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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1991:T056089.19910424
Date de la décision : 24 Avril 1991
Numéro de l’affaire : T 0560/89
Numéro de la demande : 82100325.8
Classe de la CIB : F17C 11/00
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Versions : OJ
Titre de la demande :
Nom du demandeur : N.I.Industries
Nom de l’opposant : Linde
Chambre : 3.3.02
Sommaire : L’homme du métier qui doit résoudre un problème technique relevant d’un domaine particulier envisagerait de se reporter à un autre domaine technique où le même problème est bien connu du grand public en raison des vastes débats qu’il suscite, même si cet autre domaine technique n’est ni connexe ni général et plus large, pour autant qu’il existe un lien entre la nature des matières utilisées dans ce domaine particulier et celle des matières utilisées dans l’autre domaine (cf. point 5 des motifs de la décision ; à la suite de T 176/84, JO OEB 1986, 50, et T 195/84, JO OEB 1986, 121).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Etat de la technique pertinent
Problème bien connu du public dans un domaine technique différent
Matières apparentées
Activité inventive (oui) – Fonction inattendue
Exergue :

Décisions citées :
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0955/90
T 0107/92
T 0469/92
T 0675/92
T 0023/94
T 0257/94
T 0379/96
T 0569/96
T 0237/03
T 0520/03
T 0881/05

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n° 56645, composé de douze revendications, a été délivré sur la base de la demande de brevet européen n° 82 100 325.8. La revendication indépendante 1 est libellée comme suit :

“Réservoir de stockage d’acétylène (10) comprenant :

une enveloppe métallique (20) ; et une charge durcie monolithique de silicate de calcium (30) comprenant au moins 35 % en poids de phase cristalline et ayant une porosité d’au moins environ 88 %, disposée dans ladite enveloppe métallique qu’elle remplit pratiquement totalement pour recevoir une solution d’acétylène gazeux, ladite porosité étant assurée par des pores très fins distribués essentiellement uniformément, ayant une taille d’environ 0,05 à 25 micromètres, et ladite charge de silicate de calcium (30) étant essentiellement dépourvue d’interstices ; ladite matière de charge de silicate de calcium ayant un agent de résistance à la sédimentation et une matière fibreuse de renfort disposés essentiellement uniformément dans l’ensemble dudit silicate de calcium ; caractérisé en ce que ladite charge (30) ne contient pas d’amiante ; et des fibres de verre résistant aux alcalis servent à la fois dedite matière fibreuse de renfort et dedit agent de résistance à la sédimentation en une quantité telle qu’elles constituent de 0,5 à 7 % du poids de ladite charge durcie de silicate de calcium (30).”

La revendication indépendante 9 porte sur un procédé pour former ce réservoir de stockage d’acétylène.

II. Les requérants I et II (opposants I et II) ont formé une opposition, demandant la révocation du brevet pour absence d’activité inventive. Après l’expiration du délai d’opposition, l’opposant II a en outre objecté que les modifications apportées à la revendication 1 n’étaient pas conformes aux exigences de l’article 123(2) CBE. Parmi les documents cités à l’appui des oppositions, seuls les suivants ont été admis dans la procédure de recours :

1) US-A-2 883 040

2) GB-A-1 401 972

3) Tiré-à-part de “Betonwerk + Fertigteil-Technik”, numéro 9, septembre 1973, “Glasfaserbeton”

4) Tiré-à-part de la revue “Beton”, numéro 4/1977 “Erstes Schalendach aus Glasfaserbeton in Deutschland”

5) Prospectus “CEM-FIL” de Pilkington Group.

Trois documents supplémentaires ont été cités après expiration du délai d’opposition, notamment le document (10) DE-C-1 187 763.

III. La division d’opposition a rejeté les oppositions. La revendication 1 a été jugée conforme aux exigences de l’article 123(2) CBE. Les documents déposés tardivement n’ont pas été pris en compte, tandis que le document 1 était considéré comme l’état de la technique le plus proche. De l’avis de la division d’opposition, bien que le remplacement, dans les produits à base de ciment, des fibres d’amiante par des fibres de verre soit connu dans l’industrie du bâtiment, aucun des documents cités ne suggère d’utiliser des fibres de verre dans la quantité spécifique revendiquée, afin d’obtenir un réservoir de stockage d’acétylène dont la charge de silicate de calcium présente les propriétés requises pour recevoir une solution d’acétylène gazeux dissous, les fibres de verre servant à la fois de matière de renfort et d’agent de résistance à la sédimentation.

IV. Les requérants I et II ont formé un recours contre cette décision. C’est à ce stade qu’ils ont cherché à introduire pour la première fois dans la procédure cinq autres documents, notamment le document 13 DE-C-1 494 773.

V. La procédure orale a eu lieu le 24 avril 1991. Bien que dûment convoqué, le requérant II n’y a pas assisté. L’intimé (titulaire du brevet) a remis, en tant qu’unique requête, un nouveau jeu de dix revendications ainsi que des modifications apportées aux pages 4 et 5 du brevet.

La revendication 1 se distingue de celle figurant dans le brevet délivré en ce que la quantité inférieure de fibres de verre indiquée dans la partie caractérisante de la revendication a été remplacée par 2 %. La même modification a été apportée à la revendication de procédé indépendante. Les revendications dépendantes 3 et 12 du brevet tel que délivré ont été supprimées, et les revendications 4 à 11 ont été renumérotées.

VI. Le requérant II a affirmé que les exigences de l’article 123(2) CBE n’étaient pas remplies étant donné que les revendications indépendantes comportent une caractéristique, à savoir la fonction des fibres de verre en tant qu’agent de résistance à la sédimentation, qui n’a été ni revendiquée dans la demande initiale, ni considérée comme étant inventive dans la description s’y rapportant.

Les arguments des requérants à propos de l’activité inventive peuvent être résumés comme suit :

Lorsqu’il est apparu que les fibres d’amiante représentaient un risque pour la santé, et que s’est posé le problème de leur remplacement, le sujet était généralement connu et dépassait les limites d’un domaine spécifique. Même le public était au courant de ce problème, qui concernait avant tout l’industrie du bâtiment. En outre, le produit de silicate de calcium mentionné dans le document 2, ainsi que la masse de remplissage de réservoirs de stockage de gaz sont très proches en ce qui concerne les matières elles-mêmes et leur préparation, et ils appartiennent à des domaines techniques connexes s’influençant mutuellement. Qui plus est, le document 13 divulguant qu’une masse dure pour réservoirs de stockage d’acétylène et le béton présentent des propriétés similaires, et que la fabrication d’un grand nombre de masses dures requiert l’utilisation du ciment, le spécialiste des masses de remplissage possédait aussi les connaissances contenues dans les documents 2 à 5. Il est donc évident, pour l’homme du métier placé face au problème du remplacement des fibres d’amiante dans la masse de remplissage des réservoirs de stockage d’acétylène, mentionné dans le document 1, d’utiliser à la place des fibres d’amiante, les fibres de verre résistant aux alcalis proposées dans le document 2 ou les documents 3 à 5. Les requérants ont fait référence aux décisions T 176/84 (JO OEB 1986, 50) et T 195/84 (JO OEB 1986,

121). Compte tenu de l’enseignement du document 2 ou des documents 2 à 5, l’homme du métier était en mesure de déterminer la quantité appropriée de fibres de verre. Par ailleurs, il ressort du document 10 qu’il est possible de préparer une masse de remplissage sans incorporer d’agent de suspension dans la bouillie. L’effet de suspension attribué à la chaux dans le document 10 n’est en réalité qu’une supposition, et il se peut tout aussi bien que les fibres d’amiante contribuent à la résistance à la sédimentation, comme cela est divulgué dans le brevet incriminé. Aussi aurait-on pu prévoir la fonction des fibres de verre en tant qu’agent de résistance à la sédimentation.

VII. Les principaux arguments invoqués par l’intimé peuvent être résumés comme suit :

Les produits de l’industrie du bâtiment ne sauraient être considérés comme étant voisins du domaine très particulier que représentent les réservoirs de stockage d’acétylène, puisque les caractéristiques qu’ils doivent posséder ne s’appliquent pas aux réservoirs de stockage d’acétylène et inversement. Cette technique particulière ne relève pas d’un domaine technique général plus large, leur seul point commun étant le problème du remplacement des fibres d’amiante. Les documents 2 à 5 ne mentionnent, à l’exception de la résistance, aucune des propriétés essentielles requises pour fabriquer un réservoir de stockage d’acétylène utilisable.

De plus, la quantité totale indiquée dans le document 1 pour l’agent de suspension et les fibres d’amiante présents dans la masse de remplissage poreuse se situe entre 12 et 37 % en poids, alors que la quantité revendiquée de fibres de verre faisant fonction à la fois d’agent de renforcement et de résistance à la sédimentation est remarquablement faible. L’état de la technique ne suggère pas que l’on puisse se passer de l’agent de suspension utilisé dans le document 1, sans le remplacer par d’autres moyens, par exemple par le traitement particulier de la chaux divulgué dans le document 10. Même avec le recul, il est impossible, en combinant les documents 1, 2 et 10, d’arriver à l’objet revendiqué, puisque le document 10 prescrit le traitement de la chaux.

VIII. Les requérants ont demandé l’annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L’intimé a requis le rejet du recours et le maintien du brevet sur la base des pages 1 à 3 et 6 à 11 du fascicule de brevet européen tel que délivré, et des pages 4, 5 et 12 remises lors de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Les revendications modifiées ne soulèvent aucune objection au titre de l’article 123(2) CBE. La porosité de 88 % indiquée dans les revendications indépendantes 1 et 8 est fondée sur la revendication 2 de la demande initialement déposée, et la plage de 2 à 7 % pour la quantité de fibres de verre est étayée par les renseignements de la page 12, lignes 1 et 2 de ladite demande. En ce qui concerne la fonction supplémentaire des fibres de verre comme “agent de résistance à la sédimentation”, la Chambre partage l’avis de la division d’opposition, selon lequel cette caractéristique est clairement divulguée dans la description initiale, page 7, lignes 6 à 8 et page 12, lignes 1 et 2.

Pour ce qui est de la conformité des modifications à l’article 123(2) CBE, il importe peu que la caractéristique en question soit présentée comme étant essentielle et inventive dans la demande initiale ; il suffit que cette caractéristique y soit bien divulguée en combinaison avec les autres caractéristiques. La Chambre ne peut donc se ranger aux arguments du requérant II sur ce point.

En outre, les modifications apportées aux revendications 1 et 8 n’étendent manifestement pas la portée de la revendication 1 du brevet délivré, puisque la variation de la quantité de fibres de verre a été réduite.

3. Ayant procédé à l’examen d’office des huit documents déposés tardivement, la Chambre a décidé de retenir les documents 10 et 13 en raison de leur intérêt. En effet, le document 10 contient des informations pertinentes au sujet de l’utilisation d’un agent de suspension ou d’autres moyens empêchant la sédimentation de la bouillie, tandis que le document 13 mentionne des similitudes entre le béton et le réseau de silicate de calcium des masses de remplissage dans les réservoirs de stockage d’acétylène. Les autres documents ne présentent guère plus d’intérêt que ceux déposés dans les délais et ne divulguent rien qui puisse influer sur la décision. Aussi a-t-il été décidé de ne pas en tenir compte, en vertu de l’article 114(2) CBE.

4. Le brevet incriminé porte sur un réservoir de stockage d’acétylène comprenant une enveloppe métallique et une charge poreuse, durcie et monolithique de silicate de calcium disposée dans ladite enveloppe métallique qu’elle remplit pratiquement totalement pour recevoir une solution d’acétylène gazeux. Cette charge présente une porosité d’au moins 88 % qui est assurée par des pores très fins, et elle est essentiellement dépourvue d’interstices. La charge de silicate de calcium contient en outre une matière fibreuse de renfort disposée uniformément dans l’ensemble de la masse. Ce genre de réservoir de stockage d’acétylène est déjà connu par le document 1, que la Chambre, en accord avec la division d’opposition et toutes les parties, considère comme l’état de la technique le plus proche.

La charge durcie de silicate de calcium décrite dans le document 1 contient des fibres minérales inertes, en particulier des fibres d’amiante en tant que matière fibreuse de renfort, et elle est préparée à partir d’une composition initiale qui, outre de la silice, de la chaux et des fibres d’amiante, comprend un agent de suspension (cf. revendication 2 ; colonne 2, lignes 27 à 45 ; colonne 3, lignes 30 à 34). Comme indiqué dans le brevet incriminé, “en raison de la crainte généralisée que les fibres d’amiante constituent un risque pour la santé et l’environnement”, il est souhaitable de chercher à les remplacer.

Au vu de l’état de la technique le plus proche (document 1), le problème technique à résoudre dans ce brevet consiste à fabriquer un réservoir de stockage d’acétylène qui évite les risques pour la santé et l’environnement liés à l’utilisation de fibres d’amiante, et dont la masse de remplissage présente les caractéristiques de porosité élevée, de distribution uniforme de pores très fins, de résistance, de retrait, de dissipation thermique et de vidage du gaz propres à recevoir une solution d’acétylène gazeux dissous.

Il est proposé de résoudre ce problème par les caractéristiques citées dans la partie caractérisante de la revendication 1, à savoir : a) de remplacer les fibres d’amiante par des fibres de verre résistant aux alcalis, b) d’utiliser les fibres de verre comme matière fibreuse de renfort et agent de résistance à la sédimentation, ce qui supprime la nécessité d’employer un agent de suspension comme dans le document 1, et c) d’utiliser les fibres de verre en quantité telle qu’elles constituent de 2 à 7 % du poids de la charge durcie de silicate de calcium.

Au regard des exemples fournis dans le brevet et des propriétés physiques citées dans les tableaux, la Chambre est convaincue que la solution apportée à ce problème technique est plausible. Ceci n’a d’ailleurs pas été mis en doute par les requérants.

4. Après examen des documents cités, la Chambre a conclu qu’aucun d’eux ne divulgue un réservoir de stockage d’acétylène comprenant une charge de silicate de calcium présentant les caractéristiques a), b) et c) susmentionnées. Etant donné que la question de la nouveauté n’a pas été soulevée par les requérants, il est inutile d’étudier ce point plus avant.

5. Il reste à examiner si l’objet revendiqué satisfait à l’exigence d’activité inventive.

5.1 L’enseignement du document 1 proprement dit n’est pas limité à l’utilisation de fibres d’amiante en tant que matière de renfort d’une masse de remplissage poreuse de silicate de calcium, puisque la possibilité d’utiliser des fibres minérales inertes en général est également prévue (cf. colonne 3, lignes 30 à 35). Cependant, ce document est muet sur le type de fibres minérales pouvant remplacer les fibres d’amiante compte tenu du pH fortement alcalin et des conditions opératoires lors de la fabrication de la masse de remplissage.

5.2 Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, l’homme du métier voulant résoudre un certain problème dans un domaine technique particulier chercherait, en l’absence d’informations utiles dans ledit domaine, des suggestions dans des domaines voisins ou dans le domaine technique général plus large où se posent des problèmes identiques ou analogues, et qu’il devrait normalement connaître (cf. T 176/84, JO OEB 1986, 50 et T 195/84, JO OEB 1986, 121).

L’homme du métier savait fort bien que le problème des risques pour la santé que représentent les fibres d’amiante s’était posé et avait été traité dans d’autres domaines techniques que celui, particulier, des réservoirs de stockage d’acétylène, notamment dans l’industrie du bâtiment. Comme l’ont fait remarquer les requérants – sans contestation de la part de l’intimé – même le grand public était parfaitement informé de ce problème dans l’industrie du bâtiment, avant la date de priorité, en raison du large débat qu’il avait suscité et des mesures de sécurité publique qui s’ensuivirent. En outre, le document 13, qui a trait à la préparation d’une masse de remplissage durcie pour réservoirs de stockage d’acétylène, enseigne que, malgré une préparation différente, le réseau de silicate de calcium des masses de remplissage présente essentiellement les mêmes propriétés chimiques que le béton, et que le ciment est l’un des composants utilisés pour la fabrication d’un grand nombre d’entre elles (cf. colonne 1, ligne 66 à colonne 2, ligne 5). En conséquence, bien que, de l’avis de la Chambre, l’industrie du bâtiment ne puisse être considérée ni comme un domaine voisin, vu notamment la grande différence de porosité et d’usage des produits, ni comme un domaine technique général plus large tel que défini dans les décisions précitées, il est possible de déduire du document 13 qu’il existe un lien entre la nature des matières utilisées dans le domaine particulier des réservoirs de stockage d’acétylène et celle des matières utilisées dans l’industrie du bâtiment. Dans ce contexte, la Chambre estime que l’homme du métier placé face au problème susmentionné aurait tout naturellement orienté ses recherches vers le domaine de l’industrie du bâtiment concernant le renforcement de produits cimentaires avec des fibres, et serait tombé sur le document 2, qu’il aurait certainement étudié avec grand intérêt pour les raisons suivantes.

Bien que le document 2 porte sur des matériaux utilisés dans l’industrie du bâtiment sous la forme de panneaux, briques ou feuilles isolants, il est néanmoins axé sur le renforcement de matériaux en silicate de calcium autoclavés, dont la préparation consiste en un autoclavage à 150 – 200° C de mélanges de chaux et de silice ayant un rapport molaire de 0,8 à 1,2, ainsi que, à titre facultatif, d’autres liants tels que le ciment, c’est-à-dire des matières voisines de celles utilisées pour les masses de remplissage pour réservoirs de stockage d’acétylène (cf. page 1, lignes 52 à 76, et page 3, tableau). En outre, ce document traite du problème posé par les risques éventuels pour la santé, liés à l’utilisation de fibres d’amiante dans de tels produits, qu’il est proposé de remplacer par des fibres de verre résistant aux alcalis (cf. page 1, ligne 44 à page 2, ligne 8). Selon ce document 2, les fibres de verre résistant aux alcalis contenant du ZrO2 sont d’excellents éléments de renfort dans les matériaux en silicate de calcium autoclavés (page 1, lignes 48 à 52).

La Chambre est convaincue qu’après examen de cet enseignement et compte tenu du milieu fortement alcalin et des températures élevées lors de la fabrication de ces produits, comme c’est le cas pour les masses de remplissage décrites dans le document 1, l’homme du métier cherchant à éviter les risques pour la santé que représentent les fibres d’amiante dans ces masses de remplissage aurait été incité à remplacer ces fibres d’amiantes par les fibres de verre recommandées dans le document 2, en raison de leur excellente efficacité en tant qu’agent de renfort.

Le fait que les produits décrits dans le document 2 aient une porosité trop faible pour des masses de remplissage, et qu’aucune information ne soit donnée au sujet des propriétés requises pour une masse de remplissage, à l’exception de la résistance, n’empêcherait pas l’homme du métier d’effectuer des expériences avec des fibres de verre, étant donné que la porosité des produits divulgués dans le document 2 est adaptée à leur usage particulier, et qu’on ne saurait en déduire qu’il est impossible d’obtenir des degrés de porosité plus élevés. En outre, les conditions à respecter pour obtenir une porosité élevée de 88 % au moins et une distribution uniforme de pores fins sont déjà mentionnées dans le document 1.

5.3 Pour parvenir à l’objet de la revendication 1 du brevet incriminé, l’homme du métier devrait non seulement remplacer les fibres d’amiante par les fibres de verre résistant aux alcalis citées dans le document 2, mais aussi supprimer l’agent de suspension présent pour 8-16,5 % en poids dans les compositions mentionnées dans le document 1, (cf. colonne 2, lignes 26 à 45), et déterminer la quantité appropriée de fibres de verre.

5.4 Selon le document 1, il faut que la bouillie contienne un agent de suspension (cf. colonne 1, lignes 38 à 72 et colonne 2, lignes 1 à 3 et 27 à 43) pour obtenir une masse de remplissage de silicate de calcium ayant une porosité plus élevée, c’est-à-dire comprise entre 86 et 93 %, une distribution uniforme de pores très fins et une résistance suffisante pour un usage commercial sans sédimentation ou formation d’interstices. La quantité et le type d’agent de suspension doivent être tels qu’ils empêchent la sédimentation ou la stratification de la bouillie avant que celle-ci ne prenne, sans toutefois amoindrir les propriétés physiques désirées de la masse finale (cf. colonne 2, lignes 18 à 22). Il est fait mention de quantités allant de 8 à 16,5 % en poids sur une base sèche. Il est indiqué dans le document 1 que cette quantité peut être réduite si des silices amorphes et de la silice sous forme de particules très fines sont incluses dans la composition ; cependant, les proportions figurant à la colonne 3, lignes 15 à 24, correspondent à une quantité minimum théorique d’environ 6 % en poids d’agent de suspension.

Compte tenu de cet enseignement, l’homme du métier cherchant à éviter les risques que représentent les fibres d’amiante pour la santé, tout en obtenant une masse de remplissage de porosité élevée (88 % au moins) et des pores fins distribués uniformément, n’aurait pas envisagé de se passer de l’agent de suspension, même lorsque les fibres d’amiante sont remplacées par les fibres de verre dans la bouillie mentionnée dans le document 1, étant donné que l’enseignement de ce document n’est pas limité aux fibres d’amiante, mais s’applique à d’autres fibres minérales inertes (cf. colonne 2, lignes 27 à 35 ; colonne 3, lignes 34 et 35), et que le document 2 ne laisse pas entendre que les fibres de verre pourraient également avoir la fonction d’agent de suspension.

5.5 Le document 10 a, lui aussi, trait aux masses de remplissage de silicate de calcium présentant une porosité élevée de 90 % environ pour les réservoirs de stockage d’acétylène. En ce qui concerne l’état de la technique, l’attention est attirée sur le fait que, si l’addition d’un agent de suspension, tel que le sulfate d’aluminium ou la bentonite, à la bouillie de chaux, de silice et de fibres d’amiante améliore l’homogénéité de la masse de remplissage, elle a en même temps un certain effet diluant, et diminue de ce fait la résistance de cette dernière (cf. colonne 1, lignes 20 à 30). Au lieu d’ajouter cet agent de suspension, il est proposé de soumettre la chaux éteinte à un traitement préalable dans un désintégrateur afin d’obtenir une chaux très finement divisée ainsi qu’une dispersion uniforme. Il est supposé que cet hydroxyde de calcium finement divisé et bien dispersé exerce sur la bouillie un effet suffisamment suspensif pour éviter toute sédimentation ou stratification et permettre la formation d’une masse de remplissage à texture uniforme (cf. colonne 2, lignes 41 à 52 ; colonne 4, lignes 2 à 9). Par conséquent, l’homme du métier aurait déduit du document 10 qu’il est effectivement possible de se passer de l’agent de suspension, à condition de le remplacer par un traitement spécial de la chaux pour obtenir l’effet de suspension nécessaire. En outre, de même que dans le document 1 ou 2, rien, dans le document 10, ne donne à croire que les fibres de verre résistant aux alcalis puissent avoir un effet de suspension ou de résistance à la sédimentation. Dans ces conditions, même si l’homme du métier avait renoncé à utiliser l’agent de suspension mentionné dans le document 1, il l’aurait remplacé par le traitement préalable de la chaux cité dans le document 10, puisqu’il ne pouvait espérer obtenir une masse de remplissage de haute porosité et une distribution uniforme de pores fins, en l’absence de tout moyen empêchant la sédimentation et la stratification de la bouillie. Il ne serait donc pas arrivé au procédé et au produit revendiqués, qui n’exigent aucun de ces moyens en raison de la fonction inattendue d’agent de suspension exercée par les fibres de verre.

5.6 La Chambre ne peut se rallier aux arguments invoqués par le requérant I au sujet du document 10 (cf. point VI supra). S’il est vrai que l’effet de suspension attribué à la chaux finement divisée est une supposition de l’auteur, il n’en reste pas moins que cet effet est divulgué et rien ne vient prouver le contraire. En revanche, l’hypothèse émise par le requérant, selon laquelle les fibres d’amiante contribuent peut-être à l’effet de suspension nécessaire (ou de résistance à la sédimentation) est effectivement mentionnée dans le brevet, mais n’est pas divulguée dans l’état de la technique cité. Même en admettant, en faveur du requérant, que cette contribution était connue, l’homme du métier aurait conclu, au regard des documents 1 et 10, que l’effet de suspension des fibres d’amiante ne suffit pas pour éviter une sédimentation et une stratification dans la mesure désirée, puisqu’il est nécessaire d’ajouter un agent de suspension ou de soumettre la chaux à un traitement préalable pour obtenir la résistance souhaitée à la sédimentation. En conséquence, les documents 1, 2 et 10 ne permettent pas de conclure que les fibres de verre résistant aux alcalis ont un effet de suspension tel qu’il serait possible de se passer d’autres agents de suspension.

En supposant que le requérant II ait voulu se référer au document 10, la Chambre n’est pas d’accord avec son allégation, selon laquelle les fibres visées à la colonne 2, lignes 49 à 51, peuvent également servir d’agent de résistance à la sédimentation. En fait, ce passage divulgue que ce ne sont pas les fibres, mais l’hydroxyde de calcium finement divisé qui sert d’agent de suspension.

5.7 Les documents restants 3, 4 et 5 ont trait au béton renforcé par des fibres de verre dans l’industrie du bâtiment. Cependant, la matrice n’étant pas un matériau en silicate de calcium autoclavé, ces documents sont plus éloignés de l’objet de la revendication 1 que le document 2. En outre, ils n’indiquent aucunement que les fibres de verre résistant aux alcalis utilisées comme matière de renfort pourraient avoir un effet de suspension.

5.8 En conséquence, pour les motifs précités, la Chambre estime qu’à la lumière de l’état de la technique cité, il n’était pas évident d’utiliser les fibres de verre résistant aux alcalis tout à la fois comme matière de renfort et comme agent de résistance à la sédimentation dans la masse de remplissage d’un réservoir de stockage d’acétylène (caractéristique b) pour résoudre le problème défini plus haut. Dans ces conditions, il est inutile d’examiner plus avant si la caractéristique supplémentaire (c) implique une activité inventive.

Il s’ensuit que l’objet de la revendication 1 satisfait à l’exigence d’activité inventive au sens des articles 52(1) et 56 CBE.

6. Les motifs précités s’appliquent par analogie à la revendication de procédé 8, qui porte sur un procédé destiné à former un réservoir de stockage d’acétylène présentant les caractéristiques citées dans la revendication 1. En conséquence, ce procédé est lui aussi considéré comme impliquant une activité inventive.

Quant à la brevetabilité des revendications dépendantes 2 à 7, 9 et 10, qui concernent des modes de réalisation préférés des revendications 1 et 8, elle découle de la brevetabilité des revendications 1 et 8.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision faisant l’objet du recours est annulée.

2. L’affaire est renvoyée devant la première instance pour qu’elle maintienne le brevet sous une forme modifiée sur la base du fascicule de brevet européen, pages 1 à 3 et 6 à 11 tel que délivré, et des pages 4, 5 et 12 telles que remises lors de la procédure orale.