quoi” consiste l’état de la technique invoqué, “à quelle date”, dans quelles circonstances et notamment “à qui” il a été rendu accessible.
5. D’une manière générale, les exigences en matière de recevabilité ont pour but de permettre au titulaire du brevet et à la division d’opposition d’examiner le motif de révocation invoqué sans avoir recours à des recherches indépendantes.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 99
European Patent Convention 1973 R 55(c)
European Patent Convention 1973 R 56(1)
Mot-clé : Recevabilité de l’opposition
Faits et justifications invoqués à l’appui des motifs d’opposition
Rendu accessible par un usage ou par tout autre moyen
Cas d’accessibilité par un autre moyen
Exergue :

Décisions citées :
T 0328/87
T 0279/88
T 0289/91
T 0028/93
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1069/96
T 0611/97
T 1180/97
T 0022/98
T 0631/98
T 0103/99
T 0151/99
T 0291/99
T 0900/99
T 0349/00
T 1082/00
T 1169/00
T 0015/01
T 0339/01
T 0858/01
T 1081/01
T 0563/02
T 0324/03
T 0646/03
T 1081/03
T 0782/04
T 1178/04
T 1553/07
T 0833/08
T 1937/10
T 0109/11
T 2061/12

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (titulaire du brevet) s’est pourvu contre la décision de la division d’opposition de révoquer le brevet européen n 211 846 à la suite d’une opposition formée contre l’intégralité de ce brevet sur la base des motifs visés à l’article 100 a) CBE, en liaison avec les articles 52(1), 54 (nouveauté) et 56 (activité inventive).

II. Dans son acte d’opposition, l’opposant invoquait l’absence de nouveauté et d’activité inventive (article 52(1) en liaison avec les articles 54 et 56 CBE) et citait comme références, “outre les documents déjà pris en considération lors de la procédure de délivrance”, deux brochures portant toutes deux le nom de Techmo, à savoir:

a) “TRUCKS FOR ALUMINIUM INDUSTRY TECHMO – TAPPING TRUCK mod. 7.167” (désigné comme document E1 dans la décision attaquée), et

b) “TAPPING TRUCK FOR ALUMINIUM (and molten bath)”, en date de juillet 1984, et contenant en première page la référence suivante:

TAPPING TRUCK TECHMO

Techmo has designed a set of tapping trucks with maximum loads for 3.5 to 6.5 t/Al, suitable for side by side and end by end pots.

With TECHMO’s tapping truck (see leaflet enclosed) following advantages can be obtained: ….” (désigné comme document E2 dans la décision attaquée).

D’après l’opposant, la dernière phrase (“With TECHMO’s tapping truck see leaflet enclosed” ligne 24 du document E2) montrait clairement l’existence d’un lien entre le document E1 et le document E2, et il n’était mentionné nulle part que les informations contenues dans ces deux documents avaient un caractère confidentiel.

III. Dans son acte d’opposition, l’opposant formulait en outre les observations suivantes:

L’objet décrit dans le préambule de la revendication 1 est connu d’après le brevet américain US-A-356 720. Il ressort des figures 1 et 2 du document US-A-399 481 que la poche 6 comporte des griffes reposant sur les parties saillantes du châssis 30.

Le véhicule décrit dans les documents E1 et E2 est conçu pour effectuer les opérations de manutention d’une poche munie d’un couvercle amovible lors du prélèvement d’aluminium liquide.

L’opposant analysait ensuite les caractéristiques présentées dans le document E1 et finissait par conclure que toutes les caractéristiques indiquées dans la revendication 1 du brevet litigieux étaient connues.

Pour ce qui est des revendications dépendantes, l’opposant déclarait ce qui suit:

Comme dans la revendication 3 du brevet litigieux, il est indiqué au paragraphe 6 de la description de la machine faisant l’objet du document E1 que le couvercle de la poche fait partie intégrante du véhicule. Comme dans la revendication 4, le tube de prélèvement du véhicule est fixé au couvercle et pivote avec lui (cf. paragraphe 7 du document E1).

IV. Mis à part des copies des documents E1 et E2, l’opposant n’a pas invoqué ni produit d’autres preuves, et il n’a rien ajouté pendant le délai d’opposition.

V. La division d’opposition a considéré que l’opposition était conforme aux articles 99 et 100 ainsi qu’à la règle 55 CBE, et qu’elle était donc recevable.

VI. Sur le fond, elle a conclu que l’objet de la revendication 1 n’avait rien de nouveau par rapport à celui décrit dans la brochure non datée E1. Se référant à la déclaration de M. Vohmann, faite sous la foi du serment et déposée après l’acte d’opposition, elle a indiqué dans la décision attaquée que “le document E1 lui (c’est-à-dire M. Vohmann) avait été montré et remis chez LGM, sans obligation de confidentialité”. Ni la date, ni les circonstances de la visite de M. Vohmann chez LGM n’étaient précisées. D’après la déclaration sous serment de M. Vohmann, cette visite aurait eu lieu le 6 février 1985.

VII. Il existe également une différence entre ce que M. Vohmann a écrit le 26 avril 1989 à M. Lachnit, de GLAMA (“nous avons eu la possibilité de consulter chez LMG les documents E1 et E2 de Techmo [“Bei unserem Projektgespräch im Hause LMG konnten wir TECHMO-Unterlagen (Druckschrift und technische Beschreibung) einsehen”]) et ce qu’il a déclaré sous serment le 10 juin 1991, à savoir que les documents en question lui avaient été remis pour information (“zur Kenntnisnahme übergeben”). Il aurait peut-être été possible de dissiper le doute en citant M. Vohmann à comparaître comme témoin (ce qu’avait proposé l’opposant) ou en demandant le rapport “42” sur la visite de M. Vohmann chez LMG, à Essen. Tel n’a cependant pas été le cas.

VIII. Le titulaire du brevet a objecté que la communication du document E1 avait constitué un abus dans la mesure où il s’agissait d’un document confidentiel pour la société Aluminium Rheinfelden. Etant donné qu’Aluminium Rheinfelden et LGM sont l’une et l’autre des sociétés du groupe ALUSUISSE-LONZA, on peut déduire que le fait d’avoir communiqué l’information à M. Vohmann sans lui préciser qu’il devait garder le secret constituait un abus manifeste, et que le document E1 était donc une divulgation non opposable au sens de l’article 55(1)a) CBE.

IX. La division d’opposition n’a pas admis cette objection. Elle a considéré que le document E1 faisait partie de l’état de la technique au sens de l’article 54(2) CBE et que, par conséquent, il détruisait la nouveauté de l’objet de la revendication 1 du brevet litigieux. La division d’opposition a révoqué le brevet.

X. Dans son recours, le requérant (titulaire du brevet) a demandé l’annulation de la décision de la division d’opposition et le maintien du brevet sans modification. Il a remis en cause la manière dont la preuve (déclaration sous serment de M. Vohmann) avait été appréciée, faisant valoir a) que M. Vohmann travaille comme consultant pour le compte de l’opposant, b) qu’il a fait sa déclaration sous serment à la demande expresse de la division d’opposition et c) que cette déclaration est vague et contredit totalement les allégations du titulaire du brevet. Le requérant a fourni d’autres preuves tendant à démontrer qu’il existait bien comme il le prétend une obligation de confidentialité, et que le fait de ne pas avoir respecté cette obligation constituait un abus évident (article 55(1)a) CBE).

XI. L’intimé a contesté les conclusions du requérant.

XII. Dans une première notification, la Chambre a émis des doutes quant à la manière dont la division d’opposition avait apprécié la preuve qui lui avait été soumise et quant à l’importance qui avait été accordée à l’absence d’accord écrit concernant la confidentialité; elle s’est donc demandé s’il y avait bien absence d’accord à ce sujet. Toute personne invitée à assister à une démonstration du véhicule pouvait se rendre compte que cette présentation avait un caractère confidentiel et en déduire logiquement que l’obligation de confidentialité s’appliquait aussi à la documentation remise à cette occasion.

XIII. L’intimé a répondu que, d’après les souvenirs du témoin, M. Vohmann, M. Fletcher avait assisté à la démonstration chez Aluminium Rheinfelden le 15 novembre 1984 en sa qualité de futur directeur d’une société du groupe Alusuisse, un poste auquel il accéda peu de temps après. M. Fletcher n’était manifestement pas présent en tant que représentant de LGM. Il a demandé que la décision attaquée soit confirmée.

XIV. Dans une seconde notification, la Chambre a soulevé la question de la recevabilité de l’opposition en expliquant en détail aux parties que les conditions de fond énoncées à la règle 55 c) CBE ne lui semblaient pas être remplies.

XV. Cette question a été examinée lors d’une procédure orale.

XVI. L’intimé a soutenu que la Chambre avait critiqué le fait que la division d’opposition n’avait pas cité M. Vohmann à comparaître comme témoin, et qu’elle admettait ainsi que M. Vohmann en sa qualité de témoin aurait pu effectivement apporter des preuves. Celui-ci aurait pu faire des déclarations et répondre à toutes les questions posées au sujet des brochures présentées par l’opposant.

Le seul point litigieux jusqu’à présent était la date de publication de l’une de ces brochures. L’opposant avait affirmé qu’il était évident qu’elles allaient de pair, comme “cela est clairement indiqué (en dépit d’une légère faute d’impression) à la page 1 du document E2”. Les deux brochures avaient le format et la présentation typiquement utilisés pour le matériel publicitaire. Si M. Vohmann avait été cité comme témoin, il aurait été possible d’avoir la confirmation absolue que les documents E1 et E2 lui avaient été remis en même temps, dans le cadre d’une offre portant sur la fourniture d’un véhicule de prélèvement du type de celui illustré dans le document E1. Le fait que le témoin n’ait pas été entendu ne saurait être reproché à l’opposant.

XVII. Le président a constaté que dans l’acte d’opposition, il n’était question ni de M. Vohmann, ni de la remise des documents E1 et E2.

XVIII. Le requérant a conclu à l’annulation de la décision attaquée et au rejet de l’opposition.

XIX. L’intimé a demandé à la Chambre soit de rejeter le recours, soit de soumettre la question suivante à la Grande Chambre de recours:

“Le fait qu’un document E2 renvoie par une mention du type “(see leaflet enclosed)” à un autre document portant sur le même objet, en l’occurrence le document E1, constitue-t-il une preuve suffisante quant à la date de publication de cet autre document?”

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. La première question à trancher concerne la recevabilité de l’opposition.

3. La recevabilité de l’opposition doit être vérifiée d’office à tous les stades de la procédure d’opposition et de la procédure de recours qui lui fait suite. La chambre de recours peut et, le cas échéant, doit vérifier la recevabilité de l’opposition dans le cadre de la procédure de recours, même si cette question est soulevée pour la première fois à ce stade (T 289/91, JO OEB 1994, 649; T 28/93, point 2 des motifs, non publiée au JO OEB). La recevabilité de l’opposition doit être appréciée d’après le contenu de l’acte d’opposition tel qu’il a été déposé, en tenant compte des documents supplémentaires produits avant l’expiration du délai d’opposition afin de remédier à toutes les irrégularités fatales pour la recevabilité de l’opposition. Les irrégularités de ce genre ne peuvent être rectifiées une fois passé le délai d’opposition (fin de la règle 56(1) CBE).

Importance de la question de la recevabilité

4. A titre d’opinion incidente, la Chambre de recours tient à formuler un certain nombre de remarques sur la suite de la procédure, car elle considère que cela peut aider à bien comprendre le concept de recevabilité et son incidence quant au déroulement de la procédure.

5. La présente affaire est un exemple classique de ce qui se passe lorsque l’on ferme les yeux sur les exigences en matière de procédure: on aboutit à une impasse. L’opposant n’a pas énoncé suffisamment de faits pour que la division d’opposition soit en mesure de statuer sur la nouveauté et l’activité inventive. La division d’opposition s’est efforcée de trouver des faits pertinents, et a envoyé à cet effet toute une série de notifications; dans la dernière, elle demandait à l’opposant de produire une déclaration écrite faite sous la foi du serment. La déclaration sous serment qui a alors été produite contenait un minimum d’indications à la mesure de la requête de la division d’opposition; toutefois, celle-ci n’a pas eu la possibilité d’examiner les faits dans leur contexte, ni d’en apprécier correctement la force probante. Les deux parties se sont alors uniquement concentrées sur l’objection de divulgation non opposable au sens de l’article 55(1)a) CBE, avant même que l’existence d’un état de la technique destructeur de nouveauté ait pu être clairement établie. Ce n’est que tardivement, au stade du recours, que le titulaire du brevet a présenté des éléments destinés à prouver que les divulgations antérieures n’étaient pas opposables. L’exposé des faits n’était cependant pas clair, et l’évaluation des preuves n’était pas concluante. La procédure a traîné en longueur essentiellement en raison de l’attitude des parties, qui ont agi au coup par coup; tout d’abord, l’opposant n’a pas indiqué de faits et justifications à l’appui de ses motifs d’opposition, ce qui a contribué à rendre plus confuse la question à trancher; ensuite, les deux parties n’ont pas répondu de façon satisfaisante aux notifications de la division d’opposition.

6. Le lien entre la nécessité d’indiquer les faits et justifications étayant les motifs d’opposition et la teneur de la décision rendue par la division d’opposition est également largement méconnu. L’indication des faits et justifications n’est pas une obligation en soi, mais elle sert un objectif bien précis, qui est de permettre à la division d’opposition de cerner très exactement les problèmes posés dans l’affaire en cause. Cette obligation (minimale) d’indiquer les faits et justifications étayant les motifs de l’opposition a du reste son pendant dans l’obligation (minimale) pour la division d’opposition d’indiquer les motifs de sa décision. Lorsque les faits, la date et le lieu où ils se sont produits ne sont pas précisés, et que le lecteur en est réduit à deviner les faits sur lesquels la division d’opposition s’est appuyée pour rendre sa décision, les raisons pour lesquelles elle les a retenus, les preuves sur lesquelles ces faits se fondent ainsi que la manière dont ces preuves ont été appréciées, la décision n’est pas suffisamment motivée. Ce dernier point est particulièrement important lorsque la division d’opposition, considérant qu’elle ne peut pas rendre de décision en s’appuyant uniquement sur un document écrit et sans donner la possibilité à l’autre partie de contester la preuve fournie, demande une déclaration sous serment au sujet de faits survenus quelques années plus tôt.

7. Le dépôt d’un acte d’opposition ne peut légitimement avoir pour simple but de “maintenir le dossier ouvert” et de permettre à l’opposant d’attendre avant d’abattre ses cartes. Il y a tout lieu de désapprouver de telles pratiques. La recevabilité de l’opposition est un aspect important lors de l’examen des conditions de forme. La théorie selon laquelle “un brevet ne peut pas être maintenu lorsqu’il saute aux yeux qu’il n’est pas valable” ne saurait justifier que l’on examine au fond une opposition non recevable. Lorsque les faits et justifications invoqués à l’appui des motifs de l’opposition sont insuffisants, on ne peut pas dire qu'”il saute aux yeux que le brevet n’est pas valable”. L’exigence de recevabilité ne doit pas être contournée en mettant en avant le principe selon lequel la recevabilité de l’opposition doit être vérifiée d’office à chaque stade de la procédure, ni en transférant de l’opposant à la division d’opposition la charge d’établir que l’opposition est fondée. Telles sont les remarques que la Chambre de recours tenait à formuler à titre d’opinion incidente concernant la conduite de la procédure.

Conditions de recevabilité

8. Pour être déclarée recevable, une opposition doit notamment remplir les conditions énoncées à l’article 99(1) CBE, ensemble les règles 56(1) et 55 c) CBE, troisième condition (indication des faits et justifications invoqués à l’appui des motifs d’opposition).

9. La présente affaire soulève un certain nombre de questions de fond concernant la marche à suivre lorsqu’il s’avère nécessaire d’étudier de plus près le sens des termes utilisés à l’article 54(2) CBE pour définir ce qui doit être considéré comme faisant partie de l’état de la technique. Dans la plupart des cas, les documents publiés par un service officiel, un office des brevets par exemple (demandes et fascicules de brevets), de même que les ouvrages techniques généralement reconnus invoqués pour montrer ce qui constitue l’état de la technique au sens de l’article 54(2) CBE peuvent à l’évidence être considérés comme faisant partie de l’état de la technique. Dans ces cas, tout à fait courants, la question de savoir ce qui a été rendu accessible au public, à quel endroit et à quelle date cela a eu lieu ne se pose pas.

10. Les conditions auxquelles doit satisfaire l’opposition pour être recevable lorsque l’opposant invoque un usage antérieur ont déjà fait l’objet d’une abondante jurisprudence. Dans la décision T 328/87, JO OEB 1992, 701, points 3.3 et suivants des motifs, la chambre a approuvé dans son principe la règle des “trois conditions” énoncée dans les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB, partie D, chapitre IV, point 1.2.2.1 (à l’époque, sous la lettre (f), dans la version actuelle, sous la lettre (e)). Le respect de ces conditions a été postulé dans les décisions T 541/92 et T 538/89, qui n’ont ni l’une ni l’autre été publiées dans le JO de l’OEB. La Chambre n’a en revanche pas trouvé de décision concernant le cas limite dans lequel on peut considérer que l’état de la technique a été rendu accessible “par tout autre moyen”.

11. Les passages pertinents dans la version actuelle des Directives (pages portant la mention “Décembre 1994”) sont les suivants:

Partie D, chapitre IV

“1.2.2 Irrégularités ayant pour conséquence que, s’il n’y est pas remédié [précision: avant l’expiration du délai d’opposition], l’opposition doit être rejetée pour irrecevabilité. …

1.2.2.1 Irrégularités au sens de la règle 56(1)

Ce sont les irrégularités suivantes:

e) L’acte d’opposition ne comporte pas l’indication des faits et des justifications invoqués à l’appui de l’opposition.

Une opposition n’est suffisamment fondée que si, en ce qui concerne au moins l’un de ses motifs, l’opposant présente des faits et des justifications constituant un obstacle possible à la brevetabilité en vertu de la CBE. Il doit préciser le contexte technique et les conclusions qu’il en a tirées. Le contenu de l’exposé des motifs doit permettre au titulaire du brevet et à la division d’opposition d’examiner le motif de révocation invoqué, sans recourir à des recherches indépendantes. Les allégations non fondées ne satisfont pas cette condition. De même, il n’est généralement pas suffisant de faire référence à des documents de brevet; à moins que le document soit très bref, l’opposant doit mentionner les parties sur lesquelles il fonde son opposition. Au cas où un usage ou une description orale est invoqué comme état de la technique, il convient de donner sur les faits et justifications les précisions qui permettront à la division d’opposition de faire les constatations visées au point V, 3.1.2 ou 3.2.3.

Il suffit d’indiquer les motifs, ainsi que les faits et justifications sur lesquels ils se fondent, pour pouvoir satisfaire aux conditions requises pour que l’opposition soit recevable. Les justifications elles-mêmes peuvent également être produites après l’expiration du délai d’opposition. …”

[Certains passages ont été imprimés en italiques pour plus de clarté].

Les points 3.1.2 et 3.2.3 des Directives D-V ont trait à l’examen quant au fond de l’opposition. Ces points sont cités au chapitre D-IV (Procédure (d’opposition) jusqu’à l’examen quant au fond), au point 1.2.2.1 (e), page 13, à propos de la nécessité, pour que l’opposition soit recevable, d’indiquer les faits et justifications invoqués à l’appui de l’opposition afin de permettre à la division (d’examen ou) d’opposition d’examiner les motifs de révocation invoqués “sans recourir à des recherches indépendantes”. Les points 3.1.2 “Points à déterminer par la division d’opposition en ce qui concerne l’usage” et 3.2.3, “Points à déterminer par la division d’opposition en ce qui concerne la description orale” ne portent pas à proprement parler sur les conditions requises pour que l’opposition soit recevable; une condition indispensable en revanche pour que l’opposition soit recevable est que ces questions puissent être examinées sans recherches indépendantes. La reproduction ci-après des dispositions pertinentes des directives doit permettre de bien les comprendre dans leur contexte:

Directives D-V, 3:

“3. Défaut de brevetabilité selon les articles 52 à 57

Les conditions de fond, en ce qui concerne la brevetabilité visée aux articles 52 à 57, sont les mêmes pour la procédure d’opposition que pour la procédure d’examen. … Au cours de la procédure d’opposition, l’examen de la brevetabilité s’appuiera toutefois plus souvent que ce ne sera le cas dans la procédure d’examen sur un état de la technique rendu accessible au public non par une description écrite, mais par une “description orale”, par “un usage” ou par “un autre moyen” (cf. article 54(2)). …

3.1 Etat de la technique rendu accessible au public par un “usage” ou par un “autre moyen”

3.1.1 Activités constituant un usage et cas d’accessibilité par un autre moyen

Les activités constituant un usage peuvent consister dans le fait qu’un produit est fabriqué, offert, mis en circulation ou utilisé, ou bien dans le fait qu’un procédé ou son utilisation sont offerts ou mis en circulation, ou encore dans le fait qu’un procédé est appliqué. La mise en circulation peut se faire par exemple par vente ou par échange.

L’état de la technique peut également être rendu accessible au public par un autre moyen, par exemple par la présentation d’un objet ou d’un procédé dans le cadre de l’enseignement professionnel ou à la télévision.

Les autres moyens d’accès englobent également toutes les autres possibilités d’accès à l’état de la technique qui seront disponibles à l’avenir grâce à l’évolution de la technique.

3.1.2 Points à déterminer par la division d’opposition en ce qui concerne l’usage Lorsqu’un usage est présenté comme faisant partie de l’état de la technique, la division d’opposition doit déterminer avec précision les éléments suivants:

a) la date de l’usage, ce qui revient à s’interroger sur l’existence même de l’usage avant la date de référence (usage préalable);

b) l’objet de l’usage, qui doit permettre de déterminer si l’objet de l’usage est de même nature que celui du brevet;

c) toutes les circonstances de l’usage qui l’ont rendu accessible au public, par exemple le lieu et le mode d’exploitation; ces derniers éléments sont importants dans la mesure où ils permettent de recueillir des indications quant aux possibilités données au public d’avoir accès à cet usage, par exemple lors de l’inspection d’un procédé de fabrication dans une usine ou lors de la livraison et de la vente d’un produit.

3.2.1 Cas de description orale

L’état de la technique est rendu accessible au public par une description orale lorsque des faits sont portés sans réserve à la connaissance de personnes du public au cours d’un entretien, dans le cadre d’une conférence ou d’émissions de radio ou de télévision ou à l’aide de supports de son (bandes magnétiques et disques).

3.2.2 Description orale non opposable

3.2.3 Points à déterminer par la division d’opposition en ce qui concerne la description orale

Il y aura lieu, là aussi, d’établir avec soin

a) le moment auquel la description orale est intervenue;

b) l’objet de cette description orale;

c) si cette description orale a été rendue accessible au public, ce qui dépendra également du mode (entretien, conférence) et aussi du lieu de cette description orale (réunion publique, hall d’usine; voir également V, 3.1.2 c)).

12. En fait, dans la décision T 328/87, la chambre a fait la synthèse entre le premier paragraphe du point 1.2.2.1(e) des Directives, partie D, chapitre IV et le point 3.1.2 du chapitre V de cette même partie D; interprétant la troisième condition posée à la règle 55 c) CBE en ce qui concerne l’usage antérieur (indication des faits et justifications), elle a proposé un test reposant sur trois critères pour déterminer si l’opposition est recevable. Lorsque l’opposant invoque un usage antérieur au sens de l’article 54(2) CBE, il doit respecter certaines conditions lorsqu’il indique les faits et justifications à l’appui de ses allégations (point 3.3 des motifs de la décision T 328/87, légèrement modifié):

Il doit indiquer à la division d’opposition (et au titulaire du brevet en litige) les faits et justifications qui lui permettent de déterminer:

a) la date de l’usage, ce qui revient à s’interroger sur l’existence même de l’usage avant la date de référence (usage antérieur),

b) l’objet de l’usage, ce qui doit permettre de déterminer si l’objet de l’usage est de même nature que l’objet du brevet européen,

c) toutes les circonstances de l’usage qui l’ont rendu accessible au public, par exemple le lieu et le mode d’exploitation. Ces éléments sont importants dans la mesure où, par exemple, l’étude d’un procédé de fabrication dans une usine ou la fourniture et la commercialisation d’un produit peuvent parfaitement fournir des informations quant aux possibilités données au public d’avoir accès à cet usage.

13. Les Directives ont été établies dans l’intention de couvrir les cas courants. Elles doivent par conséquent être considérées comme des instructions générales indiquant les pratiques et les procédures à suivre au cours des différentes phases de l’examen des demandes de brevet européen et des brevets européens conformément à la Convention sur le brevet européen (et à son règlement d’exécution). Elles s’adressent au personnel de l’OEB, notamment aux examinateurs membres d’une division d’examen (article 18 CBE) ou d’une division d’opposition (article 19 CBE) (cf. Introduction générale aux Directives, point 1.2).

14. Les membres des chambres de recours ne sont pas tenus de s’y conformer (article 23(3) CBE). Le règlement de procédure des chambres de recours est arrêté conformément aux dispositions de l’article 23(4) CBE. Aux termes de l’article 15(2) de ce règlement, si, dans sa décision, une chambre interprète la Convention d’une façon différente de celle prévue par les Directives, elle peut indiquer les motifs de son choix lorsque, à son avis, cela facilite la compréhension de la décision. Cette disposition reflète le principe général selon lequel les chambres de recours, en leur qualité de deuxième instance, peuvent se référer aux Directives parce qu’il s’agit d’instructions générales ayant une grande influence quant à l’interprétation de la CBE par la première instance. Les motifs invoqués par les chambres de recours peuvent amener l’autorité compétente visée à l’article 10(2) et (3) CBE à modifier les Directives. Dans l’introduction générale aux Directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office européen des brevets, il est souligné à juste titre que ces Directives n’ont pas le caractère obligatoire d’un texte juridique; pour déterminer en dernier ressort la pratique à suivre à l’OEB, il est nécessaire de se référer tout d’abord à la CBE, puis à l’interprétation que les chambres de recours et la Grande Chambre de recours donnent de la Convention. Il n’en demeure pas moins que les Directives jouent un rôle important en tant qu’instructions générales données à la première instance, car elles visent à harmoniser la manière dont la CBE est appliquée à ce niveau, ainsi que l’interprétation qu’en donnent les chambres de recours et la Grande Chambre de recours; de plus, comme les Directives sont publiées, elles contribuent à l’information du public.

15. La démarche générale proposée dans les Directives concernant l’appréciation de la recevabilité de l’opposition lorsqu’est invoqué un usage antérieur ou un état de la technique préalablement rendu accessible “par tout autre moyen” (règle 55 c) CBE, troisième condition) ne soulève pas d’objection dans la présente espèce. Elle n’a été contestée ni dans les commentaires relatifs à la CBE, ni dans les articles publiés dans des revues juridiques spécialisées dans le domaine de la propriété industrielle. Elle a au contraire été confirmée par la jurisprudence des chambres de recours (cf. Rapport sur la Jurisprudence des chambres de recours jusqu’à 1996, page 326, notamment décision T 328/87, cf. analyse supra).

16. Il convient de faire soigneusement la distinction entre les différents cas d’accessibilité à l’état de la technique. Lorsqu’il existe un document officiel, par exemple, un document provenant d’un office des brevets, la question de savoir “par qui” l’état de la technique invoqué a été rendu accessible, “à quelle date” il a été rendu accessible et “en quoi” il consiste, ne pose pas de problèmes. Dans certains cas en revanche, une analyse plus approfondie peut se révéler nécessaire. D’après l’article 54(2) CBE, “tout” ce qui a été rendu accessible au public peut être considéré comme compris dans l’état de la technique. Le “législateur”, dans sa volonté de donner le sens le plus large possible à cette disposition, a évité tout terme précis pouvant donner lieu à une interprétation trop restrictive. Ce faisant, il a laissé un vide, du moins du point de vue linguistique. Un terme précisant ce qu’il faut entendre par “tout” serait parfois bien utile car il aiderait à mieux comprendre la phrase concernant l’état de la technique. Dans les Directives, différents termes ou expressions sont employés pour indiquer ce qu’englobe ce concept de “tout”: “cas d’accessibilité” ou “aspect de l’état de la technique” (D-V, 3.1.1, titre et dernier paragraphe).

17. Le mot “tout”, s’appliquant à l’état de la technique, signifie que pour qu’un élément donné puisse être considéré comme faisant partie de l’état de la technique, il doit avoir un rapport avec l’état de la technique pris au sens propre. Il s’agit d’un élément d’information transmis à l’homme du métier, tel que ce dernier l’a interprété dans les circonstances précises où il se trouvait. Cet élément d’information doit avoir un rapport avec les connaissances de l’homme du métier et avec les motifs invoqués à l’appui de l’opposition tels qu’ils sont appréciés sur la base des allégations de l’opposant. Il n’a pas nécessairement de rapport avec une caractéristique revendiquée, mais peut en revanche avoir trait à des circonstances qu’il peut être utile de prendre en considération en tant que telles lors de l’appréciation de l’activité inventive. De la même manière qu’une information contenue dans un document de brevet décrivant l’effet d’une mesure technique, ou qu’une opinion exprimée dans un document de ce type peuvent être à l’origine d’un préjugé, les éléments rendus accessibles “par tout autre moyen” peuvent être considérés comme faisant partie de l’état de la technique.

18. La liste non exhaustive de ce qui constitue l’état de la technique conformément à l’article 54(2) CBE n’aide guère à trouver un terme générique englobant “tout ce qui a été rendu accessible … par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen”. Faute de terme pour remplacer l’expression “tout autre moyen”, les Directives utilisent la périphrase “cas d’accessibilité par un autre moyen” (D-V, titre du point 3.1.1). Cette périphrase est commode car elle peut s’appliquer à tout élément faisant partie de l’état de la technique.

19. Il pourrait être utile d’examiner les points (conditions) à prendre en considération lorsque l’on analyse si l’opposant invoque un “aspect” de l’état de la technique, autrement dit, un ensemble concret de faits. Une telle démarche ne peut de toute évidence être valable en toutes circonstances, mais elle devrait pouvoir convenir même dans les cas un peu plus compliqués.

20. Point (a)

Il découle de ce qui précède que, s’agissant de “l’objet” rendu accessible, l’opposant doit tout d’abord indiquer le support d’information qui a été utilisé (document écrit, objet utilisé, conversation, offre sur Internet, etc.), afin que l’on puisse déterminer en quoi consiste l’état de la technique qu’il invoque.

21. Point (b)

L’opposant doit ensuite préciser quelles informations pouvaient de son point de vue être obtenues à partir de ce qui constituait, selon lui, l’état de la technique. Il doit décrire objectivement la teneur de ces informations ainsi que les faits dans le contexte où ils pouvaient être appréhendés. S’il s’agit d’un usage antérieur d’un objet, il doit en indiquer les caractéristiques et les propriétés reconnaissables. S’il s’agit d’un document écrit, il doit fournir le texte de ce document.

22. Point (c)

Toujours en ce qui concerne l'”objet” rendu accessible, l’opposant doit ensuite fournir une liste de caractéristiques se situant à un niveau d’abstraction suffisant pour permettre de déterminer s’il existe une similitude ou identité de fond entre l’état de la technique allégué (p.ex. utilisation d’un objet, teneur d’une conversation, d’une conférence etc.) et l’objet du brevet attaqué. Pour les documents écrits, il doit produire des extraits des caractéristiques et des passages pertinents (cf. T 279/88, point 2 des motifs, non publiée au JO OEB). Tout ceci forme l’ensemble des faits de base.

23. Point (d)

Cet ensemble de faits de base doit ensuite être comparé avec les caractéristiques de l’objet du brevet litigieux; ce faisant, il convient, pour que l’affaire soit examinée à fond, de tenir compte de tous les autres éléments susceptibles aux yeux de l’opposant de compromettre la nouveauté ou l’activité inventive de ce brevet.

24. Point (e)

Pour ce qui est du “lieu”, l’opposant doit fournir tous les renseignements sur l’endroit où ce qu’il prétend être l’état de la technique est apparu, et indiquer les circonstances permettant de déterminer si les informations susmentionnées ont été rendues accessibles au public, qui était le public dans ce cas précis, et s’il était ou non implicite que ces informations n’avaient aucun caractère confidentiel.

25. Point (f)

La détermination du “moment” est très proche de celle du “lieu”, et doit permettre d’identifier l’état de la technique en cause d’après la date ou la période à laquelle il est apparu.

26. Tous ces points doivent pouvoir être déterminés d’après l’acte d’opposition. Ils ne constituent pas un but en soi. Les conditions énoncées à la règle 55 c) CBE visent à assurer la sécurité juridique et à permettre au titulaire du brevet de défendre correctement sa cause.

Enoncé insuffisant des faits et justifications dans la présente espèce

27. Dans la présente affaire, l’opposant s’est contenté de citer deux brochures (prospectus sur lesquels figurait le nom de la société Techmo) sans indiquer, faits et justifications à l’appui, si seulement elles avaient été publiées, à quel moment elles avaient été publiées, en quel lieu et à qui elles avaient été montrées ou remises. Il n’a pas davantage expliqué pourquoi il fallait considérer la mention, dans le document E2, d’un véhicule de prélèvement (“see leafted enclosed”, mention devant se lire comme suit: “see leaflet enclosed”) comme une référence au modèle 7.167 décrit dans le document E1. Aucun de ces faits n’a été mentionné, et aucune preuve n’a été apportée. S’agissant des brochures, l’opposant a fait comme si les points essentiels, à savoir la nature de l’objet rendu accessible, l’endroit où cet objet avait été rendu accessible et la date à laquelle il avait été rendu accessible n’étaient ni contestables, ni contestés, et comme s’il était clairement précisé sur ces brochures que leur publication avait eu lieu à une date bien précise, en un lieu bien précis, par les soins d’un service officiel tel qu’un office des brevets. Il n’a même pas mentionné si elles avaient été distribuées ou rendues accessibles au public par un autre moyen ni, à supposer que tel ait été le cas, à quel endroit et dans quelles circonstances. L’opposant a simplement affirmé qu’il s’agissait de documents écrits ne comportant aucune mention selon laquelle ils avaient un caractère confidentiel et qu’ils pouvaient donc être distribués à un nombre illimité de clients (“so aufgemacht, daß sie für die Verteilung an einen nicht begrenzten Kundenkreis geeignet sind”). Il y a donc eu confusion entre deux cas de figure différents, à savoir, d’une part, la situation où un document est placé dans les rayons d’une bibliothèque publique, ce qui permet au public de le consulter, et, d’autre part, celle où il est simplement “possible” que le document en question ait été distribué, et où il est donc possible qu’il ait été rendu accessible au public. Dans la mesure où l’opposant n’a cité aucun fait ou justification susceptible de prouver que ce document avait bel et bien été rendu accessible à une date donnée, en un lieu et à un public bien précis, on peut considérer qu’il n’a même pas invoqué d’exemple d’état de la technique. Il s’est contenté de présenter les deux brochures comme s’il s’agissait de documents de brevets émanant d’un service officiel tel qu’un office des brevets.

28. D’après ce qui figure dans l’acte d’opposition, il n’est même pas possible de considérer ces deux brochures, au sens où l’entend l’article 54(2) CBE, comme des documents écrits mis à la disposition d’un ou de plusieurs membres du public de manière à ce qu’ils puissent en prendre possession, ou comme des éléments de l’état de la technique rendus accessibles au public par un “autre moyen”, ce qui est le cas par exemple lorsqu’un membre du public consulte et lit un document, puis le rend à la personne qui le lui avait remis. Dans ce dernier cas, ce n’est pas le document qui a été rendu accessible au public, mais les connaissances que le lecteur pouvait en tirer dans les circonstances particulières de l’espèce. Cela peut tout changer du point de vue du contenu de l’état de la technique. Lorsque le public est en possession d’un document écrit, il peut l’analyser en profondeur dans la mesure où il a largement la possibilité de le lire et de le relire. Dans le deuxième cas en revanche, le contenu de l’état de la technique dépend de la capacité de mémorisation du lecteur, de ce qu’il peut retenir après avoir lu le document une seule fois, ce qui, à son tour, dépend des conditions dans lesquelles il effectue cette lecture (temps limité, circonstances susceptibles de détourner son attention, etc…).

29. Le document E1, présenté comme destructeur de nouveauté et d’activité inventive, n’est pas daté. Il porte sur un véhicule de prélèvement “mod. 7.167”. La deuxième brochure, datée de juillet 1984, fait simplement référence à un “véhicule de prélèvement Techmo”, sans préciser s’il s’agit du modèle décrit dans le document E1. L’acte d’opposition ne contient pas d’autres allégations, et l’opposant n’a pas fourni de preuves. Ce n’est que plus tard que le mode de distribution des documents a été précisé et que le nom d’un témoin a été communiqué.

30. Les faits et justifications invoqués à l’appui des motifs de l’opposition étant insuffisants, l’acte d’opposition n’est donc pas conforme aux dispositions de l’article 99(1) CBE ensemble les règles 56(1) et 55 c) CBE. Le contenu de l’acte d’opposition ne permettait pas au titulaire du brevet ni à la division d’opposition d’examiner les motifs de révocation invoqués sans procéder à des recherches indépendantes. L’opposition était par conséquent irrecevable.

31. La question que l’intimé a demandé à la Chambre de soumettre à la Grande Chambre de recours (cf. point XIX supra) n’est pas une question de droit au sens de l’article 112(1)a) CBE parce qu’elle porte uniquement sur des faits. Cette requête doit donc être rejetée.

32. Conformément au pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 111(1) CBE, deuxième phrase, la Chambre statue sur la recevabilité de l’opposition. Renvoyer l’affaire à la première instance afin qu’elle statue sur la recevabilité de l’opposition ne serait pas la solution appropriée, car la question doit être tranchée en s’appuyant sur l’acte d’opposition tel que déposé et en tenant compte des corrections et compléments apportés jusqu’à l’expiration du délai d’opposition (règle 56(1) CBE, dernière partie de la phrase; il n’a cependant été apporté aucun changement). Si l’affaire était renvoyée devant la première instance, cette dernière ne pourrait que se conformer à l’interprétation donnée par la Chambre; cela ne servirait donc à rien.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision attaquée est annulée.

2. L’opposition est rejetée comme irrecevable.