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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1996:T092693.19961001
Date de la décision : 01 Octobre 1996
Numéro de l’affaire : T 0926/93
Numéro de la demande : 85101372.2
Classe de la CIB : H01S 3/0975
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande :
Nom du demandeur : Mitsubishi Denki
Nom de l’opposant : Siemens AG
Chambre : 3.4.01
Sommaire : Un opposant peut n’invoquer des motifs d’opposition qu’à l’encontre d’une seule des revendications de chacune des requêtes déposées. S’il parvient à établir que chaque requête comporte une revendication non admissible, le brevet est révoqué. L’opposant n’a donc pas à attaquer plus qu’il n’est nécessaire les requêtes du titulaire du brevet en invoquant des motifs à l’encontre de plusieurs revendications desdites requêtes.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
Mot-clé : Requête principale: activité inventive (non)
Première requête subsidiaire: objet non divulgué
Deuxième requête subsidiaire: rejetée, car présentée tardivement et non clairement admissible
Exergue :

Décisions citées :
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0114/95
T 0577/97
T 1180/97
T 1105/98
T 0281/99
T 0952/00
T 0938/03
T 0764/06
T 1913/06
T 0426/08
T 1417/10

Exposé des faits et conclusions

I. L’intimé est titulaire du brevet européen n 0 152 084.

II. L’opposant a fait opposition à ce brevet en arguant qu’il n’impliquait pas d’activité inventive au sens de l’article 100 a) CBE ; il s’est fondé pour ce qui est de la revendication 1 telle que délivrée sur l’état de la technique découlant, entre autres, des documents suivants:

D1: US-A-4 375 690 ;

D3: “Lehrbuch der Klimatechnik”, Vol. 1: Grundlagen, 2ème édition, édité chez C.F. Müller, Karlsruhe, 1974, pages 124 à 127 ;

D4: Texte d’un exposé de K. Gürs intitulé “Research and development in the field of high power laser technology at Battelle”, présenté lors de la Conférence sur les “Applications industrielles des lasers haute puissance” à Linz, Autriche, qui s’est déroulée du 26 au 27 septembre 1983 ; Proc. SPIE Int. Soc. Opt. Eng. (USA), vol. 455, 1984, pages 10 à 16 ; et

D5: DE-A-2 740 606

III. La division d’opposition a rejeté l’opposition pour les motifs suivants: les dessins des figures 2a et 8, qui illustrent des modes de réalisation de l’invention, divulguent un dispositif laser à gaz dans lequel le conduit de gaz destiné à amener le gaz de milieu laser dans le tube de décharge a un diamètre supérieur au diamètre du tube de décharge ; or, cette caractéristique joue un rôle important dans ce contexte. La revendication 1 telle que délivrée était donc recevable conformément à l’article 123(2) CBE. L’objet de la revendication 1 telle que délivrée est différent du dispositif divulgué dans le document D1 parce qu’il comporte un conduit à gaz de diamètre supérieur à celui du tube de décharge (caractéristique f)), et un ajutage diffuseur disposé à l’extrémité aval du courant de gaz dans le tube de décharge (caractéristique g)), et parce que le gaz de milieu laser est mis en circulation à une vitesse élevée de 100 m/s ou davantage dans le tube de décharge (caractéristique h)). L’utilisation de ces caractéristiques f) à h), notamment pour améliorer la stabilité et la densité de puissance de la décharge et pour accroître le rendement de l’excitation par laser, n’était pas évidente d’après l’état de la technique cité. Rien dans le document D1 n’indique que la vitesse de circulation du gaz de milieu laser est particulièrement élevée. Le fait que le conduit de gaz (8) représenté schématiquement à la figure 1 du document D1 soit plus large est sans importance. Bien que dans le tableau 1, page 13 du document D4, il soit fait état d’une vitesse de circulation de 270 m/s, il n’est pas dit qu’une vitesse de circulation aussi élevée est nécessaire dans un laser excité par un courant alternatif, et il n’est pas suggéré de mesures pour produire une telle vitesse. En outre, la mise en oeuvre d’un ajutage diffuseur qui, à l’évidence, a une influence sur la décharge, n’était pas évidente (cf. le fascicule de brevet, page 4, lignes 27 à 29 et lignes 41 à 46, ainsi que page 5, lignes 53 à 58). L’utilisation d’un tel ajutage diffuseur n’est divulguée dans aucun des documents cités.

IV. L’opposant s’est pourvu contre la décision de la division d’opposition en citant de nouveaux documents, dont notamment:

D12: Sov.J.Quantum Electron., vol. 9, n 3, mars 1979, pages 326 à 328, et

D13: Sov.J.Quantum Electron., vol. 10, n 4, avril 1980, pages 443 à 446.

V. Dans une notification jointe à la citation à la procédure orale, les parties ont été informées entre autres que, dans un premier temps, la Chambre avait décidé de considérer que, conformément aux explications fournies dans le document D3, le mot “diffuseur” était un terme générique pouvant désigner aussi bien un absorbeur de chocs (comme celui nettement reconnaissable par un homme du métier dans le dispositif laser selon la figure 1 du document D5) qu’un diffuseur à section conique élargie tel que celui décrit dans la revendication 2 du brevet litigieux.

VI. En réponse à la notification de la Chambre, et en vue de la procédure orale, le titulaire du brevet a déposé, le 21 août 1996, une nouvelle requête principale et une première requête subsidiaire.

La revendication 1 selon la requête principale était libellée comme suit:

“1. Un dispositif laser à gaz comprenant:

a) un tube de décharge (110) en matière diélectrique ;

b) un gaz de milieu laser qui est mis en circulation à l’intérieur dudit tube de décharge dans la direction axiale de celui-ci ;

c) un résonateur optique composé de miroirs (4, 5) disposés face-à-face aux deux extrémités dudit tube de décharge (110) ; d) une pluralité d’électrodes (111, 121) disposées de façon opposée

sur la périphérie extérieure dudit tube de décharge (110), et e) une source d’énergie (150) pour appliquer une tension alternative

auxdites électrodes disposées de façon opposée pour engendrer une décharge silencieuse, caractérisé en ce que

f) un conduit de gaz (9) destiné à amener le gaz de milieu laser au tube de décharge (110) est d’un diamètre supérieur à celui du tube de décharge (110) ;

g) un ajutage diffuseur conique (140) présentant un angle d’expansion d’environ 20 est disposé à l’extrémité aval du courant de gaz dans le tube de décharge (110) et

h) le gaz de milieu laser est mis en circulation à une vitesse élevée de 100 m/s ou davantage dans le tube de décharge (110).”

Dans la revendication 1 selon la première requête subsidiaire, la caractéristique h), ainsi libellée dans la revendication 1 selon la requête principale : à une vitesse élevée de 100 m/s “ou davantage” avait été reformulée comme suit: à une vitesse élevée de 100 m/s, “pouvant aller jusqu’à environ 200 m/s”.

Tant dans la requête principale que dans la première requête subsidiaire, les revendications 2 à 21 étaient dépendantes de la revendication 1.

VII. La procédure orale s’est tenue en bonne et due forme le 1er octobre 1996. Au début de la procédure, les parties ont été informées qu’il était possible que la Chambre considère la revendication 1 selon la première requête subsidiaire comme non recevable au titre de l’article 123(2), parce que le seul endroit dans le fascicule de brevet où il était fait mention d’une limite supérieure de “200 m/s” était la partie décrivant l’état de la technique. Vers la fin de la procédure orale, le titulaire du brevet a présenté une deuxième requête subsidiaire.

Dans la revendication 1 selon cette deuxième requête subsidiaire, le titulaire du brevet a ajouté à l’objet de la revendication 1 selon la requête principale celui de la revendication 8 du brevet tel que délivré, à savoir :

“i) une pièce métallique (21,22) est disposée au voisinage de la section de décharge dudit tube de décharge (110), et un potentiel de déclenchement est appliqué à ladite pièce métallique.”

Les revendications 2 à 20 selon la deuxième requête subsidiaire étaient dépendantes de la revendication 1.

A la fin de la procédure orale, l’opposant a demandé l’annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet européen n 0 152 084. Le titulaire du brevet a demandé le rejet du recours et le maintien du brevet sur la base de la requête principale déposée le 21 août 1996, de la première requête subsidiaire déposée le 21 août 1996 ou de la deuxième requête subsidiaire déposée au cours de la procédure orale, le 1er octobre 1996.

VIII. A l’appui de sa requête, l’opposant a essentiellement fait valoir les arguments suivants :

f) L’opposant a demandé à la Chambre de rejeter la deuxième requête subsidiaire du titulaire du brevet parce qu’elle avait été déposée trop tard et qu’elle correspondait à un nouveau problème technique. Il a estimé en outre que l’objet de la revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire n’impliquait pas d’activité inventive. Le document D6 divulgue en effet un dispositif à gaz laser comportant des pièces métalliques auxquelles est appliqué un potentiel de déclenchement (pièces 7 et 8 sur la figure 1.)

IX. Le titulaire du brevet a contesté ces affirmations, en faisant valoir essentiellement que:

f) La caractéristique i) indiquée dans la revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire avait déjà été divulguée dans la description d’origine, page 16, paragraphes 1 à 3, et faisait l’objet de la revendication 8 telle que délivrée. Il serait contraire aux principes juridiques à la base de la CBE d’empêcher un titulaire de brevet, dans le cadre d’une procédure d’opposition, de restreindre la portée de la protection à certaines caractéristiques faisant l’objet de revendications dépendantes dans le fascicule de brevet, surtout – comme c’est le cas en l’espèce – lorsque la nécessité d’une telle limitation n’est apparue qu’à la lumière de faits et d’arguments invoqués pour la première fois lors de la procédure orale. Les considérations de procédure doivent céder le pas devant le droit fondamental qu’a le titulaire d’un brevet de défendre son invention en restreignant à tout moment de la procédure en instance l’étendue de la protection recherchée.

X. Au terme de la procédure orale, la Chambre a annoncé qu’elle avait décidé d’annuler la décision de la division d’opposition en date du 10 août 1993, et que le brevet devait être révoqué.

Motifs de la décision

1. Activité inventive – requête principale

2. Article 123(2) CBE – Première requête subsidiaire

La modification consistant à préciser dans la revendication 1 selon la première requête subsidiaire que la vitesse de circulation (caractéristique h)) peut aller “jusqu’à environ 200 m/s” n’est pas étayée par la description fournie à la ligne 25, page 2 du fascicule de brevet. Ce paragraphe énonce les propriétés de dispositifs faisant partie de l’état de la technique. La valeur de “200 m/s” n’est pas mentionnée de façon explicite dans la description de l’invention faisant l’objet du brevet litigieux. Dans la mesure où l’invention repose sur une “augmentation” du débit (cf. page 4, ligne 32), il devrait être évident pour le lecteur averti que le fait que la vitesse de fonctionnement d’un dispositif classique représente la vitesse maximum d’un dispositif dans lequel cette vitesse doit augmenter est techniquement contradictoire. Pour toutes ces raisons, l’objet de la revendication 1 selon la première requête subsidiaire s’étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée, de sorte que les conditions de l’article 123(2) CBE ne sont pas remplies. La première requête subsidiaire est par conséquent irrecevable.

3. Recevabilité de la deuxième requête subsidiaire

Comme indiqué plus haut au paragraphe VII, il a été introduit pour la première fois dans la revendication 1 (revendication principale) selon cette requête (déposée vers la fin de la procédure orale) l’objet de la revendication 8 du brevet tel que délivré.

En vertu d’une pratique qui s’est établie à la suite de la décision T 153/85 (JO OEB 1988, 1), une chambre de recours est en droit de refuser de prendre en compte des revendications modifiées constituant de nouvelles requêtes déposées tardivement, par exemple pendant la procédure orale, si les revendications ainsi modifiées ne sont pas clairement admissibles à première vue. Donc, si une modification “de pure forme” peut à la limite être considérée tout à fait admissible à un stade tardif de la procédure d’opposition, il est en principe peu probable qu’une modification de fond, consistant à introduire pour la première fois dans la revendication principale d’une requête subsidiaire un objet nouveau qui correspond à un problème technique nouveau, puisse être considérée admissible à un stade aussi tardif.

Dans les procédures devant l’OEB, aussi bien en première qu’en deuxième instance, la pratique est la suivante : si dans un jeu de revendications faisant partie d’une requête, l’une des revendications est jugée non admissible, il en va de même pour toutes les autres, et la requête dans son ensemble est par conséquent irrecevable. Le système des requêtes subsidiaires permet au titulaire d’un brevet de se préparer à l’éventualité d’un rejet de sa requête principale en déposant un nombre raisonnable de requêtes subsidiaires pouvant lui offrir autant de “positions de repli”.

Il découle de la procédure qui vient d’être décrite, qu’un opposant peut ne faire opposition qu’à une seule des revendications de chacune des requêtes déposées. S’il parvient à établir que chaque requête comporte une revendication non admissible, le brevet est révoqué. L’opposant n’a donc pas à attaquer plus qu’il n’est nécessaire les requêtes du titulaire du brevet en invoquant des motifs à l’encontre de plusieurs revendications desdites requêtes. Par exemple, il n’est pas obligé d’attaquer les différentes revendications dépendantes faisant partie d’une requête, juste pour le cas où le titulaire du brevet pourrait avoir l’idée de déposer une nouvelle requête comportant une revendication principale qui aurait pour objet l’objet de la revendication dépendante en question.

Par conséquent, dans la présente espèce, il n’était pas nécessaire que l’opposant fasse opposition à l’objet de la revendication 7 du brevet tel que délivré, uniquement parce que le titulaire du brevet (comme cela s’est d’ailleurs produit) était susceptible de déposer par la suite une nouvelle requête subsidiaire dans laquelle l’objet de cette revendication dépendante 7 serait devenu l’objet de la revendication principale.

Le fait d’avoir inclus l’objet de la revendication 7 du brevet tel que délivré dans la revendication 1 selon la deuxième requête subsidiaire a eu pour effet de déplacer le point essentiel de l’invention revendiquée, dans la mesure où l’on est passé d’un moyen technique pour améliorer le débit du gaz de milieu laser à un moyen pour appliquer un potentiel de déclenchement de préionisation à la décharge laser. Cet objet revendiqué correspond à un problème technique nouveau ; or, lors de la procédure d’opposition, il n’avait pas été considéré que l’activité inventive pourrait être appréciée sur une telle base.

Si, à ce stade très avancé de la procédure de recours, la deuxième requête subsidiaire devait être admise dans la procédure d’opposition, il faudrait ajourner la procédure afin de permettre à l’opposant de faire valoir ses arguments à l’appui de son opposition concernant cette nouvelle requête. De plus, afin de garantir que les arguments de l’opposant à l’encontre de l’objet de cette nouvelle requête soient pris en considération par deux instances (cf. G 9 et 10/91, JO OEB 1993, 408, paragraphe 18), il faudrait renvoyer l’affaire devant la première instance afin qu’elle examine cette nouvelle requête, ce qui compliquerait la procédure et entraînerait immanquablement un retard considérable en ce qui concerne la décision finale au sujet de l’opposition ; cela serait contraire à l’intérêt public, selon lequel la procédure d’opposition devant l’OEB doit se dérouler de manière efficace, et serait injuste pour l’opposant.

La Chambre tient par ailleurs à rappeler que, dans la décision T 840/93 (JO OEB 1996, 335), il a été énoncé ce qui suit :

“Un titulaire de brevet débouté devant la division d’opposition a … le droit de demander à la chambre de recours de réexaminer les requêtes qui ont été rejetées. Si, toutefois, le titulaire du brevet veut que d’autres requêtes soient examinées, leur admission dans la procédure est laissée à l’appréciation de la chambre ; il ne s’agit pas là d’une question de droit. … La décision d’admettre des requêtes que le titulaire du brevet n’a pas présentées à la division d’opposition doit donc être solidement motivée.”

Pour les raisons qui viennent d’être indiquées, la deuxième requête subsidiaire n’est pas admise dans la procédure d’opposition, et son objet ne sera pas examiné.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la division d’opposition en date du 10 août 1993 est annulée.

2. Le brevet européen est révoqué.