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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1998:J000796.19980120 | ||||||||
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Date de la décision : | 20 Janvier 1998 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | J 0007/96 | ||||||||
Numéro de la demande : | 91915912.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | G09F 3/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | ETIQUETTES ET LEUR FABRICATION | ||||||||
Nom du demandeur : | Instance, David John | ||||||||
Nom de l’opposant : | Denny Bros Printing Ltd. | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | Lorsqu’une division d’examen décide de délivrer un brevet européen (article 97(2) CBE), cette décision ne prend pas effet le jour où s’achève le processus de prise de décision engagé à l’issue de la procédure écrite devant cette division, mais le jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance (article 97(4) CBE). Dans l’intervalle, la procédure de délivrance reste en instance devant l’OEB, et une requête en suspension de la procédure présentée au titre de la règle 13 CBE peut être déclarée recevable. | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Procédure de délivrance en instance – oui Suspension de la procédure – oui Saisine de la Grande Chambre de recours – non |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet euro-PCT n 91 915 912.9 a été déposée le 30 août 1991 par David John Instance. La décision relative à la délivrance du brevet européen prise conformément à l’article 97(2) CBE a été remise par la division d’examen le 8 septembre 1995 au service du courrier de l’Office européen des brevets, qui l’a envoyée en recommandé le 14 septembre 1995. Dans la décision, il était également indiqué que la mention de la délivrance serait publiée dans le Bulletin européen des brevets 95/43 du 25 octobre 1995.
II. Dans une lettre en date du 3 septembre 1995, parvenue par télécopie à l’OEB le 3 octobre 1995, un tiers, la société Denny Bros Printing Limited, a demandé la suspension de la procédure conformément à la règle 13(1) CBE. En annexe à cette lettre était jointe une copie de l’acte introductif d’instance que ce tiers avait déposé auprès du Comptroller de l’Office des brevets du Royaume Uni aux fins d’obtenir une déclaration selon laquelle l’invention faisant l’objet de la demande de brevet n 91 915 912.9 était la propriété de Denny Bros Printing Limited.
III. Par une notification en date du 13 octobre 1995, la division juridique a informé le mandataire de Denny Bros Printing Limited que la procédure ne pouvait pas être suspendue, parce qu’il avait déjà été décidé de délivrer le brevet et que cette décision avait été envoyée le 14 septembre 1995, avant donc que l’OEB ne reçoive par télécopie la requête en suspension de la procédure. Par télécopie du 16 octobre 1995, la société Denny Bros Printing Limited a demandé qu’une décision susceptible de recours soit rendue avant la publication le 25 octobre 1995 de la mention de la délivrance du brevet, de manière à ce qu’il lui soit possible de former un recours avant la publication de cette mention.
IV. Par décision en date du 30 octobre 1995, la division juridique a rejeté la requête en suspension de la procédure au motif qu’à la date de réception de cette requête, la division d’examen avait déjà décidé, conformément à l’article 97(2) CBE, de délivrer un brevet sur la base de la demande n 91 915 912.9. Dans sa décision, la division juridique a fait valoir que seule une procédure de délivrance encore en instance pouvait être suspendue en application de la règle 13 CBE et que d’après la décision G 12/91 (JO OEB 1994, 285), l’OEB était lié par toute décision prise par une instance de l’OEB au sujet de la délivrance d’un brevet, dès la remise de cette décision au service interne du courrier. Dans la présente affaire, la décision avait été remise au service interne du courrier de l’OEB le 8 septembre 1995. La requête en suspension de la procédure n’avait été reçue par l’OEB que le 3 octobre 1995, or à cette date la procédure de délivrance avait déjà été close et n’était plus en instance.
Dans sa décision, la division juridique a également établi une distinction entre, d’une part, l’existence et le caractère contraignant de la décision relative à la délivrance du brevet et, d’autre part, sa prise d’effet en droit vis-à-vis des tiers. A partir de la date de la prise d’effet en droit vis-à-vis des tiers de la décision relative à la délivrance du brevet, tous les concurrents du titulaire du brevet doivent respecter les droits de celui-ci. L’article 64(1) CBE précise toutefois que la mention de la délivrance du brevet doit d’abord avoir été publiée. C’est pourquoi l’article 97(4) CBE prévoit en parallèle que la décision relative à la délivrance du brevet européen ne prend effet qu’au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance. Jusqu’à ce moment-là, le demandeur continue de jouir d’une protection provisoire conformément à l’article 67 CBE. Il est donc encore possible durant cet intervalle d’accomplir des actes concernant la demande. Il est par exemple couramment admis dans la pratique à l’OEB qu’une demande puisse être retirée ou transférée ; les demandeurs peuvent même, s’ils le souhaitent, retirer des désignations. Toutefois, la division d’examen ne peut annuler ou modifier sa propre décision relative à la délivrance (sauf bien entendu lorsqu’un recours a été formé et que ce recours est recevable (article 106(1) CBE)). Par conséquent, la délivrance du brevet épuise tous les droits à l’obtention d’un brevet qu’un tiers, s’opposant au demandeur, pourrait faire valoir vis-à-vis de l’OEB.
En outre, à supposer qu’un tribunal national ait reconnu à un tiers le droit à l’obtention d’un brevet européen et que ce tiers remette à l’OEB le texte de ce jugement durant la période comprise entre la date de la décision relative à la délivrance et la date de publication de la mention de la délivrance, tous les droits dont ce tiers pourrait se prévaloir au titre de l’article 61(1) CBE en tant que personne véritablement habilitée à obtenir le brevet seraient considérés comme nuls et non avenus parce que la décision relative à la délivrance aurait déjà été prise. La décision de délivrer le brevet au demandeur existant ne pourrait être annulée, et, une fois le brevet délivré, il n’existerait plus de demande pouvant faire l’objet d’une poursuite de la procédure ou d’autres actes de procédure dans les conditions prévues à l’article 61(1)a), b) et c) CBE.
V. Un recours a été formé le 1er novembre 1995, et la taxe correspondante a été simultanément acquittée ; un mémoire exposant les motifs du recours a ensuite été déposé le 29 février 1996. A titre de requête principale, le requérant demandait que la Chambre annule la décision de la division juridique en date du 30 octobre 1995 et que la suspension au titre de la règle 13 CBE de la procédure relative à la demande n 91 915 912.9 soit réputée avoir pris effet à la date de réception de la première requête en suspension de la procédure, le 3 octobre 1995. Le requérant demandait également que soit publiée une note rectificative précisant que la mention de la délivrance, publiée le 25 octobre 1995, était nulle et non avenue et ne produisait aucun effet en droit. Il demandait en outre la tenue d’une procédure orale au cas où la Chambre estimerait dans un premier temps ne pas pouvoir faire droit à la requête en suspension de la procédure.
VI. Par notification en date du 23 décembre 1996, la division d’examen a informé les parties qu’en raison de l’effet suspensif du recours formé par le requérant, la procédure de publication de la décision relative à la délivrance devait être suspendue et que l’indication du 25 octobre 1995 comme date de publication devait être annulée ; cette annulation donnerait lieu à la publication d’une note rectificative dans le Bulletin européen des brevets 97/06 du 5 février 1997 (cf. décision J 28/94, JO OEB 1995, 742).
VII. Par une notification en date du 16 mai 1997, établie conformément à l’article 110(2) CBE, la Chambre a fait savoir aux parties qu’elle avait conclu provisoirement que la requête en suspension de la procédure était conforme aux dispositions de la règle 13(1) CBE et avait été présentée dans les délais prescrits. Le requérant avait bien apporté la preuve qu’il avait le 3 octobre 1995 introduit une procédure à l’encontre du demandeur devant l’Office des brevets du Royaume Uni en vue d’obtenir que ce dernier déclare que l’invention faisant l’objet de la demande en litige était la propriété du requérant. Il était par conséquent probable qu’il serait fait droit au recours et à la requête en suspension. Selon cet avis préliminaire émis par la Chambre, la délivrance d’un brevet ne prend effet ni le jour où la division d’examen décide de délivrer un brevet, ni le jour où le demandeur est informé que l’OEB a l’intention de délivrer un brevet, mais le jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance (article 97(4) CBE).
La Chambre indiquait également dans son avis qu’elle envisageait, si elle devait prendre la décision de suspendre la procédure, de faire usage du pouvoir que lui reconnaît la règle 13(3) CBE pour fixer la date à laquelle l’OEB pourrait reprendre la procédure. A cet effet, les parties étaient invitées à fournir à la Chambre toutes les informations dont elles disposaient au sujet de l’état d’avancement de la procédure engagée au Royaume-Uni.
VIII. Les arguments avancés par le requérant dans le mémoire exposant les motifs de son recours ainsi que lors de la procédure orale sont essentiellement les suivants :
Le rejet de la requête en suspension tenait à une mauvaise interprétation de la CBE et de son règlement d’exécution. Pour le requérant, l’OEB ne jouissait d’aucun pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la suspension de la procédure relative à une demande ; la règle 13 CBE dispose en effet que “… l’Office européen des brevets suspend la procédure de délivrance …” si les preuves nécessaires sont fournies. De plus, comme l’expression “procédure de délivrance” n’est définie nulle part dans la CBE, il convient de retenir la définition courante, qui couvre la période allant du jour où la décision relative à la délivrance est émise au jour de prise d’effet en droit de cette décision ; la procédure de délivrance reste donc en instance jusqu’à cette dernière date. Si cette expression était interprétée différemment, il y aurait des incohérences à l’intérieur de la CBE, puisqu’il est expressément stipulé à l’article 97(4) CBE que la décision relative à la délivrance du brevet européen ne prend effet qu’au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance. En outre, une telle interprétation ne permettrait pas d’établir un équilibre équitable entre les droits du demandeur et ceux des tiers se présentant comme les véritables détenteurs du droit au brevet. Il est expressément stipulé à la règle 14 CBE que ni la demande de brevet, ni la désignation de tout Etat contractant ne peuvent être retirées aussi longtemps que la procédure de délivrance est suspendue conformément à la règle 13 CBE ; l’OEB (et le demandeur) reconnaissent toutefois qu’entre le jour où il est décidé de délivrer un brevet et le jour où cette décision prend effet, le demandeur a le droit de retirer la demande ou des désignations d’Etats contractants. Les règles 13 et 14 CBE visent à maintenir le statu quo pour éviter toute insécurité juridique, dans l’intérêt du public, en attendant que soit tranchée la question de savoir à qui appartient le droit au brevet.
En outre, étant donné qu’il est question de la suspension aussi bien à l’article 106(1) CBE, qui traite des décisions susceptibles de recours, qu’à la règle 13 CBE, il n’y a aucune raison de penser que ces deux dispositions produisent des effets différents (cf. également la décision J 28/94 citée supra).
Le requérant a également fait valoir que la décision G 12/91 (JO OEB 1994, 285, voir point IV supra), de même que les autres décisions de la Grande Chambre de recours auxquelles le demandeur avait également fait référence (G 1/90 (JO OEB 1991, 275), G 4/91 (JO OEB 1993, 339) et G 3/92 (JO OEB 1994, 607), voir point IX ci-après) portaient sur le point de savoir au-delà de quelle date les moyens présentés par les parties à la procédure devant l’OEB ne peuvent plus être pris en considération. A part la règle 78(3), la CBE ne contient aucune disposition indiquant de façon précise la date à laquelle la décision rendue à l’issue d’une procédure d’opposition ou d’une procédure de recours prend effet en droit. Dans le cas des décisions relatives à la délivrance, en revanche, la date à laquelle elles prennent effet est explicitement indiquée à l’article 97(4) CBE. Pour le requérant, il n’y avait donc pas lieu de suivre la décision G 12/91, qui concernait le processus de prise de décision dans le cadre de la procédure d’opposition, puisqu’il s’agissait dans la présente affaire d’une procédure de délivrance, seul cas pour lequel la CBE comporte des dispositions expresses régissant la date de prise d’effet en droit de la décision de délivrance. De plus, il était à noter que, dans la décision G 12/91, il n’était mentionné nulle part que la décision était passée en force de chose jugée ; ce point était important dans la mesure où toute décision rendue par une division d’opposition peut faire l’objet d’un recours, lequel a un effet suspensif. En tout état de cause, l’application de la règle 13 CBE ne fait que suspendre la prise d’effet en droit de la décision ; elle ne signifiait pas que la décision devait obligatoirement être modifiée, ni qu’il fallait réouvrir la procédure d’examen. La décision de délivrer un brevet est une décision visant uniquement à délivrer un brevet sur la base d’une demande, et non pas à délivrer un brevet à un demandeur en particulier, ni à délivrer un brevet produisant des effets en droit à une date donnée. L’indication dans une décision du nom du titulaire du brevet et de la date de publication de la mention de la délivrance n’est qu’une question de forme, d’une importance accessoire pour la décision. Si ce n’était pas le cas, il ne serait pas possible d’effectuer l’inscription du transfert de la demande de brevet à une autre partie après que la décision relative à la délivrance a été prononcée, or il s’agit là d’une pratique bien établie.
Par ailleurs, dans la décision G 12/91 citée supra, il avait été considéré que la date déterminante était celle à laquelle la décision cesse de relever de la compétence de l’instance qui l’a rendue. Dans le cas d’une requête en suspension de la procédure, la seule instance compétente était la division juridique, et non pas la division d’examen qui prend la décision de délivrer le brevet. La requête en suspension entraîne l’ouverture d’une nouvelle procédure, mais pas la réouverture de la procédure d’examen. Ne serait-ce que pour cette raison, il n’y avait pas lieu dans la présente espèce de suivre la décision G 12/91.
Dans la décision G 4/91 évoquée plus haut, il s’agissait de l’intervention au titre de l’article 105 CBE d’un contrefacteur présumé dans le cadre d’une procédure d’opposition. La Grande Chambre de recours avait conclu qu’une telle intervention suppose qu’une procédure d’opposition soit en instance au moment où la déclaration d’intervention est produite, et que la procédure devant la division d’opposition est close lorsque celle-ci rend sa décision, quelle que soit la date à laquelle celle-ci devient définitive, passé le délai de recours de deux mois. Le requérant a estimé que cette décision ne pouvait pas non plus être suivie dans la présente espèce. La question n’était pas de savoir si le contrefacteur présumé avait des droits sur le brevet, mais s’il pouvait former un recours contre une décision de la division d’opposition qui n’avait été attaquée ni par le titulaire du brevet, ni par le ou les opposants. Là encore, il convenait de bien faire la distinction entre la procédure d’opposition (pour laquelle il n’existait pas de dispositions analogues à celles de l’article 97(4) CBE) et la procédure de délivrance.
Du point de vue du requérant, l’article 61(1) CBE n’était pas en contradiction avec le principe du caractère contraignant de la décision relative à la délivrance, laquelle ne concerne pas un demandeur en particulier, si bien que normalement un changement de demandeur n’est enregistré qu’une fois qu’il a été pris la décision de délivrer un brevet. L’OEB avait pour mission de faire en sorte qu’il soit délivré des brevets valables, et si l’on admettait qu’il est possible de suspendre la procédure même une fois qu’il a été pris la décision de délivrer un brevet conformément à l’article 97(2) CBE, l’on pourrait par là même résoudre les litiges portant sur le droit au brevet et délivrer un brevet valable conformément à l’article 61(1) CBE. Il ne serait ainsi pas nécessaire d’annuler la première décision relative à la délivrance pour pouvoir inscrire un tiers comme étant la personne qui a le droit de déposer la demande de brevet et, le cas échéant, d’obtenir le brevet. De plus, si l’on applique l’article 61 CBE en admettant qu’une demande reste en instance jusqu’à la publication de la mention de la délivrance du brevet, le tiers en question se voit en mesure de poursuivre aux lieu et place du demandeur la procédure relative à la demande, en prenant cette demande à son compte (article 61(1)a) CBE) ; il n’existe non plus aucune raison valable de l’empêcher de déposer une nouvelle demande de brevet européen (article 61(1)b) CBE), et s’il est déposé une requête en rejet de la demande (article 61(1)c) CBE), la demande peut être considérée comme retirée (dans la décision de rejet de la requête en suspension de la procédure, il avait été admis qu’une demande de brevet pouvait être retirée même après que l’OEB a décidé de délivrer un brevet).
Enfin, pour répondre à la Chambre qui avait annoncé qu’elle envisageait, en usant du pouvoir d’appréciation que lui reconnaît la règle 13(3) CBE, de fixer la date de la reprise de la procédure devant l’OEB, le requérant a déclaré qu’il jugeait préférable que la Chambre ne fixe pas encore de date à ce stade parce que l’on ne savait pas encore exactement combien de temps durerait la procédure au Royaume-Uni. La décision au Royaume-Uni n’interviendrait probablement pas avant la fin de l’année 1998, et la procédure ne devait donc pas être reprise tant que la question du droit au brevet n’aurait pas été tranchée.
IX. Le demandeur (intimé) a répondu par deux lettres distinctes à la notification de la Chambre en date du 22 septembre 1997. Dans la première, il demandait à la Chambre, dans l’hypothèse où elle déciderait de suspendre la procédure, de fixer une date pour sa reprise, quel que soit l’état d’avancement de la procédure au Royaume-Uni. Compte tenu des appels qui pourraient être formés, cette procédure pouvait durer deux ans. Dans l’intervalle, la situation demeurerait incertaine, ce qui nuirait aux intérêts du demandeur car il n’aurait aucun moyen de lutter contre les contrefaçons de son invention.
Dans sa deuxième lettre, le demandeur a demandé à la Chambre de rejeter le recours et d’autoriser la reprise de la procédure de délivrance pour la demande en litige. Il a également demandé une procédure orale. Pour étayer cette requête, il a produit un nouveau mémoire le 16 janvier 1998. Les principaux arguments développés par le demandeur dans ces différentes communications écrites ainsi que lors de la procédure orale qui a eu lieu par la suite étaient les suivants :
Le dépôt d’une requête en suspension de la procédure conformément à la règle 13(1) CBE supposait qu’une procédure de délivrance susceptible d’être suspendue soit effectivement en instance devant l’OEB. Il n’existait pas de décision des chambres de recours à ce sujet. Dans l’affaire T 146/82, la procédure avait été suspendue alors que la division d’examen n’avait pas encore décidé de délivrer un brevet, et il était clair que la procédure de délivrance était encore en instance. Dans la présente espèce, en revanche, lorsque la requête en suspension de la procédure avait été présentée, la division d’examen avait déjà pris la décision de délivrer le brevet. Selon le demandeur, l’élément décisif à prendre en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si une procédure de délivrance est encore en instance et peut de ce fait être suspendue comme le prévoit la règle 13(1), c’est la date à laquelle la décision de délivrer le brevet prise conformément à l’article 97(2) CBE devient définitive. Pour le demandeur, cette interprétation permet de respecter la finalité de la règle 13(1) et de l’article 61(1) CBE. Elle permet également de préserver les droits du demandeur une fois que la division d’examen a pris sa décision. Enfin, elle est étayée par la jurisprudence des chambres de recours.
La règle 13(1) CBE a pour finalité de permettre à un tiers d’obtenir la suspension de la procédure de délivrance afin d’empêcher soit la délivrance d’un brevet, soit le rejet ou le retrait de la demande, de manière à ce que si une décision passée en force de chose jugée reconnaît en dernier ressort à une personne le droit à l’obtention d’un brevet, cette personne puisse accomplir l’un quelconque des trois actes prévus à l’article 61(1)a), b) et c) CBE, ce qui n’est possible que si la décision de délivrer le brevet européen n’a pas encore pris effet. La suspension de la procédure ne présente aucun intérêt si les actes prévus à l’article 61(1) CBE ne peuvent être accomplis. Le demandeur en a donc déduit que la clôture de la procédure de délivrance intervenait non pas le jour de la publication de la mention de la délivrance (article 97(4) CBE), mais plus tôt, à savoir le jour où il est pris la décision définitive de délivrer le brevet conformément à l’article 97(2) CBE. C’est à cette date antérieure que sont irrévocablement constatés les droits du demandeur en ce qui concerne les relations de demandeur qu’il entretient avec l’OEB. Ces droits ne peuvent lui être repris ni être transférés à un tiers par le jeu de l’article 61(1) CBE ou de la règle 13(1) CBE. Pour étayer son argumentation, le demandeur a fait valoir qu’une telle interprétation permettrait d’assurer un juste équilibre entre les droits du demandeur et ceux d’un tiers. A partir du moment où la division d’examen a décidé de délivrer un brevet, le demandeur a droit à ce que ce brevet soit délivré à son nom. Il a également la possibilité, dans le laps de temps qui s’écoule entre le jour de la décision relative à la délivrance et le jour de la publication de la mention de cette délivrance, de retirer sa demande ou de transférer ses droits à un tiers. A cet égard, le demandeur n’a pas contesté que la demande était encore en instance devant l’OEB durant ce laps de temps, mais il a estimé que cet aspect était sans importance dans la mesure où la règle 13(1) CBE concernait uniquement la suspension de la “procédure de délivrance”, laquelle est close selon lui dès que la décision relative à la délivrance a été prise. Admettre qu’il est possible, jusqu’au jour de la publication de la mention de la délivrance, d’obtenir la suspension de la procédure conduirait à allonger sans nécessité, au détriment du demandeur, le laps de temps nécessaire pour protéger les droits d’un tiers qui n’ont pu encore être reconnus.
Le demandeur a également affirmé que son interprétation de l’expression “procédure de délivrance” était en accord avec un certain nombre de décisions de la Grande Chambre de recours et de la chambre de recours juridique. Il ressort clairement des décisions G 1/90 et G 4/91, mentionnées plus haut, considérées en liaison avec d’autres décisions, notamment les décisions G 12/91 et G 3/92, également mentionnées plus haut, que la “procédure de délivrance”, au sens où l’entend la règle 13(1) CBE, se trouve close et ne peut donc désormais plus être suspendue, dès lors qu’a été prise la décision de délivrer le brevet conformément à l’article 97(2) CBE. Dans la décision G 1/90, il est indiqué très clairement (cf. point 5 des motifs) que la décision relative à la délivrance au sens de l’article 97(2) CBE clôture la procédure de délivrance. Dans la décision G 4/91, la Grande Chambre a déclaré (point 7 des motifs) que la décision de la division d’opposition entraîne la clôture de la procédure d’opposition, quelle que soit la date à laquelle la décision de la division d’opposition est passée en force de chose jugée, si bien qu’un contrefacteur présumé ne peut plus intervenir dans la procédure d’opposition puisque cette procédure est terminée. Par analogie, la décision relative à la délivrance doit entraîner la clôture de la procédure de délivrance. Par ailleurs, le demandeur a fait observer que, dans la décision G 3/92 (point 5.3 des motifs), la Grande Chambre de recours avait déclaré que la mise en oeuvre de la procédure prévue à l’article 61(1) CBE en application des règles 13 à 15 CBE n’était possible que durant la phase qui précède le prononcé de la décision relative à la délivrance”, jusques et y compris la date du prononcé de cette décision, et que, eu égard à la jurisprudence établie par la décision G 12/91, elle ne pouvait plus être mise en oeuvre une fois que la décision relative à la délivrance était devenue définitive. Dans les décisions J 11/91 et J 16/91 (JO OEB 1994, 28), la chambre de recours juridique avait examiné la signification des articles 97(2) et 97(4) CBE et les liens existant entre ces deux articles, et avait déclaré notamment : “la Chambre considère que c’est la date de la décision de délivrer le brevet conformément à l’article 97(2) CBE qui constitue la date décisive dans les relations entre l’OEB et le demandeur” (points 2.4 et 2.6 des motifs).
Le demandeur a également fait valoir que l’effet suspensif du recours au sens de l’article 106(1) CBE ne permettait pas pour autant aux divisions d’examen et aux divisions d’opposition d’annuler rétroactivement la décision relative à la délivrance (cf. point VI supra).
En conclusion, au cours de la procédure orale, le demandeur a demandé que le recours soit rejeté ; à titre subsidiaire, il a demandé que la question suivante soit soumise à la Grande Chambre de recours :
La procédure de délivrance devant une division d’examen est-elle close dès le prononcé de la décision de délivrer un brevet européen, quelle que soit la date à laquelle cette décision prend effet ?
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Suspension de la procédure
2.1 La règle 13(1) CBE stipule que si un tiers apporte à l’Office européen des brevets la preuve qu’il a introduit une procédure contre le demandeur à l’effet d’établir que le droit à l’obtention du brevet européen lui appartient, l’Office suspend la procédure de délivrance, à moins que ce tiers ne consente à la poursuite de cette procédure. Dans la présente espèce, ayant demandé la suspension de la procédure de délivrance, le tiers, en l’occurrence le requérant, ne consentait pas à la poursuite de la procédure. D’après la jurisprudence des chambres de recours, si un tiers apporte à l’Office européen des brevets la preuve convaincante qu’il a introduit la procédure voulue devant une juridiction nationale, la suspension doit être décidée (T 146/82, JO OEB 1985, 267). Pour la Chambre, il va sans dire qu’une requête en suspension de la procédure ne peut être prise en considération que si une procédure est effectivement en instance devant l’OEB.
2.2 La règle 13 CBE doit être replacée dans le contexte de la Convention sur le brevet européen considérée dans son ensemble et, notamment, de l’article 61 et de la règle 14 CBE. Ces dispositions font partie intégrante d’un système juridique que la CBE a mis en place afin de permettre de déterminer à qui appartient le droit à une demande de brevet européen en cas de contestation, et de tirer les conséquences qui s’imposent une fois que le titulaire de ce droit a été déterminé. Il ressort clairement des Travaux préparatoires à la CBE qu’à l’époque il avait été jugé important de prévoir un système dans lequel un litige portant sur le droit au brevet pourrait être tranché par une décision passée en force de chose jugée prise par un tribunal national, la décision rendue par ce tribunal étant ensuite mise à exécution de manière centralisée par l’OEB, avec effet dans tous les Etats contractants désignés (voir document IV/2498/1/61-D, pp. 17s). Le texte des dispositions susmentionnées de la CBE doit être interprété dans ce contexte, compte tenu de l’objet et de la finalité assignés à ce système (voir décision G 3/92 citée supra, au point 1 de ses motifs).
2.3 L’article 61(1) CBE régit les droits dont dispose en matière de procédure un tiers auquel un tribunal national a, par une décision passée en force de chose jugée, reconnu le droit au brevet européen, aux lieu et place du demandeur, et prévoit que ce tiers pourra accomplir certains actes prescrits en ce qui concerne une demande de brevet, “à condition que le brevet européen n’ait pas encore été délivré”. Ce tiers peut a) poursuivre, aux lieu et place du demandeur, la procédure relative à la demande, en prenant cette demande à son compte ; b) déposer une nouvelle demande de brevet européen pour la même invention, ou c) demander le rejet de la demande. Si la règle 13 CBE prévoit que la procédure peut être suspendue pendant la période durant laquelle un tiers cherche à faire établir par jugement que le droit à l’obtention du brevet lui appartient, c’est pour préserver les droits de ce tiers pendant toute la durée de la procédure relative à la reconnaissance du droit au brevet. La règle 14 CBE vise elle aussi à préserver ces droits en disposant qu’à compter du jour où un tiers apporte la preuve à l’Office européen des brevets qu’il a introduit une procédure portant sur le droit à l’obtention du brevet, et jusqu’au jour où l’Office européen des brevets reprend la procédure de délivrance, ni la demande de brevet européen ni la désignation de tout Etat contractant ne peuvent être retirées.
2.4 Les règles 13 et 14 CBE précisent les conditions d’application de l’article 61 CBE. Elles présupposent que la demande initiale (déposée par le demandeur non habilité) est encore en instance lorsque le tiers qui revendique le droit au brevet introduit une procédure devant un tribunal national d’un Etat contractant afin de faire établir que ce droit lui appartient effectivement. C’est dans ce cas précis qu’elles trouvent application.
3. Dans la présente espèce, le requérant, tiers au sens de la règle 13(1) CBE, a apporté la preuve qu’il avait le 3 octobre 1995 engagé devant l’Office des brevets du Royaume-Uni une procédure à l’encontre du demandeur, en vue de faire établir que l’invention faisant l’objet de la demande n 91 915 912.9 lui appartenait. Ce point n’est pas contesté, et la procédure au niveau national suit son cours. Lorsque la requête en suspension de la procédure de délivrance est parvenue à l’OEB, le 3 octobre 1995, la division d’examen avait déjà décidé de délivrer un brevet européen au demandeur conformément à l’article 97(2) CBE ; cette décision n’avait toutefois pas encore pris effet, car la mention de la délivrance n’avait pas encore été publiée au Bulletin européen des brevets ainsi que le prévoit l’article 97(4) CBE. Par conséquent, lorsque la requête en suspension a été présentée, la demande de brevet était encore en instance devant l’OEB, ce que le demandeur reconnaît d’ailleurs lui-même.
4.1 Dans sa décision, la première instance avait fait valoir que la procédure de délivrance ne peut être suspendue que si elle est encore en instance devant l’OEB. Toutefois, selon elle, la procédure de délivrance est close et l’OEB est lié par la décision de délivrer un brevet européen prise conformément à l’article 97(2) CBE lorsque ladite décision est définitive. La décision ne peut alors plus être modifiée, ce qui signifie que les demandes provenant d’un tiers ne peuvent plus être prises en considération, et que la procédure ne peut plus être suspendue. S’appuyant sur la décision G 12/91 citée supra qu’avait rendue la Grande Chambre de recours, la première instance avait fait valoir que le processus de prise de décision en procédure écrite se termine à la date à laquelle la section des formalités de la division ayant pris la décision de délivrance remet la décision au service interne du courrier de l’OEB, en vue de sa signification au demandeur. Dans la présente espèce, la décision a été remise au service interne du courrier de l’OEB le 8 septembre 1995, c’est-à-dire avant le dépôt de la requête en suspension de la procédure.
4.2 La première instance avait également fait valoir que puisque la décision relative à la délivrance prise conformément à l’article 97(2) CBE ne pouvait être ni annulée, ni modifiée, il n’existait plus de droit au brevet susceptible d’être revendiqué par un tiers devant l’OEB, ni de demande susceptible de donner lieu à l’application des dispositions de l’article 61(1)a), b) ou c), même si le tiers devait se voir reconnaître le droit au brevet européen par une décision d’un tribunal national passée en force de chose jugée.
5.1 Le demandeur a argumenté dans le même sens, mais a établi une distinction entre la période pendant laquelle une demande est encore en instance et la période pendant laquelle c’est la procédure de délivrance qui est encore en instance. Le demandeur ne conteste pas que la demande reste en instance devant l’OEB jusqu’au jour où la mention de la délivrance est publiée conformément à l’article 97(4) CBE, mais il affirme que la règle 13(1) CBE exige que la “procédure de délivrance” soit encore en instance devant la division d’examen lorsqu’il est présenté une requête en suspension de la procédure en vertu de cette règle. A son avis, dès lors que la division d’examen a décidé de délivrer un brevet européen et que le texte de cette décision a été remis au service du courrier de l’OEB (cf. G 12/91 supra), la procédure de délivrance est close, et comme il n’y a plus de “procédure de délivrance” en instance, il ne peut plus y avoir suspension de cette procédure en vertu de la règle 13(1) CBE.
5.2 Pour étayer son argumentation, le demandeur a cité un certain nombre de décisions de la Grande Chambre de recours (cf. point IX supra).
5.3 Il a également allégué que l’expression “procédure de délivrance”, dans la règle 13(1) CBE, devrait être interprétée comme visant le cas dans lequel un tiers s’est vu reconnaître le droit à l’obtention d’un brevet européen et peut de ce fait accomplir l’un quelconque des trois actes de procédure spécifiés à l’article 61(1) CBE. Une fois que la décision de délivrance visée à l’article 97(2) CBE est devenue définitive, ce tiers ne pourrait faire valoir aucun des droits prévus à l’article 61 CBE.
6.1 Or, à la différence de la première instance et du demandeur, la Chambre ne considère pas que la procédure de délivrance est close dès que la division d’examen prend la décision de délivrer le brevet conformément à l’article 97(2) CBE. Il est exact que cette date est celle à laquelle prend fin, à l’intérieur de la division d’examen, le processus de prise de décision concernant la demande ; l’OEB et le demandeur sont liés par la décision prise au sujet du texte dans lequel doit être délivré le brevet (revendications, descriptions et dessins), et l’objet de la demande correspondant à ce texte prend valeur définitive à cette date. Passé cette date, l’OEB ne peut plus modifier sa décision et doit refuser de prendre en considération tout nouvel élément introduit par les parties (cf. décisions G 12/91 ainsi que J 11 et J 16/91 citées supra, points 2.5 et 2.6 des motifs). Aux termes de la règle 89 CBE, seules peuvent être alors rectifiées les fautes d’expression, de transcription et les erreurs manifestes. Il est donc clair que pour l’OEB et le demandeur, la date déterminante est celle à laquelle est prise la décision de délivrer le brevet européen. Toutefois, il ressort clairement du libellé de l’article 60(3) CBE que la décision relative à délivrance ne règle pas la question de savoir qui est le titulaire du brevet, car elle précise que “dans la procédure devant l’Office européen des brevets, le demandeur est réputé habilité à exercer le droit au brevet européen” ; par conséquent, on peut simplement présumer que le demandeur est habilité, mais cette présomption peut être révoquée en application des dispositions de l’article 61 CBE et de la règle 13 CBE. De même, il ressort clairement de l’article 64(1) CBE que la décision relative à la délivrance au sens de l’article 97(2) CBE ne confère aucun droit au titulaire dans les Etats contractants désignés tant que la mention de la délivrance du brevet n’a pas été publiée.
6.2 En application des dispositions de l’article 97(4) CBE, la décision relative à la délivrance du brevet européen visée à l’article 97(2) CBE ne prend effet qu’au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance. Cette mention est publiée au plus tôt trois mois à compter du point de départ du délai auquel se réfère l’article 97(2)b) CBE pour le paiement des taxes de délivrance du brevet et d’impression du fascicule de brevet. C’est à compter de cette date que, aux termes de l’article 64(1) CBE, le brevet européen confère à son titulaire dans chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet Etat (cf. Singer, Europäisches Patentübereinkommen, 1989, article 97.14 CBE). L’OEB publie simultanément la mention de la délivrance du brevet européen et le fascicule de brevet contenant la description, les revendications et, le cas échéant, les dessins. La date de la publication de la mention de la délivrance du brevet est donc également celle à laquelle le texte du brevet est rendu accessible au public (article 98 CBE), et aussi celle à laquelle le brevet cesse de relever de la responsabilité de l’OEB pour être régi désormais par les systèmes nationaux de brevet, le brevet délivré se transformant alors en un faisceau de brevets nationaux. Elle marque également le point de départ du délai pendant lequel l’opposition peut être formée (article 99(1) CBE). Par conséquent, la date de la publication de la mention de la délivrance du brevet est la date à laquelle la délivrance du brevet prend juridiquement effet vis-à-vis des tiers, et à laquelle l’étendue de la protection conférée au demandeur est fixée une fois pour toutes grâce à la publication simultanée du fascicule de brevet, conformément à l’article 98 CBE.
6.3 Durant la période qui va de la prise de la décision relative à la délivrance du brevet (article 97(2) CBE) à la publication de la mention de la délivrance (article 97(4) CBE), la demande est réputée être encore en instance devant l’OEB. La première instance a elle-même reconnu dans sa décision que d’après la pratique qui s’est instaurée à l’OEB, durant cette période intermédiaire, certaines mesures d’une portée limitée peuvent encore être prises en ce qui concerne la demande, qui peut, par exemple, être retirée ou transférée ; ce point n’est pas contesté non plus par le demandeur. Le demandeur peut même retirer une ou plusieurs désignations s’il le désire. Pendant cette période, l’OEB reste pour sa part titulaire de certains droits et de certaines obligations pour ce qui est du brevet : par exemple, il peut exiger le paiement de taxes annuelles, et les transferts de droits relatifs au brevet doivent être inscrits par l’OEB dans le Registre européen des brevets.
6.4 De l’avis de la Chambre, le demandeur, qui a cité un certain nombre de décisions de la Grande Chambre de recours pour étayer son interprétation de l’expression “procédure de délivrance”, s’est mépris sur le sens de ces décisions. Dans aucune des affaires citées, il n’était question, comme dans la présente espèce, de la distinction à établir entre les effets en droit de l’article 97(2) CBE et ceux de l’article 97(4) CBE. La décision G 1/90 portait sur le point de savoir si la révocation d’un brevet en application de l’article 102(4) et (5) CBE devait être prononcée par voie de décision. Dans cette décision, la clôture de la procédure de délivrance conformément à l’article 97(2) CBE est citée comme étant un des cas dans lesquels la division d’examen rend une décision à ce stade de la procédure (point 5 des motifs). Rien dans cette décision ne permet de tirer des conclusions pouvant s’appliquer à l’affaire ici en cause. Dans les décisions G 4/91 et G 12/91, il s’agissait de savoir à partir de quel stade de la procédure la division d’examen ou la division d’opposition n’ont plus le droit de modifier une décision ni de prendre en considération les nouveaux arguments avancés par les parties à propos du texte de la demande ou du texte du brevet. Comme cela a déjà été indiqué, il est de jurisprudence constante qu’une fois que la décision relative à la délivrance a été prise par la division d’examen, l’OEB et le demandeur sont liés par cette décision (cf. point 6 supra). Dans la décision G 4/91, la Grande Chambre de recours a considéré que, pour ce qui était du règlement des questions de fond, la procédure d’opposition était définitivement close dès lors qu’une décision était rendue, si un recours n’avait pas été formé dans les délais prescrits. Dans cette affaire, il s’agissait d’un contrefacteur présumé qui souhaitait intervenir dans la procédure d’opposition alors qu’une décision avait déjà été rendue, mais n’était pas encore passée en force de chose jugée parce que le délai à respecter pour la formation du recours n’était pas encore venu à expiration. Le demandeur prétend pouvoir en conclure que la procédure de délivrance se voit nécessairement close le jour où la division d’examen décide de délivrer un brevet. Toutefois, la situation juridique en ce qui concerne la prise d’effet d’une décision est très différente selon qu’il s’agit d’une procédure de délivrance ou d’une procédure d’opposition. A l’article 97(4) CBE, il est en effet expressément disposé que la décision relative à la délivrance du brevet européen ne prend effet qu’au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance. Qui plus est, il ressort tout à fait clairement des Travaux préparatoires de la CBE que tel était bien le but des dispositions de l’article 97(4) CBE : “Suivant leur nouvelle rédaction, la division d’examen prend la décision de délivrer le brevet, mais cette décision ne prend effet qu’au jour de la publication au Bulletin européen de la mention relative à cette délivrance” (document BR/177 f/72, page 13). Il n’existe pas de dispositions équivalentes pour la procédure d’opposition, et la décision G 4/91 ne permet pas de confirmer le bien-fondé de la thèse défendue par le demandeur. De même, la Chambre considère que le passage de la décision G 3/92 cité par le demandeur (cf. point 5.3 des motifs) ne va pas dans le sens de la thèse défendue par le demandeur ; dans cette affaire en effet, le problème soumis à la Grande Chambre de recours était totalement différent ; rien non plus dans les passages des décisions J 11/91 et J 16/91 cités par le demandeur (points 2.4 et 2.6 des motifs) ne peut étayer sa thèse.
7. La définition de l’expression “procédure de délivrance” sur laquelle le demandeur appuie son argumentation ne se fonde sur aucune disposition de la Convention sur le brevet européen. Le sens de cette expression est défini et décrit en détail de manière bien différente dans les articles 90 à 98 inclus figurant dans la partie IV de la Convention, intitulée “Procédure jusqu’à la délivrance”. Il ressort clairement de ces dispositions de la CBE que la procédure jusqu’à la délivrance englobe la procédure prévue à l’article 98 CBE, lequel est libellé ainsi :
“L’Office européen des brevets publie simultanément la mention de la délivrance du brevet européen et le fascicule du brevet européen contenant la description, les revendications et, le cas échéant, les dessins”.
8. Aux termes de la règle 14 CBE, “à compter du jour où un tiers apporte la preuve à l’Office européen des brevets qu’il a introduit une procédure portant sur le droit à l’obtention du brevet, et jusqu’au jour où l’Office européen des brevets reprend la procédure de délivrance, ni la demande de brevet européen ni la désignation de tout Etat contractant ne peuvent être retirées”. Le but de cette disposition est de protéger le tiers qui a demandé la suspension de la procédure au titre de la règle 13(1) CBE, en empêchant le demandeur initial de porter atteinte aux droits de ce tiers. Dans la présente espèce, le demandeur ne conteste pas qu’entre le jour où la division d’examen prend la décision de délivrer un brevet européen et celui où la mention de cette délivrance est publiée, le demandeur peut retirer sa demande, ni qu’un tiers auquel des droits ont été cédés par contrat a le droit d’obtenir que ce transfert soit inscrit au Registre européen des brevets. Compte tenu de l’objectif poursuivi par la règle 14 CBE, il serait tout à fait inéquitable que, durant cette période intermédiaire, un demandeur puisse retirer sa demande, mais qu’un tiers au sens de la règle 13(1) CBE ne puisse obtenir la suspension de la procédure ni prouver que le droit au brevet lui appartient. En outre, toute autre interprétation serait en contradiction avec l’objet assigné à l’article 61 CBE et à la règle 13 CBE et avec la finalité de ces dispositions, qui visent à établir une procédure centralisée pour le règlement des litiges portant sur le droit au brevet pendant la période au cours de laquelle l’OEB est responsable du traitement de la demande (cf. point 2.2 supra). Ce système perdrait toute logique si, pendant la période intermédiaire allant du jour où est prise la décision de délivrer le brevet au jour de la publication de la mention de cette délivrance, il apparaissait un vide juridictionnel du fait que ni l’OEB, ni les systèmes de brevet nationaux ne seraient responsables de la demande.
9. Etant donné la relation existant entre la règle 13 CBE et l’article 61 CBE, la Chambre ne peut admettre que la décision relative à la délivrance au sens de l’article 97(2) CBE ne pouvant être ni annulée, ni modifiée, il n’existait plus de droit à l’obtention d’un brevet susceptible d’être invoqué devant l’OEB par un tiers auquel ce droit aurait été reconnu, ni de demande pouvant donner lieu à l’application des dispositions de l’article 61 CBE. Une fois que la décision de délivrer le brevet a été prise conformément à l’article 97(2) CBE, la demande est encore en instance devant l’OEB, car les actes clôturant la procédure de délivrance (article 97(4) CBE et article 98 CBE)) n’ont pas encore été accomplis. Le tiers est donc libre d’user au moins de l’une des possibilités prévues à l’article 61(1) CBE, à savoir “poursuivre, aux lieux et place du demandeur, la procédure relative à la demande, en prenant cette demande à son compte” (article 61(1)a) CBE) (cf. point 5.8 des motifs de la décision G 3/92). Il ressort clairement du texte dans les trois langues de l’article 61 CBE que ces possibilités représentent un choix, l’énoncé de la dernière étant précédé par le mot “ou”, “or” ou “oder”. Il n’est pas nécessaire que le tiers soit en mesure d’user à la fois de toutes ces possibilités. La Chambre n’a donc pas à examiner si ce tiers pourrait également user des autres possibilités, à savoir déposer une nouvelle demande de brevet européen pour la même invention (article 61(1)b) CBE) et demander le rejet de la demande (article 61(1)c) CBE).
10. En conclusion, la Chambre estime que la décision prise par la division d’examen de délivrer un brevet européen (article 97(2) CBE) ne prend pas effet le jour où se termine le processus de prise de décision en procédure écrite, mais le jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance (article 97(4) CBE). Il s’ensuit que, dans la présente espèce, lorsque la requête en suspension de la procédure a été présentée à l’OEB, la procédure de délivrance était encore en instance devant l’OEB et le brevet européen n’avait pas encore été délivré.
11. La requête en suspension de la procédure de délivrance est par conséquent conforme aux dispositions de la règle 13(1) CBE, et elle a été déposée dans les délais. Le requérant a apporté la preuve que le 3 octobre 1995, il avait introduit à l’encontre du demandeur une procédure devant l’Office des brevets du Royaume Uni à l’effet de faire établir qu’il était propriétaire de l’invention faisant l’objet de la demande n 91 915 912.9. Il convient donc de faire droit au recours.
12. La Chambre a décidé de ne pas exercer le pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu par la règle 13(3) CBE pour la fixation de la date à laquelle l’OEB pourrait reprendre la procédure en instance devant lui, car actuellement l’on ne sait pas encore avec certitude quand pourrait prendre fin la procédure engagée au Royaume-Uni pour le règlement du litige relatif au droit au brevet.
13. En réponse au demandeur, qui avait laissé entendre que la division d’examen avait outrepassé ses droits lorsqu’elle avait annulé rétroactivement la publication de la mention de la délivrance effectuée le 25 octobre 1995 (cf. supra, points VI et IX), la Chambre tient également à faire observer que dans la décision J 28/94, mentionnée supra, elle avait déjà constaté que l’effet suspensif du recours prive la décision entreprise d’effets juridiques jusqu’à l’issue du recours, car s’il n’en était pas ainsi, le recours serait dénué de tout objet. Ainsi, dès lors qu’une décision refusant de suspendre la publication de la mention de délivrance d’un brevet fait l’objet d’un recours, en attendant l’issue de celui-ci, la publication doit être différée. Si, comme en l’espèce, la mention de la délivrance a été publiée avant le dépôt du recours, toutes mesures utiles doivent être prises par l’OEB afin que le public soit averti de la non-validité de la mention de délivrance. Dans la présente espèce, la division d’examen, lorsqu’elle a annulé rétroactivement la mention de la délivrance dans le Bulletin européen des brevets, a agi en parfaite conformité avec l’article 106(1) CBE.
14. Pour les raisons exposées supra au point 2 ainsi qu’aux points 6 à 11, la Chambre considère avoir entièrement répondu, dans les motifs de la présente décision, à la question que le demandeur avait demandé de soumettre à la Grande Chambre de recours, si bien qu’elle ne voit aucune raison d’en saisir la Grande Chambre de recours en vertu de l’article 112 CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête en saisine de la Grande Chambre de recours présentée par l’intimé est rejetée.
2. La décision attaquée est annulée.
3. La procédure en instance devant l’OEB concernant la demande de brevet n 91 915 912.9 est suspendue en application de la règle 13(1) CBE avec effet rétroactif à compter du 3 octobre 1995.