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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1998:T100795.19981117 | ||||||||
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Date de la décision : | 17 Novembre 1998 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 1007/95 | ||||||||
Numéro de la demande : | 89102757.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | B32B 29/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé pour la production de stratifié décoratif et thermodurcissable | ||||||||
Nom du demandeur : | Perstorp AB | ||||||||
Nom de l’opposant : | Pfleiderer Industrie GmbH & Co. KG | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | Un recours sans rapport avec les motifs énoncés dans la décision attaquée (absence d’activité inventive) et portant uniquement sur un nouveau motif d’opposition (absence de nouveauté) fondé sur un nouveau document est contraire aux principes exposés dans les décisions G 9/91 et G 10/91, selon lesquels un recours doit se situer dans le même cadre de droit et de fait que la procédure d’opposition. Un tel recours équivaut à une nouvelle opposition et est donc irrecevable. | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Motifs du recours sans rapport avec les motifs de la décision attaquée – nouveau document à l’appui d’un nouveau motif d’opposition – irrecevabilité du recours | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La mention de la délivrance du brevet européen n 0 329 154 à laquelle a donné lieu la demande européenne n 89 102 757.5 déposée le 17 février 1989 avec revendication de la priorité d’une demande antérieure suédoise (8800550 du 18 février 1988) a été publiée le 10 novembre 1993 (Bulletin 93/45).
II. Le 29 avril 1994 a été formée une opposition au brevet tel que délivré, demandant la révocation du brevet dans son intégralité pour non-conformité avec les dispositions de l’article 100 a) CBE en général, sans aucune référence à la nouveauté. Au vu des motifs d’opposition et des arguments présentés par la suite par écrit ainsi que durant la procédure orale devant la division d’opposition, il a été conclu que la référence à l’article 100 a) CBE ne pouvait être interprétée que comme une objection tirée de l’absence d’activité inventive.
A l’appui de cette objection, l’opposant cite huit documents (D1 à D8) produits en même temps que l’acte d’opposition, ainsi qu’un neuvième document (D9) déposé moins de trois semaines avant la procédure orale.
III. Par décision rendue oralement le 17 octobre 1995 et par écrit le 26 octobre 1995, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que l’objet revendiqué impliquait une activité inventive par rapport aux documents D1 à D8. Le document déposé tardivement a été dûment examiné, mais il n’en a pas été tenu compte en vertu de l’article 114(2) CBE.
IV. Le 22 décembre 1995, le requérant (opposant) a formé un recours contre cette décision et a acquitté la taxe correspondante. Dans un mémoire intitulé “Motifs du recours” produit le 29 février 1996 et dans cinq écritures déposées ultérieurement, le requérant
i) s’est fondé exclusivement sur six nouveaux documents (D10 à D15), dont seul le document D10 – divulgation prétendument destructrice de nouveauté – est examiné en détail, sans que soient discutés les motifs de la décision attaquée ;
ii) a cité le numéro 48 afférent à l’article 108 CBE de “Patentgesetz” de R. Schulte (Carl Heymanns Verlag KG, Munich, 1994, p. 685), selon lequel il n’est pas nécessaire de contester la validité d’une décision lorsqu’il est fait référence à un fait nouveau qui, s’il est confirmé, retirerait à la décision contestée son fondement juridique, notamment lorsqu’un nouveau document pertinent est présenté ;
iii) a indiqué qu’il n’était pas sans connaître les principes de procédure exposés dans les décisions G 9/91 (JO OEB 1993, 408) et G 10/91 (JO OEB 1993, 420), mais qu’à la lumière de la décision T 1002/92 (JO OEB 1995, 605), des moyens produits tardivement susceptibles de faire obstacle au maintien d’un brevet européen ne devraient être admis qu’à titre exceptionnel ;
iv) a fait observer que les décisions rendues dans les affaires jointes G 1/95 (JO OEB 1996, 615) et G 7/95 (JO OEB 1996, 626), bien qu’établissant une distinction entre l’absence de nouveauté et l’absence d’activité inventive en tant qu’il s’agit de motifs d’opposition distincts, n’excluent pas que des moyens destructeurs de nouveauté soient pris en considération pour statuer sur l’activité inventive ;
v) a soutenu que, par conséquent, la situation en l’espèce est en tous points semblable à celle sous-tendant le cas T 611/90 (JO OEB 1993, 50), où il a été décidé que le mémoire exposant les motifs du recours peut être sans rapport avec les motifs de la décision attaquée, pour autant que le recours se fonde sur le même motif que l’opposition.
V. Dans ses diverses réponses, l’intimé (titulaire du brevet)
i) a protesté contre la production de manière fragmentaire de nouveaux documents, s’est élevé contre leur recevabilité et n’a pas consenti à ce que la chambre examine la question de la nouveauté ;
ii) a tout d’abord demandé que le recours soit rejeté puis, tout en continuant de se référer à sa requête initiale, a déposé une revendication 1 modifiée dont il a déclaré ensuite qu’elle était le fondement d’une requête subsidiaire ;
iii) a invoqué les décisions T 220/83 (JO OEB 1986, 249) et T 145/88 (JO OEB 1991, 251), selon lesquelles le mémoire exposant les motifs du recours doit non seulement faire apparaître que la décision attaquée est erronée, mais aussi exposer les motifs de droit ou de fait pour lesquels il y a lieu d’annuler la décision attaquée et de faire droit au recours ;
iv) a souligné que, selon la décision T 611/90, pour qu’un recours soit recevable, il doit se fonder sur le même motif que l’opposition, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque, selon la décision G 7/95, l’absence de nouveauté et l’absence d’activité inventive constituent chacune un motif d’opposition distinct.
VI. Lors de la procédure orale qui s’est tenue le 17 novembre 1998, la Chambre a confirmé les deux notifications intermédiaires qu’elle a émises sur les diverses questions à examiner, notamment la question préliminaire de la recevabilité du recours.
i) Le requérant a développé la même argumentation que dans ses écritures, en s’appuyant de surcroît sur deux décisions non publiées, à savoir la décision T 708/95 en date du 16 décembre 1996 et la décision T 389/95 en date du 15 octobre 1997. En ce qui concerne le mémoire intitulé “Motifs du recours”, le requérant reconnaît ne pas s’être fondé sur les documents D1 à D8 initialement cités et ne pas avoir abordé les motifs exposés dans la décision attaquée. Le requérant a également posé une question de droit à soumettre à la Grande Chambre de recours.
ii) L’intimé s’est pour sa part tout d’abord opposé à ce que le requérant s’appuie sur les nouvelles décisions T 708/95 et T 389/95, arguant que leur introduction dans la procédure n’est pas seulement inéquitable, mais ne respecte pas non plus le délai de présentation de nouveaux moyens imparti par la Chambre en application de la règle 71bis (1) CBE. En substance, l’intimé a redéveloppé les arguments qu’il avait avancés par écrit et a conclu que la présentation d’un nouveau document ne pouvait en aucun cas rendre un recours recevable.
VII. Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit révoqué. A titre subsidiaire, il a demandé que la question de droit soit soumise à la Grande Chambre de recours.
L’intimé a demandé que le recours soit rejeté comme irrecevable et, à titre subsidiaire, que le brevet soit maintenu tel que délivré ou sur la base de la requête subsidiaire déposée le 19 août 1996.
Motifs de la décision
1. Le recours est conforme aux articles 106 et 107, à l’article 108, première et deuxième phrase, et à la règle 64 CBE. En conséquence, sa recevabilité dépend seulement de la question de savoir si le mémoire intitulé “Motifs du recours” reçu le 19 février 1996 contient un “mémoire exposant les motifs du recours” au sens de l’article 108, troisième phrase CBE.
Si l’on s’en tient au sens littéral de l’expression “mémoire exposant les motifs du recours” utilisée à l’article 108, troisième phrase CBE, il est clair que, pour répondre au critère de recevabilité énoncé par la disposition citée, les motifs du recours doivent exposer pourquoi, aux yeux du requérant, la décision attaquée ne peut être valable, c’est-à-dire préciser les motifs de droit et de fait pour lesquels il y a lieu d’annuler la décision (cf. T 213/85, point 2 des motifs de la décision, T 220/83, point 1 des motifs et T 145/88, point 1 des motifs). Ainsi, la question de savoir si un mémoire exposant les motifs d’un recours peut être considéré comme tel dépend de sa teneur, et notamment de son rapport avec les motifs et les arguments contenus dans la décision attaquée, et non pas de son intitulé ou de sa forme.
2. L’examen du document intitulé “Motifs du recours” fait apparaître qu’il n’existe pas de tel rapport, que l’on considère les moyens de preuve invoqués ou l’objection soulevée.
2.1 La première partie de ce mémoire (points I à VI) porte sur les points suivants :
I : les requêtes ;
II : une liste de documents contenus dans le dossier, comprenant les documents déjà examinés par la division d’opposition (D1 à D8), puis les nouveaux documents soumis (D10 à D14) ;
III : des considérations générales concernant i) la primauté de l’article 114(1) CBE sur l’article 114(2) CBE, ii) les décisions étroitement liées G 9/91 et G 10/91 ainsi que iii) les conséquences qui en découlent dans la décision T 1002/92 sur la recevabilité des moyens de preuve présentés tardivement ;
IV : une discussion détaillée du document D1 dans les mêmes termes que la division d’opposition et arrivant à la même conclusion que la division d’opposition, ce document étant en conséquence considéré comme le point de départ de l’invention, c’est-à-dire l’état de la technique le plus proche par rapport auquel il y a lieu de définir le problème technique à la base du brevet litigieux ;
V : une simple citation des motifs, des arguments et de la conclusion tirée des pages 9 et 10 de la décision attaquée ;
et, sans autre commentaire,
VI : la conclusion suivante : “La position susmentionnée de la division d’opposition aurait été complètement inversée si le document D10 avait été connu au moment où la décision a été rendue.”
2.2 Suivent alors des considérations techniques visant à démontrer pourquoi le brevet ne peut être maintenu compte tenu de l’effet destructeur de nouveauté du document D10 (points VI à VIII) ainsi que des informations générales fondées sur l’exposé des autres documents présentés tardivement (point IX).
Au point X, le requérant conclut comme suit : “Le brevet litigieux doit être révoqué dans son intégralité sur la base des documents discutés ci-dessus. Les documents produits tardivement font effectivement obstacle au maintien du brevet européen litigieux, et sont par conséquent pleinement recevables.”
2.3 Dans sa déclaration du 19 octobre 1998 (page 2, dernier alinéa), le requérant est convenu d’avoir laissé en suspens la question de savoir si la décision de la première instance était correcte ou erronée sur la base des antériorités qui figuraient alors au dossier.
Durant la procédure orale, le requérant a reconnu une nouvelle fois que le mémoire intitulé “Motifs du recours” ne faisait pas apparaître que la décision attaquée était erronée et n’avançait pas de motifs de droit ou de fait pour lesquels, au vu des seuls documents D1 à D8 produits à l’origine, il y avait lieu d’annuler la décision.
3. Toutefois, pour le requérant, bien que le mémoire intitulé “Motifs du recours” fût sans rapport direct avec les motifs de la décision attaquée, le recours était toujours recevable sous réserve que les objections émises soulèvent une question entièrement nouvelle n’ayant pas encore été examinée auparavant. A l’appui de sa thèse, le requérant a invoqué la jurisprudence suivante.
3.1 Dans la décision T 611/90, l’opposition dans le cadre de laquelle la révocation du brevet litigieux avait été demandée pour absence de nouveauté et d’activité inventive a débouché sur un recours ayant soulevé une question entièrement nouvelle fondée sur le principe de l’usage antérieur public (cf. Exposé des faits et conclusions, points I et IV). Au point 2 des motifs de la décision, la chambre a estimé que les nouvelles raisons avancées relevaient du même motif que celui sur lequel se fondait l’opposition et a considéré le recours comme recevable.
3.2 De même, dans l’affaire T 709/95, où deux oppositions frappaient le brevet tel que délivré au motif que son objet était dépourvu à la fois de nouveauté et d’activité inventive, l’un des requérants a formé un recours et déposé un mémoire qui, au lieu de critiquer la décision de la division d’opposition, a étayé les objections antérieures par de nouveaux documents (cf. Exposé des faits et conclusions, points II et IV). Bien qu’il se fût agi d’une nouvelle question, le recours a été considéré comme recevable parce que fondé sur l’un des motifs d’opposition invoqués initialement (cf. point 1.2 des motifs de la décision).
3.3 Dans l’affaire T 1002/92, le requérant a fait valoir, lors de la procédure orale, un document dont la division d’opposition n’avait pas tenu compte en vertu de l’article 114(2) CBE, ainsi que plusieurs nouveaux documents soumis à l’appui de ses objections antérieures (cf. Exposé des faits et conclusions, points II, III(c), IV et VII(a)). Même s’il ressort des motifs de la décision que la pertinence des moyens de preuve présentés tardivement a constitué le critère décisif pour leur recevabilité, il s’agissait d’un recours fondé sur au moins un motif d’opposition déjà couvert par l’acte d’opposition, et donc recevable (cf. points 3.3 à 3.5 et 4.2 des motifs de la décision).
3.4 Dans l’affaire T 389/95, bien que l’opposition pour absence de nouveauté et d’activité inventive fût fondée sur un certain nombre de documents, le mémoire déposé à l’appui du recours n’y faisait pas référence, pas plus qu’aux motifs sur lesquels était fondée la décision attaquée, mais introduisait à la place un nouvel état de la technique et de nouveaux moyens de preuve à l’appui d’une objection tirée de l’usage antérieur public (cf. Exposé des faits et conclusions, points II et III). Ici aussi, la chambre a jugé le recours recevable (cf. point 1 des motifs de la décision), même si des observations supplémentaires ont été faites à la lumière de la décision G 10/91 rendue entre-temps.
3.5 Comme il ressort clairement des moyens présentés par écrit et oralement par les parties, ces décisions ont en commun que i) le mémoire exposant les motifs du recours ne traite pas des motifs énoncés dans la décision attaquée, que ii) il est fait référence à au moins un nouveau document et que iii) l’objection soulevée correspond à au moins un des motifs d’opposition mentionnés dans les actes d’opposition respectifs. Or, dans la présente espèce, cette dernière condition n’est pas remplie, puisque l’absence de nouveauté n’y était pas un motif d’opposition.
3.6 En raison de cette différence, la référence au commentaire de R. Schulte est clairement inappropriée, étant donné qu’au numéro 48 mentionné (cf. point IV ii)), la question de la recevabilité du recours est déterminée par la pertinence du nouveau document, quel que soit le motif d’opposition effectivement concerné. Ce dernier revêt toutefois une importance cruciale à la lumière d’une jurisprudence plus récente, comme on le verra ci-après.
4. Dans les conclusions qu’il a formulées oralement, le requérant s’est fondé sur les conclusions de la Grande Chambre de recours dans sa décision G 7/95.
4.1 Les circonstances qui ont conduit à la décision de saisine de la Grande Chambre de recours dans l’affaire G 7/95, à savoir la décision T 514/92 (JO OEB 1996, 270), peuvent se résumer comme suit (cf. Exposé des faits et conclusions, points I, IV, V et VI) :
4.1.1 L’opposition a été formée au motif que i) l’objet du brevet européen n’était pas brevetable (articles 52(1) et 56 CBE) eu égard aux documents D1 à D4 et que ii) le brevet n’exposait pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter (articles 100(b) et 83 CBE).
4.1.2 Lors de la procédure de recours, le requérant a, pour la première fois, soulevé une objection tirée de l’absence de nouveauté sur la base d’un document (D4) figurant dès le début dans le débat et a en outre déposé quatre nouveaux documents.
4.1.3 Le titulaire du brevet a soutenu que ce motif d’opposition était nouveau et irrecevable, car avancé trois ans après le délai d’opposition.
4.1.4 Le requérant a rétorqué que le point de départ de l’objection soulevée contre la brevetabilité, qu’elle soit tirée de l’absence de nouveauté ou de l’absence d’activité inventive, restait le même, à savoir le document D4, et que dès lors la nouvelle objection ne constituait pas un nouveau motif d’opposition. Les autres documents présentés tardivement n’ont été cités que pour préciser le sens d’un passage du document D4.
4.2 Si l’on consulte le dossier de l’affaire T 514/92 afin de tirer au clair la situation décrite au point 4.1.2 ci-dessus, on s’aperçoit que le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 5 août 1992 contenait une discussion détaillée du document D4 et des motifs énoncés dans la décision attaquée (cf. points 1 à 10). Cette discussion était suivie de l’avis d’un expert selon lequel le paramètre conférant prétendument la nouveauté par rapport au document D4 aurait été évident à la lumière des documents nouvellement cités ou devait même être considéré comme implicitement exposé dans le document D4 (cf. points 11 à 16).
Ainsi, la décision de saisine de la Grande Chambre de recours portait sur un recours où i) avait été produit un mémoire exposant les motifs du recours et répondant aux conditions énoncées à l’article 108, troisième phrase CBE et où ii) l’objection tirée de l’absence d’activité inventive sur la base du même document, à savoir le document D4 ou l’état de la technique le plus proche, avait été maintenue tout au long de la procédure d’opposition/de recours. Aussi la recevabilité du recours n’était-elle pas en cause.
Cela ressort également de la décision finale T 514/92 en date du 16 avril 1997 (non publiée au JO OEB), qui a fait suite à la décision de la Grande Chambre de recours, où il est simplement dit que “le recours est recevable” (cf. point 1 des motifs de la décision).
4.3 C’est dans ce contexte que la question de droit suivante a été soumise à la Grande Chambre de recours (article 112(1)(a) CBE) :
“Lorsqu’il a été fait opposition à un brevet en vertu de l’article 100 a) CBE, pour défaut d’activité inventive des revendications par rapport aux documents cités dans la déclaration exposant les motifs de l’opposition, et que l’opposant introduit pendant la procédure de recours un nouveau grief selon lequel les revendications sont dépourvues de nouveauté par rapport à l’un des documents cités précédemment ou à un document produit pendant la procédure de recours, la chambre de recours doit-elle exclure ce nouveau grief comme introduisant un nouveau motif d’opposition ?”
4.4 Dans sa décision G 7/95, la Grande Chambre de recours a répondu comme suit :
“7. Cette question concerne une affaire dans laquelle le motif développé dans l’acte d’opposition était le défaut d’activité inventive par rapport à certains documents cités dans cet acte d’opposition, et notamment par rapport au document qui représentait l’état de la technique le plus proche. Au cours de la procédure de recours, l’opposant avait objecté pour la première fois que l’invention revendiquée était dénuée de nouveauté par rapport à ce document constituant l’état de la technique le plus proche.
7.1 Il découle des considérations qui précèdent que l’objection tirée de l’absence de nouveauté est une objection juridique qui diffère de l’objection tirée du défaut d’activité inventive et repose sur un fondement juridique différent. En conséquence, l’objection tirée de l’absence de nouveauté ne peut être soulevée dans la procédure de recours sans le consentement du titulaire du brevet, puisqu’elle constitue un “nouveau motif d’opposition” au sens où l’a entendu la Grande Chambre au point 18 de l’avis G 10/91.
7.2 Toutefois, dans un cas comme celui dont il s’agit dans l’affaire G 7/95 soumise à la Grande Chambre, si le document représentant l’état de la technique le plus proche détruit la nouveauté de l’objet revendiqué, cet objet ne peut à l’évidence impliquer une activité inventive. Par conséquent, s’il est conclu dans ces conditions à l’absence de nouveauté, il s’ensuit nécessairement que l’objet en question doit être considéré comme non brevetable, au motif qu’il est dépourvu d’activité inventive.
7.3 Eu égard aux faits de la cause dans l’affaire G 7/95 soumise à la Grande Chambre, il n’est pas nécessaire que la Grande Chambre réponde à la question qui lui a été soumise, dans la mesure où il s’agit du nouveau grief selon lequel les revendications sont dépourvues de nouveauté par rapport à tous les documents autres que celui qui avait été cité auparavant comme constituant l’état de la technique le plus proche.”
4.5 Contrairement aux allégations du requérant, la décision G 7/95 ne constitue pas le chaînon manquant entre la décision T 611/90, qui porte sur un recours lié à la procédure d’opposition par de nouveaux moyens de preuve relevant du même motif que l’opposition, et le présent recours.
4.5.1 La réponse apportée au point 7.2 de la décision G 7/95 n’est pas applicable au présent recours, le contexte factuel et juridique étant différent.
L’examen des deux décisions rendues dans l’affaire T 514/92 a révélé que l’objection initiale tirée de l’absence d’activité inventive était dûment motivée et maintenue dans la procédure de recours, indépendamment de la nouvelle objection tirée de l’absence de nouveauté, de sorte que la question de la recevabilité ne s’est pas posée. En outre, la nouvelle objection tirée de l’absence de nouveauté était fondée sur le même document que celle tirée de l’absence d’activité inventive, à savoir le document D4, c’est-à-dire sur des éléments techniques présents dès le début de la procédure d’opposition et invoqués dans un premier temps au soutien de l’objection tirée de l’absence d’activité inventive, puis interprétés de surcroît, lors de la procédure de recours, comme étant prétendument destructeurs de nouveauté.
Dans la présente espèce, par contre, il n’y a pas de telle relation entre la procédure de recours et la procédure d’opposition, qu’il s’agisse des moyens de preuve avancés ou des motifs. D’une part, les éléments techniques dont s’est prévalu le requérant à l’appui de la nouvelle objection tirée de l’absence de nouveauté ne pouvaient être pris en considération dans la procédure d’opposition puisqu’ils découlent du document D10, soit un nouveau document présenté pour la première fois en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours ; d’autre part, le requérant a omis d’indiquer comment ces nouveaux éléments techniques pourraient ou devraient être interprétés de surcroît pour étayer l’objection initiale tirée de l’absence d’activité inventive, au cas où la nouvelle objection tirée de l’absence de nouveauté ne porterait pas. Par conséquent, le présent recours ne saurait être considéré comme “un cas comme celui dont il s’agit dans l’affaire G 7/95”.
4.5.2 Quant aux considérations développées au point 7.3 de la décision G 7/95, elles sont formulées en termes suffisamment larges pour englober la situation à la base du présent recours. Bien que la Grande Chambre de recours n’ait expressément pas répondu à la question soumise, l’option laissée ouverte doit, en tout état de cause, être considérée à la lumière de la situation à la base de la décision T 514/92, où la recevabilité du recours n’était pas en cause.
4.5.3 Il va de soi que la recevabilité du recours est une condition préalable à toute requête formulée par une partie en ce qui concerne le cadre de droit et de fait d’une procédure de recours. Ainsi, ni l’introduction d’un nouveau motif d’opposition, qui, selon la décision G 10/91, exige le consentement du titulaire du brevet, ni la recevabilité d’un document présenté tardivement, qui, conformément à l’article 114(2) CBE, est laissée à l’appréciation de la chambre, ne peuvent déterminer la recevabilité d’un recours. Le fait qu’en l’espèce l’intimé, comme mentionné au point 7.1 de la décision G 7/95, n’a pas consenti à ce qu’une nouvelle objection tirée de l’absence de nouveauté soit soulevée dans la procédure, n’a donc aucune incidence sur la recevabilité du recours.
5. La jurisprudence invoquée par le requérant montre que i) un recours sans rapport avec les motifs de la décision attaquée reste néanmoins recevable pour autant que les nouveaux faits et moyens de preuve portent sur le même motif que l’opposition, et que ii), dans le cadre d’un recours recevable, une objection nouvelle tirée de l’absence de nouveauté peut exceptionnellement être soulevée avec le consentement du titulaire du brevet, à condition qu’elle repose sur les mêmes éléments techniques que l’objection tirée de l’absence d’activité inventive et soulevée à l’origine. Ce lien entre la procédure de recours et la procédure d’opposition, constitué soit par le même motif, soit par les mêmes éléments techniques, n’est rien d’autre que la condition énoncée dans les décisions G 9/91 et G 10/91, selon laquelle la procédure de recours doit être fondée sur le même cadre de droit et de fait que la procédure d’opposition. En l’absence d’un tel lien, le recours équivaut à une nouvelle opposition.
Le présent recours est donc irrecevable.
6. Le recours étant irrecevable, la Chambre ne peut examiner ni la requête visant à soumettre une question de droit à la Grande Chambre de recours, ni les questions de fond.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté comme irrecevable.