http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/recent/t030258fp1.html
Content reproduced from the Website of the European Patent Office as permitted by their terms of use.
European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2004:T025803.20040421 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 21 Avril 2004 | ||||||||
Numéro de l’affaire : | T 0258/03 | ||||||||
Numéro de la demande : | 97306722.6 | ||||||||
Classe de la CIB : | G06F 17/60 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | A | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | – | ||||||||
Nom du demandeur : | Hitachi, Ltd. | ||||||||
Nom de l’opposant : | – | ||||||||
Chambre : | 3.5.01 | ||||||||
Sommaire : | I. Une méthode faisant intervenir des moyens techniques constitue une invention au sens de l’article 52(1) CBE (à distinguer de la décision T 931/95-Contrôle d’un système de caisse de retraite/PBS PARTNERSHIP)(voir points 4.1 à 4.4 des motifs). II. Des étapes d’une méthode consistant à modifier un modèle d’activité économique et visant à contourner un problème technique plutôt qu’à le résoudre par des moyens techniques ne peuvent contribuer au caractère technique de l’objet revendiqué (voir point 5.7 des motifs). |
||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Existence d’une invention – méthode faisant intervenir des moyens techniques (oui) Activité inventive : traitement d’aspects non-techniques |
||||||||
Exergue : |
– |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours est formé contre la décision de la division d’examen de rejeter la demande de brevet européen n° 97 306 722.6.
II. La présente décision se réfère aux documents suivants :
D2 : T. E. Rockoff et al., “Design of an Internet-based system for remote Dutch auctions”, Internet Research : Electronic Networking Applications and Policy, Volume 5, No. 4, 1995, pages 10 à 16;
D6: EP-A-0 628 920.
III. La division d’examen a décidé, au regard des articles 123(2) et 83 CBE, de ne pas faire droit à la requête principale et à la première requête subsidiaire qui lui avaient été soumises. La revendication 1 de la seconde requête subsidiaire, considérée comme satisfaisante à cet égard, a été rejetée au motif que son objet, une méthode d’enchères, était une méthode dans le domaine des activités économiques en tant que telle et n’était donc pas considérée comme une invention au titre de l’article 52(2) et (3) CBE. Elle a également jugé que le dispositif correspondant mentionné dans la revendication 2 était exclu de la brevetabilité, puisque cette revendication définit un objet en lui conférant une protection dont l’étendue est équivalente à celle de la revendication portant sur une méthode, et qu’il serait formaliste d’établir une distinction à cet égard entre des revendications de différentes catégories. La division d’examen a ajouté que même si l’objet revendiqué était une invention au sens de l’article 52(1) CBE, il n’impliquait pas d’activité inventive comme l’exige l’article 56 CBE.
IV. Conjointement au mémoire exposant les motifs du recours, daté du 16 décembre 2002, le requérant a déposé un nouveau jeu de revendications selon la requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 3. Chaque requête contenait des revendications portant sur une méthode d’enchères, un dispositif d’enchères et un programme d’ordinateur mettant en oeuvre la méthode. Les requêtes subsidiaires 4 à 7 correspondantes ne portaient que sur la revendication concernant le dispositif.
V. La revendication 1 selon la requête principale s’énonce comme suit :
“Méthode d’enchères automatique exécutée dans un ordinateur serveur et comprenant les étapes suivantes :
a) transmission d’informations relatives à un produit devant faire l’objet d’enchères à plusieurs ordinateurs clients via un réseau, chaque ordinateur client appartenant à un enchérisseur ;
b) réception de plusieurs informations d’enchères pour l’achat dudit produit, contenant chaque fois un prix souhaité et un prix maximum en cas de situation de concurrence, de la part de plusieurs ordinateurs clients via le réseau ;
c) stockage des informations d’enchères des différents enchérisseurs dans l’ordinateur serveur ;
d) fixation d’un prix d’adjudication ;
e) détermination de l’enchérisseur proposant un prix souhaité qui est égal ou supérieur au prix d’adjudication sur la base des informations d’enchères stockées dans l’ordinateur serveur;
f) si aucun enchérisseur n’est déterminé au cours de l’étape
e), réduction du prix d’adjudication, et répétition de l’étape e);
g) s’il existe plusieurs enchérisseurs au cours de l’étape e), détermination, sur la base des informations d’enchères stockées dans l’ordinateurs serveur, si pour plusieurs d’entre eux le prix d’adjudication est inférieur ou égal au prix souhaité, donnant ainsi lieu à une situation de concurrence ;
h) s’il y a situation de concurrence, relèvement du prix d’adjudication d’une valeur prédéterminée ;
i) exclusion de l’enchérisseur proposant un prix inférieur au prix d’adjudication relevé et détermination de l’autre ou des autres enchérisseurs sur la base des informations d’enchères ;
j) mise en évidence d’une éventuelle situation de concurrence pour le ou les enchérisseurs déterminés à l’étape i) ;
k) répétition des étapes h), i) et j) et détermination de l’enchérisseur restant comme ayant obtenu l’adjudication en l’absence d’une situation de concurrence lors de l’étape j) ; et
l) s’il n’existe pas de situation de concurrence lors de l’étape g), détermination de l’enchérisseur restant comme ayant obtenu l’adjudication.”
La revendication 3 concerne un “dispositif d’enchères informatisé pour la réalisation d’une enchère automatique, via un réseau, parmi plusieurs enchérisseurs qui utilisent un nombre correspondant d’ordinateurs clients”, le dispositif comprenant des moyens de réaliser les étapes indiquées dans la revendication 1.
La revendication 4 concerne un “programme d’ordinateur qui, lorsqu’il fonctionne sur un réseau d’ordinateurs comprenant des ordinateurs clients et un serveur”, exécute la méthode suivant la revendication 1.
VI. La revendication 2 selon la première requête subsidiaire porte sur un dispositif d’enchères comprenant en plus des moyens pour recevoir et stocker “des données sur les quantités” et “un état concernant le nombre de produits” afin de déterminer s’il “reste encore des produits”, auquel cas l’enchère se poursuit.
Les revendications 1 et 3 concernent respectivement une méthode et un programme d’ordinateur correspondants.
VII. La revendication 2 suivant la deuxième requête subsidiaire concerne un dispositif d’enchères qui, en plus du dispositif visé à la requête précédente, utilise des “règles” pour déterminer l’enchérisseur qui obtient l’adjudication.
Les revendications 1 et 3 concernent respectivement une méthode et un programme d’ordinateur correspondants.
VIII. La revendication 2 suivant la troisième requête subsidiaire concerne un dispositif d’enchères comprenant en plus des “moyens de recevoir un identificateur d’enchérisseur” et un “mot de passe” afin d'”authentifier chaque enchérisseur sur la base de l’identificateur et du mot de passe reçus”.
Les revendications 1 et 3 portent respectivement sur une méthode et un programme d’ordinateur correspondants.
IX. La procédure orale s’est déroulée le 21 avril 2004. Le requérant a essentiellement fait valoir les arguments suivants :
La méthode d’enchères automatique selon la revendication 1 requiert un système automatisé pour fonctionner sur un réseau. Si une affaire relevant de l’article 52(2) CBE doit être jugée sans qu’il soit fait référence à l’état de la technique, comme indiqué dans la décision T 931/95 (JO OEB 2001, 441), il n’est pas nécessaire que les composants matériels selon la revendication soient nouveaux pour conférer un caractère technique à la méthode. Etant donné que, conformément à la jurisprudence, un dispositif peut être brevetable même s’il traite des informations liées à une activité commerciale, une méthode correspondante impliquant des caractéristiques techniques ne peut pas être exclue de la brevetabilité au regard de l’article 52(2) CBE. Les demandeurs devraient être autorisés à revendiquer l’utilisation d’un dispositif brevetable.
Concernant la question de l’activité inventive, le requérant a fait valoir que l’invention ne représente pas la simple automatisation d’une enchère connue, puisque les principes de l’enchère sont nouveaux. Une enchère, lorsqu’elle est réalisée de la manière proposée, peut être conduite sans que les participants aient à faire des offres en ligne, ce qui résout le problème technique connu dans l’état de la technique, c’est- à-dire le manque de synchronisation et les divers retards pris dans le réseau utilisé par les enchérisseurs. La solution revêt un caractère technique, dans la mesure où elle nécessite l’introduction de nouvelles données dans l’ordinateur. Ainsi, la présente affaire est différente de celle traitée dans la décision T 931/95, en ce sens que les règles de l’enchère ont été développées dans le seul but de parer aux inconvénients techniques de l’ordinateur d’enchère connu.
X. Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et qu’un brevet soit délivré sur la base d’un des jeux de revendications déposés, par lettre datée du 16 décembre 2002, respectivement à titre de requête principale et de requêtes subsidiaires 1 à 3, ou sur la base des requêtes subsidiaires 4 à 7, comme proposé dans ladite lettre.
XI. La Chambre a prononcé sa décision à l’issue de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Recevabilité du recours
Le recours satisfait aux dispositions de la règle 65(1) CBE ; il est donc recevable.
Requête principale
2. L’invention selon la revendication 1 concerne une “méthode d’enchères automatique exécutée dans un ordinateur serveur”. La revendication 3 définit un “dispositif d’enchères informatisé” comprenant un ordinateur serveur, et la revendication 4 un programme d’ordinateur pour exécuter une enchère. Les caractéristiques des revendications sont étroitement liées et se basent essentiellement sur les mêmes étapes de la méthode.
La méthode peut être décrite de la façon suivante : l’enchère débute par un premier échange de données entre les ordinateurs clients et l’ordinateur serveur, afin de recueillir les offres des participants. Chaque offre comprend deux prix, à savoir un “prix souhaité” et un “prix maximum en cas de situation de concurrence”. Après cette première phase, l’enchère se déroule de façon automatique sans que les enchérisseurs aient à la suivre en ligne. Un prix d’adjudication est fixé puis abaissé progressivement (méthode typique des enchères dites “hollandaises”) jusqu’à ce qu’il atteigne le niveau de l’offre ou des offres les plus élevées comme défini par le “prix souhaité”. Si plusieurs offres sont identiques, le prix est relevé jusqu’à ce qu’il ne reste plus que l’enchérisseur ayant offert le “prix maximum” le plus élevé. Ce dernier est déclaré comme ayant obtenu l’adjudication. La revendication 1 ne spécifie pas le prix exact payé, ni les règles et conditions qui déterminent les quantités du produit à attribuer.
3. Non-inventions au sens de l’article 52(2) CBE : le dispositif selon la revendication 3
3.1 Aux termes de l’article 52(1) CBE, les brevets européens sont délivrés pour les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle. Le paragraphe 2 de l’article 52 contient une liste d’éléments ne devant pas être considérés comme des inventions au sens du paragraphe 1. L’objet revendiqué doit remplir quatre conditions : il doit être une “invention” et celle-ci doit être nouvelle, impliquer une activité inventive et être susceptible d’application industrielle. Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, le terme “invention” doit être interprété comme un “objet ayant un caractère technique”. Le fait de vérifier que l’objet revendiqué est une invention au sens de l’article 52(1) CBE est en principe une condition préalable à l’examen de la nouveauté, de l’activité inventive et de l’application industrielle, dans la mesure où ces dernières conditions ne sont définies que pour des inventions (cf. articles 54(1), 56, et 57 CBE). La structure de la CBE suggère donc qu’il devrait être possible de déterminer, sans aucune connaissance de l’état de la technique (y compris des connaissances générales), si un objet est exclu de la brevetabilité au regard de l’article 52(2) CBE.
3.2 L’idée qui sous-tendait l’approche fondée sur la contribution à l’état de la technique, appliquée par la jurisprudence antérieure des chambres de recours, était que la CBE vise à n’admettre la brevetabilité “que dans les cas où l’invention apporte une contribution à la technique, dans un domaine non exclu de la brevetabilité” (T 38/86, JO OEB 1990, 384, point II du sommaire). En d’autres termes, pour apprécier la première condition, c’est-à-dire l’existence d’une invention au sens de l’article 52(1) CBE, un critère avait été établi qui dépendait de la satisfaction à d’autres conditions citées dans cet article, en particulier la nouveauté et/ou l’activité inventive. Ainsi, l’état de la technique avait été pris en compte dans une certaine mesure pour déterminer si l’objet est exclu de la brevetabilité au sens de l’article 52(2) et (3) CBE:
“Lorsqu’il a été discuté plus haut de la question de savoir si l’invention revendiquée apporte une contribution par rapport à l’état de la technique, ou si son application fait intervenir des considérations techniques dont on peut estimer qu’elles constituent une contribution technique par rapport à l’état de la technique, il n’a pas été tenu compte (mis à part la référence au domaine de l’informatique générale, cf. point 3.4) d’antériorités particulières, telles que le document D1. Néanmoins, s’il est tenu compte de telles antériorités, les considérations qui précèdent demeurent valables.” (T 769/92, JO OEB 1995, 525, point 3.8).
3.3 Les chambres ont toutefois considéré dans des décisions plus récentes qu’il ne convenait pas de procéder à une comparaison avec l’état de la technique pour juger de l’existence d’une invention :
“C’est donc dans le cadre de l’examen de la nouveauté et de l’activité inventive qu’il convient de déterminer ce qu’une invention apporte en plus du point de vue technique par rapport à l’état de la technique, plutôt que dans le cadre de l’examen de la question de savoir si cette invention doit être considérée comme exclue de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) et (3) CBE” (T 1173/97, JO OEB 1999, 609, point 8);
“Rien dans la CBE ne permet d’opérer une distinction entre les “nouvelles caractéristiques” d’une invention et les caractéristiques de ladite invention connues dans l’état de la technique lorsqu’il s’agit de déterminer si l’invention revendiquée peut être considérée comme une invention au sens de l’article 52(1) CBE. Ainsi, la CBE n’offre aucune base juridique permettant d’appliquer, aux fins précitées, l’approche fondée sur la contribution à l’état de la technique” (T 931/95, supra, point IV du sommaire).
La Chambre dans sa composition actuelle partage cet avis.
3.4 De surcroît, conformément aux dispositions de l’article 52(3) CBE, l’objet visé au paragraphe 2 du même article n’est exclu de la brevetabilité qu’en tant que tel, de sorte que les chambres ont depuis longtemps admis la possible brevetabilité d’un mélange de caractéristiques techniques et d’autres non techniques :
“L’utilisation de moyens techniques pour mettre en oeuvre une méthode dans l’exercice d’activités intellectuelles, en excluant totalement ou en partie l’intervention humaine, peut, compte tenu des dispositions de l’article 52(3) CBE, conférer un caractère technique à ladite méthode, et donc permettre de la considérer comme une invention au sens de l’article 52(1) CBE” (T 38/86, point III du sommaire);
“Une invention qui serait sinon brevetable ne peut se voir exclue de la brevetabilité du seul fait de l’adjonction d’une caractéristique supplémentaire qui, en tant que telle, serait exclue de la brevetabilité…” (T 769/92, point II du sommaire).
3.5 Par conséquent, si l’on admet qu’un mélange de caractéristiques techniques et non techniques peut être considéré comme une invention au sens de l’article 52(1) CBE, et que l’état de la technique ne doit pas être pris en compte pour décider si l’objet revendiqué constitue une telle invention, une raison irréfutable de ne pas rejeter au titre de l’article 52(2) CBE un objet comprenant des caractéristiques techniques et d’autres non techniques est tout simplement que les premières peuvent en soi s’avérer remplir toutes les conditions visées à l’article 52(1) CBE.
3.6 En outre, il est souvent difficile de séparer dans une revendication les caractéristiques techniques et celles qui ne le sont pas, et une invention peut comporter des aspects techniques qui sont “dissimulés” dans un contexte largement non technique (cf. point 5.8 infra). Ces aspects techniques peuvent être plus aisés à identifier dans le cadre de l’examen de l’activité inventive, lequel, conformément à la jurisprudence des chambres de recours, porte sur les aspects techniques d’une invention (cf. point 5.3 infra). Ainsi, outre le libellé restrictif de l’article 52(3) CBE limitant l’applicabilité de l’article 52(2) CBE, il peut y avoir des raisons pratiques de prendre globalement en considération des mélanges de caractéristiques techniques et non techniques comme étant des inventions au sens de l’article 52(1) CBE.
3.7 C’est pourquoi la Chambre estime que, contrairement à l’appréciation de la division d’examen, le dispositif selon la revendication 3 constitue une invention au sens de l’article 52(1) CBE, puisqu’il comprend clairement des caractéristiques techniques, par exemple un “ordinateur serveur”, des “ordinateurs clients” et un “réseau”.
3.8 Cette conclusion est conforme à la décision T 931/95, dont le point III du sommaire dispose que :
“Tout dispositif constituant une entité physique ou un produit concret pouvant servir ou aider à réaliser une activité économique, est une invention au sens de l’article 52(1) CBE.”
3.9 La partie C, chapitre IV, 2.3.6 (cf. avant-dernier paragraphe, troisième phrase) des “Directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office européen des brevets”, décembre 2003, correspond à l’appréciation portée par la Chambre. Celle- ci fait toutefois observer que les Directives semblent se contredire elles-mêmes en ce que des dispositifs tels que des visualisations, des livres, des enregistrements de disques, des dispositifs de signalisation routière et des dispositifs destinés à la présentation des informations, sont considérés comme étant non brevetables – en ce sens qu’ils sont exclus de la brevetabilité en vertu de l’article 52(2) CBE – s’ils sont définis uniquement par le contenu des informations (cf. C-IV, 2.3.7).
4. Non-inventions au sens de l’article 52(2) CBE : la méthode selon la revendication 1
4.1 Le raisonnement ci-dessus (point 3.5) est indépendant de la catégorie de la revendication. Ainsi, dans la présente espèce, la méthode selon la revendication 1 n’est pas exclue de la brevetabilité au regard de l’article 52(2) CBE.
4.2 Cette conclusion n’est pas conforme au point II du sommaire de la décision T 931/95 qui dispose que : “Une caractéristique d’une méthode portant sur l’utilisation de moyens techniques à des fins exclusivement non techniques et/ou pour traiter des informations de nature exclusivement non technique ne confère pas nécessairement un caractère technique à ladite méthode” (cf. aussi Directives C-IV, 2.3.6, avant-dernier paragraphe, deuxième phrase).
4.3 Cependant, pour être cohérent avec la conclusion selon laquelle l'”approche fondée sur la contribution à l’état de la technique”, qui implique l’évaluation de différentes conditions de brevetabilité telles que la nouveauté ou l’activité inventive, est inadéquate pour juger si l’objet revendiqué est une invention au sens de l’article 52(1) CBE, il ne devrait pas être nécessaire d’apprécier dans le détail la pertinence des aspects techniques d’une revendication portant sur une méthode, afin d’en déterminer le caractère technique. En fait, la Chambre estime qu’une évaluation du caractère technique d’une méthode suivant le degré de banalité des caractéristiques techniques de la revendication comprendrait des éléments de l’approche fondée sur la contribution à l’état de la technique, car elle impliquerait une évaluation à la lumière de l’état de la technique disponible ou des connaissances générales.
4.4 D’un point de vue pratique, cette incohérence apparaît au grand jour lorsqu’on examine la question de savoir si une méthode qui utilise des moyens techniques à des fins purement non techniques présente un caractère technique. Dans cette affaire, si l’on s’en tient à l’approche adoptée dans la décision T 931/95, la simple existence de ces moyens ne suffirait pas nécessairement à conférer un caractère technique à la méthode. La Chambre considère que pour répondre concrètement à cette question il conviendrait de pondérer l’importance des caractéristiques, afin de déterminer le “noyau” de l’invention, impliquant nécessairement d’examiner leur pertinence technique, en particulier leur possible nouveauté ou contribution inventive à l’état de la technique. La Chambre tient à ajouter que cette pondération a déjà été rejetée dans la jurisprudence antérieure des chambres de recours (cf. décision T 26/86, JO OEB 1988, 19 ; point II du sommaire).
4.5 Enfin, la Chambre dans sa composition actuelle n’est pas persuadée que le texte de l’article 52(2)c) CBE, selon lequel “les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques” ne sont pas considérés comme des inventions au sens de l’article 52(1) CBE, impose de traiter différemment les revendications concernant des activités et celles portant sur des entités destinées à la mise en oeuvre de ces activités. Concernant la notion d'”invention” au sens de l’article 52(1) CBE, ce qui importe c’est l’existence du caractère technique que peuvent sous-tendre les caractéristiques physiques d’une entité ou la nature d’une activité, ou que l’utilisation de moyens techniques peut conférer à une activité non technique. En particulier, la Chambre considère que cette dernière ne peut être considérée comme étant une non-invention “en tant que telle” au sens de l’article 52(2) et (3) CBE. La Chambre estime par conséquent que les activités couvertes par la notion de non-invention “en tant que telle” représentent de façon typique des concepts purement abstraits et dénués de toute incidence d’ordre technique.
4.6 La Chambre n’ignore pas que son interprétation – relativement large – du terme “invention” figurant à l’article 52(1) CBE inclut des activités qui sont si courantes que leur caractère technique tend à être négligé, par exemple l’acte consistant à écrire en utilisant un stylo et du papier. Inutile de préciser toutefois que cela ne signifie pas que toutes les méthodes impliquant l’utilisation de moyens techniques sont brevetables. Elles doivent toujours être nouvelles, représenter une solution technique non évidente à un problème technique et être susceptibles d’application industrielle.
4.7 La Chambre conclut par conséquent que, d’une façon générale, une méthode impliquant des moyens techniques est une invention au sens de l’article 52(1) CBE.
5. Activité inventive : revendication 1
5.1 La nouveauté n’étant pas une question traitée dans le cadre de la présente procédure, la Chambre examine ci-après la question de l’activité inventive.
5.2 Le document D6 divulgue un système de mise aux enchères comprenant un poste d’utilisation pour le commissaire-priseur, ce poste étant connecté à des terminaux destinés aux enchérisseurs (voir l’abrégé). L’enchère est de type “hollandaise”, ce qui signifie que le prix d’adjudication, qui est surveillé sur un “cadran” d’enchères, diminue avec le temps. Les enchérisseurs sont invités à suivre l’enchère sur leur terminal. Un enchérisseur peut stopper le cadran à distance en utilisant une touche sur son bureau (colonne 2, lignes 37 à 39). Le premier enchérisseur à stopper le cadran obtient l’adjudication (colonne 1, lignes 27 à 32). Etant donné que le comportement en temps réel revêt une grande importance dans les enchères hollandaises (colonne 3, lignes 31 à 35), les informations relatives au temps sont transmises avec les messages, afin de pouvoir déterminer la chronologie des ordres d’arrêt du cadran (colonne 4, lignes 16 à 36).
Le document D2 est similaire au document D6. Ici, le problème lié au retard de transmission est résolu grâce à une boucle logicielle à verrouillage de phase (figure 6) qui permet une synchronisation du cadran d’enchères et des terminaux des enchérisseurs.
5.3 Conformément aux principes exposés dans la décision T 641/00 (JO OEB 2003, 352 ; cf. point I du sommaire), l’exigence d’activité inventive doit être appréciée pour une invention en tenant compte des caractéristiques qui contribuent à un caractère technique. Il convient donc de déterminer les caractéristiques qui apportent une contribution technique.
5.4 La méthode revendiquée vise globalement à identifier l’enchérisseur qui obtient l’adjudication pour un produit proposé à la vente dans le cadre d’une enchère. Cet objectif n’est pas considéré comme ayant un caractère technique et, au demeurant, le requérant n’a pas fait valoir qu’il en avait un.
Par ailleurs, les caractéristiques ayant trait au stockage et à la transmission des données, en particulier les caractéristiques a) à c) de la revendication, sont en soi techniques. Elles sont néanmoins tout à fait classiques et connues dans l’état de la technique (par exemple D6).
Les caractéristiques d) à l) portent sur les conditions permettant de déterminer l’enchérisseur qui obtient l’adjudication, en utilisant les informations stockées. Les conditions ne concernent que les prix et, hormis peut-être la caractéristique h) (cf. point 5.8 infra), n’ont pas un caractère technique. Il est vrai qu’elles sont mises en oeuvre dans un ordinateur et que l’état général de l’ordinateur varie pour chaque instruction exécutée. Cela n’est toutefois pas considéré comme un effet technique, mais plutôt comme une simple manifestation des informations contenues dans les prix et les conditions. Même si le type de manifestation peut être considéré comme technique, il est bien connu dans le domaine du traitement des données.
5.5 Le requérant a fait valoir que l’effet technique réside dans la résolution du problème de l’état de la technique lié aux retards de transmission des informations entre les enchérisseurs et le serveur. Si l’enchère est effectuée en ligne, comme proposé dans les documents D6 ou D2, ces retards influencent le résultat de l’enchère.
5.6 La solution à ce problème consiste à adapter la méthode d’enchères connue de telle sorte qu’elle puisse être mise en oeuvre automatiquement, les retards dans la transmission des données étant dès lors sans objet.
5.7 La Chambre considère toutefois que cette solution ne contribue pas au caractère technique et ne peut donc pas être prise en considération pour apprécier l’activité inventive, puisqu’elle concerne les règles de l’enchère, signifiant ainsi qu’elle ne constitue pas une solution technique au problème de retard décrit (et résolu par des moyens techniques) dans les documents D2 et D6, mais une solution entièrement basée sur des modifications apportées à la méthode d’enchères. Des étapes d’une méthode consistant à modifier un modèle d’activité économique et visant à contourner un problème technique plutôt qu’à le résoudre par des moyens techniques ne peuvent contribuer au caractère technique de l’objet revendiqué.
En outre, comme l’a reconnu le requérant, une caractéristique importante de l’invention est que lorsque plusieurs enchérisseurs proposent un certain “prix souhaité”, le prix d’adjudication est relevé afin d’éliminer les offres inférieures, ce qui nécessite des informations concernant l’offre – un “prix souhaité” et un “prix maximum” – ainsi que des tests portant sur certaines conditions. Mais cette caractéristique est fondamentalement indépendante de l’installation informatique permettant d’effectuer l’enchère. Elle pourrait tout aussi bien être utilisée pour réaliser une enchère hollandaise sans soutien informatique, par exemple en recueillant des offres par écrit dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, pour éviter aux participants d’être présents à la vente aux enchères. Le résultat de cette enchère purement hypothétique serait le même.
Par conséquent, l’invention peut être considérée comme une simple automatisation de l’activité non technique consistant à exécuter une enchère hollandaise en l’absence des enchérisseurs. L’ingéniosité éventuellement requise pour développer les règles de l’enchère imaginée ne peut être tenue pour une activité inventive suivant les principes esquissés dans la décision T 641/00. La partie technique de l’invention se limite ainsi essentiellement à donner comme instruction à l’ordinateur serveur d’appliquer les conditions prévues et d’effectuer les calculs nécessaires.
5.8 En revanche, si une étape d’une méthode a été conçue de façon à être particulièrement appropriée à sa mise en oeuvre sur un ordinateur, on peut supposer qu’elle revêt un caractère technique. Suggérer une telle étape peut nécessiter des considérations techniques (cf. T 769/92, point I du sommaire), à savoir des considérations touchant aux principes de fonctionnement d’un ordinateur. Cette opinion figure aussi dans la décision T 52/85 (non publiée au JO OEB), dans laquelle une méthode d’affichage d’une liste d’expressions sémantiquement liées à une autre expression linguistique a été considérée comme non technique précisément parce qu’aucune de ces considérations techniques n’était nécessaire : la méthode n’était “rien d’autre que ce que ferait un être humain cherchant des termes liés sémantiquement” (cf. 5.8 des motifs de la décision).
L’invention à examiner peut contenir une caractéristique qui ne correspond pas à ce que ferait un être humain en réalisant l’enchère sans soutien informatique. Il s’agit de l’étape consistant à relever progressivement le prix d’adjudication afin de déterminer le prix maximum le plus élevé offert par des enchérisseurs ayant proposé le même prix souhaité (étape h)). Un commissaire-priseur aurait sans doute effectué cette opération simplement en regardant les offres. La Chambre est cependant convaincue que cette façon de classer les offres constitue une mesure de programmation de routine parfaitement à la portée de l’homme du métier. Cette caractéristique, même si elle est susceptible de constituer une solution technique à un problème, aurait ainsi paru évidente à l’homme du métier spécialiste du traitement des données.
5.9 Il en résulte que la méthode d’enchères automatique suivant la revendication 1 n’implique pas d’activité inventive (article 56 CBE).
6. Activité inventive : revendication 3
Ces mêmes raisons expliquent que le dispositif d’enchères informatisé suivant la revendication 3 n’implique pas d’activité inventive (article 56 CBE).
7. Revendication 4
Etant donné que le programme d’ordinateur suivant la revendication 4 est défini par les mêmes étapes que la méthode suivant la revendication 1, il n’est pas non plus brevetable, puisqu’il n’implique pas d’activité inventive (article 56 CBE). Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner s’il entre dans le cadre des exclusions prévues à l’article 52(2)c) CBE ensemble l’article 52(3) CBE.
8. Aucune des revendications indépendantes n’étant admissible, la requête principale du requérant est rejetée.
Requête subsidiaire 1
9. La revendication de dispositif 2 diffère de la revendication 3 selon la requête principale en ce qu’elle spécifie non seulement un prix mais aussi les données relatives aux quantités. Le requérant a expliqué que les modifications visaient à répondre aux objections soulevées par la division d’examen sur la base de l’article 123(2) CBE. La Chambre considère que ces données relatives aux quantités font partie des principes des enchères et qu’elles ne peuvent donc contribuer à l’activité inventive.
Requête subsidiaire 2
10. Dans la revendication de dispositif 2, le dispositif d’enchères est défini en termes de règles dites “fired”, c’est- à-dire des conditions qui sont remplies. Cette autre formulation n’a pas non plus de conséquence quant à la question de l’activité inventive.
Requête subsidiaire 3
11. Le dispositif selon la revendication 2 est aussi capable d’authentifier les enchérisseurs par mot de passe. Il s’agit là toutefois d’une caractéristique qui est généralement connue dans le domaine des réseaux d’ordinateurs et qui n’implique pas d’activité inventive dans les circonstances de l’espèce.
Requêtes subsidiaires 4 à 7
12. Les requêtes subsidiaires 4 à 7 correspondent respectivement à la requête principale et aux requêtes subsidiaires 1 à 3. Chacune d’entre elles contient une seule revendication qui est identique à la revendication de dispositif de la requête correspondante. Elles ne sont donc pas admissibles pour les raisons déjà indiquées.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.