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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2002:J001098.20021202 | ||||||||
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Date de la décision : | 02 Décembre 2002 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | J 0010/98 | ||||||||
Décision de la Grande Chambre des recours | G 0003/02 | ||||||||
Numéro de la demande : | 96908415.1 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12N 15/81 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | AstraZeneca AB | ||||||||
Nom de l’opposant : | – | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | La question suivante est soumise à la Grande Chambre de recours: Le demandeur d’une demande de brevet européen initialement déposée en tant que demande euro-PCT peut-il, compte tenu de l’Accord sur les ADPIC, revendiquer la priorité d’un premier dépôt antérieur effectué dans un Etat qui n’était partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ni à la date de dépôt de la demande antérieure, ni à la date de dépôt de la demande euro-PCT, mais qui était membre de l’Accord sur les ADPIC/OMC à la date du premier dépôt ? |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Demande euro-PCT – priorité d’une demande indienne – droit de revendiquer la priorité en vertu du PCT – applicabilité de l’article 87(5) – interprétation de l’article 87 – à la lumière de l’Accord sur les ADPIC – conformément à la Convention de Vienne – à la lumière des obligations des Etats contractants – effet contraignant direct et applicabilité directe des dispositions de l’Accord sur les ADPIC | ||||||||
Exergue : |
– |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. L’affaire J 9/98 porte sur la demande de brevet européen n° 96 906 991.3, qui a été déposée en tant que demande de brevet internationale (PCT/SE96/00319) auprès de l’Office suédois des brevets le 12 mars 1996. La priorité la plus ancienne revendiquée par la demande PCT était celle de la demande indienne n° 293/MAS/95 du 13 mars 1995. L’affaire J 10/98 porte quant à elle sur la demande de brevet européen n° 96 908 415.1, qui a également été déposée le 12 mars 1996 auprès de l’Office suédois des brevets en tant que demande de brevet internationale (PCT/SE96/00318). La priorité la plus ancienne revendiquée par cette dernière était celle de la demande indienne n 351/MAS/95 du 23 mars 1995.
Par notifications en date du 25 avril 1996 (PCT/RO/121), l’Office suédois des brevets a, dans les deux cas, informé le requérant, conformément à la règle 4.10b), première phrase PCT et à l’instruction 302 des Instructions administratives, que les revendications de priorité relatives aux demandes indiennes avait été supprimées d’office, au motif que le pays dans lequel ces demandes avaient été déposées n’était pas partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.
II. Lors de l’entrée dans la phase régionale devant l’OEB, le requérant a demandé à l’OEB de rétablir les priorités revendiquées des demandes indiennes. Se référant à l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC/OMC, il a fait valoir qu’il ne pouvait requérir le rétablissement des priorités revendiquées que dans la phase nationale ou régionale, dans la mesure où le PCT ne contient aucune disposition l’autorisant à contester un acte de l’office récepteur dans la phase internationale.
III. Dans deux décisions remises à la poste le 27 novembre 1997, la section de dépôt a déclaré qu’elle n’était pas en mesure de faire droit aux requêtes, au motif que le requérant ne pouvait pas revendiquer la priorité desdites demandes indiennes en vertu de l’article 87(1), (2) ou (5) CBE. Même à la date à laquelle la décision a été rendue, l’Inde n’était toujours pas partie à la Convention de Paris. En outre, l’Organisation européenne des brevets n’étant pas membre de l’OMC, elle n’était pas liée par les articles 3 et 4 de l’Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, les conditions attachées à la reconnaissance d’un droit de priorité en vertu de l’article 87(5) CBE n’étaient pas davantage remplies. Enfin, l’OEB avait écrit à l’Inde dans le cadre de la mise en oeuvre de l’article 87(5) CBE, mais n’ayant reçu aucune réponse, il n’a plus entrepris de démarches au titre de cette disposition.
IV. Le 27 janvier 1998, le requérant a formé un recours contre les décisions de la section de dépôt et acquitté les taxes de recours. La section de dépôt a envoyé au requérant, suite à une requête qu’il avait formulée le 9 février 1998, la copie de deux lettres que l’OEB avait adressées au Contrôleur général des brevets, des dessins et modèles et des marques du Gouvernement de l’Inde. Le requérant a déposé le 27 mars 1998 les mémoires exposant les motifs de ses recours.
V. Les arguments du requérant, qui sont identiques dans les deux affaires, peuvent se résumer comme suit :
1. Les inventions à la base des présentes demandes pour lesquelles les priorités indiennes ont été revendiquées ont été réalisées par des scientifiques indiens pour la section indienne de la recherche du demandeur, un grand fabricant européen, qui a massivement investi en Inde. Le but de l’OMC et de l’Accord sur les ADPIC est précisément de promouvoir ce type d’arrangement international dans l’intérêt de la mondialisation du commerce. A l’instar de la majorité des pays (y compris plusieurs Etats parties à la CBE), l’Inde exige que ses ressortissants déposent leurs demandes de brevet en Inde, avant d’effectuer un dépôt à l’étranger. Un rejet des priorités par l’OEB serait le signe que celui-ci attache davantage d’importance aux formalités qu’aux engagements pris par les Etats parties à la CBE d’investir dans les transferts de technologie vers les autres pays et de promouvoir de tels transferts.
2. Bien que la Convention de Vienne ne s’applique pas expressément à l’interprétation de la CBE, du PCT ou de la Convention de Paris du fait qu’elle est entrée en vigueur après ces traités, elle contient néanmoins, ainsi que l’a reconnu la Grande Chambre de recours dans la décision G 6/83 (JO OEB 1985, 67), de précieux principes d’interprétation pour tous les traités, et ce qu’ils soient entrés en vigueur avant ou après cette convention. Le requérant a fait référence à l’article 26 (pacta sunt servanda), à l’article 30 et en particulier à l’article 31, qui définit des règles d’interprétation des traités. Ni le PCT, ni l’Accord sur les ADPIC ne précisent qu’ils sont subordonnés à la Convention de Paris, si bien qu’en adhérant à l’OMC, les membres peuvent contracter d’autres obligations, sans pour autant adhérer officiellement à la Convention de Paris. L’article 2(1) de l’Accord sur les ADPIC dispose que tous les membres de l’OMC doivent se conformer aux articles premier à 12 et 19 de la Convention de Paris. C’est pourquoi la Convention de Paris s’applique à cet égard à tous les membres de l’OMC, lesquels doivent donc être traités en tant que membres de l’Union. En particulier, l’article précité de l’Accord sur les ADPIC exige de ses membres qu’ils aient un système de reconnaissance de la priorité conformément à l’article 4 de la Convention de Paris. Par conséquent, lorsque l’on applique à l’article 4A(1) de la Convention de Paris la règle d’interprétation énoncée à l’article 31 de la Convention de Vienne, l’expression pays de “l’Union” doit être lue comme comprenant également un pays membre de l’OMC. Cela vaut également pour le PCT. Toute interprétation plus restrictive serait contraire aux buts de l’Accord sur les ADPIC, tels qu’énoncés dans son préambule. En effet, un Etat qui n’est pas partie à la Convention de Paris serait tenu d’accepter les revendications de priorité des premiers dépôts effectués par les inventeurs dans les Etats parties à la Convention de Paris, mais ses propres ressortissants n’auraient pas droit à la réciprocité des priorités dans les Etats parties à la Convention de Paris. Cela serait également contraire à l’obligation générale ancrée à l’article premier et à l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC. Par conséquent, la priorité des demandes indiennes a été valablement revendiquée dans les demandes PCT.
3. C’est pour ces raisons également que l’article 87(1) CBE doit être interprété en ce sens qu’il accorde un droit de priorité à tous les Etats membres de l’OMC, dans la mesure où tous ces Etats doivent être traités comme s’ils étaient parties à la Convention de Paris. Le monopole conféré par un brevet européen demeurant un droit national, chaque Etat désigné aurait un comportement discriminatoire vis-à-vis des demandeurs de nationalité indienne, en violation de l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC, si la priorité des demandes indiennes était rejetée. Peu importe donc que l’Organisation européenne des brevets ne soit pas membre de l’OMC.
4. Il découle de l’obligation prévue à l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC, selon laquelle les membres sont tenus d’accorder aux ressortissants des autres membres un traitement non moins favorable que celui qu’ils accordent à leurs propres ressortissants, que chaque Etat partie à la CBE doit, en tant que membre de l’OMC, reconnaître la priorité des demandes déposées en Inde et vice versa. L’Inde s’est conformée aux obligations qui lui incombent. Mention était faite d’une liste d’Etats, publiée dans la Gazette de l’Inde le 3 janvier 1995, en vertu de laquelle l’Inde reconnaissait la priorité de dépôts effectués dans ces Etats. Le Royaume-Uni et l’Irlande ne figuraient pas sur cette liste, en raison des accords bilatéraux qui existaient déjà avec l’Inde en matière de priorité. La “clause de la nation la plus favorisée” telle que prévue à l’article 4 de l’Accord sur les ADPIC exige que les Etats qui ont adhéré à la Convention de Paris octroient immédiatement le même droit de priorité à tous les autres Etats membres de l’OMC.
5. S’agissant de la reconnaissance des droits de priorité prévue à l’article 87(5) CBE, le fait qu’une formalité, à savoir une communication publique du Conseil d’administration, n’ait pas été accomplie, ne saurait être considéré comme décisif. Les formalités de procédure ne doivent pas primer sur le droit matériel. Dès que les conditions sont réunies sur le fond pour qu’une telle communication puisse être publiée, le Conseil d’administration doit publier la communication, et s’il n’a pas encore procédé à cette formalité, on doit considérer qu’il l’a fait. Il est en effet établi, et c’est là un élément fondamental, que l’Inde accorde le droit de priorité en question depuis le 3 janvier 1995. Après la délivrance, le “faisceau” que constitue le brevet européen demeure un droit de monopole national. Si la priorité d’une demande indienne était refusée, cela signifierait que chaque Etat désigné accorderait un monopole dans des conditions discriminatoires à l’égard des demandeurs de nationalité indienne, et ce en violation de l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, les juridictions nationales ont compétence, après la délivrance, pour statuer sur la question de savoir si une priorité a été valablement revendiquée en vertu de la législation interne de tout Etat membre. C’est pourquoi les revendications de priorité devraient être maintenues lors de la procédure de délivrance.
VI. La Chambre a notifié au requérant qu’elle avait l’intention de joindre les affaires J 9/98 et J 10/98 et de soumettre à la Grande Chambre de recours une question de droit concernant les éventuelles implications de l’Accord sur les ADPIC sur le droit du demandeur de revendiquer, pour une demande initialement déposée en tant que demande euro-PCT, la priorité d’un premier dépôt effectué dans un Etat qui n’était partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ni à la date de dépôt de la demande antérieure, ni à la date de dépôt de la demande euro-PCT, mais qui était membre de l’Accord sur les ADPIC/OMC à la date du premier dépôt. La Chambre a également communiqué au requérant les motifs de droit pour lesquels elle avait l’intention de saisir la Grande Chambre de recours, ainsi que l’énoncé de la question qu’elle envisageait de lui soumettre.
VII. En réponse, le requérant a proposé de formuler différemment les questions à soumettre à la Grande Chambre. Selon lui, on pourrait considérer comme établi, à la lecture de la question telle que rédigée par la Chambre, que l’octroi de la priorité revendiquée dépend de la question de savoir si l’OEB est lié par l’Accord sur les ADPIC, ainsi que l’a suggéré la Chambre dans sa notification (cf. point 2 de la notification). Or, le principal argument du requérant relativement à l’interprétation de l’article 87 CBE ne dépend pas de la question de savoir si, outre son rôle d’outil d’interprétation, l’Accord sur les ADPIC a d’autres effets. De surcroît, s’il est vrai que la question générale proposée par la Chambre couvre l’argument du requérant, selon lequel l’OEB a l’obligation, ou tout du moins le pouvoir, de reconnaître la revendication d’une priorité qui pourrait ne pas remplir les conditions de l’article 87 CBE s’il résultait de la non-reconnaissance d’une telle revendication de priorité que les Etats membres manquent aux obligations qui leur incombent en vertu des traités, cet argument mérite néanmoins une analyse indépendante et devrait donc faire l’objet d’une question distincte. Il en va de même pour les questions concernant le PCT.
Motifs de la décision
1. Les affaires J 9/98 et J 10/98 portent toutes deux sur des recours formés par le même demandeur et requérant contre les décisions de la division d’examen de rejeter les requêtes visant à “rétablir”, pour les demandes euro-PCT dans la phase régionale devant l’OEB, des priorités initialement revendiquées de demandes déposées en Inde. Les deux affaires sont donc étroitement liées. Elles portent sur la même question de droit, à savoir si une demande de brevet européen, déposée en tant que demande internationale, pouvait valablement revendiquer la priorité d’une demande indienne à une date où l’Inde était partie à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après dénommé Accord sur les ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après dénommée OMC), reproduit à l’annexe 1C de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, mais n’était pas encore partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (ci-après dénommée Convention de Paris). Aussi la Chambre a-t-elle décidé de joindre les deux affaires J 9/98 et J 10/98, conformément à l’article 9(2) du règlement de procédure des chambres de recours (cf. également les décisions T 114/82 et T 115/82, JO OEB 1983, 323, sommaire I).
2. Les demandes qui font l’objet des présents recours ont été déposées en tant que demandes internationales au titre du PCT.
2.1 L’un des arguments avancés par le requérant est que si l’on applique l’article 8 PCT et la règle d’interprétation énoncée à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (ci-après dénommée Convention de Vienne) à l’article 4A(1) de la Convention de Paris, il y a lieu de lire l’expression pays de “l’Union” comme englobant également un pays membre de l’OMC. Après l’entrée en vigueur de l’Accord instituant l’OMC et de l’Accord sur les ADPIC, il était possible de revendiquer automatiquement pour une demande internationale au titre du PCT la priorité d’un dépôt effectué dans un pays qui, à la date de dépôt de la demande dont la priorité était revendiquée, était membre de l’OMC, comme c’était le cas pour l’Inde (à partir du 1er janvier 1995), même si le texte de l’article 8 PCT n’avait pas été modifié. En effet, conformément à l’article 2(1) de l’Accord sur les ADPIC, les membres de l’OMC doivent être traités comme des Etats parties à la Convention de Paris. Par conséquent, il était possible de revendiquer la priorité d’une demande déposée dans un Etat membre de l’OMC, même si, à la date à laquelle la priorité était revendiquée, cet Etat n’était pas partie à la Convention de Paris.
2.2 En vertu de l’article 8(1) PCT, la demande internationale peut comporter une déclaration revendiquant la priorité d’une ou de plusieurs demandes antérieures déposées dans un ou pour tout pays partie à la Convention de Paris.
2.3 Même à la date de dépôt des demandes PCT, à savoir le 12 mars 1996, l’Inde n’était pas encore partie à la Convention de Paris, laquelle n’a pris effet pour ce pays que le 7 décembre 1998 (BI PMZ 2001, 120). C’est pourquoi, conformément à la pratique constante, l’Office suédois des brevets, agissant en qualité d’office récepteur pour les demandes internationales, a notifié au demandeur, en application de la règle 4.10b), première phrase PCT (telle qu’applicable à cette date, cf. l’édition du PCT de 1994) et de l’instruction 302 des Instructions administratives, que la revendication de la priorité des demandes indiennes avait été supprimée d’office, au motif que le pays dans lequel les demandes antérieures avaient été déposées n’était pas partie à la Convention de Paris (cf. à cet égard le formulaire préimprimé PCT/RO/121 utilisé pour ces notifications).
2.4 Ainsi qu’il découle du membre de phrase “aux fins de la procédure selon le traité” figurant à la règle 4.10b) PCT, telle qu’applicable à cette époque, toute constatation faite par un office récepteur selon laquelle la revendication de priorité est considérée comme n’ayant pas été présentée ou est “supprimée” ne concerne que la phase internationale de la demande. Il ne s’agit en aucun cas d’une décision passée en force de chose jugée qui s’impose aux offices désignés (cf. également le guide du déposant du PCT, volume I, édition du 1er mars 2001, phase internationale, point 97).
2.5 L’Inde n’était pas un pays de l’Union au sens de l’article 4A(1) de la Convention de Paris, ni à la date des dépôts effectués en Inde, ni à la date de dépôt des demandes européennes. Peu importe donc de savoir en l’espèce si, en vertu de cet article, pour donner naissance à un droit de priorité, l’Etat dans lequel le premier dépôt est effectué doit être membre de l’Union de Paris à la date du premier dépôt ou s’il suffit que cet Etat soit membre de l’Union de Paris à la date de dépôt de la demande ultérieure, étant entendu que l’opinion est très majoritairement en faveur de la première variante (cf. par ex. Ladas, Patents, Trademarks and Related Right, Cambridge 1975, volume I, point 265 ; et en particulier l’analyse de ce problème dans : Ruhl, Unionspriorität, Cologne 2000, point 167 s. ; Wieczorek, Die Unionspriorität im Patentrecht, Cologne 1973, page 77 s.).
2.6 En vertu de l’article 2(1) de l’Accord sur les ADPIC, les membres doivent se conformer aux dispositions des articles premier à 12 et à l’article 19 de la Convention de Paris (1967) pour ce qui est, entre autres, de la partie II de l’Accord sur les ADPIC, laquelle contient à la section 5 des dispositions sur les brevets. Les membres de l’Accord sur les ADPIC sont en particulier tenus par cet article de reconnaître un droit de priorité fondé sur un dépôt effectué dans un pays membre de l’Accord sur les ADPIC, dans les conditions prévues à l’article 4 de la Convention de Paris, même si l’Etat membre de l’OMC et de l’Accord sur les ADPIC dans lequel le premier dépôt a été effectué n’est pas partie à la Convention de Paris (Guide du déposant, loc. cit. ; Schulte, Patentgesetz mit EPÜ, 6e édition, Cologne 2001, § 41, point 17).
2.7 L’Union du PCT (à savoir l’Union internationale de coopération en matière de brevets visée à l’article premier, paragraphe 1 PCT) n’est pas en soi partie à l’Accord sur les ADPIC. En conséquence, les obligations découlant de l’Accord sur les ADPIC ne s’imposent pas directement à l’Union du PCT en tant que telle, mais uniquement aux membres de l’Union du PCT qui sont également membres de l’OMC (Guide du déposant, loc. cit.).
Dans sa version modifiée avec effet au 1er janvier 2000, qui n’est donc pas applicable en l’espèce, la règle 4.10a) PCT dispose, en relation avec l’article 8 PCT qui est resté inchangé, que toute déclaration visée à l’article 8.1 PCT peut revendiquer la priorité d’une ou de plusieurs demandes antérieures déposées dans ou pour tout membre de l’OMC qui n’est pas partie à la Convention de Paris. Toutefois, même après son entrée en vigueur, l’alinéa a) n’était pas applicable, en vertu de l’alinéa d) de la règle 4.10, si, au 29 septembre 1999, il n’était pas compatible avec la législation nationale appliquée par un office désigné, à condition que l’office en question en ait informé le Bureau international (ce que l’OEB a fait, Singer/Stauder-Busse, Europäisches Patentübereinkommen, 2e édition, Cologne 2000, Vor Artikel 150, point 6).
Il s’ensuit que de l’avis général des Etats membres de l’Union du PCT, l’article 8 PCT ne pouvait pas, en l’absence de disposition spécifique à ce sujet, être simplement interprété à la lumière de l’article 2(1) de l’Accord sur les ADPIC comme autorisant d’une manière générale la revendication de la priorité d’un dépôt effectué dans un Etat membre de l’OMC, mais qui n’est pas partie à la Convention de Paris, car il n’aurait sinon pas été nécessaire de modifier la règle 4.10 PCT, et encore moins de prévoir l’exception figurant à l’alinéa d). Bien que l’Accord sur les ADPIC/OMC soit entré en vigueur le 1er janvier 1995 pour un certain nombre d’Etats contractants du PCT, ce n’est que dans sa version de janvier 2000 que le guide du déposant mentionne pour la première fois la possibilité de revendiquer, dans une demande internationale au titre du PCT, la priorité d’un dépôt effectué dans un Etat partie à l’Accord sur les ADPIC/OMC, mais pas à la Convention de Paris (point 97, qui fait référence à la règle 4.10b) et d) PCT modifiée),
Il semble donc que l’avis exposé ci-dessus représente l’opinion générale de la communauté des Etats membres de l’Union du PCT.
3. En vertu de l’article 87(5) CBE, il est également possible de revendiquer la priorité d’un premier dépôt effectué dans un Etat qui n’est pas partie à la Convention de Paris, dans la mesure où, suivant une communication publique du Conseil d’administration, cet Etat accorde, en vertu d’accords bilatéraux ou multilatéraux, sur la base d’un premier dépôt effectué auprès de l’Office européen des brevets, ainsi que sur la base d’un premier dépôt effectué dans ou pour tout Etat contractant, un droit de priorité soumis à des conditions et ayant des effets équivalents à ceux prévus par la Convention de Paris.
3.1 Il est incontesté que le Conseil d’administration n’a jamais publié une telle communication au sujet de l’Inde. Le requérant soutient toutefois que cette formalité ne saurait être considérée comme décisive. Ce qui importe selon lui c’est qu’il soit établi que l’Inde accordait un droit de priorité sur la base des dépôts effectués dans les Etats parties à la CBE depuis le 3 janvier 1995. Le “faisceau” que constitue le brevet européen demeurant un droit de monopole national après la délivrance, chaque Etat désigné aurait un comportement discriminatoire vis-à-vis des demandeurs de nationalité indienne, en violation de l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC, si l’on refusait de reconnaître la priorité d’une demande déposée en Inde pour une demande de brevet européen.
3.2 La Chambre ne partage pas le point de vue du requérant selon lequel la communication publique prévue à l’article 87(5) CBE constitue une simple formalité, sans importance sur le fond. Au contraire, la publication d’une telle communication établit, avec effet contraignant pour toutes les instances compétentes européennes et nationales, que les conditions attachées à la reconnaissance de la priorité d’un premier dépôt effectué dans le pays concerné pour une demande de brevet européen étaient remplies, alors que cela n’était pas le cas en vertu de l’article 87(1) CBE. La communication a donc bel et bien un effet sur le fond.
3.3 De surcroît, d’autres conditions de fond prévues à l’article 87(5) CBE n’étaient pas remplies en l’espèce pour que l’on puisse reconnaître un droit de priorité fondé sur un dépôt effectué en Inde. Or, ces conditions seraient applicables même si, par exemple, les arguments invoqués jusque-là par le requérant étaient admissibles et s’il était également établi, d’une part, que s’agissant de l’effet d’une demande de brevet européen prévu à l’article 66 CBE, l’Inde, après être devenue membre de l’Accord sur les ADPIC/OMC, était tenue de reconnaître la priorité de premiers dépôts européens désignant des membres de l’Accord sur les ADPIC, et d’autre part que l’Accord sur les ADPIC pourrait en principe représenter un accord multilatéral au sens de l’article 87(5) CBE.
3.4 Tout d’abord, tous les Etats parties à la CBE n’étaient pas membres de l’Accord sur les ADPIC lorsque les demandes indiennes ont été déposées. Ainsi, cet accord n’était pas entré en vigueur pour le Liechtenstein, la Suisse et Monaco (cf. la liste des membres de l’OMC dans BI PMZ 2001, 135). Par conséquent, l’Accord sur les ADPIC n’obligeait pas l’Inde, à cette date, à accorder un droit de priorité sur la base de premiers dépôts effectués dans tout Etat contractant au sens de l’article 87(5) CBE. Lors de la révision de l’article 87(5) CBE par l’Acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) du 5 octobre 1973, révisée en dernier lieu le 17 décembre 1991, article premier, point 34 (JO OEB 2001, édition spéciale n 4, 3, 22), cette dernière exigence a été supprimée, car on a considéré que son maintien rendrait l’article 87(5) CBE totalement impossible à mettre en oeuvre dans la pratique (cf. également la proposition de base pour la révision de la Convention sur le brevet européen, MR/2/00f, page 81, point 7). Toutefois, contrairement à un certain nombre de dispositions modifiées qui sont applicables à titre provisoire en vertu de l’article 6 de l’acte de révision, l’article 7 prévoit que le texte révisé de l’article 87 CBE ne s’appliquera qu’aux demandes de brevet européen déposées après l’entrée en vigueur du texte révisé de la Convention (cf. également l’article premier de la décision du Conseil d’administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires au titre de l’article 7 de l’acte de révision de la Convention sur le brevet européen du 29 novembre 2000, édition spéciale n 4, 139, ainsi que les remarques explicatives y afférentes, édition spéciale n° 4, 137, point 16). Cette modification ne s’applique donc pas aux demandes actuellement en instance.
3.5 En outre, s’il n’est pas essentiel, d’après l’article 87(5) CBE, que l’Etat concerné soit tenu de reconnaître la priorité de premiers dépôts européens, le texte de cette disposition pose en revanche comme condition à la reconnaissance, pour un dépôt européen, d’un droit de priorité fondé sur un dépôt effectué dans cet Etat que celui-ci accorde, c’est-à-dire reconnaisse un tel droit de priorité. Ce libellé vise clairement à garantir la reconnaissance mutuelle des priorités pour les demandes européennes et d’y subordonner la reconnaissance d’un droit de priorité fondé sur un premier dépôt dans un Etat qui n’est pas partie à la Convention de Paris (cf. le libellé choisi, à l’époque, pour l’article 67(6) dans le tout premier “avant-projet de Convention relatif à un droit européen des brevets” du 2 août 1961 : “lorsque le premier dépôt a été effectué dans un Etat qui … accorde la réciprocité” et dans l'”avant-projet de Convention relative à un droit européen des brevets” du 26 mai 1962).
La présente affaire illustre la différence entre le fait de contracter une obligation juridique dans un traité international et la mise en oeuvre d’une telle obligation, même si une telle différence est uniquement temporelle. Ainsi qu’il découle des lettres, mises à la disposition du requérant, que l’OEB a adressées au Contrôleur Général de l’Office indien des brevets en 1995 et 1996 (pages 12 à 14 du dossier de l’affaire J 9/98), l’Inde n’avait émis, à la date de dépôt des présentes demandes et même ultérieurement, aucune déclaration selon laquelle elle reconnaîtrait la priorité de premiers dépôts européens. La seule information disponible, sur laquelle se fonde le requérant, est celle publiée dans la Gazette de l’Inde et qui précisait que l’Inde reconnaissait la priorité des premiers dépôts effectués dans un certain nombre d’Etats parties à la CBE, lesquels ne comprenaient toutefois pas les Etats pour lesquels l’Accord sur les ADPIC/OMC n’était pas encore entré en vigueur à cette époque.
4. Le requérant a également allégué que lorsque l’on interprète l’article 87(1) CBE conformément aux articles 26, 30 et 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, il y a lieu de tenir compte des dispositions de l’Accord sur les ADPIC et que l’on doit en conclure que l’expression “Etat partie à la Convention de Paris” figurant à l’article 87 CBE recouvre également un membre de l’OMC, même si celui-ci n’est pas partie à la Convention de Paris.
4.1 Comme le requérant l’a fait valoir à juste titre, les règles d’interprétation des traités contenues dans la Convention de Vienne sont prises en considération dans la jurisprudence des chambres de recours pour interpréter la CBE, bien qu’elles ne soient pas officiellement applicables à la CBE, conformément à l’article 4 de la Convention de Vienne, du fait que la CBE a été conclue avant l’entrée en vigueur de la Convention de Vienne (G 6/83 (version française), JO OEB 1985, 67, point 3 des motifs et T 1173/97, JO OEB 1999, 609, point 2.2 des motifs).
4.2 Toutefois, dans la présente affaire, l’article 26 (pacta sunt servanda) de la Convention de Vienne n’est pas applicable en ce qui concerne l’OEB et l’Accord sur les ADPIC, car l’Organisation européenne des brevets n’est pas partie à cet accord. De même, l’article 30(3) de la Convention de Vienne ne s’applique pas en l’espèce s’agissant de l’Accord sur les ADPIC car, ainsi qu’il a déjà été relevé plus haut, les Etats parties à la CBE et les membres de l’Accord sur les ADPIC ne coïncident pas entièrement, à savoir que les Etats parties à la CBE ne sont pas tous en même temps membres de l’Accord sur les ADPIC/OMC (T1173/97, loc. cit., point 2.2 des motifs). C’est également la raison pour laquelle l’article 31(3) de la Convention de Vienne, selon lequel il doit être tenu compte, dans certaines conditions, des règles, pratiques et accords ultérieurs entre les parties pour interpréter un traité antérieur, n’est pas davantage applicable en l’espèce. Enfin, l’article 30(4) de la Convention de Vienne n’est pas applicable non plus, parce que le droit de priorité pour une demande européenne ne peut qu’exister ou ne pas exister pour la demande européenne en tant que telle, et qu’il n’est pas possible d’appliquer des règles différentes pour les différents Etats désignés dans la demande européenne.
L’article 31(1) de la Convention de Vienne dispose qu’un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Lorsque l’on suit cette règle d’interprétation, il n’est pas possible d’interpréter l’article 87(1) CBE comme signifiant que cet article est applicable aux Etats autres que ceux qui sont parties à la Convention de Paris. Le sens ordinaire à attribuer aux termes “Etat partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle” dans leur contexte est tout à fait clair en ce sens qu’ils définissent les dépôts qui donnent naissance à un droit de priorité pour une demande européenne en faisant référence aux Etats parties à ladite Convention. L’objet et le but du texte de l’article 87(1) CBE sont clairement et sans ambiguïté de limiter l’application du premier paragraphe de l’article 87 CBE aux dépôts effectués dans les Etats parties à la Convention de Paris. S’agissant de la genèse de l’article 87(1) CBE, la référence aux Etats parties à la Convention de Paris figurait déjà initialement dans le premier paragraphe de la disposition envisagée sur les priorités (“premier avant-projet de Convention relatif à un droit européen des brevets” du 2 août 1961, page 2). Elle a ensuite été retirée (“avant-projet de Convention relative à un droit européen des brevets” élaboré par le groupe de travail “Brevets”, 1962. page 46), mais a été réintroduite en 1970, afin de limiter le droit de priorité prévu au paragraphe 1 de l’article en question (qui était à l’époque l’article 73) aux dépôts effectués dans les Etats parties à la Convention de Paris et de subordonner tous les autres droits de priorité à un accord de réciprocité, comme cela est prévu à l’actuel article 87(5) CBE (qui était à l’époque l’article 73(5)), cf. le “rapport (en date du 26 octobre 1970) sur la réunion du groupe de travail I de la Conférence intergouvernementale pour l’institution d’un système européen de délivrance de brevets”, BR/49/70, page 42, point 124).
5. Si l’argument du requérant selon lequel il convient d’appliquer le principe “pacta sunt servanda” était interprété en ce sens que l’OEB est tenu de reconnaître la priorité de premiers dépôts effectués dans les Etats membres de l’OMC, au motif que la majorité de ses Etats contractants en ont l’obligation en vertu de l’Accord sur les ADPIC, il y aurait lieu d’observer ce qui suit :
5.1 Les chambres de recours ont examiné dans quelques affaires si les dispositions applicables de la CBE étaient conformes à celles de l’Accord sur les ADPIC. Toutefois, ou elles ont conclu que les dispositions en question de la CBE ne contrevenaient pas aux dispositions pertinentes de l’Accord sur les ADPIC (G 1/97, JO 2000, 322, point 5 des motifs : conformité avec les articles 31, 32 et 62(5) de l’Accord sur les ADPIC, et J 32/97 du 20 juillet 1998, non publiée, point 16 des motifs : conformité avec l’article 4 de l’Accord sur les ADPIC), ou elles ont tenu compte des dispositions de l’Accord sur les ADPIC pour interpréter un terme de la CBE qui donnait matière à interprétation (T 1173/97, JO OEB 1999, 609, point 2.3 des motifs, T 935/97 du 4 février 1999, non publiée, concernant la définition de l’exclusion de la brevetabilité des programmes d’ordinateurs en tant que tels à l’article 52(2) et (3) CBE).
Cela est conforme à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui, tout en affirmant que les dispositions de l’Accord sur les ADPIC ne sont pas d’application directe en droit communautaire (cf. point 6 infra), estime que les autorités judiciaires nationales sont tenues d’appliquer dans la mesure du possible les dispositions nationales à la lumière du texte et de la finalité des dispositions de l’Accord sur les ADPIC (cf. l’arrêt “Christian Dior”, affaires jointes C-300/98 et C-392/98, IIC 2001, 664, 670, point 47, avec référence à une autre décision).
5.2 Toutefois, appliquer l’article 87(1) CBE aux premiers dépôts effectués dans les Etats membres de l’Accord sur les ADPIC/OMC irait bien plus loin. Cela impliquerait en effet que l’OEB accorde un droit de priorité au-delà, c’est-à-dire allant à l’encontre du sens et du texte de l’article 87(1) CBE qui limitent clairement le droit de priorité aux premiers dépôts effectués dans les Etats parties à la Convention de Paris.
En droit communautaire, la Cour de Justice des Communautés européennes a reconnu que dans certaines circonstances, un citoyen de l’UE peut invoquer devant une juridiction nationale des droits qui ne sont pas prévus dans le droit écrit de l’UE, mais qui découlent des conventions internationales auxquelles – seuls – les Etats contractants sont parties, même si cela va au-delà des dispositions nationales existantes, voire est contraire à de telles dispositions. Il y a toutefois lieu de relever que de telles conventions internationales ne sont pas appliquées parce qu’elles seraient considérées comme étant officiellement applicables et contraignantes dans le contexte de l’UE. Elles sont en revanche utilisées par la Cour de justice dans la mesure où elles peuvent être considérées comme une source de principes juridiques généralement admis pour déterminer les droits fondamentaux d’une personne dans l’UE, ces principes ayant été constamment développés par la Cour de justice pour former un ensemble de normes non écrites impératives de l’UE, conformément aux principes constitutionnels des Etats membres de l’UE (cf. Iglesias, Gedanken zum Entstehen einer Europäischen Rechtsordnung, NJW 1999, 1, 5). Par conséquent, en droit communautaire, il n’existe pas, semble-t-il, de règle selon laquelle l’UE serait liée par une convention internationale parce que ses Etats membres seraient liés par une telle convention. D’autre part, la Chambre doute également que la définition de la portée d’un droit de priorité à accorder, telle que prévue dans l’Accord sur les ADPIC pour les Etats membres de l’OMC, aille au-delà de ce qu’il faut considérer comme la détermination normale des conditions juridiques relatives au commerce et à la concurrence que le législateur est libre de décider, ou qu’elle affecte les droits fondamentaux de la personne concernée. Les situations juridiques ne semblent donc pas comparables. 6. Le requérant a également fait valoir que les dispositions de l’Accord sur les ADPIC qu’il a citées s’imposent directement à l’OEB, en ce sens que celui-ci est tenu de reconnaître la priorité d’un premier dépôt effectué dans un pays qui n’est pas partie à la Convention de Paris, mais est membre de l’Accord sur les ADPIC/OMC. Il semble que la réponse à la question de savoir si tel est le cas ou non dépende de deux conditions : la première étant que l’OEB soit directement lié par l’Accord sur les ADPIC, la deuxième que les dispositions invoquées par le requérant soient d’application directe, en ce sens qu’elle ont un effet direct parce que la CBE n’a connu à ce jour aucune transformation (s’agissant de la définition de l’expression “directement applicable” ou “d’application directe”, cf. par ex. l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire “Christian Dior”, loc. cit., point 42, avec des références à la jurisprudence de la Cour ; cf. également Staehelin, das TRIPs-Abkommen, Berne 1997, page 138, et la décision rendue par la High Court dans l’affaire Lenzing le 20 décembre 1996, R.P.C. 1997, 245, 270).
6.1 Dans l’Acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) (loc. cit), l’article 87(1) CBE a été modifié de façon à inclure à la lettre b) le droit de revendiquer pour une demande de brevet européen la priorité d’une demande déposée dans un Etat membre de l’OMC. Cependant, comme il a été relevé ci-dessus, le texte révisé de l’article 87 CBE ne s’appliquera qu’aux demandes de brevet européen déposées après l’entrée en vigueur du texte révisé de la Convention.
Il apparaît donc que le législateur de la CBE, à l’instar de celui du PCT, a estimé que les dispositions de l’Accord sur les ADPIC concernant la priorité n’avaient pas d’effet contraignant direct et n’étaient pas directement applicables dans le cadre de la CBE, car il aurait pu sinon envisager de prévoir leur application à titre provisoire, comme il l’a fait pour d’autres dispositions modifiées de la CBE, ou en tout cas décider qu’elles seraient applicables aux demandes en instance après leur entrée en vigueur (cf. article premier de la décision du Conseil d’administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires au titre de l’article 7 de l’acte de révision de la Convention sur le brevet européen, loc. cit.).
6.2 A l’échelle internationale, de nombreuses voix ont mis en doute le fait que les dispositions de l’Accord sur les ADPIC soient susceptibles d’avoir un effet direct (cf. l’analyse très complète de ce problème dans Staehelin, Das TRIPs-Abkommen, Berne 1997, page 138 s. et les références supplémentaires à la littérature qui y sont citées, ainsi que la position personnelle de l’auteur sur la question à la page 144 s. ; cf. également Cook, Judicial Review of the EPO and the Direct Effect of TRIPs in the European Community, EIPR, 1997, 367, 372).
Dans la mesure où la Cour de Justice des Communautés européennes s’est déclarée compétente pour se prononcer sur cette question dans l’affaire “Christian Dior” (loc. cit., point 32 s.), au motif que la question qui lui était soumise concernait un domaine dans lequel la Communauté avait déjà légiféré (s’agissant de la signification de cette condition, cf. Groh/Wündisch, Die Europäische Gemeinschaft und TRIPs : Hermès, Dior und die Folgen, GRUR Int. 2001, 497), elle a estimé que les dispositions de l’Accord sur les ADPIC ne pouvaient pas avoir d’effet direct, quelle que soit la façon dont les dispositions concernées sont formulées. Selon la Cour, elles ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant le juge (cf. également dans Groh/Wündisch, loc. cit., page 503, les critiques à l’encontre du refus d’admettre l’applicabilité directe desdites dispositions).
La même position a été adoptée en droit anglais par la High Court dans la décision qu’elle a rendue dans l’affaire Lenzing le 20 décembre 1996 (loc. cit.). La High Court a exposé clairement et de façon détaillée les raisons pour lesquelles l’Accord sur les ADPIC n’était pas censé, selon elle, avoir un effet direct (269), en ce sens que les particuliers devraient avoir des droits privés découlant de l’OMC (270) ; elle a estimé qu’il constituait un simple accord entre nations qui n’est pas directement applicable (271).
6.3 Quant aux chambres de recours de l’OEB, elles ont considéré, avant la décision G 1/97 (cf. T 1173/97, loc. cit., point 2.1 des motifs et T 935/97 du 4 février 1999, point 2.1 des motifs), que l’Accord sur les ADPIC ne pouvait pas être directement appliqué à la CBE au motif que seuls les Etats parties à la CBE étaient liés par cet accord et que l’Organisation européenne des brevets n’était pas elle-même membre de l’OMC et n’avait pas signé l’Accord sur les ADPIC.
Dans la décision G 1/97, JO OEB 2000, 322, point 5a) des motifs, la Grande Chambre de recours a expressément laissé la question en suspens, tout en exprimant des doutes sur l’effet direct de l’Accord sur les ADPIC et son applicabilité dans le cadre de la CBE, dans la mesure où l’Organisation européenne des brevets n’est pas partie à cet Accord. La Grande Chambre de recours n’a donc pas pris définitivement position sur cette question.
7.1 La nature des questions exposées aux points 5 et 6 supra est telle que la Chambre n’a pas jugé approprié de statuer elle-même. Ainsi qu’il découle également des points 2, 3 et 4 supra, la Chambre estime que les questions soulevées aux points 5 et 6 supra constituent des questions de droit d’importance fondamentale au sens de l’article 112(1)a) CBE, qui sont décisives pour l’issue des présentes affaires. En effet, le demandeur ne peut revendiquer la priorité des dépôts effectués en Inde que si les dispositions de l’Accord sur les ADPIC sont applicables dans le cadre de la CBE, soit directement, soit en raison des obligations contractées par les Etats parties à la CBE.
Si les dispositions de l’Accord sur les ADPIC étaient applicables, l’on pourrait alléguer que, du moins en ce qui concerne le simple remplacement des Etats parties à la Convention de Paris par les Etats membres de l’Accord sur les ADPIC/OMC, la référence figurant à l’article 2(1) de l’Accord sur les ADPIC/OMC aux dispositions de la Convention de Paris est suffisamment précise pour être directement appliquée dans le contexte de la CBE. Dans la littérature juridique, l’article 2(1) de l’Accord sur les ADPIC est interprété en ce sens qu’il impose aux membres de l’Accord sur les ADPIC d’aligner leur législation nationale sur les dispositions pertinentes de la Convention de Paris (Gervais, The TRIPs Agreement, Drafting History and Analysis, London 1998, article 2, point 2.18, page 45 ; Staehelin, loc. cit., page 144). Cependant, d’aucuns pensent également que ce n’est pas parce qu’une disposition de l’Accord sur les ADPIC oblige les membres de l’Accord à accorder certains droits qu’il est en soi exclu de considérer ces dispositions comme directement applicables, dès lors qu’elles sont suffisamment précises pour être directement appliquées par les juridictions (Staehelin, loc. cit., page 145). En outre, la clause de la nation la plus favorisée prévue à l’article 4 de l’Accord sur les ADPIC ensemble l’article 2(1) de cet accord est interprétée comme signifiant qu’elle oblige les membres de l’OMC qui accordent des droits de priorité sur la base de la Convention de Paris à accorder les mêmes droits de priorité aux membres de l’OMC (Staehelin, loc. cit., page 27). A l’inverse, s’agissant de l’article 3 (Traitement national) de l’Accord sur les ADPIC , la Chambre doute que le fait que l’article 87(1) CBE limite le droit de priorité aux dépôts antérieurs effectués dans les Etats parties à la Convention de Paris viole cet article de l’Accord sur les ADPIC, parce que cette limitation s’applique à tous les demandeurs d’un brevet européen, quelle que soit leur nationalité, et donc également aux ressortissants des Etats parties à la CBE. L’obligation faite aux demandeurs indiens par leur législation nationale de déposer les demandes de brevet en premier lieu dans leur pays a pu effectivement les désavantager avant que l’Inde n’adhère à la Convention de Paris. Toutefois, un tel désavantage ne découlait pas de la CBE. En outre, l’exigence d’effectuer un premier dépôt en Inde n’aurait sans doute pas empêché un demandeur indien d’effectuer des dépôts ailleurs aux fins d’obtenir une priorité.
7.2 Ni le PCT ni la CBE ne prévoient de délai pour demander à l’OEB de reconnaître une priorité initialement revendiquée que l’administration agissant en qualité d’office récepteur dans la phase internationale au titre du PCT a considérée comme n’ayant pas été présentée (cf. point 2.4 supra). Il se peut donc qu’il existe d’autres demandes en instance devant l’OEB susceptibles d’être concernées par la décision que la Grande Chambre de recours est appelée à rendre sur la question qui lui est soumise, et ce pas uniquement pour les premiers dépôts effectués en Inde. Nombreux sont en effet les Etats qui ont adhéré à l’Accord sur les ADPIC/OMC avant que la Convention de Paris n’entre en vigueur à leur égard (cf. la liste des Etats membres de l’OMC et parties à la Convention de Paris, situation au 15 janvier 2002, publiée dans BIPMZ 2002, pages 181 à 188 et 196). En outre, à ce jour, un certain nombre de membres de l’Accord sur les ADPIC/OMC ne sont toujours pas parties à la Convention de Paris, comme par exemple le Pakistan, Taïwan et la Thaïlande.
8. Si la Chambre estime qu’il y a lieu de saisir la Grande Chambre de recours parce que les questions soulevées aux points 5 et 6 représentent des questions de droit d’importance fondamentale qui ne sont pas encore résolues, elle a décidé néanmoins de définir la question soumise en termes un peu plus larges, afin de laisser à la Grande Chambre de recours la possibilité de traiter les aspects qu’elle souhaite.
9. Après avoir examiné la réponse du requérant à la notification qu’elle lui avait envoyée, la Chambre a également décidé de maintenir le texte de la question tel qu’elle l’avait communiqué au requérant. Ainsi que ce dernier l’a admis, ce libellé est suffisamment général pour couvrir toutes les questions de droit soulevées par le requérant et par la Chambre dans les motifs de la décision. En employant les termes généraux “compte tenu de l’Accord sur les ADPIC”, le texte de la question couvre tous les aspects juridiques pour lesquels cet accord pourrait avoir une incidence sur la réponse de la Grande Chambre, que ce soit en utilisant l’Accord sur les ADPIC comme outil d’interprétation de l’article 87 CBE ou, ainsi que le requérant l’a fait valoir, en tenant compte des éventuelles obligations des Etats parties à la CBE qui sont également membres de l’Accord sur les ADPIC. Ces deux aspects ont été traités de façon détaillée aux points 4 et 5 de la présente décision et auparavant aux points 4 et 5 de la notification de la Chambre au requérant (il semble que la référence faite par le requérant au point 2 de la notification soit erronée, puisque celui-ci porte sur le PCT). De même, en définissant le type de demande dont il est question, à savoir une demande de brevet européen initialement déposée en tant que demande euro-PCT, il est clair que la question couvre également celle de savoir si le PCT et sa relation avec l’Accord sur les ADPIC ont une incidence sur la réponse, pour le cas où la Grande Chambre de recours jugerait nécessaire de traiter cet aspect.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Les affaires J 9/98 et J 10/98 sont jointes.
2. La question suivante est soumise à la Grande Chambre de recours :
Le demandeur d’une demande de brevet européen initialement déposée en tant que demande euro-PCT peut-il, compte tenu de l’Accord sur les ADPIC, revendiquer la priorité d’un premier dépôt antérieur effectué dans un Etat qui n’était partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ni à la date de dépôt de la demande antérieure, ni à la date de dépôt de la demande euro-PCT, mais qui était membre de l’Accord sur les ADPIC/OMC à la date du premier dépôt ?