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European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1996:T069492.19960508 | ||||||||
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Date de la décision : | 08 Mai 1996 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 0694/92 | ||||||||
Numéro de la demande : | 84302533.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12N 15/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | Mycogen Plant Science | ||||||||
Nom de l’opposant : | Unilever N.V. Centerns Ungdomsförbund Sandoz Ltd. Monsanto Company Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften e.V. Koninklijk Kweekbedrijf en Zaadhandel D.J. van der Have B.V. Stichting Oppositie Plantoctrooi p/a Studium Generale Gen-Ethisches Netzwerk Godehard Graf Hoensbroech Die Grüne Alternative (Grüne) |
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Chambre : | 3.3.04 | ||||||||
Sommaire : | 1. Lorsque l’invention porte sur la réalisation effective d’un effet technique anticipé à un niveau théorique dans l’état de la technique, il convient de trouver un juste équilibre entre, d’une part, la contribution technique réelle que ladite invention apporte à l’état de la technique et, d’autre part, les termes dans lesquels elle est revendiquée, de façon à ce que, si le brevet est délivré, l’étendue de la protection conférée soit équitable et adéquate (cf. point 3 des motifs). 2. Lorsque l’essence de l’invention revendiquée consiste à obtenir dans différents domaines d’application un effet technique donné, par des techniques connues, et qu’il est fort douteux que cet effet puisse être aisément obtenu pour l’ensemble des applications revendiquées, il peut s’avérer nécessaire de fournir de plus amples détails techniques et plus d’un exemple pour soutenir des revendications de vaste portée. En conséquence, des revendications de vaste portée ne sont pas admissibles, si l’homme du métier n’est pas en mesure, après avoir lu la description, de mettre aisément en oeuvre l’invention dans l’intégralité du domaine revendiqué, sans déployer des efforts excessifs, ni faire preuve d’esprit inventif (cf. points 5 et 19 des motifs). |
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Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Requête principale – fondé sur la description (non) Suffisance de l’exposé (non) Première requête subsidiaire – fondé sur la description (non) Suffisance de l’exposé (non) Deuxième requête subsidiaire – adjonction d’éléments (oui) Troisième requête subsidiaire – fondé sur la description (oui) – généralisation raisonnable Suffisance de l’exposé (oui) Nouveauté (oui) Activité inventive (oui) – pas d’espérance raisonnable de réussite |
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Exergue : |
– |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n 0 122 791 a été délivré le 29 mars 1989, sur la base de vingt revendications, pour onze Etats contractants. Il se fondait sur la demande de brevet européen n 84 302 533.9, qui revendiquait une priorité américaine du 15 avril 1983.
II. Onze parties (opposants 1 à 11) ont fait opposition au brevet délivré. Toutes en ont demandé la révocation partielle ou totale, en invoquant comme motifs l’absence de nouveauté, le défaut d’activité inventive, l’insuffisance de l’exposé et le non-respect des articles 52(2)a) et 53 CBE. L’opposition faite par l’opposant 9 a été réputée non formée, au motif qu’il n’avait pas acquitté la taxe d’opposition. Au cours de la procédure devant la division d’opposition, les parties se sont appuyées sur un grand nombre de documents, dont notamment les documents suivants (la Chambre reprend ici la numérotation utilisée par la division d’opposition) :
III. La division d’opposition a rendu le 5 juin 1992 une décision intermédiaire au sens de l’article 106(3) CBE, par laquelle elle maintenait le brevet sous une forme modifiée sur la base des revendications 1 à 11 déposées le 31 mars 1992.
Les revendications 1, 10 et 11 s’énoncent comme suit :
“1. Procédé pour modifier génétiquement une cellule végétale comprenant les étapes suivantes :
a) insertion d’un gène végétal comprenant un promoteur végétal et un gène de structure végétal dans un ADN-T, formant ainsi une combinaison ADN-T/gène végétal, le promoteur végétal étant adjacent à l’extrémité 5′ du gène de structure végétal et le gène de structure végétal étant en aval du promoteur végétal dans le sens de la transcription ; et
b) transfert de la combinaison ADN-T/gène végétal dans une cellule végétale, de sorte que l’expression de la protéine codée par ledit gène de structure végétal soit décelable dans ladite cellule végétale.
10. Cellule végétale produite selon le procédé de l’une quelconque des revendications 1 à 9.
11. Végétal ou tissu végétal cultivé à partir d’une cellule végétale selon la revendication 10.”
Les revendications dépendantes 2 à 9 portaient sur des modes de réalisation spécifiques du procédé selon la revendication 1.
IV. La division d’opposition a estimé que le document 5a ne détruisait pas la nouveauté de ces revendications. … S’agissant des autres motifs d’opposition (soulevés au titre des articles 52(2)a), 53 et 83 CBE), elle a considéré qu’il n’y avait pas de contravention aux exigences de la CBE.
V. Six parties (les opposants 1 à 4, 6 et 8) ont formé un recours contre cette décision. L’opposant 6 a ultérieurement retiré son recours. Les opposants 1 à 4 et 8 sont les requérants I à IV et V.
VI. L’intimé (titulaire du brevet) a produit une réponse au mémoire exposant les motifs du recours, en se fondant sur les revendications telles que maintenues par la division d’opposition.
VIII. La procédure orale s’est tenue les 7 et 8 mai 1996. Au cours de la procédure, l’intimé a produit trois nouvelles requêtes subsidiaires en remplacement des quatre requêtes subsidiaires précédentes. Il a également déposé la page 9 modifiée de la description en rapport avec la troisième requête subsidiaire.
La revendication 1 selon la première requête subsidiaire s’énonce comme suit :
“Procédé pour modifier génétiquement une cellule de plante dicotylédone ; comprenant les étapes suivantes :
a) insertion d’un gène végétal comprenant un promoteur de plante dicotylédone et un gène de structure de plante dicotylédone dans un ADN-T, formant ainsi une combinaison ADN-T/gène végétal, le promoteur végétal étant adjacent à l’extrémité 5′ du gène de structure végétal et le gène de structure végétal étant en aval du promoteur végétal dans le sens de la transcription ; et
b) transfert de la combinaison ADN-T/gène végétal dans une cellule végétale, de sorte que l’expression de la protéine codée par ledit gène de structure végétal soit décelable dans ladite cellule végétale.”
La revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire s’énonce comme suit :
“Procédé pour modifier génétiquement une cellule de plante dicotylédone, comprenant les étapes suivantes :
a) insertion d’un gène végétal comprenant un promoteur de phaséoline et un gène de structure végétal dans un ADN-T, formant ainsi une combinaison ADN-T/gène végétal, le promoteur étant adjacent à l’extrémité 5′ du gène de structure végétal et le gène de structure végétal étant en aval du promoteur végétal dans le sens de la transcription et
b) transfert de la combinaison ADN-T/gène végétal dans une cellule de plante dicotylédone, de sorte que l’expression de la protéine codée par ledit gène de structure végétal soit décelable dans ladite cellule végétale.”
Les revendications 1 et 7 selon la troisième requête subsidiaire s’énoncent comme suit :
“1. Procédé pour modifier génétiquement une cellule de plante dicotylédone ; comprenant les étapes suivantes :
a) insertion d’un gène végétal comprenant un promoteur de phaséoline et un gène de structure de phaséoline dans un ADN-T, formant ainsi une combinaison ADN-T/gène végétal, le promoteur étant adjacent à l’extrémité 5′ du gène de structure et le gène de structure étant en aval du promoteur végétal dans le sens de la transcription et
b) transfert de la combinaison ADN-T/gène végétal dans une cellule de plante dicotylédone, de sorte que l’expression de la protéine codée par ledit gène de structure soit décelable dans ladite cellule végétale.
7. Cellule végétale produite selon le procédé de l’une quelconque des revendications 1 à 6.”
Cette requête ne contient plus de revendication relative à une plante (cf. revendication 11 au point III supra).
IX. Le requérant V a notamment soulevé une objection quant à la recevabilité des trois requêtes subsidiaires au regard de l’article 123(2) CBE …
En ce qui concerne les questions de la clarté, du fondement ainsi que de la suffisance de l’exposé (articles 83 et 84 CBE), les requérants ont pour l’essentiel invoqué les arguments suivants :
S’agissant de la nouveauté, ils ont prétendu que …
Quant à l’activité inventive, ils ont essentiellement soutenu que …
X. En ce qui concerne la recevabilité des requêtes subsidiaires au regard de l’article 123(2) CBE, l’intimé a fait valoir que …
S’agissant des questions de la clarté, du fondement ainsi que de la suffisance de l’exposé (articles 83 et 84 CBE), il a pour l’essentiel invoqué les arguments suivants :
Au sujet de la nouveauté, il a soutenu que …
Pour ce qui est de l’activité inventive, il a allégué que …
XI. Les requérants ont demandé l’annulation de la décision entreprise et la révocation du brevet.
L’intimé a demandé le rejet des recours ou bien l’annulation de la décision entreprise et le maintien du brevet sur la base a) des revendications 1 à 10 selon la première requête subsidiaire, ou b) des revendications 1 à 10 selon la deuxième requête subsidiaire, ou c) des revendications 1 à 7 selon la troisième requête subsidiaire, ainsi que de la page 9 modifiée de la description, telles que produites au cours de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Les recours sont recevables.
Requête principale
2. Les requérants n’ont soulevé, pour cette requête, aucune objection au titre de l’article 123(2) et (3) CBE. …
3. La présente affaire est l’exemple typique d’une situation assez courante – notamment dans le domaine des inventions biotechnologiques – où la contribution apportée à l’état de la technique par l’invention divulguée dans un brevet ou une demande de brevet réside dans la réalisation effective d’un effet technique anticipé à un niveau théorique dans l’état de la technique. Dans ce type de situation, il convient de trouver un juste équilibre entre, d’une part, la contribution technique réelle, si tant est qu’il y en ait une, que l’invention exposée dans ledit brevet ou ladite demande apporte à l’état de la technique et, d’autre part, la façon dont elle est revendiquée, de façon à ce que, si le brevet est délivré, l’étendue de la protection conférée soit équitable et adéquate. La nécessité d’accorder une protection équitable et adéquate a été soulignée dans plusieurs décisions des chambres de recours (cf. par ex. les décisions T 292/85, ci-dessus, et T 301/87, JO OEB 1990, 335). La Chambre estime qu’il convient d’examiner la corrélation entre les exigences des articles 84, 83 et 56 CBE, afin de trouver un juste équilibre en l’espèce.
4. Aux termes de l’article 84 CBE, les revendications définissent l’objet de la protection demandée d’une manière claire et concise et doivent se fonder sur la description. Cela signifie non seulement qu’une revendication doit être sans équivoque et compréhensible, mais aussi que toutes les caractéristiques essentielles de l’invention revendiquée, c’est-à-dire celles qui sont nécessaires pour obtenir l’effet voulu, doivent être indiquées dans la revendication (cf. par ex. T 32/82, JO OEB 1984, 354 et T 1055/92, JO OEB 1995, 214). Ces caractéristiques techniques essentielles peuvent également être exprimées en termes fonctionnels généraux, lorsqu’elles ne peuvent objectivement pas être définies plus précisément sans restreindre la portée de la revendication, et qu’elles fournissent des instructions suffisamment claires pour permettre à l’homme du métier de les mettre en oeuvre sans effort excessif, c’est-à-dire moyennant un degré d’expérimentation raisonnable et sans faire preuve d’esprit inventif (cf. par ex. la décision T 68/85 supra). Bien que l’article 84 CBE ne puisse donner lieu à une objection tirée de l’article 100 CBE, il peut néanmoins constituer un motif valable de révocation du brevet, si les modifications apportées au brevet tel que délivré appellent des objections quant à la clarté ou au fondement (cf. G 10/91, JO OEB 1993, 420, point 19 des motifs). En outre, les problèmes de clarté ou de fondement peuvent affecter la décision en ce qui concerne certaines questions soulevées au titre de l’article 100 CBE, telles que la nouveauté (article 54 CBE), l’activité inventive (article 56 CBE) ou la suffisance de l’exposé (article 83 CBE) (cf. par ex. les décisions T 435/91, JO OEB 1995, 188 et T 626/91 en date du 5 avril 1995).
5. L’article 83 CBE dispose que l’invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter. Comme expliqué dans la décision T 409/91 (JO OEB 1994, 653, en particulier les points 3.3 à 3.5 des motifs), la mesure dans laquelle une invention est exposée de manière suffisamment claire et complète est très importante lorsqu’il s’agit d’apprécier la question du fondement des revendications au sens de l’article 84 CBE, l’étendue de la protection conférée par le brevet délivré devant en effet correspondre à l’apport technique de l’invention.
En conséquence, des revendications ne sont pas admissibles, même si, d’un point de vue formel, elles se fondent sur la description, dès lors qu’elles comprennent des éléments qui, à la lumière de l’exposé de l’invention dans la description, ne peuvent être mis en oeuvre qu’avec des efforts excessifs ou qu’en faisant preuve d’activité inventive. Quant à la quantité de détails techniques nécessaires pour qu’une divulgation soit suffisante, cette question est fonction de la corrélation entre les faits de chaque espèce et certains paramètres généraux, tels que la nature du domaine technique, la date à laquelle la divulgation a été présentée et les connaissances générales correspondantes, ainsi que la quantité de détails techniques fiables divulgués dans un document (cf. décision T 158/91 du 30 juillet 1991).
Dans certains cas, la description d’un seul mode de réalisation de l’invention revendiquée peut être suffisante pour soutenir des revendications larges contenant des caractéristiques définies en termes de fonction, par exemple lorsque la divulgation d’une nouvelle technique constitue l’essence de l’invention et que la description d’un seul mode de réalisation permet à l’homme du métier d’obtenir, sans effort excessif, le même effet dans un vaste domaine, en utilisant des variantes appropriées d’un élément de l’invention (cf. T 292/85 supra). Dans d’autres cas, il peut s’avérer nécessaire de fournir davantage de détails techniques et plus d’un exemple au soutien d’une revendication de vaste portée, par exemple lorsque l’obtention dans différents domaines d’application d’un effet technique donné, par des techniques, connues constitue l’essence de l’invention et qu’il est fort douteux que cet effet puisse aisément être obtenu pour l’ensemble des applications revendiquées (cf. T 612/92 en date du 28 février 1996). Dans tous ces cas le principe directeur est toujours, qu’après avoir lu la description, l’homme du métier devrait être en mesure, de mettre aisément en oeuvre l’invention dans l’intégralité du domaine revendiqué, sans avoir à fournir d’efforts excessifs, ni faire preuve d’esprit inventif (cf. T 409/91 et T 435/91 supra). D’autre part, l’objection relative à l’insuffisance de l’exposé suppose qu’il existe de sérieuses réserves à cet égard, étayées par des faits vérifiables (cf. décision T 19/90, JO OEB 1990, 476, point 3.3 des motifs).
6. En vertu de l’article 56 CBE, l’invention revendiquée, à savoir la solution technique proposée en vue de résoudre un problème technique donné, ne doit pas être évidente pour l’homme du métier. Si la non-évidence d’une invention revendiquée est fondée sur un effet technique donné, celui-ci doit en principe pouvoir être obtenu dans l’ensemble du domaine revendiqué (cf. par ex. la décision T 939/92, JO OEB 1996, 309).
7. Aux fins des articles 56 et 83 CBE, l’homme du métier doit avoir le même niveau de connaissances (cf. la décision T 60/89, JO OEB 1992, 268) dans deux situations techniques différentes : lorsqu’il apprécie l’activité inventive, l’homme du métier a uniquement connaissance de l’état de la technique, tandis que lorsqu’il apprécie la suffisance de la divulgation (et donc le fondement sur la description), il connaît l’état de la technique et l’invention telle que divulguée.
8. Les réflexions ci-dessus montrent à quel point les questions du fondement des revendications, de la suffisance de l’exposé et de l’activité inventive sont étroitement liées et cruciales dans les cas où, comme en l’espèce, il est particulièrement difficile de trouver un juste équilibre entre la portée des revendications et la contribution réelle apportée à l’état de la technique par la divulgation du brevet en litige.
9. Dans la présente affaire, l’état de la technique le plus proche est le document 5a, qui reproduit une divulgation orale faite par M. J.D. Kemp avant la date de priorité. Cette divulgation portait notamment sur la construction d’un vecteur d’ADN comprenant de l’ADN-T, dans lequel a été inséré “le gène entier de phaséoline, y compris ses propres régions promoteurs” (cf. page 4, lignes 7 et 8). M. Kemp a également déclaré : “comme vous l’avez entendu, cela a déjà été réalisé par un certain nombre de personnes, mais aucune d’elles n’a démontré l’existence d’un gène fonctionnel lorsque l’on inclut le promoteur endogène” (cf. page 4, lignes 8 à 10). Bien que l’on ne sache pas immédiatement à quels rapports M. Kemp faisait référence, il était connu que des essais antérieurs portant sur le transfert d’une variété de gènes de bactérie, de levure et d’animaux dans des cellules végétales n’avaient pas abouti à l’expression des gènes étrangers, parce que leurs propres séquences de contrôle n’étaient pas reconnues par la plante (cf. document 31). M. Kemp a déclaré qu’il ne pouvait pas rendre compte de l’expérience finale, parce qu’elle “n’était pas terminée” (cf. page 4, lignes 3 et 4). Ainsi qu’il ressort du document 5a (cf. passage allant de la page 3 à 4), cette expérience consistait à déterminer si la transcription et la traduction se produiraient dans les cellules végétales après que le vecteur y eut été transféré.
10. Il ressort de la description du brevet en litige que les exemples 1 et 2 font état de l’expression réussie de niveaux décelables de phaséoline (en moyenne 10 ng par gramme de tissu frais) dans des cellules de tournesol, dans lesquelles la séquence codante d’ADN avait été transférée avec son propre promoteur, via un vecteur d’ADN-T. L’exemple 3 portait sur des manipulations du gène pour la phaséoline, et l’exemple 4 sur la suppression des introns dans ce même gène. Les exemples 5 à 8 décrivent des plasmides Ti mutés. Les exemples 9 et 10 portent d’une manière générale sur la régénération de plantes à partir respectivement de tumeurs de carottes et de tabac, mais sont muets sur une quelconque expression de gènes étrangers. L’exemple 11 concerne l’introduction dans de la luzerne régénérée d’un gène de phaséoline pouvant être exprimé, mais ne fournit aucune donnée expérimentale réelle. L’exemple 12 porte d’une manière générale sur des techniques d’extraction, de fractionnement et de détection de l’ARN. L’exemple 13 a trait à des essais micro-ELISA en vue de déceler l’ARN. Enfin, l’exemple 14 décrit d’une manière générale la réalisation de croisements triparentaux.
11. En conséquence, la contribution technique réelle apportée à l’état de la technique par la divulgation du brevet litigieux consiste essentiellement à fournir des données expérimentales à l’appui du transfert et de l’expression dans des cellules végétales d’une séquence d’ADN codant pour la phaséoline, sous le contrôle de son propre promoteur. En d’autres termes, la contribution technique ne réside pas dans une nouvelle technique générale en vue de l’expression d’un gène de structure végétal dans une cellule végétale, mais dans la mise en oeuvre réussie de l’expérience anticipée par M. Kemp dans sa divulgation orale, en testant l’effet du transfert dans des cellules végétales du vecteur connu contenant le gène de phaséoline, ainsi que ses propres régions promoteurs (cf. point 9 supra). La description indique, par référence à l’état de la technique, de quelle manière la régénération de la plante peut être obtenue à partir de ces cellules. Les enseignements spécifiques contenus dans les exemples sont ensuite généralisés dans la description, où il est dit que “l’invention s’applique en principe à n’importe quelle introduction de gènes végétaux dans n’importe quelle espèce de plante dans laquelle l’ADN-T peut être introduit et répliqué de manière stable. En général, ces espèces comprennent, entre autres, des plantes dicotylédones …” (cf. page 8, lignes 51 à 54). La description indique également à la page 9, lignes 3 à 17, que le promoteur et le gène de structure peuvent provenir de plantes différentes ou identiques, qu’un gène végétal est susceptible d’être placé en aval de son promoteur ou d’un promoteur végétal différent, et que le promoteur et les régions codantes peuvent également comprendre des modifications, induites naturellement ou artificiellement, ainsi que des segments synthétisés chimiquement. Toutefois, aucun exemple n’a été donné à cet égard.
12. La revendication 1 en question porte d’une manière générale sur un procédé pour modifier génétiquement une cellule de plante par transfert dans cette cellule d’une combinaison ADN-T/promoteur végétal-gène végétal, de sorte que l’expression de la protéine codée par ledit gène de structure végétal soit décelable dans ladite cellule végétale (caractéristique “de sorte que …”). Elle ne fournit aucun détail spécifique sur la disposition structurelle de la combinaison ADN-T/promoteur végétal-gène végétal, à l’exception de l’indication évidente que le promoteur végétal est adjacent à l’extrémité 5′ du gène de structure, qui est en aval du promoteur dans le sens de la transcription (cf. a)). Par conséquent, elle enseigne pour l’essentiel à l’homme du métier le transfert dans une cellule végétale d’un vecteur d’ADN, tel que celui qui est divulgué dans le document 5a (cf. point 9 supra), “de sorte que l’expression de la protéine codée par ledit gène de structure végétal soit décelable dans ladite cellule végétale”. Faute de précisions quant au type de cellule végétale et/ou de gène végétal et/ou de promoteur végétal, la revendication porte donc sur un procédé destiné, dès lors qu’il fonctionne (cf. la caractéristique “de sorte que…”), à toute une gamme d’applications. En d’autres termes, l’homme du métier est informé qu’une protection par brevet est revendiquée, dès que l’expression de n’importe quel gène végétal voulu est décelé après transfert, selon un mode connu, dudit gène et de son propre promoteur ou de tout autre promoteur végétal dans une quelconque cellule végétale, via un vecteur d’ADN-T.
13. Cette vaste revendication se fonde, d’un point de vue formel, sur les indications générales énoncées dans la description (cf. point 11 supra). Toutefois, la question qui se pose est de savoir si, à la date de priorité, l’homme du métier aurait été en mesure, sur la base de la description du brevet en litige (cf. point 10 supra) et de l’état de la technique, de mettre en oeuvre le procédé pour l’ensemble des applications revendiquées, sans se retrouver dans une situation où, bien qu’ayant déployé des efforts raisonnables pour faire fonctionner le procédé, il n’aurait pas obtenu l’effet technique pour certaines applications ou y serait seulement parvenu au prix d’efforts excessifs.
14. La présente affaire est délicate pour les raisons suivantes :
– s’il est estimé que l’obtention de l’effet technique (expression) découle inévitablement de la mesure technique qui consiste à placer un gène de structure végétal dans un vecteur d’ADN-T de manière adjacente et en aval d’un promoteur végétal, un seul exemple pourrait être considéré comme suffisant, mais une telle proposition n’aurait guère de mérite, vu qu’elle a déjà été anticipée en termes explicites, bien que prédictifs, par le document 5a ;
– en revanche, si l’on peut conclure que l’obtention de l’effet technique n’est en aucun cas certaine, notamment dans des domaines d’application autres que celui donné en exemple, voire que le travail impliqué va au-delà de la simple mise en place d’un gène de structure végétal en aval d’un promoteur végétal, il faudrait alors davantage de détails techniques pour soutenir l’ensemble des applications envisagées dans la revendication, même si le résultat obtenu pouvait présenter un certain mérite.
15. La Chambre note que dans l’argumentation qu’il a développée en faveur de l’activité inventive (cf. point X supra), l’intimé a affirmé qu’il était nécessaire d’entreprendre d’importantes recherches pour vérifier si le vecteur divulgué dans le document 5a pouvait susciter l’expression de la phaséoline. Si tel est le cas, malgré les indications explicites fournies dans le document 5a, il est fort douteux que le simple achèvement de l’expérience annoncée par M. Kemp, qui constitue la contribution réelle du brevet litigieux à l’état de la technique (cf. point 11 supra), puisse conférer un fondement technique approprié à une revendication couvrant un éventail d’applications aussi large que la présente revendication 1. En effet, on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’homme du métier soit confronté à des difficultés similaires, lorsqu’il essaierait d’obtenir le même effet technique avec l’ensemble des différentes combinaisons revendiquées d’un gène de structure végétal et d’un promoteur végétal. En fait, ces combinaisons comprennent non seulement des variantes appropriées des éléments de l’invention donnés en exemple, telles que des variantes du gène de phaséoline et/ou du promoteur de phaséoline, mais également une multitude d’entités différentes par leur structure et leur fonction, comme des gènes de structure végétaux codant pour une protéine autre que la phaséoline ou des promoteurs autres que le promoteur de phaséoline, ainsi que des situations techniques, dans le cas par ex. de plantes monocotylédones ou d’autres plantes dicotylédones, où l’obtention de l’effet technique revendiqué présente encore des difficultés ou des incertitudes, en dépit de l’exemple spécifique de la phaséoline et de son propre promoteur. Or, confirmer la réussite de l’expérience réalisée avec la phaséoline et son propre promoteur n’aide pas forcément l’homme du métier qui essaierait d’obtenir le même effet en recourant à des combinaisons gène végétal/promoteur entièrement différentes.
16. Les réflexions ci-dessus sont étayées par des preuves ultérieures versées au dossier. Le document 36, par ex., montre que lorsque l’on transfère dans des cellules de tournesol (cellules de plante dicotylédone), via un ADN-T, un gène de plante monocotylédone (la zéine de maïs) contenant suffisamment d’informations dans les régions flanquant l’extrémité 5′ pour diriger la transcription, on ne décèle aucune protéine, malgré la présence d’ARNm (cf. notamment p. 379, dernier paragraphe, et p. 380). De même, le document 38, publié peu de temps après la date de priorité de la présente demande, enseigne que des essais entrepris en vue d’exprimer, par ex., un gène végétal codant pour la leghémoglobine dans des cellules de tabac, par des vecteurs du plasmide Ti, ont échoué, vraisemblablement parce que les signaux de transcription (séquences promoteurs) n’ont pas été reconnus (cf. en particulier p. 209, dernier paragraphe).
17. Dans une affaire similaire sur le plan technique, où le brevet comportait des revendications génériques portant sur un procédé en vue d’incorporer, via un ADN-T, de l’ADN étranger dans le génome de plantes monocotylédones, la chambre alors compétente avait décidé qu’il n’était pas satisfait aux exigences de l’article 83 CBE, au motif qu’il était fort douteux qu’un tel procédé pût être mis en oeuvre dans l’intégralité du domaine revendiqué, à savoir avec n’importe quelle plante monocotylédone (cf. T 612/92 supra).
18. En résumé, on peut faire les observations suivantes :
a) la modification génétique de cellules végétales en vue d’obtenir des niveaux décelables d’expression d’un gène étranger transféré n’était pas une technique bien établie à la date de priorité du brevet en litige et présentait un certain nombre d’incertitudes et de problèmes, tels que la stabilité de l’ADN étranger dans l’ADN-T et le génome de la plante, la présence d’introns, la stabilité des protéines, les effets des contrôles de régulation etc. (cf. document 5a, en particulier la page 1) ;
b) tout en confirmant la validité des indications techniques données dans le document 5a, le brevet litigieux n’élimine pas pour autant, d’une manière générale, les problèmes et incertitudes mentionnés au point a) supra, en fournissant un seul exemple d’expression réussie de la phaséoline dans des cellules végétales, après transfert, via un ADN-T, d’un ADN codant pour la phaséoline et de son promoteur. Il ne permet pas de conclure que le même effet serait vraisemblablement obtenu de manière courante dans n’importe quelle cellule végétale, en procédant de façon analogue avec n’importe quelle combinaison de gène de structure végétal et de promoteur végétal. En fait, le fascicule du brevet en litige laisse à l’homme du métier tout le soin de trouver et de vérifier si, et le cas échéant comment, le transfert de toute combinaison de ce type dans une cellule végétale permet de déceler l’expression de la protéine codée par le gène de structure végétal dans ladite cellule végétale. Dans ces circonstances, la caractéristique “de sorte que …” dans la revendication 1 revient ni plus ni moins à inviter l’homme du métier à mettre en oeuvre un programme de recherche, afin de trouver les combinaisons qui, si elles sont réussies, sont couvertes par la revendication (cf. T 435/91 supra, notamment le point 2.2.1 des motifs) ;
c) des publications ultérieures (cf. point 16 supra) montrent que le transfert d’ADN étranger, via un ADN-T, dans certains types de plantes, tels que des plantes monocotylédones, ainsi que l’expression du gène transféré sous l’action de ses propres signaux, étaient dans une large mesure empiriques et impliquaient donc une grande quantité d’essais ainsi qu’un risque d’échec élevé.
19. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre estime que les preuves expérimentales et les détails techniques contenus dans la description du brevet litigieux ne sont pas suffisants pour permettre à l’homme du métier d’obtenir de manière fiable et sans effort excessif l’effet technique suivant, à savoir l’expression dans n’importe quelle cellule végétale de n’importe quel gène de structure végétal sous le contrôle de n’importe quel promoteur végétal. Ils ne confèrent donc pas un fondement suffisant à une revendication, comme la présente revendication 1, qui porte d’une manière générale sur un tel procédé.
20. Par ces motifs, la requête principale, qui comprend la revendication 1, est rejetée en vertu des dispositions des articles 83 et 84 CBE.
Première requête subsidiaire
21. Abstraction faite de la caractéristique “de sorte que …” (cf. point 2 supra), la revendication 1 selon cette requête limite le procédé, par rapport à la revendication 10 du brevet tel que délivré, à la modification d’une cellule de plante dicotylédone par transfert d’un promoteur de plante dicotylédone avec un gène de structure de plante dicotylédone. De l’avis de la Chambre, cette modification réduit l’étendue de la protection conférée par rapport aux revendications du brevet tel que délivré, si bien qu’elle n’appelle aucune objection au titre de l’article 123(3) CBE. En outre, elle se fonde sur la page 15 de la demande telle que déposée qui fait spécifiquement référence à n’importe quelle introduction de gènes végétaux dans n’importe quelle espèce de plante, y compris les plantes dicotylédones, en combinaison avec le passage de la description commençant à la page 15 et se poursuivant à la page 16, qui définit un gène végétal. La modification en question n’a donc pas pour effet d’ajouter des éléments qui s’étendent au-delà du contenu de la demande telle que déposée, de sorte qu’elle n’appelle aucune objection au titre de l’article 123(2) CBE.
22. La limitation de la revendication 1 de cette requête à une cellule de plante dicotylédone dans laquelle est transféré un promoteur de plante dicotylédone avec un gène de structure de plante dicotylédone, ne lève pas les objections soulevées au titre des articles 83 et 84 CBE à l’encontre de l’objet de la revendication 1 selon la requête principale. En effet, pour les mêmes raisons que ci-dessus (cf. points 3 à 19), la description de la manière dont l’expression a été obtenue à des niveaux décelables avec le gène de phaséoline et son propre promoteur ne permet pas à l’homme du métier de mettre en oeuvre l’invention, sans effort excessif, dans l’ensemble du domaine revendiqué, à savoir de modifier génétiquement n’importe quelle cellule de plante dicotylédone en y insérant n’importe quel gène de structure de plante dicotylédone sous le contrôle de n’importe quel promoteur de plante dicotylédone.
23. Par ces motifs, la première requête subsidiaire doit également être rejetée en vertu des dispositions des articles 83 et 84 CBE.
Deuxième requête subsidiaire
Troisième requête subsidiaire
25. Abstraction faite de la caractéristique “de sorte que …” (cf. point 2 supra), la revendication 1 selon cette requête limite le procédé, par rapport à la revendication 10 du brevet tel que délivré, à la modification d’une cellule de plante dicotylédone par transfert d’un promoteur de phaséoline avec un gène de structure de phaséoline. Cette modification réduit l’étendue de la protection par rapport aux revendications du brevet tel que délivré, si bien qu’elle n’appelle aucune objection au titre de l’article 123(3) CBE. La combinaison du gène de structure de phaséoline et de son propre promoteur est divulguée dans les exemples de la demande telle que déposée (cf. exemple 1). Celle-ci mentionne également, à la page 13, l’homologie des espèces moléculaires de la phaséoline et, à la page 16, les modifications naturelles ou artificielles du promoteur et/ou des régions codantes des gènes végétaux. Il s’agit là du fondement direct et sans équivoque non seulement de la combinaison d’un gène de structure spécifique de phaséoline et de son propre promoteur, mais également de diverses combinaisons des variantes des deux. Aussi la Chambre estime-t-elle que les modifications en question n’ajoutent pas d’éléments qui s’étendent au-delà du contenu de la demande telle que déposée, et qu’elles n’appellent, en conséquence, aucune objection au titre de l’article 123(2) CBE.
26. La limitation de la revendication 1 de cette requête à une cellule de plante dicotylédone dans laquelle est transféré un promoteur de phaséoline avec un gène de structure de phaséoline met l’objet de cette revendication en conformité avec les exigences des articles 83 et 84 CBE. En effet, la description de la manière dont l’expression a été obtenue à des niveaux décelables avec le gène de phaséoline et son propre promoteur fournit à l’homme du métier suffisamment d’instructions pour mettre en oeuvre, sans effort excessif, l’invention telle que revendiquée dans la revendication 1 et pour obtenir de manière fiable le même effet technique, y compris en utilisant des variantes appropriées des éléments de l’invention (par ex. des variantes du gène de phaséoline ou du promoteur de phaséoline) (cf. T 292/85 supra et point 5 supra). Contrairement à ce qui se produit avec des gènes et des promoteurs autres que ceux de la phaséoline, les circonstances techniques dans le cas de variantes du gène et du promoteur de phaséoline présentent, de l’avis de la Chambre, tant de similitudes que l’invention revendiquée peut vraisemblablement être mise en oeuvre de manière courante dans ce cadre. A la lumière de la contribution que le brevet litigieux apporte à l’état de la technique, la Chambre estime que cette généralisation est adéquate.
27. Dans sa divulgation orale (cf. document 5a), M. J.D. Kemp a certes mentionné la construction d’un vecteur d’ADN comprenant de l’ADN-T dans lequel a été inséré “le gène entier de phaséoline, y compris ses propres régions promoteurs” (cf. page 4, lignes 7 et 8 et comparer avec la caractéristique a) de la revendication 1), mais il a également déclaré qu’il ne pouvait pas rendre compte de l’expérience finale, car celle-ci n’était pas encore terminée (cf. page 4, lignes 3 et 4). En conséquence, M. Kemp n’avait divulgué ni le transfert dudit vecteur d’ADN dans une cellule de plante dicotylédone, ni les tests sur le niveau d’expression de la protéine codée par le gène végétal inséré (cf. caractéristique b) dans la revendication 1). De l’avis de la Chambre, on ne saurait considérer qu’il ait été implicitement divulgué qu’ils découlaient inévitablement de la description du vecteur d’ADN. Faute de plus amples détails et de données expérimentales, l’homme du métier n’était pas en mesure, à la date de priorité, de déduire à coup sûr du document 5a l’effet technique produit par le vecteur d’ADN dans une cellule de plante dicotylédone, compte tenu des nombreux problèmes et incertitudes dans ce domaine technique. Le contenu du document 5a et l’objet revendiqué ne se distinguent donc pas uniquement par leur formulation, mais aussi par leur enseignement technique. En conséquence, l’objet des revendications 1 à 7 de la présente requête est nouveau par rapport au document 5a. La nouveauté par rapport aux autres documents versés au dossier n’est pas contestée.
28. Activité inventive (article 56 CBE)
28.1 Le document 5a représente l’état de la technique le plus proche des revendications en question. Son contenu a déjà été examiné au point 9 supra.
28.2 A la lumière de ce document, le problème technique à résoudre consiste à obtenir des niveaux décelables d’expression de phaséoline dans une cellule de plante dicotylédone.
28.3 Les revendications en question visent à résoudre ce problème en mesurant le niveau d’expression de la phaséoline dans une cellule de plante dicotylédone, après y avoir transféré la combinaison ADN-T/gène végétal, caractérisée en ce qu’un gène végétal comprenant un promoteur de phaséoline et un gène de structure de phaséoline est inséré dans l’ADN-T, le promoteur végétal étant adjacent à l’extrémité 5′ du gène de structure végétal, et le gène de structure végétal, étant en aval du promoteur végétal dans le sens de la transcription. Il s’agit en fait d’un vecteur d’ADN tel que celui connu du document 5a, si bien que l’on peut dire que la solution proposée consiste à mesurer l’expression de la phaséoline dans une cellule de plante dicotylédone, après y avoir transféré le vecteur d’ADN connu du document 5a.
28.4 Au regard des exemples divulgués dans le brevet litigieux, et en particulier les exemples 1 et 2, la Chambre a acquis la conviction que le problème technique susmentionné a été résolu, la preuve ayant été apportée que des niveaux décelables de phaséoline sont mesurés dans des cellules de tournesol, lorsque le procédé proposé est mis en oeuvre.
28.5 La question qui se pose au sujet de l’activité inventive est de savoir si l’homme du métier, se fondant sur la divulgation orale de M. Kemp (document 5a), aurait réalisé l’expérience mentionnée avec une espérance raisonnable de réussite. A cet égard, le principe énoncé dans la décision T 296/93 (supra), selon lequel il y a lieu de ne pas confondre “une espérance raisonnable de réussite” avec “l’espoir (légitime) de réussir” (cf. loc. cit. point 7.4.4 des motifs), est pertinent en l’espèce. S’il est vrai qu’à la lumière du document 5a, il était “évident”, pour l’homme du métier, “de tenter” l’expérience en question, il n’est pas nécessairement vrai que celui-ci aurait eu une espérance raisonnable de réussite au moment de l’entreprendre. Le fait que M. Kemp ait annoncé que cette expérience était en cours dans son laboratoire n’apportait en soi aucune garantie à cet égard, surtout si l’on tient compte de sa mise en garde selon laquelle “…cela a été réalisé par un certain nombre de personnes, mais aucune d’elles n’a démontré l’existence d’un gène fonctionnel lorsque l’on inclut le promoteur endogène”. L’issue de cette expérience était donc encore incertaine. Par conséquent, il convient de déterminer si l’homme du métier de compétence moyenne était en mesure, avant d’entreprendre l’expérience, d’en prévoir raisonnablement la réussite, en se fondant sur les connaissances existantes.
28.6 Comme indiqué ci-dessus (cf. point 18 a)), la modification génétique de cellules végétales en vue d’obtenir des niveaux décelables d’expression d’un gène étranger transféré n’était pas encore, début 1983, une technique de routine bien établie. Bien qu’il ait été fait état (cf. par ex. les documents 9a et 31) de la réussite de certaines expériences relatives à des vecteurs d’ADN-T dans lesquels le gène étranger était placé sous le contrôle de promoteurs Ti, l’homme du métier était encore confronté à un certain nombre d’incertitudes et de problèmes, tels que la stabilité de l’ADN étranger dans l’ADN-T et dans le génome de la plante, la présence d’introns, la stabilité des protéines, les effets des contrôles de régulation etc. (cf. document 5a, notamment la page 1). Tout cela doit être pris en considération lorsque l’on analyse objectivement dans quelle mesure l’homme du métier aurait été sûr, à la date de priorité, de résoudre le problème technique en pratiquant l’expérience mentionnée par M. Kemp.
28.7 Pour essayer de prévoir raisonnablement les chances de succès de l’expérience indiquée dans le document 5a, l’homme du métier aurait dû prendre en considération les faits suivants :
a) les incertitudes et les difficultés du domaine technique (cf. point 28.6 supra) ;
b) bien qu’il ait été fait état de l’expression dans une cellule végétale d’un gène étranger inséré dans l’ADN-T en aval des séquences de régulation Ti (cf. documents 9a et 31), aucune preuve n’avait été apportée quant à la présence de gènes fonctionnels au moment où le promoteur endogène était inséré (cf. document 5a) ;
c) même s’il était théoriquement concevable qu’un promoteur végétal pût être reconnu par le système de transcription de la plante, on ne pouvait pas prévoir s’il le serait dans l’ADN-T (cf. point b) supra). En outre, vu la nature et la régulation très spéciales du promoteur de phaséoline – un promoteur de semence – (cf. les informations générales indiquées dans le fascicule du brevet à la page 8, lignes 5 à 20), il était difficile de prévoir s’il aurait fonctionné dans des tissus de plante dicotylédone autres que la semence ;
d) bien que l’isolement, ainsi que la séquence nucléotidique partielle d’un clone génomique de phaséoline, contenant le gène entier et de longues séquences flanquant ses extrémités 3′ et 5′, et d’un ADNc cloné fussent connus (cf. document 49), l’expression de la phaséoline dans un organisme recombinant n’avait pas encore été divulguée. La littérature (cf. document 3, en particulier la page 266, colonne de gauche, cinquième paragraphe) faisait indirectement état d’une expérience qui avait abouti à la transcription, mais pas à la traduction, d’ARNm de globuline de haricot dans des cultures de tissus provenant de tumeurs de tournesol, en utilisant de l’agrobacterium avec un gène de structure non spécifiée codant pour la phaséoline inséré dans son ADN-T.
28.8 Tous les facteurs et réflexions ci-dessus auraient entamé la confiance de l’homme du métier dans la réussite de l’expérience citée dans le document 5a. Par conséquent, il ne se serait raisonnablement pas attendu à ce que l’expression de la phaséoline puisse être aisément obtenue à des niveaux décelables dans une cellule de plante dicotylédone et aurait donc été surpris à la lecture des résultats du brevet litigieux.
28.9 Par ces motifs, la Chambre conclut que l’objet de la revendication 1 de la présente requête implique une activité inventive (article 56 CBE). Il en va de même pour les revendications 2 à 6 selon cette requête, qui représentent des modes de réalisation de l’invention revendiquée dans la revendication 1, ainsi que pour l’objet de la revendication 7, à savoir la cellule végétale produite selon le procédé objet des revendications 1 à 6.
Conclusion
29. Il résulte de ce qui précède que le brevet litigieux peut être maintenu sur la base des revendications 1 à 7 selon la troisième requête subsidiaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision entreprise est annulée.
2. L’affaire est renvoyée à la première instance, à charge pour elle de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 7 selon la troisième requête subsidiaire et de la modification de la page 9, ligne 21 de la description, qui ont été produites au cours de la procédure orale.