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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2004:T109102.20040723 | ||||||||
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Date de la décision : | 23 Juillet 2004 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 1091/02 | ||||||||
Décision de la Grande Chambre des recours | G 0002/04 | ||||||||
Numéro de la demande : | 92305862.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12Q 1/68 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | F. HOFFMANN-LA ROCHE AG | ||||||||
Nom de l’opposant : | (1) bioMérieux B.V. (2) Vysis Inc. |
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Chambre : | 3.3.04 | ||||||||
Sommaire : | Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours : 1. a) La qualité d’opposant est-elle librement transmissible ? b) S’il est répondu par la négative à la question 1a), une personne morale qui était une filiale détenue à 100% par l’opposant lorsque l’opposition a été formée et qui poursuit les activités auxquelles se rapporte le brevet opposé peut-elle acquérir la qualité d’opposant lorsque l’intégralité de ses actions est cédée par l’opposant à une autre société et que les personnes impliquées dans la transaction approuvent le transfert de l’opposition ? 2. S’il est répondu par l’affirmative aux questions 1a) ou b) : a) Quelles sont les conditions de forme qui doivent être remplies avant que le transfert de la qualité d’opposant puisse être autorisé ? En particulier, faut-il produire des documents apportant la preuve complète des faits allégués ? b) Un recours formé par le prétendu nouvel opposant est-il irrecevable dès lors que ces conditions de forme ne sont pas remplies avant l’expiration du délai de dépôt de l’acte de recours? 3. S’il est répondu par la négative aux questions 1a) et b) : un recours qui a été introduit pour le compte d’une personne non habilitée à former un recours est-il néanmoins recevable lorsqu’il est demandé à titre subsidiaire dans l’acte de recours que le recours soit considéré comme ayant été formé pour le compte d’une personne habilitée ? |
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Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Transmission de la qualité d’opposant – exigences de fond – exigences de forme – recours formé par le prétendu cessionnaire de la qualité d’opposant – requête subsidiaire visant à considérer le recours comme ayant été formé par l’opposant initial – saisine de la Grande Chambre de recours | ||||||||
Exergue : |
– |
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Décisions citées : | |||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La délivrance du brevet européen N° 0 520 794 a été publiée le 26 novembre 1997. Akzo Nobel N.V. (opposant 1) et Vysis Inc. (opposant 2) ont fait opposition à ce brevet. Par décision du 11 juillet 2002, rendue par écrit le 16 août 2002, la division d’opposition a rejeté les oppositions.
II. Un recours a été formé contre cette décision le 25 octobre 2002. L’acte de recours précisait que le recours était formé au nom de bioMérieux B.V., étant donné que cette société possédait désormais les activités de diagnostic de Akzo Nobel N.V. auxquelles se rapportait l’opposition. Il indiquait également à titre subsidiaire et par précaution uniquement, pour le cas où le recours au nom de bioMérieux B.V. serait déclaré irrecevable, que le recours était formé au nom de Akzo Nobel N.V. Une seule taxe de recours a été acquittée.
L’acte de recours était accompagné d’une déclaration signée par les mandataires de Akzo Nobel N.V., bioMérieux B.V. et bioMérieux S.A. en août 2002. Cette déclaration peut être résumée comme suit : Akzo Nobel N.V. avait entre autres des activités de diagnostic, qui étaient concentrées dans son unité Organon Teknika B.V. L’opposition a été formée par Akzo Nobel N.V. dans l’intérêt de ses activités de diagnostic européennes, qui étaient conduites en son nom par Organon Teknika B.V. Les sociétés Akzo Nobel N.V. et bioMérieux S.A. ont conclu un accord, qui a pris effet le 30 juin 2001, par lequel Akzo Nobel N.V. a transféré les activités de diagnostic d’Organon Teknika B.V. à bioMérieux S.A. Depuis lors, Organon Teknika B.V. a poursuivi ses activités de diagnostic en tant que filiale détenue à 100% par bioMérieux S.A., dans un premier temps sous son ancien nom puis, à compter de février 2002, sous le nom de bioMérieux B.V. La déclaration fait expressément référence à la procédure de recours sur opposition concernant le brevet européen N° 0 285 057 (T 746/00), pour laquelle la déclaration avait déjà été produite auprès de la Chambre de recours 3.3.8, mais ne se réfère pas explicitement à la présente opposition.
III. Le requérant a produit le mémoire exposant les motifs du recours le 27 décembre 2002.
IV. Le 14 mai 2003, la Chambre a envoyé aux parties une notification, dans laquelle elle attirait leur attention sur la question de la recevabilité du recours et les convoquait à une procédure orale limitée à cette question.
V. Par lettre en date du 27 juin 2003, le requérant a produit une nouvelle déclaration signée en juin 2003 par les mandataires de Akzo Nobel N.V., bioMérieux B.V. et bioMérieux S.A. Cette déclaration était libellée dans les mêmes termes que la déclaration précédente, mais elle faisait cette fois expressément référence à la présente opposition. En outre, le requérant a produit un pouvoir pour son mandataire agréé.
VI. Les autres arguments et preuves présentés par le requérant peuvent se résumer comme suit :
a) Akzo Nobel N.V. a pour politique de former en son nom les oppositions concernant les activités de ses filiales, alors que chez bioMérieux S.A., de telles oppositions sont formées au nom de la filiale concernée. Lorsque bioMérieux S.A. a acquis Organon Teknika B.V. auprès de Akzo Nobel N.V., il a donc été décidé de transférer l’opposition à Organon Teknika B.V.
b) Il ressort clairement des déclarations présentées que toutes les personnes impliquées dans la transaction ont agi de bonne foi. Aucun abus de procédure n’a été commis.
c) Le dépôt par Akzo Nobel N.V. de demandes de brevets après la date de vente effective d’Organon Teknika B.V. peut s’expliquer par ses activités en rapport avec le domaine vétérinaire ou par le souci de ne pas compromettre des droits de priorité.
d) Dans la procédure de recours T 746/00, dans laquelle Akzo Nobel N.V. était à l’origine l’un des opposants, la transmission de la qualité d’opposant à Organon Teknika B.V. et son changement de nom en bioMérieux B.V. ont été dûment enregistrés. Par conséquent, bioMérieux B.V. était en l’espèce fondée à croire que les preuves relatives au transfert de l’opposition étaient suffisantes pour emporter la conviction de la Chambre.
VII. Les arguments et les preuves présentés par l’intimé peuvent se résumer comme suit :
a) Ainsi qu’il découle de la jurisprudence des chambres de recours (cf. par ex. T 659/92, JO OEB 1995, 519) et des Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB (D-I.4), la qualité d’opposant peut uniquement être transmise dans les circonstances limitées d’une succession universelle ou du transfert des activités économiques auxquelles se rapporte l’opposition.
b) La présente opposition ne constitue pas un élément inséparable du patrimoine d’Organon Teknika B.V., mais appartient à Akzo Nobel N.V. On ne saurait se borner à affirmer que l’opposition a toujours été rattachée aux activités de la filiale pour pouvoir valablement “corriger”, à une date ultérieure, l’identité de l’opposant initial.
c) Même si la société Akzo Nobel N.V. possédait la filiale, elle ne possédait pas directement les activités qui appartenaient à la filiale.
d) Akzo Nobel N.V. n’a pas transféré à sa filiale la propriété de ses activités économiques.
e) Le transfert par Akzo Nobel N.V. de la propriété des actions à bioMérieux S.A. n’équivaut pas à un transfert des activités économiques correspondantes, lesquelles demeurent en la possession d’Organon Teknika B.V.
f) Akzo Nobel N.V. a continué à déposer des demandes de brevet dans le domaine du diagnostic après le 30 juin 2001, ce qui montre qu’elle avait encore des intérêts commerciaux dans ce secteur. Cela jette un doute sur le contenu de la déclaration signée en juin 2003. On peut en effet se demander si, à la date du transfert allégué de l’opposition, les activités d’Akzo Nobel N.V. liées à l’opposition étaient toutes en la possession d’Organon Teknika B.V.
g) Lorsqu’il a formé le recours, le requérant ne pouvait légitimement pas s’attendre à être reconnu en tant qu’opposant. Dans l’affaire parallèle T 746/00, l’enregistrement d’Organon Teknika B.V. en tant que nouvel opposant 03 n’a été publié qu’en janvier 2003.
h) D’après la décision T 670/95 du 9 juin 1998, la transmission de la qualité d’opposant doit être étayée par des faits et prouvée. Or, tel n’a pas été le cas en l’espèce. En effet, les déclarations soumises sont vagues et mélangent les faits et le droit.
i) Rien dans la CBE ne permet de conclure qu’en désignant “à titre de précaution” Akzo Nobel N.V. en tant que requérant, le recours serait recevable. Les règles 65(2) et 88 CBE ne sont pas applicables en l’espèce. La désignation de bioMérieux B.V. en tant que requérant était manifestement voulue, et non due à une erreur.
j) Enfin, le recours n’a pas été formé par un mandataire dûment habilité.
VIII. La procédure orale s’est tenue le 29 juillet 2003. L’opposant 2, qui ne s’est pas prononcé sur la question de la recevabilité du recours, n’a pas comparu.
IX. Le requérant a demandé que le recours soit déclaré recevable et que la procédure soit poursuivie au nom de bioMérieux B.V. (requête principale) ou de bioMérieux S.A. (première requête subsidiaire) ou de bioMérieux B.V. et d’Akzo Nobel N.V. (deuxième requête subsidiaire) ou d’Akzo Nobel N.V. (troisième requête subsidiaire). Le requérant a également requis une répartition des frais.
Par ailleurs, le requérant a proposé de soumettre à la Grande Chambre de recours les questions suivantes :
1. La partie aux prétentions de laquelle il n’a pas été fait droit au sens de l’article 107 CBE est-elle la partie qui est titulaire de l’opposition (c’est-à-dire celle qui a de fait subi un grief) ou la partie qui est mentionnée dans le registre en tant que partie à la procédure d’opposition ?
2. S’il s’agit de la partie qui a de fait subi un grief, les règles 20, 21 et 61 CBE sont-elles applicables ?
3. Le transfert d’une opposition/d’un recours/de la qualité de partie doit-il répondre à d’autres conditions en plus de celles qui sont énoncées dans la décision G 4/88, notamment en ce qui concerne :
– la preuve (production de moyens de preuve)
– l’inscription au registre
– le transfert de l’opposition à une personne autre que l’acquéreur
– le propriétaire des actifs/la partie ayant fait opposition ?
4. Si les moyens de preuve sont contestés par la chambre ou par une partie, est-il possible de produire des preuves supplémentaires ?
X. L’intimé a requis le rejet du recours pour irrecevabilité et une répartition des frais.
En outre, l’intimé a proposé de soumettre à la Grande Chambre de recours les questions suivantes :
1. La règle 20 CBE est-elle applicable à l’enregistrement des changements d’identité de l’opposant ou de l’opposant/requérant ?
2. Dans quelles circonstances une déclaration signée au nom du cédant et du cessionnaire des activités économiques auxquelles se rapporte une opposition peut-elle être considérée comme suffisante pour prouver la transaction ?
3. Quelle norme juridique la chambre devrait-elle appliquer lorsqu’elle examine si les preuves afférentes au transfert des activités économiques auxquelles se rapporte l’opposition sont suffisantes ? Doit-elle appliquer le critère de “l’appréciation des probabilités” ou de la preuve “au-delà de tout doute raisonnable” ?
4. Si les documents produits à titre de preuve du transfert des activités économiques auxquelles se rapporte l’opposition sont jugés insuffisants, est-ce une irrégularité à laquelle il peut être remédié en produisant d’autres moyens de preuve ?
5. Y a-t-il une présomption juridique en faveur du cessionnaire des activités économiques auxquelles se rapporte l’opposition ou appartient-il au cessionnaire de prouver son statut ?
6. Afin d’éviter le rejet au titre de la règle 65(1) CBE du recours formé par un opposant, tout changement d’identité de l’opposant/requérant doit-il être enregistré avant l’expiration du délai prévu à l’article 108 CBE ?
7. La qualité d’opposant en tant que partie aux prétentions de laquelle il n’a pas été fait droit au sens de l’article 107 CBE est-elle librement transmissible ou peut-elle uniquement être transmise conformément aux principes énoncés dans la décision G 4/88 (JO OEB 1989, 480) ?
XI. A l’issue de la procédure orale, la chambre a déclaré les débats clos et annoncé que la décision serait rendue par écrit.
Motifs de la décision
1. Conformément à l’article 107 CBE, le droit de recours appartient uniquement à la partie aux prétentions de laquelle il n’a pas été fait droit. Si le recours n’est pas conforme aux exigences de l’article 107 CBE, la chambre de recours le rejette comme irrecevable (règle 65(1) CBE), à moins qu’il n’ait été remédié à l’irrégularité avant l’expiration, selon le cas, de l’un ou l’autre des délais fixés à l’article 108 CBE.
1.1 En l’espèce, l’acte de recours indique expressément que le recours a été formé par bioMérieux B.V. Il convient donc d’établir si bioMérieux B.V. était partie à la procédure d’opposition lors de la formation du recours ou du moins à l’expiration du délai de recours.
1.2 Le requérant revendique sa qualité d’opposant sur la base de l’opposition formée par Akzo Nobel N.V. Selon lui, cette opposition a été formée dans l’intérêt de l’ancienne filiale d’Akzo Nobel N.V. que celle-ci détenait à 100%, à savoir Organon Teknika B.V., dans la mesure où le brevet en litige relève du domaine technique du diagnostic et que Akzo Nobel N.V. avait concentré ses activités en la matière dans cette filiale. Toutefois, lorsque l’opposition a été formée, seule Akzo Nobel N.V. et non Organon Teknika B.V. a acquis la qualité d’opposant. Cela découle de la décision G 3/97 de la Grande Chambre de recours (JO OEB 1999, 245, points 2.1 et 2.2 des motifs), qui énonce que l’opposant est la personne qui remplit les conditions prévues dans la CBE pour former une opposition et qu’il ne saurait y avoir d’autre “véritable” opposant à côté de l’opposant qui remplit les conditions de forme prévues. Il n’est donc pas possible de considérer qu’Organon Teknika B.V. était l’opposant initial (cf. également T 788/01 du 13 juin 2003, point 2.3.1 des motifs).
1.3 Toutefois, bioMérieux B.V. aurait pu acquérir la qualité d’opposant suite à un transfert de l’opposition par Akzo Nobel N.V. Le requérant soutient qu’un tel transfert a eu lieu lorsque Akzo Nobel N.V. a vendu et cédé à bioMérieux S.A. son ancienne filiale Organon Teknika B.V. qu’elle détenait à 100%. Son argument est que suite à cette transaction, l’opposition formée à l’encontre du brevet en cause est passée de Akzo Nobel N.V. à Organon Teknika B.V., qui a ultérieurement changé de nom pour s’appeler bioMérieux B.V. Par conséquent, la prétendue qualité d’opposant de bioMérieux B.V. dépend de la question de savoir si les exigences de fond et de forme attachées à la transmission de la qualité d’opposant sont remplies.
Exigences de fond attachées à la transmission de la qualité d’opposant
2. La CBE ne contient aucune disposition explicite sur les exigences de fond auxquelles doit répondre la transmission de la qualité d’opposant. Toutefois, la règle 60(2) CBE dispose que la procédure d’opposition peut être poursuivie même sans la participation des héritiers de l’opposant décédé. La CBE reconnaît donc implicitement qu’en cas de décès de l’opposant, la qualité d’opposant est transmise aux héritiers (cf. G 4/88, point 4 des motifs). Ce principe s’applique également à d’autres formes de succession universelle, par exemple lorsqu’une personne morale fusionne avec une autre. Le successeur universel acquiert en ce cas la qualité d’opposant (cf. G 4/88, point 4 des motifs ; T 349/86, JO OEB 1988, 345, point 4 des motifs ; T 475/88 du 23 novembre 1989, point 1 des motifs ; T 1204/97 du 11 avril 2003, point 1.1 des motifs).
2.1 Il est admis que la qualité d’opposant peut également être transmise dans d’autres circonstances. Ainsi, dans la décision G 4/88, la Grande Chambre de recours a estimé que l’action en opposition engagée devant l’Office européen des brevets peut être transmise ou cédée à titre d’accessoire de l’élément patrimonial (activité économique) de l’opposant conjointement avec cet élément dans l’intérêt duquel l’action en opposition a été intentée. La Grande Chambre de recours s’est expressément abstenue de prendre position sur la question plus générale de savoir si une opposition pouvait être transmise ou cédée indépendamment de l’existence d’un intérêt légitime.
2.2 Dans plusieurs décisions ultérieures (cf. par ex. T 659/92, point 2 des motifs ; T 670/95, point 2 des motifs ; T 298/97, JO OEB 2002, 83, points 7.1, 7.2 et 12.2 des motifs ; T 711/99, à paraître au JO OEB, point 2.1.5 des motifs), les chambres ont jugé indispensables les conditions dans lesquelles la Grande Chambre a admis, dans la décision G 4/88, la transmission de la qualité de partie. D’après cette jurisprudence, la transmission de la qualité de partie (en dehors d’une succession universelle) requiert le transfert des activités économiques ou d’une partie d’entre elles. Cette jurisprudence est dans une certaine mesure confirmée par la décision G 3/97 (point 2.2 des motifs), dans laquelle la Grande Chambre a déclaré, au soutien de sa décision, qu’un opposant ne peut pas disposer librement de sa qualité de partie.
2.3 Il convient d’examiner si, en l’espèce, il est satisfait aux exigences énoncées dans la jurisprudence susmentionnée, c’est-à- dire si Akzo Nobel N.V. a transféré à Organon Teknika B.V. les activités économiques auxquelles se rapporte l’opposition.
2.3.1 Il ressort des déclarations signées par les mandataires de Akzo Nobel N.V., bioMérieux B.V. et bioMérieux S.A. que l’accord qui a pris effet le 30 juin 2001 a été conclu entre Akzo Nobel N.V. et bioMérieux S.A. Suite à cet accord, l’intégralité des actions d’Organon Teknika B.V., qui étaient en la possession de Akzo Nobel N.V, ont été cédées à bioMérieux S.A.
2.3.2 Il semble de prime abord douteux que la vente et la cession à un tiers des actions d’une entité juridiquement indépendante par la société mère puissent être considérées comme un transfert des activités économiques de cette entité. Même si l’on devait répondre à cette question par l’affirmative, le cessionnaire de ces activités serait à première vue bioMérieux S.A. et non Organon Teknika B.V., dans la mesure où il n’a pas été allégué que cette dernière est partie à l’accord en question. Par ailleurs, on voit difficilement comment Organon Teknika B.V., qui exerçait déjà les activités de diagnostic, aurait pu “nouvellement” acquérir ces activités par le transfert de ses actions entre la société mère et bioMérieux S.A. La Chambre considère donc que les conditions requises par la jurisprudence susmentionnée ne sont pas remplies en l’espèce.
2.4 La Chambre estime néanmoins que dans l’ensemble, la situation de fait telle que présentée par le requérant est assez similaire à celle dans laquelle la Grande Chambre a admis, dans la décision G 4/88, la transmission de la qualité d’opposant. Si Organon Teknika B.V. n’avait pas été une entité juridique distincte, mais une simple division commerciale d’Akzo Nobel N.V., il aurait été considéré que la vente de cette division constitue un transfert des activités concernées. Lorsque l’on applique la jurisprudence susmentionnée, la transmissibilité de la qualité d’opposant semble donc dépendre de la structure de l’entreprise de l’opposant : si une société mère forme une opposition concernant les activités d’une filiale juridiquement distincte, la vente de cette filiale ne donnera pas lieu à la transmission de la qualité d’opposant. En revanche, si une société forme une opposition concernant les activités d’une de ses divisions commerciales, la vente de cette division peut conduire à une transmission de la qualité de partie.
2.4.1 Le fait que des situations assez similaires soient traitées de manière si différente sur le plan juridique jette un doute sur la validité des postulats à la base de cette jurisprudence. La Chambre juge donc approprié d’examiner plus attentivement ces postulats, qui sont les suivants :
– la qualité d’opposant n’est pas librement transmissible et
– la situation traitée dans la décision G 4/88 constitue une exception restreinte à ce principe, qui ne doit pas être étendue.
Ce faisant, la Chambre se fonde sur le principe selon lequel, en l’absence de dispositions explicites dans la CBE, les questions de droit procédural doivent être résolues en tenant compte d’une part des principes généraux, tels que l’égalité de traitement, la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure, et d’autre part des intérêts des parties impliquées ainsi que du public.
2.5 Libre transmissibilité de la qualité d’opposant ?
2.5.1 Le principe de l’égalité de traitement : il est un principe généralement admis selon lequel les parties à une procédure devant une juridiction doivent être traitées de façon égale. Ce principe doit être strictement observé dans la procédure de recours sur opposition devant les chambres de recours de l’OEB (cf. par ex. G 1/86, JO OEB 1987, 447, points 13, 14 et 15 des motifs ; G 9/91, JO OEB 1993, 408, point 2 des motifs). Ainsi, dans la décision G 1/86 en particulier, la Grande Chambre a déclaré que si, contrairement au titulaire du brevet, l’opposant ne pouvait pas être rétabli dans ses droits, conformément à l’article 122 CBE, quant au délai prévu à l’article 108, troisième phrase CBE, il en résulterait une discrimination inacceptable à son encontre.
La Chambre relève que la qualité de partie du titulaire du brevet est librement transmissible, à cette seule condition que les formalités prévues à la règle 20 CBE aient été accomplies : si un brevet européen fait l’objet d’un transfert au cours de la procédure d’opposition, le nouveau titulaire du brevet inscrit au registre des brevets se substitue à l’ancien titulaire du brevet dans la procédure d’opposition et dans la procédure de recours (cf. T 656/98, JO OEB 2003, 385, point 4.3 des motifs). Selon la décision T 553/90 (JO OEB 1993, 666, point 2.4 des motifs), ce droit ne peut même pas être remis en cause dans ces procédures.
La Chambre reconnaît que la situation du titulaire du brevet ne correspond pas tout à fait à celle de l’opposant. La transmission de la qualité de partie de l’ancien titulaire du brevet au nouveau titulaire présuppose le transfert d’un titre de propriété industrielle, alors que la transmission alléguée de la qualité d’opposant ne fait intervenir aucun titre. Il est toutefois douteux que cette distinction puisse justifier à elle seule l’application de règles de procédure très différentes en ce qui concerne la transmissibilité de la qualité de partie respective. Restreindre la transmissibilité de la qualité d’opposant pourrait par conséquent représenter une inégalité de traitement entre les parties.
2.5.2 Sécurité juridique et efficacité de la procédure : la sécurité juridique est généralement considérée comme un principe fondamental de la procédure devant l’OEB (T 824/00, JO OEB 2004, 5, point 6 des motifs). La sécurité juridique exige entre autres que l’OEB puisse se fier aux déclarations faites par les parties au cours de la procédure (J 10/87, JO OEB 1989, 323, point 12 des motifs). Pour ce faire, l’OEB doit savoir de manière sûre qui est partie à la procédure. Par ailleurs, afin de garantir que la procédure d’opposition puisse être conduite rapidement (cf. G 3/97, point 3.2.3 des motifs), il convient d’éviter dans toute la mesure du possible de procéder à des recherches longues et difficiles pour établir qui est partie à la procédure.
Contrairement à l’avis exprimé par la Chambre de recours technique 3.3.7 dans la décision T 711/99 (point 2.1.5f) des motifs), la présente Chambre estime que la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure pourraient être améliorées si la qualité d’opposant était librement transmissible. Les divisions d’opposition et les chambres de recours pourraient ainsi simplement se fonder sur les déclarations de procédure correspondantes de l’ancien et du nouvel opposant, sans avoir à examiner plus avant les faits ou à procéder à des appréciations juridiques complexes. Il en va différemment dans le cas où la transmission de la qualité d’opposant doit obéir à un certain nombre de critères de fond, tels que le transfert des activités correspondantes au sens de la décision G 4/88. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il n’est pas toujours aisé d’établir si ces critères sont remplis (cf. par ex. T 659/92, points 3 à 3.3 des motifs ; T 298/97, points 7 à 7.8 des motifs ; T 9/00, JO OEB 2002, 275, point 2c)dd) des motifs) et il peut en résulter un allongement considérable de la procédure. Il peut en effet s’avérer nécessaire de vérifier les faits et de trancher des questions complexes relevant du droit des contrats, du droit des sociétés ou des lois antitrust. L’OEB devant déterminer d’office l’identité des parties à la procédure, il se peut même qu’il ait à effectuer des vérifications compliquées dans le cas où le titulaire du brevet ne s’oppose pas à la transmission de la qualité d’opposant.
2.5.3 L’intérêt de l’opposant : les circonstances qui peuvent amener un opposant à envisager de transmettre sa qualité d’opposant à une autre personne sont nombreuses. Il peut s’agir, comme en l’espèce, de transactions affectant les intérêts économiques de l’opposant. On peut supposer que les opposants ne cherchent normalement pas à transmettre leur qualité d’opposant sans avoir de bonnes raisons de le faire. La Chambre ne pense donc pas que la libre transmissibilité de la qualité d’opposant risquerait sérieusement de favoriser des comportements fantaisistes ou frivoles de la part des opposants.
L’intimé a fait valoir que la libre transmissibilité de la qualité d’opposant serait susceptible de donner lieu à un trafic d’oppositions qui serait préjudiciable. Ainsi, une personne pourrait faire opposition à un brevet européen dans le seul but de “vendre” ultérieurement sa qualité d’opposant à quelqu’un d’autre. Toutefois, ce scénario semble plutôt théorique. Même s’il ne saurait être totalement exclu, il est possible d’obtenir un résultat similaire d’une façon plus dissimulée, sans transférer la qualité d’opposant : le “trafiquant” conserve sa qualité d’opposant mais agit sur instruction d’un tiers (cf. T 649/92, JO OEB 1998, 97, point 2.6 des motifs, qui porte sur la possibilité qu’un “véritable” opposant agisse dans l’ombre).
2.5.4 L’intérêt du titulaire du brevet : la Chambre estime que dans tous les cas où la transmission de la qualité d’opposant est admise, le nouvel opposant n’acquiert pas une position plus favorable dans la procédure que l’ancien opposant. Si, par exemple, la procédure d’opposition a atteint un stade où un nouveau motif d’opposition élevé par l’ancien opposant ne peut pas être admis, le nouvel opposant ne pourra pas non plus soulever ce motif. Cette situation diffère de celle où un tiers intervient dans la procédure en application de l’article 105 CBE (cf. G 1/94, JO OEB 1994, 787, point 13 des motifs).
On voit donc difficilement comment la transmission de la qualité d’opposant peut influer négativement sur la position du titulaire du brevet dans la procédure. Même dans le cas exceptionnel où l’ancien opposant doit s’attendre à une décision négative en matière de coûts au titre de l’article 104(1) CBE, le transfert ne porte pas atteinte aux droits du titulaire du brevet : une répartition des frais peut toujours être ordonnée, y compris, si nécessaire, à l’encontre de l’ancien opposant (cf. T 789/89, JO OEB 1994, 482, point 2.6 des motifs, selon laquelle la déclaration de désistement de l’opposant n’influe aucunement sur sa qualité de partie à la procédure pour ce qui est de la répartition des frais).
On pourrait alléguer que la transmission de la qualité d’opposant augmente le risque, pour le titulaire du brevet, de se retrouver soudainement confronté à un opposant qui dispose de moyens financiers et juridiques plus importants que l’opposant initial. Toutefois, telle qu’elle est conçue, la procédure devant l’OEB ne fournit aucune garantie contre un tel risque en général, comme en témoigne le fait que la transmission de la qualité d’opposant est admise en cas de fusion (cf. point 2 supra). De surcroît, la qualité de partie du titulaire du brevet étant librement transmissible, l’opposant est lui aussi exposé à un tel risque (cf. point 2.5.1 supra).
2.5.5 L’intérêt du public : la procédure d’opposition prévue par la CBE est aménagée en tant que moyen de recours destiné au public, qui vise à permettre à tout tiers de contester la validité d’un brevet délivré (G 9/93, JO OEB 1994, 891, point 3 des motifs ; G 3/97, points 3.2.1 et 3.2.3 des motifs). La Grande Chambre de recours a reconnu l’existence d’un “intérêt public, qui est que l’opposition soit examinée au fond” (G 3/97, point 3.2.3 des motifs). Cet intérêt pourrait être compromis si la qualité d’opposant ne pouvait être transmise que dans certaines circonstances. Lorsqu’un opposant n’est pas autorisé à transmettre sa qualité d’opposant à une autre personne dans une situation où il souhaite le faire, il est probable qu’il retirera simplement son opposition ou s’abstiendra de jouer un rôle actif dans la procédure d’opposition. Ces deux conséquences possibles affaibliraient la fonction de contrôle par le public qui est dévolue à la procédure d’opposition en ce qui concerne le brevet en litige.
2.5.6 Principes généraux du droit : il est parfois fait référence à un “principe général du droit” (T 711/99, point 2.1.5 des motifs) ou à la “nature d’un simple statut procédural” (cf. Bundesgerichtshof, GRUR 1968, 613, point II 2c) pour justifier les restrictions dont est assortie la transmissibilité de la qualité d’opposant. Dans la plupart des procédures juridictionnelles, il apparaît en effet qu’une partie ne peut pas librement transmettre sa qualité de partie à une autre personne et qu’une telle transmission est uniquement admise dans certaines conditions (selon le droit de la procédure civile allemand, la transmission est admise si elle est jugée appropriée par la juridiction ou approuvée par la partie adverse, cf. Baumbach et al., Zivilprozeßordnung, 60e édition, Munich 2002, § 263, point 5 s.).
Toutefois, la procédure d’opposition devant l’OEB présente certaines particularités qui pourraient appuyer l’argument selon lequel la qualité de partie d’un opposant devrait pouvoir être transmise de manière plus souple que la qualité de partie dans la plupart des autres procédures juridictionnelles. Ainsi qu’il a été relevé plus haut (point 2.5.1), la qualité de partie du titulaire du brevet est librement transmissible. Par conséquent, restreindre la transmissibilité de la qualité d’opposant pourrait conduire à un déséquilibre entre les droits procéduraux des parties respectives. En outre, conformément à l’article 99(1) CBE, toute personne peut former une opposition. Il n’est pas exigé de l’opposant qu’il justifie d’un quelconque intérêt à l’annulation du brevet opposé (G 3/97, point 3.2.1 des motifs ; T 590/93, JO OEB 1995, 337, point 2 des motifs). Il apparaît donc que le législateur de la CBE a opté pour une approche illimitée en ce qui concerne l’acquisition initiale de la qualité d’opposant, afin de sauvegarder l’intérêt du public à pouvoir exercer un contrôle sur un brevet délivré. On peut dès lors se demander s’il ne serait pas approprié d’opter pour une approche similaire en ce qui concerne la question de l’acquisition “dérivée” de la qualité d’opposant, c’est-à-dire par voie de transmission.
2.6 Extension des conclusions énoncées dans la décision G 4/88 ?
Si, contrairement aux arguments exposés au point 2.5 supra, il devait être conclu que la qualité d’opposant n’est pas librement transmissible, il se pose également la question de savoir si les conclusions énoncées par la Grande Chambre de recours dans la décision G 4/88 doivent être considérées comme une exception restreinte qui s’applique uniquement à la situation où l’opposant initial transfère les activités correspondantes ou si elles s’appliquent aussi, par analogie, au cas où l’opposant initial transfère une filiale qu’il détenait à 100% et aux activités de laquelle l’opposition se rapporte.
2.6.1 La Chambre est d’avis que ces deux situations sont très similaires eu égard aux intérêts impliqués (cf. point 2.4 supra). Dans les deux cas, l’opposant initial a un intérêt légitime, suite à une transaction majeure, à transférer l’opposition. Il est vrai que dans le deuxième cas, à la différence du premier, l’opposition aurait pu être directement formée pour le compte de la filiale aux activités de laquelle le brevet se rapporte (cf. décision T 711/99, point 2.1.3 des motifs, où la chambre a jugé cette différence essentielle). Toutefois, on ne saurait considérer que la décision de former l’opposition pour le compte de la société mère est à première vue déraisonnable, voire abusive. Il peut exister de bonnes raisons de prendre une telle décision, comme par exemple par souci de simplifier le travail pour l’unité centrale des brevets au sein de la société mère ou pour permettre aux employés de la société mère de conduire la procédure d’opposition devant l’OEB, dans la mesure où la possibilité prévue à l’article 133(3), deuxième phrase CBE n’est pas régie dans le règlement d’exécution de la CBE (cf. T 298/97, point 4.2 des motifs). Si, par la suite, les liens économiques et juridiques étroits qui unissaient la société mère à sa filiale lorsque l’opposition a été formée cessent d’exister, l’opposition ne revêt normalement plus d’intérêt pour la société mère. La rupture des liens entre un opposant et sa filiale est donc comparable au transfert des activités économiques. Dans les deux situations, la transmissibilité de la qualité d’opposant évite de dissocier la qualité d’opposant d’une part et les activités économiques correspondantes d’autre part entre des sociétés n’ayant aucun lien juridique et économique.
2.6.2 Un certain nombre d’éléments plaident en faveur de l’argument selon lequel les liens économiques et juridiques entre une société mère et sa filiale sont importants pour la question de la transmission de la qualité d’opposant. Ainsi, selon les directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB (D-I.4), “est également possible la subrogation de la société mère aux sociétés affiliées dans la qualité d’opposant” (en allemand : “zulässig ist auch der Eintritt der Hauptgesellschaft in die Einsprechendenstellung der eingegliederten Gesellschaften” et en anglais “acquiring companies may also take over oppositions filed by acquired companies”). Par conséquent, si l’établissement de liens entre deux sociétés peut donner lieu à une transmission de la qualité d’opposant (cf. également l’arrêt du Bundesgerichtshof, GRUR 1968, 613, point II.2f), il semble plausible que la dissolution de ces liens puisse elle aussi conduire à une transmission de la qualité d’opposant (cf. deutsches Bundespatentgericht, Bl. f. PMZ 1991, 245).
2.7 Au vu des considérations qui précèdent (points 2.5 et 2.6), la Chambre est encline à admettre un transfert de la qualité d’opposant lorsque l’opposant initial vend et cède la filiale aux activités de laquelle l’opposition appartient. Toutefois, la jurisprudence des chambres de recours étant divergente sur ce point (cf. en particulier la décision T 711/99), il est nécessaire de saisir la Grande Chambre de recours en application de l’article 112(1)a) CBE (cf. point 1 du dispositif ci-dessous).
3. Exigences de forme attachées à la transmission de la qualité d’opposant
3.1 Généralités : la CBE ne contient aucune disposition expresse sur les exigences de forme auxquelles doit répondre la transmission de la qualité d’opposant. En dépit de son titre général (“Inscription des transferts”), la règle 20 CBE porte uniquement sur le transfert des demandes de brevets et, par analogie, des brevets européens pendant le délai d’opposition ou la procédure d’opposition (règle 61 CBE). On pourrait néanmoins affirmer que les formalités prévues à la règle 20 CBE reflètent un principe susceptible d’être généralisé et qu’elles devraient, dans la mesure du possible, également s’appliquer aux demandes de transfert d’une opposition.
Ainsi qu’il ressort clairement de ses paragraphes 1 et 2, la règle 20 CBE porte essentiellement sur l’inscription des transferts au Registre européen des brevets. Toutefois, son paragraphe 3 a d’autres implications importantes : un transfert de la demande de brevet ou du brevet n’a d’effet à l’égard de l’OEB qu’à partir du moment et dans la mesure où des documents prouvant ce transfert lui ont été fournis. Il apparaît donc que cette disposition subordonne l’acquisition de la qualité de partie en tant que demandeur ou titulaire du brevet dans une procédure de délivrance ou d’opposition en cours à l’exigence de forme consistant à produire des documents à titre de preuve.
3.2 Compétence : indépendamment de l’application éventuelle, par analogie, de la règle 20(3) CBE au transfert des oppositions, la compétence pour décider si un prétendu opposant a ou non qualité de partie appartient exclusivement à l’instance devant laquelle la procédure d’opposition est en instance, i.e. à la division d’opposition ou à la chambre de recours. Cette décision ne présuppose pas que le nom du prétendu nouvel opposant soit déjà inscrit au Registre européen des brevets, pas plus qu’une mention antérieure divergente inscrite au registre sur une base administrative ne s’oppose à ce qu’une telle décision soit prise. Cet avis est conforme à la jurisprudence antérieure (cf. T 799/97 du 4 juillet 2001, point 3.2a) des motifs ; T 602/99 du 21 novembre 2003, paragraphe VIII de l’exposé des faits et conclusions ; T 854/99 du 24 janvier 2002, point 1.5 des motifs ; T 9/00, point 1e)bb) des motifs). La Chambre relève par ailleurs que le nom de l’opposant ne figure pas dans la liste des mentions à inscrire au registre en vertu de la règle 92(1) CBE ou prescrites dans un communiqué du Président de l’OEB en vertu de la règle 92(2) CBE.
3.3 Requête et preuves : en l’espèce, l’acte de recours contenait des informations relatives au transfert allégué de l’opposition et il était accompagné d’une déclaration signée par les mandataires de Akzo Nobel N.V., bioMérieux B.V. et bioMérieux S.A. Toutefois, la déclaration ne faisait pas explicitement référence à la présente opposition. D’autres documents, y compris une déclaration se référant à la présente opposition, n’ont été produits qu’après l’expiration du délai de recours.
Les exigences de forme attachées à la transmission alléguée de la qualité d’opposant dépendent, du moins dans une certaine mesure, des exigences de fond. Si les oppositions étaient librement transmissibles (cf. point 2.5 supra), on pourrait déjà considérer que les exigences de forme sont remplies dès lors que l’opposant initial et le nouvel opposant ont émis ou produit des déclarations de procédure correspondantes auprès de l’instance compétente de l’OEB. En ce cas, il ne serait pas nécessaire de produire d’autres documents à titre de preuve.
En revanche, si la qualité d’opposant n’est transmissible que dans certaines circonstances (y compris la vente et la cession d’actions d’une filiale détenue à 100% aux activités de laquelle l’opposition se rapporte ; cf. point 2.6 supra), il peut être plus difficile de satisfaire aux exigences de forme et en matière de preuve. Dans ce contexte, il se pose la question de savoir si, par analogie à la règle 20(3) CBE, le prétendu nouvel opposant doit produire des documents qui apportent la preuve complète des faits justifiant le transfert et si la non-production de tels documents dans le délai de recours entraîne l’irrecevabilité du recours formé par le nouvel opposant.
Dans plusieurs décisions, les chambres ont estimé qu’aux fins de la procédure devant l’OEB, la transmission de la qualité d’opposant prend effet à la date à laquelle elle a été requise auprès de l’OEB et où des preuves adéquates ont été produites. Jusqu’à cette date, l’opposant initial reste partie à la procédure, de sorte qu’un recours formé à une date antérieure en son nom est considéré comme recevable et qu’un recours formé à une date antérieure au nom du prétendu nouvel opposant est considéré comme irrecevable (T 1137/97 du 14 octobre 2002, points 1 et 4 des motifs ; T 870/92 du 8 août 1997, points 2 et 3.1 des motifs ; T 670/95, point 2 des motifs). Il a ainsi été estimé que ces exigences de forme auxquelles doit obéir tout changement de la qualité d’opposant pour être admis favorisaient la sécurité juridique en ce qui concerne la question de savoir qui est partie à la procédure (T 1137/97, point 4 des motifs).
En revanche, dans d’autres décisions, les chambres ont admis ou étaient prêtes à admettre des preuves produites tardivement sur le transfert d’une opposition. Ainsi, dans la décision T 563/89 (paragraphe IV de l’exposé des faits et conclusions et point 1.1 des motifs), un recours formé par le prétendu nouvel opposant a été déclaré recevable, bien que l’exemplaire du contrat de vente correspondant n’ait été produit qu’après l’expiration du délai de recours. Dans la décision T 298/97 (cf. paragraphe VIII de l’exposé des faits et conclusions et points 7.3 et 7.7 des motifs), le requérant a eu amplement l’occasion, bien après l’expiration du délai prévu à l’article 108, troisième phrase CBE, de produire la preuve du transfert de l’opposition. Le recours a néanmoins été déclaré irrecevable, mais au seul motif que les preuves requises n’étaient pas suffisantes.
Il découle de cet exposé de la jurisprudence des chambres de recours et des différentes solutions retenues qu’il y a lieu de soumettre à la Grande Chambre de recours la question énoncée au point 2 du dispositif ci-dessous. De l’avis de la Chambre, les points suivants pourraient être pris en considération aux fins de l’appréciation de cette question :
– l’exigence de forme prévue à la règle 20(1) et (3) CBE semble être bien adaptée aux procédures ex parte visant à inscrire un transfert, mais semble moins bien convenir aux procédures inter partes où les faits peuvent être soit contestés soit approuvés par la partie adverse.
– L’article 117(1) CBE contient une liste non exhaustive de moyens de preuve et de mesures d’instruction. Aucun moyen ne semble a priori davantage probant qu’un autre. Le principe de la libre appréciation des preuves est applicable (cf. par ex. T 482/89, JO OEB 1992, 646, points 2.1 et 2.2 des motifs). L’application par analogie de la règle 20(1) et (3) CBE à la transmission de la qualité d’opposant pourrait donner lieu à un conflit avec l’article 117(1) CBE.
4. Recevabilité du recours eu égard à la requête subsidiaire contenue dans l’acte de recours
4.1 Si bioMérieux B.V. devait ne pas être considérée comme une personne admise à former le recours aux fins de l’article 107 CBE, il se poserait une autre question eu égard à la requête subsidiaire contenue dans l’acte de recours. Bien que l’acte de recours ait été explicitement déposé pour le compte de bioMérieux B.V., il précisait également à titre subsidiaire et par précaution uniquement, pour le cas où le recours au nom de bioMérieux B.V. serait déclaré irrecevable, que le recours était formé au nom de Akzo Nobel N.V.
4.2 Il ressort donc de l’acte de recours que le mandataire de l’opposant initial et du prétendu nouvel opposant ne savait pas avec certitude qui était habilité à former le recours. Cette incertitude semble même s’être accentuée par la suite, dans la mesure où, à la procédure orale, le mandataire a demandé que la procédure de recours soit poursuivie au nom de bioMérieux B.V. (requête principale) ou de bioMérieux S.A. (première requête subsidiaire) ou de bioMérieux B.V. et d’Akzo Nobel N.V. (deuxième requête subsidiaire) ou encore d’Akzo Nobel N.V. (troisième requête subsidiaire).
4.3 Il est un principe généralement admis dans la procédure devant l’OEB que les parties peuvent déposer des requêtes subsidiaires (cf. par ex. T 234/86, JO OEB 1989, 79, point 5.5.1 des motifs ; T 5/89, JO OEB 1992, 348, point 2.2 des motifs). Ce principe s’applique également à la procédure de recours. Il est toutefois dérogé à ce principe lorsque le recours lui-même a été formé à titre subsidiaire. Ainsi, la décision J 16/94 (JO OEB 1997, 331) portait sur un cas où le demandeur avait présenté à titre principal une requête en restitutio in integrum à examiner par l’instance du premier degré et avait formé un recours à titre de (deuxième) requête subsidiaire. La Chambre de recours juridique a déclaré le recours irrecevable, au motif qu’il n’exprimait pas l’intention définitive (mais simplement une intention conditionnelle) d’une partie de former un recours. Dans l’affaire T 854/02 du 14 octobre 2002, l’opposant avait formé un recours sous réserve que le titulaire du brevet formât un recours et que la chambre émît une appréciation positive sur une exigence de recevabilité. Le recours a été jugé irrecevable.
4.4 Les faits examinés dans les décisions J 16/94 et T 854/02 ne sont pas identiques à la présente situation, où l’on peut dire que le recours en tant que tel n’était pas subordonné à une condition et que la requête subsidiaire (pour laquelle il n’a pas été acquitté de taxe de recours distincte) avait uniquement trait à la personne à considérer comme requérant. On peut dès lors se demander si le raisonnement sur lequel sont fondées les décisions J 16/94 et T 854/02 est également applicable dans les circonstances de la présente espèce.
4.5 La requête subsidiaire figurant dans l’acte de recours pourrait également être interprétée comme une requête conditionnelle en rectification du nom du requérant. La règle 64a) CBE prescrit que l’acte de recours doit comporter le nom et l’adresse du requérant. Si le recours n’est pas conforme à la règle 64a) CBE, il peut être remédié à cette irrégularité, sur l’invitation de la chambre de recours, même après l’expiration du délai de recours (cf. règle 65(2) CBE).
Les chambres ont estimé, dans un certain nombre de décisions, qu’une irrégularité a été commise au sens de la règle 65(2) CBE non seulement lorsque l’acte de recours ne comporte aucune indication expresse de ce type, mais également lorsqu’il contient des indications erronées (T 340/92 du 5 octobre 1994, point 1 des motifs ; T 1/97 du 30 mars 1999, point 1.4 des motifs ; T 97/98, JO OEB 2002, 183, point 1.3 des motifs ; le même avis a été exprimé dans la décision T 715/01 du 24 septembre 2002, point 10 des motifs, en ce qui concerne le mémoire exposant les motifs du recours). Il a également été admis que la correction d’une irrégularité peut conduire à ce qu’une autre personne morale ou physique se substitue à celle indiquée dans l’acte de recours (T 97/98, point 1.3 des motifs). Dans la décision T 97/98, la chambre a estimé qu’il serait inopportun, voire contradictoire de ne pas autoriser le remplacement du nom du requérant dans de tels cas de figures, si par ailleurs il est possible de remédier à l’absence totale d’indications, en application des règles 64a) et 65(2) CBE, même après l’expiration du délai de recours.
4.6 Les conclusions énoncées dans les décisions précitées se limitent aux situations où la désignation incorrecte du requérant était due à une erreur. Pour qu’il y ait irrégularité, l’indication doit être erronée, de façon à ce que sa correction ne traduise pas un changement d’avis ultérieur sur la personne qui doit être le requérant, mais exprime uniquement l’intention du requérant au moment où il a formé le recours (T 97/98, point 1.3 des motifs). Dans la décision T 656/98 (point 7 des motifs), la chambre n’a vu aucun motif d’appliquer la règle 65(2) CBE dans le cas où le recours est délibérément formé au nom du cessionnaire non inscrit du brevet en litige. Les conditions requises pour procéder à une correction au titre de la règle 65(2) CBE sont donc considérées comme comparables à celles qui sont requises pour procéder à une correction au titre de la règle 88 CBE. Les chambres ont d’ailleurs appliqué également cette disposition dans quelques décisions lorsque la désignation du requérant était erronée (cf. T 814/98 du 8 novembre 2000, point 1 des motifs ; T 460/99 du 30 août 2001, point 1 des motifs).
4.7 Dans l’ensemble, la jurisprudence précitée fournit peu d’éléments au soutien de l’argument selon lequel la désignation délibérée d’un requérant combinée à la désignation à titre subsidiaire d’un autre requérant peut être considérée comme une irrégularité à laquelle il est possible de remédier en application de la règle 65(2) CBE. La situation présente n’est pas due à une erreur de fait, mais traduit seulement une incertitude quant à l’appréciation juridique à porter sur la question. Toutefois, cette incertitude ayant été exprimée ouvertement dans l’acte de recours en formulant la requête subsidiaire, la Chambre et les autres parties savaient parfaitement que l’intention du requérant était de former un recours pour le compte de l’entité juridique qui avait la qualité d’opposant (opposant 1) dans la présente procédure d’opposition. On pourrait par conséquent estimer que le refus de corriger le nom du requérant dans ces circonstances serait excessivement formaliste et entraînerait des conséquences trop sévères pour un requérant qui a agi de bonne foi.
4.8 La situation exposée ci-avant soulève une question de droit d’importance fondamentale, dans la mesure où elle concerne l’interprétation de l’article 107, première phrase CBE, lequel a trait à l’une des exigences fondamentales auxquelles le recours doit satisfaire pour être recevable. La Chambre a donc décidé, en application de l’article 112(1)a) CBE, de soumettre à la Grande Chambre de recours la question énoncée au point 3 du dispositif ci- dessous.
5. Importance des questions soumises pour l’issue de la procédure de recours
5.1 L’intimé a également fait valoir que le présent recours était irrecevable au motif que l’acte de recours n’a pas été produit par un mandataire dûment habilité. Toutefois, compte tenu du pouvoir de l’actuel mandataire qui a été déposé par lettre en date du 27 juin 2003, la Chambre estime que cet argument n’est pas convaincant.
5.2 Le requérant soutient qu’il était fondé à croire, du fait que bioMérieux B.V. avait été inscrite en tant que nouvel opposant dans la procédure de recours T 746/00, que le transfert de l’opposition était prouvé. Il ressort toutefois du dossier relatif au recours T 746/00 et des mentions correspondantes inscrites au Registre européen des brevets que la transmission de la qualité d’opposant dans cette procédure n’avait pas encore été enregistrée au moment où le recours a été formé dans la présente affaire. En outre, c’est à la chambre de recours compétente qu’il appartient de décider si le prétendu opposant a qualité de partie à la procédure de recours, et ce indépendamment de toute mention portée au registre (cf. point 3.2 supra). Par conséquent, le principe de la protection de la confiance légitime ne saurait s’appliquer en l’espèce.
5.3 Compte tenu des considérations qui précèdent, la Chambre estime que la présente affaire requiert une décision de la Grande Chambre de recours sur les questions énoncées dans le dispositif ci-après. Leur libellé a été défini à la lumière des propositions émises par le requérant et l’intimé (cf. paragraphes IX et X supra). Les requêtes du requérant et de l’intimé en répartition des frais seront traitées dans la décision finale que rendra la présente Chambre.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours :
1. a) La qualité d’opposant est-elle librement transmissible ?
b) S’il est répondu par la négative à la question 1a), une personne morale qui était une filiale détenue à 100% par l’opposant lorsque l’opposition a été formée et qui poursuit les activités auxquelles se rapporte le brevet opposé peut-elle acquérir la qualité d’opposant lorsque l’intégralité de ses actions est cédée par l’opposant à une autre société et que les personnes impliquées dans la transaction approuvent le transfert de l’opposition ?
2. S’il est répondu par l’affirmative aux questions 1a) ou b) :
a) Quelles sont les conditions de forme qui doivent être remplies avant que le transfert de la qualité d’opposant puisse être autorisé ? En particulier, faut-il produire des documents apportant la preuve complète des faits allégués ?
b) Un recours formé par le prétendu nouvel opposant est-il irrecevable dès lors que ces conditions de forme ne sont pas remplies avant l’expiration du délai de dépôt de l’acte de recours ?
3. S’il est répondu par la négative aux questions 1a) et b) : un recours qui a été introduit pour le compte d’une personne non habilitée à former un recours est-il néanmoins recevable lorsqu’il est demandé à titre subsidiaire dans l’acte de recours que le recours soit considéré comme ayant été formé pour le compte d’une personne habilitée ?