http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/recent/t940207fp1.html
Content reproduced from the Website of the European Patent Office as permitted by their terms of use.

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1997:T020794.19970408
Date de la décision : 08 Avril 1997
Numéro de l’affaire : T 0207/94
Numéro de la demande : 81301414.9
Classe de la CIB : C12N 15/22
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 53.076K)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : DE | EN | FR
Versions : OJ
Titre de la demande : Séquences d’ADN, molécules d’ADN recombinant et procédé pour la production de l’interféron de fibroblaste humain(16.01.90)
Nom du demandeur : Biogen, Inc.
Nom de l’opposant : Schering AG
Chambre : 3.3.04
Sommaire : Dans le cas où l’expression d’un ADN cloné dans un hôte étranger donné constitue l’objet de l’invention revendiquée, il est indispensable, lorsque l’on évalue s’il existe des chances raisonnables de succès, de tenir compte des difficultés réelles rencontrées à cette étape. Par conséquent, s’il est allégué qu’il existe des caractéristiques qui compromettent les chances raisonnables de succès, cette allégation ne devra être prise en considération que si elle se fonde sur des faits d’ordre technique.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 87
European Patent Convention 1973 Art 88
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Priorité – (oui)
Nouveauté – (oui)
Activité inventive – (non)
Exergue :

Décisions citées :
T 0409/91
T 0435/91
T 0500/91
T 0612/92
T 0296/93
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0223/96
T 0791/96
T 0333/97
T 0148/98
T 1099/99
T 0338/00
T 0753/00
T 1074/00
T 0351/01
T 1091/01
T 0875/02
T 0142/03
T 0278/03
T 0769/03
T 0531/04
T 0029/05
T 1380/05
T 1674/06
T 1069/08
T 2329/10

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet n 0 041 313 (demande n 81 301 414.9) portant sur des séquences d’ADN, des molécules d’ADN recombinant et un procédé pour la production d’interféron à partir de fibroblastes humains, et revendiquant la priorité des demandes de brevet GB 8011306 en date du 3 avril 1980 et GB 8018701 en date du 6 juin 1980, a été délivré pour onze Etats contractants, sur la base de 18 revendications (15 revendications pour AT).

Les revendications 1, 17 et 18 valant pour tous les Etats contractants à l’exception de AT s’énonçaient comme suit :

“1. Une molécule d’ADN recombinant capable d’induire l’expression, chez un hôte unicellulaire d’un polypeptide qui manifeste l’activité immunologique ou biologique de l’interféron humain, ladite molécule contenant une séquence d’ADN choisie parmi :

a) les inserts d’ADN de G-pPLa-HFIF-67-12 [HincII-Sau3Al], G-pPLa-HFIF-67-12 19 [HincII-Sau3Al] et G-pPLc-HFIF-67-8 [HincII-Sau3Al] portés par les micro-organismes identifiés par les numéros de collection DSM 1851 à 1854 respectivement,

b) les séquences d’ADN qui hybrident aux inserts d’ADN précédents, et

c) les séquences d’ADN qui sont dégénérées en raison du code génétique par rapport aux inserts d’ADN et aux séquences d’ADN définis en a) en b) et qui codent pour l’expression d’un polypeptide ayant la même séquence d’acides aminés,

cette séquence d’ADN étant liée opérativement à une séquence de contrôle de l’expression dans ladite molécule d’ADN recombinant.”

“17. Une composition pour traiter les virus humains, pour traiter les cancers humains ou les tumeurs, ou pour l’immuno-modulation qui comprend en tant que seul interféron-bêta (IFN-bêta), unpolypeptide produit selon l’une quelconque des revendications 12 à 16.”

“18. L’emploi comme IFN-bêta unique d’un polypeptide produit selon l’une quelconque des revendications 12 à 16, pour la fabrication d’une composition pour le traitement des virus humains, pour le traitement des cancers humains ou tumeurs, ou pour l’immuno-modulation.”

Les revendications 2 à 7 indiquaient d’autres modes de réalisation de la molécule d’ADN recombinant selon la revendication 1. Les revendications 8 à 10 portaient sur des hôtes unicellulaires transformés à l’aide des molécules d’ADN recombinant revendiquées. La revendication 11 portait sur une méthode pour isoler ces hôtes unicellulaires. Les revendications 12 à 16 concernaient des méthodes pour produire le polypeptide codé par la molécule d’ADN recombinant selon l’une quelconque des revendications 1 à 7.

Pour AT, un brevet a été délivré sur la base de revendications correspondantes.

II. Une opposition a été formée à l’encontre du brevet européen. Dans l’acte d’opposition, il était demandé la révocation de ce brevet pour les motifs visés à l’article 100 a) CBE (absence de nouveauté et d’activité inventive) et à l’article 100 b) CBE (invention non exposée de façon suffisamment claire et complète).

III. Au cours de la procédure, cent quarante-trois documents ont été déposés, dont les documents suivants, qui sont ceux sur lesquels les parties ont principalement fondé leurs arguments et auxquels il est fait référence dans la présente décision :

(1) EP-B-0 028 033,

(2) Taniguchi et al., Gene 10, pages 11 à 15, 1980,

(3) Nagata et al, Nature 284, pages 316 à 320, 1980,

(7) Taniguchi et al., Proc. Japan. Acad. Ser.B, pages 464 à 469, 1979,

(9) Itakura et al., Science 198, pages 1056 à 1063, 1977,

(10) Villa-Komaroff et al.,Proc. Natl. Acad. Sci.USA 75, pages 3727 à 3731, 1978,

(12) Martial et al., Science 205, pages 602 à 606, 1979,

(14) Taniguchi et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA 77, pages 5230 à 5233, 1980, (16) Houghton, M., Nature 285, page 536, 1980,

(17) Stüber et Bujard, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 78, pages 167 à 171, 1981,

(19) Tableau : gènes eucaryotes clonés et exprimés avant le 6 juin 1980, reçu le 2 novembre 1993,

(21) Goeddel et al., Nucl. Acids Res. 8, pages 4057 à 4074, 1980,

(22) Goeddel et al., Nature 281, pages 544 à 548, 1979,

(23) Roberts et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA 76, pages 5596 à 5600, 1979,

(29) Taniguchi and Weissmann, J. Mol. Biol. 118, pages 533 à 565, 1978,

(34) Mercereau-Puijalon et al., Nature 275, pages 505 à 510, 1978,

(41) Holmgren, A., The Journal of Bio-chemistry 254, No.18 pages 9113 à 9119, 1979,

(53) Guarente et al., Cell 20, pages 543 à 553, 1980

(62) Derynck et al., Nature 287, pages 193 à 197, 1980,

(63) Havell et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 72, pages 2185 à 2187, 1975,

(66) Vilcek et al., Ann. N. Y. Acad. Sci. 284, pages 703 à 710, 1977,

(77) Weissenbach et al., Eur. J. Biochem. 98, pages 1 à 8, 1979,

(81) Sulkowski et al., Ann. N. Y. Acad. Sci. 350, pages 339 à 346, 1980,

(82) Jankowski et al., Biochemistry 15, pages 5182 à 5187, 1976,

(89) EP-B-0 034 306

(101) Shepard et al., Nature 294, pages 563 à 565, 1981,

(122) Compte rendu d’expériences du titulaire du brevet, reçu le 10 mars 1997,

(132) Déclaration de M. A. Innis, en date du 6 mars 1997.

IV. La division d’opposition a rendu une décision par laquelle elle rejetait l’opposition en application de l’article 102 (2) CBE, et maintenant le brevet tel que délivré.

V. Elle a estimé en effet que le fascicule du brevet contenait suffisamment d’informations sur la manière de tester l’activité immunologique et biologique de l’interféron (IFN) ainsi que sur la manière d’isoler et d’identifier les variants selon les revendications 1 b) et c), si bien qu’il était satisfait aux conditions requises à l’article 83 CBE.

Il a été constaté que la priorité (articles 87 à 89 CBE) était valable à partir du 6 juin 1980 pour la revendication 1 et ses revendications dépendantes, et à partir du 1er avril 1981 pour les revendications 2 et 3 et leurs revendications dépendantes.

La nouveauté de l’invention (article 54 CBE) par rapport aux documents (1) et (2) a été reconnue, ces documents ne montrant pas de façon convaincante que le plasmide qu’ils divulguaient aurait pu exprimer l’IFN-bêta à partir d’un des promoteurs de pBR322. Les expériences faites par l’opposant ne prouvaient pas de façon crédible que l’activité antivirale observée chez les hôtes renfermant ledit plasmide était due à l’expression du gène de l’IFN-bêta humain.

En ce qui concerne l’activité inventive, il a été établi que le document (2) constituait l’état de la technique le plus proche, et le problème technique à résoudre a été défini comme celui de la production par recombinaison génétique d’un polypeptide manifestant l’activité immunologique ou biologique de l’IFN-bêta humain.

La division d’opposition a estimé que l’IFN-bêta humain n’aurait pas pu être exprimé directement au moyen des méthodes d’expression existant à l’époque. En outre, compte tenu des différences physiques et chimiques existant entre l’IFN-bêta et les protéines de mammifères déjà produites par recombinaison génétique, il n’était pas été possible de prévoir que l’expression réussirait. Par conséquent, la division d’opposition a reconnu l’existence d’une activité inventive.

VI. Le requérant (opposant) a formé un recours contre la décision de la division d’opposition, en acquittant en même temps la taxe de recours, et en produisant un mémoire exposant les motifs du recours.

VII. L’intimé (titulaire du brevet) a présenté des observations en réponse au mémoire exposant les motifs du recours, et les deux parties ont encore invoqué par la suite d’autres moyens.

VIII. En application de l’article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours, la Chambre a émis une notification dans laquelle elle exposait quelle était provisoirement sa position.

IX. A la suite de la notification envoyée par la Chambre, les deux parties ont présenté des moyens supplémentaires. L’intimé a formulé une nouvelle requête principale fondée sur un jeu de revendications qui différait de celui du brevet tel que délivré en ce que les revendications 2, 3, 7 et 10 étaient supprimées et les autres revendications renumérotées en conséquence. Les revendications 1, 13 et 14 étaient donc identiques aux revendications 1, 17 et 18 du brevet tel que délivré (cf. point I supra).

X. Une procédure orale a eu lieu les 8 et 9 avril 1997. Deux nouvelles requêtes subsidiaires ont été présentées. La nouvelle requête subsidiaire I a été retirée à un stade ultérieur de la procédure orale. La nouvelle requête subsidiaire II différait de la requête principale en ce que la caractéristique “qui manifeste l’activité immunologique ou biologique de l’interféron humain” était remplacée, dans toutes les revendications où elle apparaissait, par la caractéristique “qui manifeste l’activité biologique de l’interféron humain”. La revendication 1 se lisait notamment comme suit :

“1. Une molécule d’ADN recombinant capable d’induire l’expression, chez un hôte unicellulaire, d’un polypeptide qui manifeste l’activité biologique de l’interféron humain, ladite molécule contenant une séquence d’ADN choisie parmi : a) les inserts d’ADN de de G-pPLa-HFIF-67-12 [HincII-Sau3Al], G-pPLa-HFIF-67-12 19 [HincII-Sau3Al] et G-pPLc-HFIF-67-8 [HincII-Sau3Al] portés par les micro-organismes identifiés par les numéros de collection DSM 1851 à 1854 respectivement,

b) les séquences d’ADN qui hybrident aux inserts d’ADN précédents, et

c) les séquences d’ADN qui sont dégénérées en raison du code génétique par rapport aux inserts d’ADN et aux séquences d’ADN définis en a) en b) et qui codent pour l’expression d’un polypeptide ayant la même séquence d’acides aminés,

cette séquence d’ADN étant liée opérativement à une séquence de contrôle de l’expression dans ladite molécule d’ADN recombinant.”

XI. Les arguments que le requérant a fait valoir par écrit et au cours de la procédure orale étaient essentiellement les suivants :

Priorité :

Pour qu’une demande dont la priorité est revendiquée puisse conférer des droits de priorité valables, il faut qu’elle permette à l’homme du métier d’exécuter l’invention et divulgue toutes les caractéristiques essentielles de l’objet revendiqué. Selon la jurisprudence de l’OEB (décisions T 409/91, JO OEB 1994, 653, T 435/91, JO OEB 1995, 188), il ne peut être considéré que l’homme du métier est en mesure d’exécuter l’invention que s’il peut parvenir sans trop de difficultés au résultat prévu, et ceci pour l’ensemble du domaine couvert par la revendication.

Le deuxième document dont la priorité était revendiquée divulguait expressément les trois plasmides spécifiques selon la revendication 1 a) ainsi que les variants selon la revendication 1 b) et c), mais ne permettait pas à l’homme du métier d’exécuter l’invention. Il a été montré par la suite qu’un des plasmides spécifiques selon la revendication 1 a) ne produisait pas un polypeptide manifestant l’activité biologique de l’IFN-bêta (document (62)), tandis que les deux autres dirigeaient la synthèse de protéines hybrides présentant nécessairement des propriétés différentes de celles de l’IFN-bêta mature. La scission protéolytique auquel il faudrait procéder pour les transformer en interféron recombinant mature n’était pas mentionnée. En outre, il était indiqué dans le document (16) que l’IFN-bêta mature recombinant n’avait pas le même poids moléculaire que l’IFN-bêta mature naturel. Finalement, le requérant avait produit une déclaration sous serment (document (132)) qui, selon lui, prouvait qu’aucun des plasmides n’avait les propriétés requises.

Un travail excessif d’expérimentation était nécessaire pour isoler les variants d’ADN selon la revendication 1 b) et c), et tester s’ils exprimaient des mutéines possédant des propriétés immunologiques ou biologiques de l’IFN-bêta. Il n’était pas possible d’avoir la certitude que l’une quelconque des mutéines serait active puisque l’on ne connaissait aucune mutéine naturelle active de l’IFN-bêta. Le document (101) divulguait une mutéine ne manifestant pas l’activité de l’IFN-bêta.

La seconde demande dont la priorité était revendiquée ne divulguait pas la production d’IFN-bêta en quantité suffisante et de la qualité voulue pour pouvoir entrer dans la composition de la préparation pharmaceutique selon les revendications 13 et 14 (revendications 17 et 18 du brevet tel que délivré).

Cette seconde demande ne permettant pas à l’homme du métier d’exécuter l’invention, elle ne pouvait conférer valablement des droits de priorité.

Exposé suffisamment clair et complet de l’invention

L’exposé de l’objet des revendications 1, 13 et 14 sur la base desquelles étaient présentées toutes les requêtes n’étant pas plus étayé par des preuves dans le fascicule du brevet en litige que dans le deuxième document dont la priorité était revendiquée, il n’était pas satisfait aux conditions requises à l’article 83 CBE.

Nouveauté

Les documents (1) et (2) divulguaient le plasmide TpIF319-13 dans lequel l’ADNc codant pour l’IFN-bêta avait été inséré dans le site EcoRI de pBR322. A cette position, l’ADNc pouvait être transcrit à partir du promoteur P4 de pBR322. Le requérant avait fait valoir des expériences prouvant l’existence d’une activité antivirale dans un lysat de cellules de E. coli renfermant ledit plasmide.

Le procédé qui avait permis d’isoler TpIF319-13 conduirait également à insérer dans le site EcoRI l’ADNc dans l’orientation opposée. Dans ce cas, il pourrait être transcrit à partir du promoteur P1 de pBR322. En outre, il était indiqué dans le document (1), page 11, lignes 10 à 15, que la transformation d’ADNc codant pour l’IFN-bêta en d’autres plasmides d’expression permettrait à un hôte tel que E. coli de produire de l’IFN-bêta. Par conséquent, en vertu de l’article 54(2) CBE, les documents (1) et (2) faisaient obstacle à la nouveauté de l’objet de la revendication 1.

Le document (89) faisait lui aussi obstacle à la nouveauté de l’invention, en vertu de l’article 54(3) CBE. Ce document divulguait un procédé pour isoler de l’IFN-bêta au moyen de deux méthodes possibles de criblage des clones recombinants. Ce procédé permettrait nécessairement et inévitablement d’isoler le clone exprimant l’ADNc codant pour l’IFN-bêta, puisqu’auparavant un procédé analogue avait permis de récupérer, sur 5 000 transformants, 184 clones recombinants exprimant l’ADNc codant pour l’IFN-alpha (document (3)).

L’objet des revendications 13 et 14 manquait également de nouveauté par rapport aux documents (66) et (77) qui divulguaient de l’IFN-bêta naturel pur, car il n’était pas possible de distinguer les préparations pharmaceutiques revendiquées contenant de l’IFN-bêta recombinant de celles contenant de l’IFN-bêta naturel pur.

Activité inventive

L’état de la technique le plus proche était le document (2) qui divulguait le clonage et la séquence de nucléotides de l’ADNc codant pour l’IFN-bêta.

Le problème à résoudre pouvait être défini comme celui de l’expression d’IFN-bêta en quantités détectables à partir de cette séquence d’ADN.

La solution proposée, qui consistait à isoler une structure dans laquelle l’ADNc codant pour l’IFN-bêta était lié à un promoteur dont on savait qu’il était actif dans les cellules hôtes choisies, permettait d’obtenir de l’IFN-bêta en quantités très faibles.

Les documents (22) et (23) divulguaient des systèmes d’expression qui se prêtaient à l’expression d’IFN-bêta comme indiqué dans les documents (21) ou (14) publiés postérieurement. Le document (3) décrivait le clonage et l’expression d’ADNc codant pour l’IFN-alpha. Pour l’homme du métier, il aurait été évident d’essayer de combiner l’enseignement du document (2) avec l’enseignement de l’un ou l’autre de ces documents afin de résoudre le problème susmentionné.

Les chances de réussite étaient raisonnables, puisque l’on savait déjà que l’ARNm codant pour l’IFN-bêta était stable dans des cellules hôtes hétérologues, que la glycosylation intégrale n’était pas nécessaire pour que la protéine soit active, et que la protéine se repliait correctement après dénaturation et renaturation.

La différence existant entre les propriétés de l’IFN-bêta et celles de nombreuses protéines eucaryotes qui avaient déjà été exprimées auparavant par recombinaison génétique (document (19)) n’était pas telle que des difficultés aient pu être prévues. L’IFN-bêta ressemblait à l’IFN-alpha pour ce qui est de l’hydrophobie et du nombre de résidus de cystéine qu’il contenait. Peu importait la présence dans sa séquence codante du codon rare AUA de l’isoleucine, puisque d’autres protéines de mammifères possédant le même codon dans leur séquence codante avaient déjà été exprimées par recombinaison génétique (document (22)). Il n’y avait aucune raison de penser que la proximité de deux codons AUG à l’extrémité 5′ du gène interférerait avec l’expression.

XII. L’intimé quant à lui a essentiellement fait valoir les arguments suivants :

Priorité ; exposé suffisamment clair et complet de l’invention

Dans la seconde demande dont était revendiquée la priorité, il ne manquait aucune caractéristique essentielle pour que l’invention puisse fonctionner, et celle-ci pouvait être exécutée sans difficultés à partir des instructions données, et cela dans l’ensemble du domaine couvert par la revendication.

Tous les plasmides divulgués dans cette seconde demande manifestaient l’activité biologique de l’INF-bêta, ainsi qu’il ressortait des pages 71 et 72 de la demande. Le document (62) ne signalait pas qu’un des plasmides revendiqués ne manifestait aucune activité biologique, mais plutôt que les résultats obtenus étaient variables. Les conditions opératoires dans lesquelles le requérant avait testé si les plasmides dirigeaient la synthèse de polypeptides présentant les propriétés de l’IFN-bêta étaient trop éloignées des conditions opératoires décrites dans le brevet en litige pour prouver que les activités de ces polypeptides ne pouvaient pas être obtenues de façon répétée. L’activité manifestée par l’IFN-bêta produit par recombinaison génétique prouvait clairement qu’une scission protéolytique s’était produite spontanément. Par conséquent, il était inutile de mentionner expressément cette étape. Le fait que des poids moléculaires différents aient été obtenus auparavant ne pouvait jouer aucun rôle pour ce qui était de la question de savoir si l’homme du métier aurait pu exécuter l’invention, le poids moléculaire dépendant de la forme sous laquelle l’IFN-bêta avait été testé.

La seconde demande dont il était revendiqué la priorité (page 80) fournissait des informations utiles sur la manière de modifier la séquence déjà connue de l’ADN codant pour l’IFN-bêta, et pour tester s’il existait une activité de l’IFN-bêta, il suffisait de procéder à un test très simple. Par conséquent, il était facile d’obtenir l’objet de la revendication 1 b) et c). En général, l’OEB acceptait de délivrer des brevets sur la base de revendications portant sur des séquences d’ADN s’hybridant avec une séquence d’ADN connue.

La seconde demande dont il était revendiqué la priorité conférait également un droit de priorité à l’objet des revendications 13 et 14 selon toutes les requêtes, car il était clairement prouvé dans cette demande que l’IFN-bêta avait été synthétisé à partir des plasmides divulgués et, sur la base de ce résultat, l’on pouvait trouver la formule d’une préparation pharmaceutique appropriée.

Pour toutes ces raisons, cette seconde demande permettait à l’homme du métier d’exécuter l’invention. C’est aussi ce que l’on pouvait conclure dans le cas du fascicule du brevet en litige, qui contenait les mêmes informations que cette seconde demande dont était revendiquée la priorité.

Nouveauté

A la date à laquelle ils avaient été publiés, ni le document (1), ni le document (2) ne divulguaient la structure moléculaire détaillée du plasmide censé détruire la nouveauté (TpIF319-13), même pas implicitement puisque les promoteurs P1 et P4 n’avaient pas encore été identifiés. Dans TpIF319-13, l’ADNc codant pour l’IFN bêta ne pouvait être transcrit à partir de P1, étant mal orienté. En outre, les transcrits d’ARNm initiés à partir de P4 n’atteindraient jamais le site EcoRI puisqu’ils s’arrêtaient à environ 200 nucléotides en aval de P4 ou dans le gène bla. Les plasmides ne pouvaient par conséquent pas exprimer l’IFN-bêta, autrement dit, ils n’étaient pas couverts par la revendication. L’intimé avait effectué des tests de l’activité sur TpIF319-13 : les résultats s’étaient avérés négatifs. (document (122)).

Affirmer que le document (1), page 11, lignes 10 à 15, détruisait la nouveauté de l’objet de la revendication 1 revenait à apprécier la nouveauté de l’invention par rapport à ce document, considéré en combinaison avec n’importe quel autre document divulguant des plasmides d’expression. Une telle combinaison de divers documents constituait indubitablement un travail de mosaïque auquel il n’était pas permis de se livrer pour l’appréciation de la nouveauté.

L’homme du métier qui mettrait en oeuvre le procédé divulgué dans le document (89) n’obtiendrait pas forcément des plasmides couverts par la revendication, car il lui faudrait cribler pas moins de 800 000 clones pour avoir 99% de chances d’obtenir un seul clone positif, ce qui constituait une expérimentation impossible à réaliser. Le procédé selon le document (3), qui avait permis d’isoler 184 clones positifs sur 5 000, comprenait une étape cruciale qui n’existait pas dans le procédé selon le document (89).

Les documents (77) et (66) ne divulguaient ni l’un ni l’autre l’IFN-bêta naturel à l’état pur. Ils ne pouvaient donc pas détruire la nouveauté de l’objet des revendications 13 et 14.

Activité inventive

Le document (2) constituait l’état de la technique le plus proche. Le problème technique à résoudre était celui de la production par recombinaison génétique d’un polypeptide manifestant l’activité immunologique ou biologique de l’INF-bêta.

Il n’était pas possible de retenir l’argument selon lequel l’invention devenait évidente au vu des enseignements du document (2) (séquence d’ADNc codant pour l’IFN-bêta) combinés soit avec ceux du document (22), soit avec ceux du document (23) (systèmes d’expression disponibles), chacune de ces combinaisons ayant été utilisée avec succès après la date de priorité pour exprimer l’IFN-bêta. En effet, jamais les systèmes d’expression divulgués dans les documents (22) ou (23) n’avaient en fait été utilisés dans des structures aboutissant à l’expression de l’IFN-bêta. Les auteurs des documents (22) et (23) avaient choisi des systèmes d’expression différents lorsqu’ils avaient exprimé l’IFN-bêta recombinant (documents (21) et (14)).

Il n’était pas possible non plus de nier l’existence d’une activité inventive par rapport au document (2), considéré en combinaison avec le document (3), qui divulguait l’expression d’interféron alpha, car il existait de nombreuses différences de structure et de propriétés entre les interférons alpha et bêta.

L’on ne pouvait raisonnablement s’attendre à pouvoir extraire de l’IFN-bêta actif des hôtes recombinants compte tenu des propriétés de l’IFN-bêta, qui a une hydrophobie apparente plus élevée que l’IFN-alpha (document (81)), et dont on pouvait se demander de ce fait s’il n’adhérerait pas aux membranes cellulaires, risquant par là de causer la mort de l’hôte ou d’empêcher sa propre détection. Comme il renfermait trois résidus de cystéine, on pouvait craindre que ne se forment des ponts disulfides entre les mauvaises cystéines (au niveau intramoléculaire ou extramoléculaire) dans les conditions réductrices observées dans le cytoplasme et en l’absence de toute glycosylation. La séquence codante de l’IFN-bêta contenait un codon inhabituel pour l’isoleucine, dont l’effet sur la traduction n’était pas prévisible. La proximité de deux triplets ATG à l’extrémité 5′ de la séquence codante aurait pu également entraver la traduction.

Pour toutes ces raisons, il convenait de reconnaître l’existence d’une activité inventive.

XIII. Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet européen n 0 041 313 soit révoqué.

XIV. L’intimé (titulaire du brevet) a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base des requêtes suivantes :

(a) requête principale : revendications 1 à 14 déposées le 10 mars 1997

(b) requête subsidiaire : revendications 1 à 14 valant pour tous les Etats désignés, à l’exception de AT, revendications 1 à 11 pour AT, déposées pendant la procédure orale en tant que seconde requête subsidiaire.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable

Requête principale

2. Les revendications de la requête principale diffèrent du jeu de revendications du brevet délivré en ce que les revendications 2, 3, 7 et 10 ont été supprimées. Dans la revendication 1, les micro-organismes déposés sont définis par leurs numéros d’ordre 1851 à 1854, comme dans la demande déposée à l’origine, à la page 94. Aucune de ces modifications n’a pour effet d’étendre l’objet de l’invention ou la protection conférée. Il est donc satisfait aux conditions requises à l’article 123(2) et (3) CBE.

3. La revendication 1 reste claire malgré les modifications qui y ont été apportées (article 84 CBE).

Priorité ; articles 87 à 89 CBE

4. Les parties s’accordent à reconnaître que la première demande dont il est revendiqué la priorité ne divulgue pas l’objet des revendications 1, 13 et 14. Il reste à décider si la priorité de la seconde demande a été valablement revendiquée.

5. Il s’agit en fait de savoir s’il est satisfait aux dispositions de l’article 87 CBE qui exige que la demande européenne ultérieure ait le même objet que la demande dont est revendiquée la priorité, ce qui revient en ce cas à apprécier si l’invention divulguée dans la demande dont il est revendiqué la priorité peut être exécutée (cf. décision T 296/93, JO OEB 1995, 627).

6. La seconde demande dont il est revendiqué la priorité (pages 55 à 60) divulgue la manière d’isoler les trois plasmides spécifiques selon la revendication 1(a), lesquels sont également identifiés par leurs numéros de dépôt (page 81). Les exemples montrent qu’ils produisent des polypeptides dotés de l’activité immunologique ou biologique de l’IFN-bêta. Le document (62) (à considérer comme un avis d’expert, page 195) confirme ces résultats, bien qu’un des plasmides ne produise que des quantités infimes de la protéine.

7. Le requérant a également produit une déclaration sur l’honneur portant sur la vérification des propriétés des trois plasmides (document (132)). Il y était constaté que deux d’entre eux produisaient des polypeptides ayant les propriétés immunologiques de l’IFN-bêta. L’un des deux produisait un polypeptide ayant l’activité biologique de l’IFN-bêta, mais dans une faible mesure. Le plasmide caractérisé dans le document (62) comme étant un piètre producteur n’exprimait pas d’IFN-bêta. La Chambre note que les méthodes utilisées dans le document (132) (étapes B et C) pour extraire et tester les polypeptides d’IFN-bêta diffèrent à bien des égards des méthodes décrites dans la seconde demande dont il était revendiqué la priorité. Les résultats mi-positifs, mi-négatifs obtenus selon le document (132) ne permettent donc pas de conclure que cette seconde demande ne divulgue pas l’objet de la revendication 1(a) de façon à permettre l’exécution de l’invention.

8. Il a également été allégué que pour pouvoir, en partant des enseignements de la seconde demande dont était revendiquée la priorité, isoler et tester les variants d’ADN selon la revendication 1(b) et (c), il faudrait un travail d’expérimentation excessivement lourd. La Chambre fait toutefois remarquer que la séquence d’ADNc codant pour l’IFN-bêta était connue grâce au document (2). La synthèse chimique d’ADN ou la mutagénèse dirigée étaient des méthodes qui existaient déjà dans l’état de la technique (documents (9) ou (29)). Les tests des activités immunologique et biologique de l’IFN-bêta étaient courants (documents (7) et (63)). Ainsi, la Chambre estime qu’isoler les variants d’ADN selon la revendication 1(b) et (c) aurait, certes, exigé un travail non négligeable, mais n’en était pas moins faisable.

9. De l’avis de la Chambre, il semblerait que lorsque le requérant affirme que l’homme du métier n’aurait pas jugé possible d’isoler les variants protéiques actifs de l’IFN-bêta, ces variants naturels n’ayant jamais été isolés, il s’écarte de la question, car la revendication 1(b) et (c) ne porte pas sur des variants protéiques codant pour l’IFN-bêta, mais sur des variants d’ADN de l’ADNc codant pour l’IFN-bêta. Tous les variants d’ADNc qui diffèrent de l’ADNc selon la revendication 1(a) du fait d’une modification qui n’induit aucun changement dans la séquence protéique conduiront nécessairement à une protéine active.10. Les revendications 13 et 14 portent sur des préparations pharmaceutiques renfermant de l’IFN-bêta recombinant. Pour le cas où il serait nécessaire pour réaliser ces préparations de disposer d’IFN-bêta plus pur en quantités supérieures à celles obtenues dans l’exemple C de la seconde demande dont il était revendiqué la priorité, la description de cette demande fournit aux pages 77 à 80 des indications sur la manière de produire de l’interféron pur en grande quantité. La Chambre reconnaît que ces indications permettraient d’arriver à une telle production.

11. La Chambre conclut que la seconde demande dont il était revendiqué la priorité permet l’exécution de l’objet des revendications selon la requête principale. Par conséquent, il doit être reconnu que cette demande confère un droit de priorité à partir du 6 juin 1980.

Exposé suffisamment clair et complet de l’invention, article 83 CBE

12. Pour ce qui est de la réponse à la question de savoir si l’objet des revendications selon la requête principale peut être exécuté, le fascicule du brevet en litige contient les mêmes informations que la seconde demande dont la priorité est revendiquée. Il permet à l’homme du métier d’exécuter l’invention, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 4 à 10 supra dans le cas de cette seconde demande.

Nouveauté, article 54 CBE

13. Les documents (1) et (2) divulguent tous deux un plasmide TpIF319-13 qui porte l’ADNc codant pour l’IFN-bêta au site EcoRI de pBR322 dans une orientation telle qu’il pourrait théoriquement être transcrit à partir du promoteur P4 de pBR322, ce qui, s’il en était ainsi dans la pratique, pourrait faire obstacle à la nouveauté de l’objet de la revendication 1.

14. Au cours de la procédure orale devant la première instance, le requérant a présenté des expériences visant à prouver qu’une activité biologique de l’IFN-bêta pouvait être obtenue à partir de cellules hôtes transformées à l’aide du TpIF319-13. La division d’opposition avait estimé que ces expériences ne montraient pas de façon concluante que l’activité antivirale qui avait été détectée pouvait être attribuée sans doute aucun à l’IFN-bêta. La Chambre ne peut pas, elle non plus, attacher de l’importance à ces données, car d’après la figure 1 du compte rendu de ces expériences, les cellules de mammifères sont protégées contre le virus à des dilutions des extraits bactériens du TpIF319-13 inférieures à 1:4 alors que, si l’on en croit le troisième paragraphe du compte rendu des expériences, l’inhibition de la croissance des cellules de mammifères est maximale à ces dilutions.

15. En outre, le document (17) (assimilable à un avis d’expert) divulgue que les transcrits initiés en P4 ont pour la plupart une longueur égale à 104 pb (paires de bases). Quelques molécules d’ARNm sont plus longues, mais la transcription s’arrête au gène bla avant le site EcoRI. Il semble donc impossible que l’ADNc codant pour l’IFN-bêta puisse jamais être transcrit à partir de P4.

16. Les données fournies par le requérant ne prouvent pas de manière convaincante que, contrairement à ce que l’on pourrait attendre théoriquement de la structure moléculaire du plasmide (document (17)), ce dernier serait capable de diriger la synthèse de l’IFN-bêta.

17. Il a également été allégué que l’enseignement général des documents (1) ou (2) concernant le clonage d’ADNc codant pour l’IFN-bêta au site EcoRI de pBR322 faisait obstacle à la nouveauté de la revendication 1, car certains clones recombinants seraient automatiquement obtenus avec l’ADNc codant pour l’IFN-bêta orienté de façon telle qu’il serait transcrit à partir du promoteur P1 de pBR322. La Chambre pourrait admettre que, statistiquement parlant, un clone sur deux porteurs d’ADNc codant pour l’IFN-bêta présenterait l’insert d’ADN codant pour l’IFN-bêta dans une orientation permettant sa transcription à partir du promoteur P1. Toutefois, rien ne prouve qu’un tel clone existe. Etant donné que le document (1) (page 11) conseille de transférer l’ADNc codant pour l’IFN-bêta de pBR322 vers un vecteur d’expression afin de synthétiser l’IFN-bêta, la Chambre n’est pas convaincue que l’enseignement général des documents (1) et (2) constitue une preuve indiscutable de l’existence d’un plasmide recombinant exprimant l’IFN-bêta à partir du promoteur P1 de pBR322.

18. Par conséquent, et en accord sur ce point avec la jurisprudence de l’OEB (cf. décision T 612/92 du 28 février 1996) qui considère que si l’enseignement d’un document appartenant à l’état de la technique est ambigu, il ne saurait être pris en considération pour l’appréciation de la nouveauté, la Chambre estime que ni le document (1), ni le document (2) ne font obstacle à la nouveauté de l’objet de la revendication 1.

19. Le document (89) était cité comme antériorité faisant obstacle en vertu de l’article 54(3) CBE à la nouveauté de l’objet de la revendication 1. Ce document divulgue une méthode visant à isoler et cribler les plasmides recombinants qui expriment l’ADNc, ou une partie de l’ADNc, codant pour l’IFN-bêta. Le document (89) ne fournit aucune preuve que cette méthode ait jamais été mise en oeuvre. Le fascicule de brevet fait penser plutôt à une recette générale de clonage de n’importe quel ADNc. Pour effectuer le criblage des clones qui contiennent éventuellement l’ADNc recombinant, il est nécessaire de tester chacun d’entre eux séparément de manière à déterminer son activité biologique. Sans étape d’enrichissement en ARNm de l’IFN-bêta avant le clonage de l’ADNc, et sans moyen spécifique permettant de sélectionner des molécules d’ADNc entières et d’exclure l’activité antivirale des extraits bactériens, cette méthode est certainement impossible à mettre en oeuvre. La Chambre conclut donc que la méthode selon le document (89) ne peut fonctionner et que ce document n’est pas pertinent pour l’appréciation de la nouveauté.

20. La nouveauté des revendications 13 et 14 a également été contestée sur la base des documents (66) ou (77), lesquels divulguaient l’IFN-bêta à l’état pur. Aucun de ces documents ne porte sur la production de préparations pharmaceutiques d’IFN-bêta. Ils ne fournissent pas non plus d’informations sur la manière d’obtenir des quantités suffisantes de la protéine pour produire de telles préparations. Les auteurs du document (66) (page 706) déclarent qu’ils craignent que l’IFN-bêta qu’ils ont isolé ne soit pas totalement pur. Ni le document (66), ni le document (77) ne peuvent porter atteinte à la nouveauté.

21. Il ressort de tout ceci qu’il convient de reconnaître la nouveauté des revendications selon la requête principale.

Activité inventive

22. L’état de la technique le plus proche est constitué par le document (2), lequel divulgue le clonage de l’ADNc codant pour l’IFN-bêta, ainsi que sa séquence.

23. A partir de cet état de la technique, le problème technique objectif qu’il s’agit de résoudre consiste à produire par recombinaison génétique un polypeptide doté de l’activité immunologique ou biologique de l’IFN-bêta humain.

24. Etant donné que la nécessité de disposer d’IFN-bêta était clairement indiquée dans l’état de la technique, et que la technologie de l’ADN recombinant était généralement considérée comme le moyen de produire une protéine qui était rare jusqu’ici (document (7)), la formulation de ce problème est évidente.

25. La solution proposée dans la revendication 1(a) consiste à isoler des plasmides recombinants dans lesquels l’ADNc codant pour l’IFN-bêta est inséré en aval d’un promoteur de manière à être transcrit à partir de ce promoteur et traduit dans une forme active.

26. Dans la partie C de la description du brevet en litige, il est montré que les trois plasmides spécifiques selon la revendication 1(a) dirigent la synthèse de polypeptides répondant aux conditions requises dans la revendication, quoiqu’il s’agisse de petites quantités, mais “production par recombinaison génétique” ne signifie pas “production en grande quantité”. Par conséquent, la Chambre estime que le problème défini ci-dessus a été résolu.

27. A la date de priorité, l’expression par recombinaison génétique de gènes d’eucaryotes supérieurs avait déjà été réalisée. Des vecteurs d’expression recombinants avaient été isolés pour la production de la proinsuline, de l’hormone de croissance humaine et de l’ovalbumine sous forme hybride à partir respectivement des promoteurs pamp, ptrp et pgal (documents (10), (12) et (34)). De même, les séquences codantes de l’hormone de croissance humaine et de l’antigène SV40 t avaient été reliées au promoteur plac de façon à ce que les deux protéines puissent être produites sous forme non hybride (documents (22) et (23)). De l’avis de la Chambre, toutes ces réalisations impliquent qu’il aurait été considéré de prime abord comme parfaitement faisable d’insérer la séquence codante de l’IFN-bêta en aval d’un promoteur, de manière à ce qu’elle soit transcrite à partir de ce promoteur, puis traduite sous forme active.

28. La division d’opposition est arrivée à la conclusion inverse, considérant que deux équipes qui étaient parvenues à exprimer l’ADNc codant pour l’IFN-bêta peu après l’intimé avaient utilisé, non pas les vecteurs généralement disponibles (documents (14) et (21)), mais des systèmes de vecteurs qui avaient fait l’objet d’une publication après la date de priorité du brevet (document (53)) ou qui n’étaient pas accessibles au public (document (21)).

29. Les systèmes de vecteurs exposés dans les documents (53) et (21) avaient été conçus pour permettre la traduction en phase de la séquence étrangère codante sous une forme non hybride, allégeant ainsi la tâche de l’homme du métier. Selon la Chambre, les auteurs des documents (14) et (21) avaient parfaitement raison d’utiliser ces moyens plus récents et plus efficaces pour atteindre l’objectif qu’ils s’étaient fixé. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’à la date de priorité, l’homme du métier, connaissant les difficultés inhérentes à la traduction en phase, aurait forcément écarté les vecteurs qui existaient auparavant. En fait, ces problèmes avaient déjà été reconnus dans le document (12) (p. 605, troisième colonne, deuxième paragraphe), qui proposait la solution analogue faisant intervenir le système d’expression ptrp, et également, de façon plus générique, dans le document (53) qui faisait appel au système de promoteur plac.

30. Ainsi, la Chambre conclut que pour isoler le vecteur d’expression de l’IFN-bêta à l’aide de systèmes de promoteurs fonctionnant déjà dans l’état de la technique, il ne faudrait qu’un simple travail de routine de la part d’un homme du métier. Reste à savoir si l’homme du métier aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que l’ADNc codant pour l’IFN-bêta soit exprimé dans l’hôte recombinant en tant que protéine active, vu les propriétés connues de l’IFN-bêta humain (cf. point XII, “activité inventive”, paragraphe 4).

31. Il ne faut pas oublier à ce propos que le fait qu’il y ait un “espoir de réussir” ne signifie pas qu’il existe “des chances raisonnables de réussite” (cf. décision T 296/93, JO OEB 1995, 627). Selon la Chambre, la première formule est l’expression d’un simple souhait tandis que la seconde implique une évaluation scientifique des faits que l’on connaît. S’agissant de l’expression de gènes, cette évaluation passe par une comparaison des propriétés des “partenaires d’expression” (le gène à exprimer et son produit protéique d’une part, et l’hôte recombinant d’autre part).

32. Si l’un quelconque des partenaires d’expression possède des propriétés que l’homme du métier, à la date de priorité, aurait considéré sur la base de ses connaissances générales comme nuisibles au bon fonctionnement de leur relation, l’on peut à bon droit conclure que l’homme du métier ne pourrait raisonnablement s’attendre à réussir dans son entreprise.

33. Il arrive toutefois fréquemment qu’une comparaison significative soit impossible, pour la simple raison que les connaissances relatives aux deux partenaires ne sont pas suffisantes. Il convient donc d’apprécier une telle situation à la lumière de l’état de la technique, comme l’aurait fait l’homme du métier à la date de priorité.

34. Il doit être considéré que l’homme du métier ne fait pas preuve de créativité (cf. décision T 500/91, du 22 septembre 1992). Mais on peut s’attendre à ce qu’il réagisse comme le feraient dans tous les cas tous les hommes du métier, c’est-à-dire qu’il considérerait que toute hypothèse ou supposition concernant un obstacle possible à la réalisation d’un projet doit toujours être fondée sur des faits. Ainsi, selon la Chambre, l’absence de preuves comme quoi une propriété donnée pourrait faire obstacle à l’exécution d’une invention ne permettrait pas de conclure que l’invention en question ne pourrait pas être réalisée, ni qu’elle pourrait l’être.

35. L’intimé a signalé un certain nombre de propriétés de l’IFN-bêta et de l’ADNc codant pour l’IFN-bêta qui pourraient faire obstacle à l’expression : les propriétés hautement hydrophobes de l’IFN-bêta, la présence d’un nombre impair de résidus de cystéine dans sa séquence d’acides aminés, la présence de deux codons ATG très rapprochés à l’extrémité 5′ de l’ADNc codant pour l’IFN-bêta, la présence du codon rare AUA de l’Ile (Isoleucine). La Chambre va examiner tour à tour toutes ces propriétés.

36. Dans l’état de la technique à la date de priorité, les documents qui traitent des propriétés hydrophobes de l’IFN-bêta sont les documents (81) et (82). Il s’agit dans les deux cas d’études sur l’aptitude de l’IFN-bêta à adhérer à des ligands spécifiques sur colonnes, ces deux études arrivant à la conclusion que l’IFN-bêta se lie aux colonnes par le biais d’interactions hydrophobes. Le document (81) souligne l'”hydrophobie apparente nettement plus prononcée” de l’IFN-bêta par rapport à l’IFN-alpha.

37. L’intimé déduit de ces enseignements que l’on pouvait s’attendre à ce que l’IFN-bêta se lie aux membranes cellulaires et, par conséquent, soit toxique pour les cellules ou impossible à détecter.

38. Il n’est montré nulle part dans le dossier dans quelle mesure l’on pourrait s’attendre à ce qu’une protéine hydrophobe adhère aux membranes cellulaires, pas plus qu’il n’est indiqué si ce phénomène, si tant est qu’il se produise, aurait été considéré comme une cause de mortalité. Etablir un lien entre la mort cellulaire et le caractère hydrophobe, c’est donc avancer sans preuve une supposition qui ne saurait être retenue pour l’évaluation des “chances raisonnables de réussite” (cf. point 34 supra). Quant au problème posé par l’impossibilité de détecter l’IFN-bêta, une solution est apportée dans le document (82), dans lequel il est expliqué que l’IFN-bêta peut être récupéré dans une association hydrophobe à l’aide de l’éthylèneglycol. Par conséquent, la Chambre conclut que les propriétés hydrophobes apparentes de l’IFN-bêta, bien qu’elles soient connues, n’auraient pas été perçues par l’homme du métier comme un obstacle sérieux à l’expression de celui-ci dans un hôte recombinant.

39. A la date de priorité, il était connu que l’IFN-bêta présentait un nombre impair de résidus de cystéine (3) dans sa séquence d’acides aminés, et il ressortait de l’état de la technique concernant les protéines avec des ponts disulfides que l’on connaissait des protéines de E. coli présentant une structure tertiaire comprenant des ponts disulfides. Des protéines de mammifères avec des ponts disulfides (documents (34) et (41)) avaient été exprimées dans des cellules transformées de E. coli (documents (34) et (10)). L’interféron alpha humain recombinant (document (3)) et l’hormone de croissance du rat (document (12)), qui contenaient tous deux un nombre impair de résidus de cystéine (5), avaient été isolés sous une forme active. Par conséquent, un homme du métier au courant de l’état de la technique aurait jugé peu probable que la formation et le maintien de ponts disulfides dans E. coli à partir d’un nombre impair de résidus de cystéine puisse diminuer les chances d’exprimer avec succès de l’IFN-bêta actif dans lesdites cellules.

40. Pour ce qui est de la séquence de l’ADNc codant pour le pré-interféron bêta, on constate qu’elle renferme deux triplets ATG situés à vingt codons de distance de son extrémité 5′, l’un d’entre eux étant le codon d’initiation de la traduction. L’argument avancé est qu’à la date de priorité, l’homme du métier n’aurait pas su si la présence du codon voisin AUG interne aurait un effet sur l’expression de l’ARNm. De l’avis de la Chambre, cela signifie qu’aucun effet nuisible sur l’expression n’avait jamais été associé à la présence dudit codon dans cette position. Par conséquent, ceci rejoint le raisonnement développé au point 34 (supra), à savoir qu’une supposition émise sans aucun fondement ne saurait être prise en compte pour l’évaluation des chances raisonnables de réussite.

41. En outre, il a été allégué que la présence d’un codon rare de l’Ile dans la séquence d’ADNc codant pour l’IFN-bêta aurait été ressentie comme un obstacle possible à la traduction de l’ARNm codant pour l’IFN-bêta, car il était connu que la présence de codons rares impose des limites à la synthèse des protéines. Or, plusieurs documents publiés avant la date de priorité divulguent l’expression recombinante dans E. coli de protéines codées par des gènes renfermant des codons rares, en particulier l’hormone de croissance humaine a été exprimée en dépit du fait que son ADN contienne le codon rare AUA de l’Ile (document (12)). Là encore, la Chambre est d’avis que l’homme du métier n’aurait pas jugé que cette particularité pouvait compromettre la traduction de l’ADNc codant pour l’IFN-bêta au point d’empêcher l’expression.

42. Enfin, l’intimé a fait valoir qu’à eux tous, ces “inconvénients” auraient suffi pour dissuader l’homme du métier de tenter l’expression de l’IFN-bêta. Aux points 36 à 41, la Chambre a montré qu’aucun de ces “inconvénients” n’est scientifiquement fondé. Comme la somme d’inconvénients inexistants est elle-même égale à zéro, cet argument ne peut être retenu.

43. En résumé, la Chambre n’est pas convaincue par l’argument de l’intimé selon lequel les caractéristiques connues de l’IFN-bêta auraient nécessairement été considérées comme des obstacles insurmontables à son expression par recombinaison génétique, même en l’absence dans l’état de la technique de tout indice donnant à penser que ces caractéristiques seraient susceptibles d’entraver l’expression. La Chambre estime que l’homme du métier jugerait au contraire intéressant de connaître les propriétés de l’IFN-bêta, ceci lui permettant d’identifier, à la lumière de l’état de la technique, les problèmes que pourraient le cas échéant poser ces propriétés, et de voir quelles solutions il pourrait leur apporter. Ce faisant, l’homme du métier arriverait à la conclusion que les propriétés de l’IFN-bêta n’étaient pas de nature à empêcher son expression.

44. Compte tenu de ce qui précède (points 27 à 41), la requête principale est rejetée pour défaut d’activité inventive.

Requête subsidiaire

45. Dans la requête subsidiaire maintenue par l’intimé lors de la procédure orale (seconde requête subsidiaire), le polypeptide selon la revendication 1 et les revendications 8 à 12 a été limité à un des polypeptides déjà revendiqué dans la revendication 1 et dans les revendications 12 à 16 du brevet délivré (polypeptide manifestant l’activité biologique de l’IFN-bêta humain). Ces revendications n’appellent aucune objection au titre de l’article 123(2) et (3) et de l’article 84 CBE.

46. En renonçant à une revendication portant sur une molécule dotée du pouvoir immunogène de l’IFN-bêta, l’intimé a peut-être évité qu’on lui objecte que la production de fragments de protéine ayant conservé certains déterminants immunogènes propres à la molécule d’IFN-bêta entière n’aurait impliqué aucune activité inventive. Néanmoins, le raisonnement de la Chambre concernant l’activité inventive qu’implique la revendication 1 selon la requête principale (cf. points 27 à 44 supra) demeure valable, que la molécule recombinante soit caractérisée par ses propriétés immunogènes ou par son activité biologique. La conclusion qui s’impose est donc identique à celle tirée au point 43, à savoir que l’objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire ne satisfait pas aux conditions requises à l’article 56 CBE.

47. La requête subsidiaire est rejetée pour défaut d’activité inventive.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.