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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1998:T117397.19980701 | ||||||||
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Date de la décision : | 01 Juillet 1998 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 1173/97 | ||||||||
Numéro de la demande : | 91107112.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | G06F 11/14 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Resynchronisation asynchrone d’une procédure de validation | ||||||||
Nom du demandeur : | International Business Machines | ||||||||
Nom de l’opposant : | – | ||||||||
Chambre : | 3.5.01 | ||||||||
Sommaire : | Un produit “programme d’ordinateur” n’est pas exclu de la brevetabilité en application de l’article 52(2) et (3) CBE si sa mise en oeuvre sur un ordinateur produit un effet technique supplémentaire, allant au-delà des interactions physiques “normales” entre programme (logiciel) et ordinateur (matériel). | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Exclusion de la brevetabilité des programmes d’ordinateurs (pas en toutes circonstances) | ||||||||
Exergue : |
– |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Le recours a été formé contre la décision de la division d’examen en date du 28 juillet 1997, qui avait rejeté la demande de brevet européen n 91 107 112.4 (publiée sous le numéro 0 457 112), au motif que l’objet des revendications indépendantes 20 et 21 était un programme d’ordinateur en tant que tel, exclu par conséquent de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2)c) et (3) CBE.
Le requérant demande qu’un brevet soit délivré sur la base des revendications 1 à 21 qui avaient été soumises par courrier en date du 18 avril 1997, et qui ont été rejetées par la division d’examen.
II. Les revendications indépendantes sont libellées comme suit :
“1. Méthode de récupération de ressource dans un système d’ordinateur sur lequel se déroule une application (56A) demandant une opération de travail faisant intervenir une ressource, ladite méthode comportant les étapes suivantes : mise en oeuvre d’une procédure de validation pour ladite demande de travail ;
dans le cas où ladite procédure de validation n’est pas menée à son terme en raison d’une panne, notifier, au bout d’un certain délai, à ladite application (56A) qu’elle peut continuer à se dérouler sans avoir à attendre la resynchronisation ; et pendant que ladite application (56A) continue de tourner, resynchroniser, de manière asynchrone par rapport à ladite application (56A), ladite procédure de validation non menée à son terme pour ladite ressource.
14. Système informatique comprenant un environnement adapté pour le déroulement d’une application (56A) et
des moyens pour la mise en oeuvre d’une procédure de validation, plus précisément d’une procédure de validation en deux phases pour ladite application (56A) ;caractérisé par des moyens pour notifier à ladite application qu’elle doit continuer à se dérouler dans le cas où ladite procédure de validation échoue avant d’avoir été menée à son terme, ladite application n’ayant ainsi pas besoin d’attendre que ladite procédure de validation soit terminée ; et des moyens pour resynchroniser, de manière asynchrone par rapport au déroulement de ladite application, ladite procédure de validation non menée à son terme.
20. Un produit “programme d’ordinateur” chargeable directement dans la mémoire interne d’un ordinateur numérique, comprenant des portions de code de logiciel pour l’exécution des étapes de la méthode selon la revendication 1 lorsque ledit programme est exécuté sur un ordinateur.
21. Un produit “programme d’ordinateur” enregistré sur un support utilisable dans un ordinateur, comprenant : des moyens de programmation lisibles par ordinateur pour commander par un ordinateur (56A) l’exécution d’une application ;
des moyens de programmation lisibles par ordinateur pour faire mettre en oeuvre par l’ordinateur une procédure de validation, plus précisément une procédure de validation en deux phases de ladite application (56A) ;
des moyens de programmation lisibles par ordinateur pour faire notifier par l’ordinateur à ladite application (56A) qu’elle doit continuer à se dérouler dans le cas où ladite procédure de validation échoue avant d’avoir été menée à son terme, ladite application (56A) n’ayant ainsi pas besoin d’attendre que ladite procédure de validation soit terminée ; et
des moyens de programmation lisibles par ordinateur pour faire resynchroniser par l’ordinateur de manière asynchrone par rapport au déroulement de ladite application (56A) ladite procédure de validation non menée à son terme.”
III. Dans la décision, il a été déclaré en termes généraux que les revendications 1 à 19 étaient jugées admissibles et que, notamment, la méthode et le système informatique définis dans les revendications 1 et 14 répondaient aux conditions requises en matière de nouveauté et d’activité inventive par rapport à l’état de la technique cité dans la description.
IV. L’objet de la revendication 20, à savoir un produit “programme d’ordinateur” chargeable directement dans la mémoire interne d’un ordinateur numérique, et l’objet de la revendication 21, à savoir un produit “programme d’ordinateur” enregistré sur un support utilisable dans un ordinateur, ont toutefois été considérés comme non brevetables en vertu de l’article 52(2) et (3) CBE puisque, d’après les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office européen des brevets, C-IV, 2.3, un programme d’ordinateur revendiqué en tant que tel ou en tant qu’enregistrement sur un support n’est pas susceptible d’être breveté, quel que soit son contenu.
V. Dans l’argumentation qu’il a développée devant la division d’examen, le demandeur (requérant) a invoqué des critères techniques, des considérations économiques et des développements survenus au plan international ; concernant ce dernier point, il a notamment fait référence à l’article 27 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (“Accord sur les ADPIC”), ainsi qu’aux directives relatives à l’examen de l’Office des brevets et des marques des Etats-Unis et de l’Office japonais des brevets.
Dans les motifs de la décision attaquée, la division d’examen a répondu comme suit aux différents groupes d’arguments :
Critères techniques :
Etant donné qu’il n’existait pas entre le support de données et le programme enregistré sur ce support de relations techniques autres que celles connues dans l’état de la technique, le caractère technique du programme d’ordinateur ne pouvait être déduit ni du caractère physique du support sur lequel il était enregistré, ni du procédé ou du système dans lequel ce programme d’ordinateur était utilisé.
Considérations économiques :
Il n’était pas possible de prendre en compte des raisons économiques permettant de justifier la délivrance de brevets pour des programmes d’ordinateur, la division d’examen était liée par les Directives et par l’interprétation de la Convention sur le brevet européen donnée dans ces Directives.
Développements au plan international :
Abstraction faite des principes de procédure généralement admis dans les Etats contractants, le seul droit pertinent en ce qui concerne l’examen des demandes de brevet européen était celui institué par la Convention sur le brevet européen (y compris les Directives relatives à l’examen).
VI. Dans son acte de recours, le requérant a demandé que la décision soit annulée, qu’un brevet européen soit délivré pour la demande susmentionnée et, à titre de requête subsidiaire, qu’il soit organisé une procédure orale au cas où il ne serait pas jugé possible de faire droit à son recours.
VII. La procédure orale a eu lieu le 1er juillet 1998. La chambre avait exposé en bref son avis provisoire dans une notification qu’elle avait établie conformément à la règle 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours, et jointe à la citation à la procédure orale.
Elle soulignait dans cet avis que sur la base des règles d’interprétation énoncées à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités, l’article 52(2) et (3) CBE pouvait être interprété comme signifiant que les programmes d’ordinateur revendiqués en tant que tels étaient exclus de la brevetabilité, qu’ils aient ou non un contenu technique. Le caractère technique n’entrait en ligne de compte que lorsqu’un programme d’ordinateur était revendiqué en liaison avec une méthode ou avec un dispositif.
Donner à l’un quelconque des termes de l’article 52 CBE un sens particulier, tel que l’entend l’article 31(4)de la Convention de Vienne, n’était pas une bonne solution pour éviter que ne jouent les dispositions régissant les exclusions de la brevetabilité. Les décisions des chambres de recours citées par le requérant concernaient uniquement des inventions portant sur une méthode, un dispositif ou un système faisant intervenir un programme d’ordinateur. Dans les affaires en question, il avait été considéré que l’objet des inventions n’était pas le programme d’ordinateur en tant que tel dès lors qu’étaient revendiquées des caactéristiques techniques en plus du programme d’ordinateur. La Chambre signalait également dans son avis provisoire que les Etats contractants étaient libres d’exclure la délivrance de brevets pour certaines inventions, qu’elles aient ou non un caractère technique.
En ce qui concerne l’Accord sur les ADPIC, il n’était pas du tout certain que ce traité international soit applicable à la CBE. De plus, rien n’indiquait que les Etats parties à l’Accord sur les ADPIC entendaient considérer les programmes d’ordinateurs comme faisant partie des inventions brevetables.
VIII. Les arguments que le requérant a présentés par écrit et lors de la procédure orale peuvent se résumer ainsi :
L’interprétation qui est donnée de la CBE dans le chapitre IV des Directives cité par la division d’examen est trop large et manque de cohérence.
Ainsi que l’ont déclaré les chambres de recours, par exemple dans les décisions T 208/84 (JO OEB 1987, 14 “Invention concernant un calculateur/VICOM”) et T 6/83 (JO OEB 1990, 5 “Réseau de processeurs de données/IBM”), il suffit, pour qu’une invention soit brevetable conformément à l’article 52(1), (2) et (3) CBE, qu’elle ait un caractère technique, qu’elle soit nouvelle, implique une activité inventive et soit susceptible d’application industrielle.
La division d’examen avait reconnu que, tant pour ce qui était de la méthode selon la revendication 1 et du système selon la revendication 14, l’invention sur laquelle porte la demande en cause avait un caractère technique, tenant essentiellement à la séquence de commande spécifiée dans le programme enregistré, et que ce caractère technique ne pouvait disparaître du seul fait que l’invention était revendiquée sous une forme différente, comme par exemple dans les revendications 20 et 21.
Le terme “invention”, qui n’est pas défini dans la CBE, et auxquels les Etats contractants ne donnent pas tous la même signification, ne devrait être interprété que dans le contexte de la CBE.
Etant donné que, d’après les règles 27 et 29 CBE, une invention doit constituer la solution technique apportée à un problème technique, et qu’il est question de l’homme du métier dans plusieurs dispositions de la CBE, il doit être considéré que pour être brevetable, une invention doit présenter un caractère technique.
L’article 52(2)c) CBE dresse une liste non exhaustive des inventions non brevetables, dont notamment les programmes d’ordinateurs. Comme ce paragraphe mentionne également des activités sortant manifestement du domaine technique, on ne peut qu’en conclure que l’exclusion des programmes d’ordinateurs en tant que tels se veut une exclusion du même ordre que l’exclusion de la brevetabilité dans le cas de ces autres activités concernant toutes des objets sans caractère technique. Par conséquent, un “programme en tant que tel” (exclu de la brevetabilité) est un programme qui n’a en fait aucun caractère technique.
Une interprétation restrictive des dispositions en matière d’exclusion irait également dans le sens de l’Accord sur les ADPIC. Bien que cet accord ne soit pas directement applicable pour l’interprétation de la CBE, tous les Etats parties à cet accord sont tenus de s’y conformer, ce qui signifie que la CBE doit être interprétée dans un sens qui soit compatible avec ses dispositions, dont, notamment, son article 27.
L’attention de la Chambre a également été attirée sur l’article 10 de l’Accord sur les ADPIC, qui a trait à la protection par droit d’auteur des programmes d’ordinateur et des compilations de données. Le requérant a fait valoir que le fait que l’article 10 soit la seule disposition de l’Accord sur les ADPIC à mentionner les programmes d’ordinateurs, et que le seul mode de protection cité dans ce contexte soit la protection par droit d’auteur ne signifiait pas que l’Accord sur les ADPIC excluait la possibilité de protéger par brevet les programmes d’ordinateurs.
Il n’y avait selon le requérant pas de contradiction entre l’article 10 et l’article 27 de l’Accord sur les ADPIC : bien au contraire, les deux modes de protection pouvaient parfaitement co-exister pour un même programme, et chacun de ces deux modes de protection avait une finalité qui lui était propre.
Le caractère technique d’une invention peut tenir à son champ d’application, mais il peut tout aussi bien provenir de l’utilisation des techniques de l’information pour la résolution d’un problème qui se pose dans un domaine non technique. Tout comme dans le cas de la relation existant entre une fiche électrique et une prise électrique, l’interface technique entre l’ordinateur et le programme, telle qu’elle a été définie par exemple dans les revendications 20 et 21 de la demande en cause, est ce qui garantit que la méthode ou le système conserve un caractère technique dans le cas où c’est le programme d’ordinateur en tant que tel qui est revendiqué comme produit.
Motifs de la décision
1. Requêtes
Le requérant demande qu’un brevet soit délivré sur la base des revendications 1 à 21, déposées le 18 avril 1997. La décision attaquée avait été rendue sur la base de la même requête. Dans cette décision, la demande de brevet avait été rejetée, et le seul motif avancé dans la décision de rejet était que la division d’examen considérait l’objet des revendications 20 et 21 comme exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) et (3) CBE.
La seule question sur laquelle la Chambre doit statuer dans la présente espèce est donc celle de savoir si le motif avancé par la division d’examen est pertinent.
2. L’Accord sur les ADPIC
2.1 La Chambre partage dans une large mesure le point de vue du requérant pour ce qui est de l’importance de l’Accord sur l’ADPIC dans l’affaire ici en cause.
Toutefois, à l’heure actuelle, elle n’est pas convaincue que l’Accord sur les ADPIC soit directement applicable à la CBE. Abstraction faite de toute autre considération, l’Accord sur les ADPIC ne lie que les Etats membres de l’OMC. L’Organisation européenne des brevets en tant que telle n’est pas membre de l’OMC, et elle ne fait pas partie des signataires de l’Accord.
2.2 La Chambre n’a également rien trouvé dans la Convention de Vienne sur le droit des traités qui permette de considérer que l’Accord sur les ADPIC est directement applicable à la CBE.
Bien qu’aux termes de son article 4, la Convention de Vienne, qui a été signée le 23 mai 1969, mais n’est entrée en vigueur que le 27 janvier 1980, ne soit pas applicable dans le cas de la CBE, elle a une autorité considérable et a souvent été citée par les chambres de recours lorsqu’elles appliquaient les principes qui y sont énoncés. Toutefois, pour la Chambre, l’article 30, qui traite de l’ “application de traités successifs portant sur la même matière”, ne pourrait être invoqué pour justifier l’application à la CBE de l’Accord sur les ADPIC. Par exemple, il n’y a même pas correspondance totale entre les Etats parties à la CBE et les Etats parties à l’Accord sur les ADPIC, autrement dit, les Etats parties à la CBE ne sont pas tous parties à l’Accord sur les ADPIC.
2.3 Toutefois, bien que l’Accord sur les ADPIC ne soit pas directement applicable à la CBE, la Chambre considère qu’il faut en tenir compte dans la mesure où il a pour objectif l’élaboration de normes et principes adéquats concernant l’existence, la portée et l’exercice des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, et, par voie de conséquence, des droits conférés par le brevet. L’Accord sur les ADPIC indique ainsi clairement quelles sont les tendances en la matière à l’heure actuelle.
L’article 27(1) de l’Accord sur les ADPIC stipule qu'”un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.” Selon la Chambre, ce principe général, combiné aux dispositions des paragraphes 2 et 3 de ce même article 27 concernant les exceptions à la brevetabilité (lesquelles toutefois n’englobent aucun des objets mentionnés à l’article 52(2) CBE), peut être correctement interprété comme signifiant que l’Accord sur les ADPIC ne vise manifestement pas à exclure des inventions de la brevetabilité, quel que soit le domaine technique auquel elles appartiennent et, notamment, qu’il ne vise pas à exclure les programmes d’ordinateurs, tels qu’ils figurent dans la liste des inventions non brevetables dressée à l’article 52(2)c) CBE.
2.4 La Chambre sait bien qu’aux termes de l’article 10(1) de l’Accord sur les ADPIC, “les programmes d’ordinateur, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu’oeuvres littéraires en vertu de la Convention de Berne (1971)”. Cette disposition n’entame cependant pas la validité de la conclusion formulée plus haut, à savoir que les programmes d’ordinateurs sont brevetables en vertu de l’Accord sur les ADPIC, cette brevetabilité se fondant sur l’article 27 de cet accord. Comme le requérant l’a fait valoir à juste titre, le fait que l’article 10 soit la seule disposition de l’Accord sur les ADPIC à mentionner expressément les programmes d’ordinateurs, et que le mode de protection prévu dans cette disposition soit la protection par droit d’auteur ne signifie nullement qu’il y ait contradiction entre l’article 10 et l’article 27 de l’Accord sur les ADPIC. La protection par droit d’auteur et la protection par brevet constituent deux modes différents de protection juridique, qui peuvent toutefois s’appliquer à un même objet (p. ex. un programme d’ordinateur) puisque chacun d’eux poursuit un objectif qui lui est propre.
2.5 Le requérant a également invoqué la pratique actuelle de l’Office américain et de l’Office japonais des brevets et a signalé que, d’après le texte récemment révisé des directives de ces deux offices relatives à l’examen, les revendications portant sur des programmes d’ordinateurs sont désormais admissibles. Le requérant n’a pas donné d’autres détails au sujet de la formulation exacte de ce genre de revendications.
La Chambre a pris bonne note de ces développements, mais tient toutefois à souligner que la situation existant aux Etats-Unis et au Japon est très différente de celle qui a été créée par la CBE, seul système juridique à prévoir une exclusion telle que celle énoncée à l’article 52(2) et (3).
2.6 Il n’en demeure pas moins que, comme l’a fait observer le requérant, ces développements peuvent être considérés comme une indication utile des tendances les plus récentes. Pour la Chambre, ils peuvent favoriser la poursuite de l’harmonisation, hautement souhaitable, du droit des brevets à l’échelle mondiale.
3. Source pertinente du droit des brevets
Il ressort des considérations qui précèdent qu’à l’heure actuelle, la Convention sur le brevet européen constitue la seule source de droit des brevets lorsqu’il s’agit d’examiner des demandes de brevet européen. C’est donc à bon droit que la division d’examen a conclu dans la décision attaquée que la CBE est le seul système de droit des brevets qu’il convient de prendre en compte en l’occurrence.
La division d’examen a appliqué la CBE en s’appuyant sur les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office européen des brevets, et s’est donc référée uniquement à l’interprétation de la Convention qui est donnée dans ces directives.
Les chambres de recours ne sont cependant pas tenues de se conformer aux Directives. Il est notamment précisé à l’article 23(3) CBE que “dans leurs décisions, les membres des chambres ne sont liés par aucune instruction et ne doivent se conformer qu’aux seules dispositions de la présente convention”.
La Chambre va donc maintenant étudier comment, selon elle, il conviendrait d’interpréter les dispositions de l’article 52(2) et (3) CBE concernant l’exclusion de la brevetabilité des programmes d’ordinateurs.
4. Exclusion au titre de l’article 52(2) et (3) CBE
4.1 S’agissant de la disposition même d’exclusion, la Chambre tient à noter ce qui suit :
L’article 52(2)c) CBE prévoit que les programmes d’ordinateurs ne sont pas considérés comme des inventions au sens de l’article 52(1) CBE et sont donc pour cette raison exclus de la brevetabilité.
L’article 52(3) CBE limite dans des proportions importantes l’étendue de cette exclusion. En vertu de cette disposition, l’exclusion ne vaut que dans la mesure où la demande de brevet européen ou le brevet européen ne concerne que des programmes d’ordinateurs, considérés “en tant que tels”.
Il ressort de ces deux dispositions considérées conjointement (article 52(2) et (3) CBE), qu’il n’était pas dans les intentions du législateur d’exclure de la brevetabilité tous les programmes d’ordinateurs. En d’autres termes, le fait que seuls les programmes d’ordinateurs considérés en tant que tels soient exclus de la brevetabilité signifie que les demandes de brevet ayant trait à des programmes d’ordinateurs peuvent donner lieu à la délivrance d’un brevet, dès lors que l’on considère que ces programmes d’ordinateurs ne constituent pas en tant que tels l’objet de ces demandes.4.2 Pour pouvoir délimiter la portée d e l’exclusion de la brevetabilité dans le cas des programmes d’ordinateurs, il est nécessaire de déterminer ce que signifie exactement l’expression “en tant que tels”, ce qui peut permettre d’identifier les programmes d’ordinateurs, qui, n’étant pas considérés comme des programmes d’ordinateurs en tant que tels, sont susceptibles d’être protégés par brevet.
5. Sens à donner à l’expression “en tant que tels”
5.1 Dans le cadre de l’application de la CBE, il est généralement admis que le caractère technique d’une invention est une condition essentielle de sa brevetabilité, comme en témoignent, par exemple, les règles 27 et 29 CBE.
5.2 L’exclusion de la brevetabilité des programmes d’ordinateurs en tant que tels (article 52(2) et (3) CBE) peut s’interpréter comme signifiant que l’on considère que ces programmes sont des créations purement abstraites, dépourvues de caractère technique. L’utilisation de l’expression “ne sont pas considérés comme des inventions” semble corroborer cette interprétation.
5.3 Dans cette interprétation, les programmes d’ordinateurs doivent être considérés comme des inventions brevetables lorsqu’ils ont un caractère technique.
5.4 Une telle conclusion semble dans la logique des trois dispositions différentes concernées :
a) l’exclusion de la brevetabilité prévue à l’article 52(2) CBE ;
b) la disposition d’ordre général figurant à l’article 52(1) CBE, qui prévoit que les brevets européens sont délivrés pour les inventions (pourvues donc de caractéristiques techniques) nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle ;
c) la disposition de l’article 52(3) CBE, qui ne permet pas une interprétation large de l’étendue de l’exclusion.
5.5 Le principal problème d’interprétation qui se pose en ce qui concerne cette exclusion est celui de la définition de ce que signifie “caractère technique”, en particulier dans la présente espèce, où il est fait spécifiquement référence aux programmes d’ordinateurs.
6. Caractère technique des programmes d’ordinateurs
6.1 Pour comprendre ce que signifie l’exclusion de la brevetabilité des programmes d’ordinateurs au sens de l’article 52(2) et (3) CBE, on admet au départ qu’il ne peut pas être considéré que les programmes d’ordinateurs ont un caractère technique du seul fait que ce sont des programmes d’ordinateurs.
6.2 Par conséquent, les modifications physiques du matériel (engendrant, par exemple, des courants électriques) qui résultent de l’exécution d’instructions données par des programmes d’ordinateurs ne peuvent en tant que telles conférer à ces programmes le caractère technique qui est exigé pour que ces programmes ne soient pas exclus de la brevetabilité.
6.3 ien que les modifications de ce genre puissent être considérées comme techniques, elles constituent une caractéristique commune à tous les programmes d’ordinateurs agencés pour pouvoir être mis en oeuvre sur un ordinateur, et ne peuvent par conséquent permettre de distinguer les programmes d’ordinateurs qui ont un caractère technique des programmes d’ordinateurs considérés “en tant que tels”.
6.4 Le caractère technique au sens où on l’entend ci-dessus doit donc être recherché ailleurs : il pourrait tenir aux autres effets résultant de l’exécution (par le matériel) des instructions données par le programme d’ordinateur. Lorsque ces autres effets ont un caractère technique, ou lorsqu’ils amènent le logiciel à résoudre un problème technique, on peut considérer que l’invention produisant ce type d’effet peut, en principe, être brevetée.
6.5 Par conséquent, il peut être délivré un brevet non seulement pour une invention dans laquelle un logiciel gère, au moyen d’un ordinateur, un processus industriel ou le fonctionnement d’une machine, mais aussi chaque fois qu’un programme d’ordinateur constitue le seul moyen, ou l’un des moyens nécessaires pour obtenir un effet technique au sens qui a été défini plus haut, dans le cas, par exemple, où ce type d’effet technique est produit par le fonctionnement interne de l’ordinateur lui-même, commandé par ledit programme.
En d’autres termes, s’ils sont capables de produire un effet technique tel que défini plus haut, tous les programmes d’ordinateurs doivent être considérés comme des inventions au sens de l’article 52(1) CBE et peuvent donc être protégés par brevet s’ils satisfont aux autres conditions prévues par la CBE.
6.6 omme il a déjà été indiqué au paragraphe précédent, l’effet technique en question peut également être engendré par le fonctionnement de l’ordinateur lui-même sur lequel est mis en oeuvre le programme, c’est-à-dire par le fonctionnement du matériel de cet ordinateur. Il est clair que, là encore, les modifications physiques du matériel au sens des points 6.2 et 6.3 qui résultent de l’exécution des instructions données par le programme ne peuvent, en soi, conférer à l’invention le caractère technique nécessaire pour lui permettre d’échapper à l’exclusion de la brevetabilité.
Dans ce cas, c’est uniquement l’existence de cet effet technique supplémentaire qui importe lors de l’examen de la brevetabilité, et il ne devrait être attaché aucune importance à l’utilisation spécifique qui est faite par ailleurs du système dans son ensemble.
Par “système dans son ensemble”, il faut entendre le matériel plus le logiciel, c’est-à-dire le système composé du matériel programmé conformément au programme concerné (matériel + logiciel).
7. La jurisprudence des chambres de recours de l’OEB
7.1 Les considérations développées ci-dessus aux points 4, 5, et 6 de l’exposé des motifs sont dans la ligne générale de la jurisprudence des chambres de recours de l’OEB.
Pour ce qui est de la brevetabilité, les chambres ont jusqu’à présent toujours considéré que les inventions devaient présenter un caractère technique. A la connaissance de la Chambre, il n’existe pas de décision dans laquelle une chambre de recours aurait reconnu le caractère technique d’un programme d’ordinateur pour la simple raison qu’il s’agissait d’un programme conçu pour être utilisé sur un dispositif technique, à savoir sur un ordinateur.
C’est ce que montre par exemple l’une des décisions antérieures rendues par les chambres de recours dans ce domaine, à savoir la décision T 208/84 (JO OEB 1987, 14), “Invention concernant un calculateur/VICOM”, citée supra. Dans cette affaire, l’invention avait pour objet une “méthode de traitement numérique d’images sous forme d’un ensemble de données à deux dimensions … “, mise en oeuvre par le passage sur un ordinateur approprié d’un programme d’ordinateur faisant intervenir une méthode mathématique.
Dans cette affaire, la chambre compétente avait estimé que la méthode selon l’invention n’était pas exclue de la brevetabilité, car elle constituait un procédé technique appliqué à une entité physique. Cette entité pouvait être un objet matériel, mais également une image mémorisée sous la forme d’un signal électrique. La méthode en question n’était donc ni une méthode mathématique en tant que telle, ni un programme d’ordinateur en tant que tel.
7.2 En revanche, il a été jugé que les modifications physiques du matériel découlant de l’exécution des instructions d’un programme d’ordinateur ne peuvent en tant que telles conférer à des programmes d’ordinateurs le caractère technique exigé pour qu’ils ne soient pas exclus de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2)c) et (3) CBE ; c’est ce qu’a démontré, par exemple, la décision T 22/85 (JO OEB 1990, 12), “Résumé et recherche de documents/IBM”, affaire dans laquelle lesdites modifications physiques du matériel engendrent des courants électriques.
7.3 Dans le cas typique d’une invention ayant pour objet le fonctionnement interne d’un ordinateur résultant de la mise en oeuvre des programmes sur cet ordinateur, il a été conclu dans la décision T 769/92 (JO OEB 1995, 525) “Système de gestion universel/SOHEI” que la réalisation de l’invention revendiquée faisant nécessairement intervenir des considérations techniques, cette invention avait un caractère technique suffisant pour lui permettre d’échapper à l’exclusion de la brevetabilité prévue à l’article 52(2)c et (3) CBE, quelle que soit l’utilisation spécifique faite du système dans son ensemble.
7.4 Cas dans lequel l’idée à la base de l’invention consiste en un programme d’ordinateur.
Dans la présente affaire, il est important de signaler que, selon la jurisprudence des chambres de recours, une revendication ayant pour objet l’utilisation d’un programme d’ordinateur pour la résolution d’un problème technique ne peut être considérée comme une revendication recherchant la protection du programme en tant que tel au sens de l’article 52(2)c) et (3) CBE, même si l’idée à la base de l’invention peut être considérée comme consistant en un programme d’ordinateur en tant que tel (cf. décisions T 208/84 (JO OEB 1987, 14), “Invention concernant un calculateur/VICOM”, citée supra, et T 115/85 (JO OEB 1990, 30), “Invention concernant un programme d’ordinateur/IBM”).
D’après la jurisprudence donc, une invention peut être brevetable lorsque l’idée à la base de l’invention consiste en un programme d’ordinateur en tant que tel.
8. La Chambre signale à ce propos que l’effet technique “supplémentaire” à prendre en compte aux fins de la détermination de la portée de l’exclusion de la brevetabilité prévue à l’article 52(2) et (3) CBE peut, à son avis, être compris dans l’état de la technique.
C’est donc dans le cadre de l’examen de la nouveauté et de l’activité inventive qu’il convient de déterminer ce qu’une invention apporte en plus du point de vue technique par rapport à l’état de la technique, plutôt que dans le cadre de l’examen de la question de savoir si cette invention doit être considérée comme exclue de la brevetabilité en vertu de l’article 52 (2) et (3) CBE.
9. Revendication portant sur un produit “programme d’ordinateur”
9.1 Comme cela a déjà été souligné au point 1 des motifs, la seule question à trancher dans la présente affaire est celle de savoir si l’objet des revendications 20 et 21 est exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) et (3) CBE. Ces revendications ont pour objet un produit “programme d’ordinateur”, et il convient d’examiner si la mise en oeuvre de ce programme d’ordinateur conduit à l’obtention d’un “effet technique supplémentaire”, qui permettrait à l’objet des revendications de n’être pas exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) et (3) CBE.
9.2 De tels programmes comportent normalement une série d’instructions qui, quand le programme est chargé, amènent le matériel à exécuter une procédure spécifique, produisant un résultat particulier.
9.3 Il est évident que dans ce cas, l’idée de base sur laquelle repose l’invention consiste dans ce programme d’ordinateur. Il est clair également que, en pareil cas, le matériel sur lequel le programme doit être mis en oeuvre est extérieur à l’invention, c’est-à-dire qu’il ne fait pas partie de l’invention, mais fait l’objet des changements physiques produits par la mise en oeuvre du programme.
Il est clair en outre que si, par exemple, ce produit “programme d’ordinateur” comprend un support lisible par ordinateur sur lequel est enregistré le programme, ce support n’est qu’un support physique sur lequel le programme est mémorisé, à considérer par conséquent comme un matériel.
9.4 Tout produit “programme d’ordinateur” engendre un effet lorsqu’il est mis en oeuvre sur un ordinateur. Cet effet n’apparaît physiquement que lorsque le programme est mis en oeuvre. Donc, ce n’est pas le produit “programme d’ordinateur” en tant que tel qui fait directement apparaître l’effet en question dans sa réalité physique. Cet effet n’apparaît que lorsque le programme est mis en oeuvre, ce qui signifie par conséquent que le “programme d’ordinateur” a seulement “en puissance” la capacité de produire ledit effet.
Cet effet peut également être “technique” au sens donné à ce terme au point 6 des motifs, auquel cas il s’agit de l'”effet technique supplémentaire” dont il est question sous ce point, ce qui signifie qu’un produit “programme d’ordinateur” peut avoir en puissance la capacité de produire un effet technique “supplémentaire”.
A partir du moment où il a été clairement établi qu’un produit spécifique “programme d’ordinateur” engendre un effet technique au sens susmentionné lorsqu’il est mis en oeuvre sur un ordinateur, la Chambre estime qu’il n’y a aucune raison de faire une distinction entre, d’une part, un effet technique direct et, d’autre part, la capacité en puissance de produire un effet technique pouvant être considéré comme un effet technique indirect.
Il s’ensuit qu’un produit “programme d’ordinateur” peut présenter un caractère technique parce qu’il a en principe la capacité d’engendrer un effet technique supplémentaire prédéterminé, au sens où ce terme est entendu plus haut. Comme la Chambre vient de le rappeler, le fait que l’objet d’une revendication présente un caractère technique implique qu’il ne s’agit pas d’un objet exclu “en tant que tel” de la brevetabilité en vertu de l’article 52(3) CBE.
Il en résulte qu’un produit “programme d’ordinateur” ayant en puissance la capacité d’engendrer un effet technique supplémentaire prédéterminé n’est, en principe, pas exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) et (3) CBE.
Par voie de conséquence, les produits “programmes d’ordinateurs” ne sont pas exclus dans tous les cas de la brevetabilité.
9.5 A la différence de ce qui avait été indiqué dans les motifs de la décision attaquée, la Chambre considère que le produit “programme d’ordinateur” présente un caractère technique parce qu’il a en puissance la capacité d’engendrer un effet technique, lequel est obtenu et peut se manifester lorsque le programme est mis en oeuvre sur un ordinateur.
9.6 Un produit “programme d’ordinateur” présentant (implicitement) toutes les caractéristiques d’une méthode brevetable (méthode destinée à faire fonctionner un ordinateur, par exemple) est donc réputé en tout état de cause n’être pas exclu de la brevetabilité au titre de l’article 52(2) et (3) CBE.
Il va de soi qu’une revendication portant sur un tel produit “programme d’ordinateur” doit comporter toutes les caractéristiques qui garantissent la brevetabilité de la méthode qu’il doit exécuter lorsqu’il est mis en oeuvre sur un ordinateur. Lorsque ce produit “programme d’ordinateur” est chargé sur un ordinateur, l’ordinateur ainsi programmé constitue un dispositif qui, à son tour, est capable d’exécuter ladite méthode.
Formuler en conséquence une revendication portant sur un produit “programme d’ordinateur” permettra également d’éviter que les changements physiques que la mise en oeuvre du programme produit à l’intérieur du matériel lorsqu’il fonctionne selon ses propres procédures prédéterminées ne jouent un rôle lors de la détermination de la brevetabilité de l’invention (telle qu’elle a été revendiquée) (cf. par exemple, décision T 22/85, JO OEB 1990, 12, “Résumé et recherche de documents/IBM”, déjà citée et commentée au point 7.2 des motifs).
9.7 Dans le cas où, eu égard à ce qui précède, il convient, de l’avis de la Chambre, d’exiger l’obtention d’un effet technique supplémentaire, résultant de la mise en oeuvre du programme, il est satisfait à cette exigence si la revendication est formulée de la manière qui vient d’être indiquée plus haut.
Une revendication ainsi formulée énonce des caractéristiques fonctionnelles, et sa portée est définie en termes de fonctions, à savoir la fonction accomplie par le programme d’ordinateur décrit dans cette revendication.
9.8 Le point de vue défendu dans la présente décision rejoint en outre ce qui avait été exposé au troisième paragraphe du point 16 des motifs de la décision “VICOM”, dans laquelle la chambre avait jugé qu'”enfin, il semblerait illogique d’accorder la protection à un procédé technique commandé par un calculateur programmé de manière appropriée, pour la refuser au calculateur lui-même lorsqu’il est agencé pour remplir la fonction considérée”. En d’autres termes, il semblerait illogique de délivrer un brevet pour une méthode, mais pas pour le dispositif agencé pour permettre l’exécution de cette même méthode. Par analogie, la Chambre trouve qu’il serait illogique d’accepter de délivrer un brevet pour une méthode ou pour le dispositif agencé pour permettre l’exécution de cette méthode, mais pas pour le produit “programme d’ordinateur” comportant toutes les caractéristiques nécessaires pour l’exécution de cette méthode et effectivement capable de l’exécuter lorsqu’il est chargé sur un ordinateur.
10. Interprétation selon les règles énoncées dans la Convention de Vienne.
10.1 Après avoir analysé ce qu’il fallait entendre par “programmes d’ordinateurs considérés en tant que tels”, l’accent étant mis sur “en tant que tels”, la Chambre est parvenue à la conclusion qu’un produit “programme d’ordinateur” n’est pas exclu de la brevetabilité dès lors qu’il a en puissance la capacité d’engendrer un effet technique “supplémentaire”.
Pour en revenir à la Convention de Vienne, il est stipulé au paragraphe 1 de l’article 31, intitulé “Règle générale d’interprétation”, qu'”Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but” et, au paragraphe 4, qu'”un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties”.
10.2 La Chambre estime que l’interprétation qui est donnée plus haut des dispositions de l’article 52(2)c) et (3) CBE excluant de la brevetabilité les programmes d’ordinateurs en tant que tels est tout à fait en accord avec les dispositions précitées de la Convention de Vienne.
La finalité assignée à la CBE est notamment de délivrer des brevets pour les inventions et de promouvoir ainsi le progrès technique en conférant une protection appropriée à ces inventions. La Chambre s’est forgée son interprétation en tenant compte de cette finalité, et également en prenant en considération les développements intervenus dans le domaine des techniques de l’information. Ces techniques qui tendent à pénétrer dans tous les domaines de la société sont à l’origine d’inventions extrêmement intéressantes. La Chambre considère que, dans l’interprétation qu’elle a donnée de la CBE, elle n’est pas allée au-delà du sens ordinairement attribué aux termes utilisés dans la CBE. Le sens qu’elle a attribué à l’expression “considérés en tant que tels”, figurant à l’article 52(3) CBE, ne constitue pas à son avis un “sens particulier”, au sens de l’article 31(4) de la Convention de Vienne, ce qui aurait dû correspondre à l’intention des Etats parties à la CBE.
11. Autres décisions des chambres de recours
11.1 La Chambre tient par ailleurs à souligner qu’elle n’oublie pas que les chambres de recours, y compris elle-même, même si elle siégeait alors dans une composition différente, ont à diverses reprises considéré que l’exclusion prévue à l’article 52(2)c) et (3) CBE valait pour tous les programmes d’ordinateurs, quel que soit leur contenu, c’est-à-dire, indépendamment de ce que le programme pourrait faire ou accomplir lorsqu’il est chargé sur un ordinateur approprié. Suivant cette thèse, il ne serait pas permis d’établir comme dans la présente espèce une distinction entre les programmes présentant un caractère technique et ceux qui ne présentent pas un tel caractère.
11.2 On peut trouver des exemples de cette thèse notamment dans les décisions T 26/86 (JO OEB 1988, 19, “Equipement radiologique/KOCH & STERZEL”, point 3.1 des motifs), T 110/90 (JO OEB 1994, 557, “Document présenté sous une version susceptible d’être éditée/IBM”, point 5 des motifs), T 164/92 (JO OEB 1995, 305, “Eléments de calcul électroniques/ROBERT BOSCH”, point 4 des motifs) et T 204/93 (non publiée, “System for generating software source code/ATT”, point 3.13 des motifs).
11.3 Toutefois, il y a également lieu de noter qu’aucune des décisions citées ni, à la connaissance de la Chambre, aucune autre décision des chambres de recours ne concernait une revendication ayant pour objet un produit “programme d’ordinateur”, comme c’est le cas dans la présente espèce pour les revendications 20 et 21.
Par conséquent, la question qui se pose dans la présente affaire n’a pas encore eu à être tranchée par les chambres de recours. Le raisonnement développé dans les décisions citées ne peut être à strictement parler qu’un argument évoqué en passant (“obiter dicta”), il ne peut faire partie des motifs et du dispositif de la décision à rendre par la Chambre dans la présente affaire (“ratio decidendi”).
11.4 Dans certains cas cependant, des raisonnements de ce type ont joué, au moins à première vue, un rôle capital dans la prise de la décision concernée (cf. par exemple le point
3.13 des motifs de la décision non publiée T 204/93 “System for generating software source code/ATT”, citée plus haut).
La Chambre estime donc qu’un commentaire de la décision T 204/93 s’impose.
11.4.1 Au point 3.13 des motifs, il est indiqué que les programmes d’ordinateurs peuvent être utiles, ou applicables à des fins pratiques, et que, par exemple, un ordinateur peut, sous la commande d’un programme, commander un processus technique, lequel processus technique peut, d’après la jurisprudence, être protégé par brevet. Il est cependant précisé aussi sous ce point 3.13 que les programmes d’ordinateurs en tant que tels, considérés abstraction faite de ce type d’application, ne sont pas brevetables et ce, quel que soit leur contenu, même s’il s’avère que ce contenu est tel que le programme d’ordinateur peut, lorsqu’il est mis en oeuvre, être utilisé pour commander un processus technique.
11.4.2 La chambre avait conclu dans cette décision que, “de la même manière”, puisqu’il s’agissait d’une “activité intellectuelle”, une activité de programmation d’un programmeur n’était pas brevetable, que le programme obtenu puisse ou non être utilisé pour commander un processus technique, et que le fait d’informatiser cette activité en recourant à des moyens purement classiques ne pouvait pas non plus rendre brevetable cette méthode de programmation, quel que soit le contenu du programme obtenu.
11.4.3 Enfin, il est déclaré au point 4.4 des motifs de cette même décision qu’il n’y a pas lieu par ailleurs d’examiner si l’objet de la revendication 5 serait de toute façon jugé non admissible au motif que, en vertu de l’article 64(2) CBE, la protection conférée à la méthode faisant l’objet de cette revendication s’étendrait au produit obtenu directement par ce procédé, en l’occurrence des programmes d’ordinateurs, ce qui irait semble-t-il à l’encontre des dispositions de l’article 52(2) et (3) CBE, qui prévoient explicitement que les programmes d’ordinateurs en tant que tels sont exclus de la protection par brevet.
11.4.4 La Chambre conclut de ce bref exposé que les motifs réels et objectifs avancés dans la décision citée étaient qu’une activité de programmation d’un programmeur constituait une activité intellectuelle exclue en tant que telle de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2)c) et (3) CBE, mais que dans cette décision T 204/93, l’expression “de la même manière” signifiait clairement que l’activité de programmation était également exclue de la brevetabilité parce que les programmes d’ordinateurs n’étaient pas brevetables et que l’informatisation de cette activité (par exemple, à l’aide d’un programme d’ordinateur) ne faisait pas intervenir de moyens non classiques, permettant d’échapper à l’exclusion de la brevetabilité prévue à l’article 52(2)c) et (3) CBE, laquelle constitue en fin de compte une exclusion qui frappe à la fois les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles et les programmes d’ordinateurs, considérés les uns et les autres en tant que tels.
11.5 La Chambre conclut de tout ce qui précède que même si dans la présente décision le cheminement de sa pensée et son mode de raisonnement sont quelque peu différents de ceux adoptés par les chambres de recours de l’OEB dans des décisions précédentes, ils ne vont pas directement à l’encontre de la jurisprudence existante considérée à la lumière de ce qu’ont décidé les chambres dans les décisions antérieures en question.
La Chambre estime néanmoins que la décision T 204/93 qu’elle vient de citer doit être considérée à part dans la mesure où elle vise à exclure de la brevetabilité tous les programmes d’ordinateurs en tant que tels, quel que soit leur contenu.
12. Formulation exacte des revendications
12.1 La division d’examen avait considéré que les revendications 1 à 19 satisfaisaient aux conditions requises par la CBE.
Comme cela a été indiqué plus haut, la Chambre n’a pas en l’occurrence à vérifier si tel est bien le cas puisque ces revendications n’ont pas été mises en cause par le requérant. La Chambre souhaite néanmoins émettre un bref commentaire au sujet de la manière dont elles sont formulées.
Dans ce jeu de revendications, les revendications 1 et 14 sont des revendications indépendantes. Elles sont formulées en termes de fonctions, et appartiennent à des catégories de revendication différentes. La revendication 1 a en effet pour objet une méthode de récupération de ressources dans un système informatique (revendication de méthode ou de procédé), alors que l’objet de la revendication 14 est un système informatique (revendication portant sur un appareil ou un dispositif), et la Chambre suppose que le système (l’appareil ou le dispositif) constituant l’objet de la revendication 14 est destiné à la mise en oeuvre de la méthode selon la revendication 1.
Si ce que suppose la Chambre est correct, il est satisfait à l’exigence d’unité d’invention énoncée à l’article 82 CBE, bien que les deux revendications relèvent de catégories différentes, et il est conforme à la jurisprudence constante des chambres de recours de considérer, comme l’a fait la division d’examen, qu’une revendication de méthode et une revendication ayant pour objet un appareil agencé en vue de l’exécution de cette même méthode sont l’une et l’autre admissibles puisque, comme il a été rappelé plus haut, d’après la décision VICOM, déjà citée, il serait illogique de délivrer un brevet pour une méthode, mais pas pour le dispositif agencé en vue de l’exécution de cette même méthode.
12.2 Le présent recours porte sur le point de savoir si la division d’examen a eu raison d’estimer que l’objet des revendications 20 et 21 est exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) et (3) CBE. La Chambre tient à souligner qu’elle s’est bornée à constater qu’un produit “programme d’ordinateur” n’est pas exclu de la brevetabilité en toutes circonstances.
La Chambre considère que lors de l’analyse des circonstances, il convient notamment d’examiner la formulation exacte des revendications en cause. Dans la présente espèce, comme le montre la formulation actuelle des revendications 20 et 21, il existe différentes manières de formuler une revendication ayant pour objet un produit “programme d’ordinateur”.
Pour la Chambre, le fait que la division d’examen ait rejeté ces revendications en se fondant sur le passage des Directives cité plus haut montre qu’elle n’avait pas étudié en détail la formulation exacte de ces revendications ; la Chambre concède que, du point de vue de la division d’examen, il n’y avait guère de raison d’effectuer une telle étude.
Maintenant toutefois que la Chambre a constaté que tous les programmes d’ordinateur ne devaient pas être d’emblée exclus de la brevetabilité, un examen approfondi de la formulation exacte des revendications s’impose.
Afin de préserver le droit du requérant à l’examen de cette question par deux instances, l’affaire est renvoyée devant la première instance pour poursuite de l’examen de ce point.
12.3 La Chambre tient à signaler que selon la décision T 410/96 (en date du 25 juillet 1997, non publiée), la référence faite dans une revendication à une autre revendication relevant d’une catégorie différente peut être utile, car elle permet une formulation plus concise des revendications.
13. Enfin, comme le montrent clairement les considérations qui précèdent, la Chambre fait observer qu’elle n’est pas d’accord avec l’interprétation que la division d’examen avait donnée de l’article 52(2) et (3) CBE, en se référant aux Directives, C-IV, 2.3 (page 44 de la version de 1994), interprétation qui l’avait amenée à conclure qu’un programme d’ordinateur revendiqué en tant que tel ou en tant qu’enregistrement sur un support n’était pas brevetable.
Du point de vue de la Chambre, un programme d’ordinateur revendiqué en tant que tel n’est pas exclu de la brevetabilité si ce programme, une fois mis en oeuvre ou chargé sur un ordinateur, produit ou est capable de produire un effet technique allant au-delà des interactions physiques “normales” existant entre le programme (logiciel) et l’ordinateur (matériel) sur lequel il fonctionne.
Par “mis en oeuvre sur un ordinateur”, il faut entendre que le système comprenant le programme d’ordinateur et l’ordinateur exécute une méthode (ou un procédé) pouvant être du type de celle (ou de celui) faisant l’objet de la revendication 1.
Par “chargé sur un ordinateur”, il faut entendre que l’ordinateur ainsi programmé est capable d’exécuter une méthode du type de celle faisant l’objet de la revendication 1, ou qu’il est agencé en vue de l’exécution d’une telle méthode, et qu’il constitue donc un système (dispositif ou appareil) pouvant être du type de celui faisant l’objet de la revendication 14.
D’autre part, s’agissant des exclusions prévues à l’article 52(2) et (3) CBE, la Chambre, suivant en cela la décision T 163/85, JO OEB 1990, 379, “Signal de télévision couleur/BBC”, citée plus haut, considère qu’il est tout à fait indifférent qu’un programme d’ordinateur soit revendiqué en tant que tel ou qu’il soit revendiqué en tant qu’enregistrement sur un support.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L’affaire est renvoyée devant la première instance afin qu’elle poursuive la procédure sur la base de la requête du requérant, et qu’elle examine notamment si la formulation des revendications dans leur version actuelle peut permettre d’éviter que ne joue l’exclusion de la brevetabilité au titre des articles 52(2) et (3) CBE, compte tenu du fait qu’un produit “programme d’ordinateur” n’est pas exclu de la brevetabilité en toutes circonstances.