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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2000:J001598.20001031
Date de la décision : 31 Octobre 2000
Numéro de l’affaire : J 0015/98
Numéro de la demande : 97500145.4
Classe de la CIB : E03C 1/00
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande : Evier pour cuisine, salle de bain et similaires
Nom du demandeur : Benas de Brigante, Norah Martha
Nom de l’opposant :
Chambre : 3.1.01
Sommaire : Indépendamment du fait que le demandeur n’ait ni domicile ni siège dans un Etat contractant, et ne possède pas la nationalité d’un Etat contractant, une date de dépôt est attribuée conformément à l’article 80 CBE à une demande déposée dans l’une des langues visées à l’article 14, paragraphes 1 et 2 CBE, sous réserve qu’il soit satisfait à toutes les autres exigences de l’article 80 CBE.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 14(1)
European Patent Convention 1973 Art 14(2)
European Patent Convention 1973 Art 80
European Patent Convention 1973 Art 78(2)
European Patent Convention 1973 Art 90(3)
Rules relating to fees Art 9(1)
Mot-clé : Examen préliminaire et quant à la forme – octroi d’une date de dépôt – langue des pièces produites
Règles communes à toutes les procédures – privilège linguistique
Exergue :

Décisions citées :
J 0027/92
T 0290/90
T 0161/96
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
J 0005/05
J 0006/05

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen no 97 500 145.4, qui revendique la priorité d’une demande de brevet uruguayenne en date du 26 août 1996, a été déposée en espagnol le 25 août 1997 par un mandataire européen auprès de l’Office espagnol des brevets et des marques (Oficina Española de Patentes y Marcas).

La demande a été transmise, conformément à l’article 77(1) CBE, à l’Office européen des brevets, qui l’a reçue le 4 septembre 1997. Le même jour, 80% de la taxe de dépôt ainsi que la taxe de recherche ont été acquittés.

La section de dépôt de l’OEB a reçu une traduction de ladite demande le 16 septembre 1997.

II. Par une notification établie le 22 octobre 1997 au titre de la règle 39 CBE, le mandataire du demandeur a été informé que son client ne pouvait invoquer le bénéfice de l’article 14(2) CBE, au motif qu’il était de nationalité uruguayenne et qu’il était domicilié en Uruguay, et que, par conséquent, il devait acquitter la taxe de dépôt dans son intégralité. En outre, la demande de brevet européen ne remplissait pas les conditions énoncées à l’article 80 CBE pour obtenir une date de dépôt, dans la mesure où la description et les revendications n’avaient pas été déposées dans l’une des langues visées à l’article 14(1) et (2) CBE. Toutefois, étant donné qu’une traduction en anglais de la demande avait entre-temps été produite, la date de réception de ladite traduction (soit le 16 septembre 1997) a été attribuée comme date de dépôt à la demande de brevet européen. Il était enfin signalé dans la notification que la date de la demande de brevet uruguayenne n’était plus comprise dans le délai de priorité de douze mois, et que, par conséquent, le demandeur ne pouvait se prévaloir d’aucun droit de priorité.

La notification constatant la perte du droit de priorité a été envoyée le 17 décembre 1997 en application de la règle 69(1) CBE.

Par fax envoyé le même jour, le demandeur s’est élevé contre le fait que la section de dépôt ait changé la date de dépôt de la demande et refusé de reconnaître la priorité revendiquée.

Dans une notification établie au titre de l’article 113 CBE, il a été confirmé au mandataire que la date de dépôt de la demande de brevet européen était le 16 septembre 1997, et celui-ci a été invité à présenter de nouvelles observations jusqu’au 22 mars 1998.

Dans une lettre reçue le 13 mars 1998, le mandataire a admis qu’à la suite d’une négligence administrative, une erreur avait été commise en ce qui concerne la langue utilisée lors du dépôt de la demande de brevet européen, tout en faisant valoir qu’il aurait pu corriger cette erreur si la section de dépôt la lui avait signalée en temps utile, à savoir le 25 août 1997. Il a invoqué le principe de la bonne foi.

III. Dans une décision remise à la poste le 9 avril 1998, la section de dépôt a rejeté les requêtes présentées par le demandeur afin que le 25 août 1997 soit admis comme date de dépôt de la demande de brevet en cause et que le droit de priorité soit rétabli.

Les motifs énoncés par la section de dépôt pour justifier sa décision peuvent se résumer comme suit :

a) le demandeur étant de nationalité uruguayenne et ayant son domicile ou son siège en Uruguay, il ne peut pas se prévaloir de l’article 14(2) CBE. Par conséquent, la date de dépôt de la demande ne peut être que la date à laquelle la demande a été déposée en anglais, à savoir le 16 septembre 1997;

b) étant donné que la demande transmise par l’Office espagnol des brevets est parvenue à l’OEB le 4 septembre 1997 seulement, soit après l’expiration du délai de priorité, la section de dépôt ne pouvait plus prévenir le mandataire de l’irrégularité dont était entachée la demande. Il n’était en effet plus possible d’autoriser la moindre correction le 4 septembre 1997. En conséquence, le principe de la bonne foi n’était pas applicable en l’espèce.

IV. Le 4 juin 1998, le demandeur a formé un recours contre la décision de la section de dépôt et acquitté la taxe de recours le même jour.

Le 6 août 1998, le requérant a déposé le mémoire exposant les motifs du recours. Il a demandé que l’erreur commise lors du dépôt de la demande soit considérée comme ayant été corrigée et que le droit de priorité revendiqué soit reconnu en modifiant la date de dépôt attribuée, qui devrait être le 25 août 1997.

Les arguments du requérant se résument comme suit :

a) L’énonciation de la section de dépôt selon laquelle le principe de la bonne foi n’était pas applicable en l’espèce, au motif que la demande de brevet avait été déposée auprès de l’Office espagnol des brevets et non de l’OEB, est contraire aux dispositions de la CBE régissant le dépôt des demandes de brevet. En effet, aux termes de l’article 75 CBE, une demande de brevet européen peut être déposée, si la législation d’un Etat contractant le permet, auprès du service central de la propriété industrielle ou des autres services compétents de cet Etat ; une demande ainsi déposée a les mêmes effets que si elle avait été déposée à la même date à l’Office européen des brevets. Par conséquent, la décision entreprise n’applique pas correctement cette disposition, dans la mesure elle sous-entend que les effets attachés au dépôt d’une demande auprès de l’office d’un Etat membre diffèrent de ceux attachés au dépôt d’une demande auprès de l’OEB. En outre, les offices nationaux de brevets sont tenus, en vertu de la règle 24 CBE, d’examiner ou du moins de regarder si le document remis remplit les conditions de forme. Il s’ensuit que le fait que la demande soit rédigée en espagnol constituait une erreur qui aurait pu être immédiatement mise en évidence si l’examen d’office avait été effectué en temps utile, car cette erreur aurait pu simplement être constatée en vérifiant la nationalité du demandeur. En d’autres termes, l’OEB étant tenu, en vertu du principe de la bonne foi, de prévenir le demandeur en cas d’irrégularités formelles, lorsque celles-ci peuvent être aisément décelées et corrigées en temps utile, les offices nationaux des Etats contractants devraient faire la même chose lorsqu’ils agissent en tant qu’offices récepteurs ou, du moins, les demandeurs devraient avoir la possibilité de remédier ultérieurement aux irrégularités.

b) C’est à tort que la section de dépôt a refusé d’appliquer la règle 88 CBE en faisant valoir que ladite disposition ne s’appliquait pas en l’espèce puisqu’il n’était pas manifeste que l’intention du demandeur était de déposer la demande en anglais. Or, celui-ci a toujours eu l’intention de revendiquer la priorité de la demande uruguayenne, comme en témoigne le fait que ladite priorité avait été revendiquée à la première date de dépôt. Le dépôt de la demande en anglais constituant uniquement une condition de forme, celle-ci aurait à l’évidence été remplie si l’erreur manifeste n’avait pas été commise.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108, ainsi qu’aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est donc recevable.

2. Le recours a pour objet de déterminer si la date du 25 août 1997 peut être attribuée comme date de dépôt à la demande de brevet en cause, auquel cas les conditions de forme prescrites pour revendiquer la priorité de la demande uruguayenne seraient remplies.

En effet, la date de dépôt ayant été reportée à la date à laquelle l’OEB a reçu la traduction en anglais de la demande (soit le 16 septembre 1997), il n’était pas possible de reconnaître le droit de priorité revendiqué, puisque le délai d’un an à compter de la date de dépôt de la première demande de brevet était déjà venu à expiration.

3. Partageant le raisonnement sur lequel est fondée la décision de la section de dépôt, à savoir que la demande de brevet aurait dû être déposée en anglais pour obtenir comme date de dépôt la date à laquelle elle a été déposée auprès de l’Office espagnol, la Chambre, exerçant son pouvoir d’interprétation, considère toutefois qu’il s’agit là d’une interprétation erronée des dispositions applicables et ne saurait en conséquence rendre une décision en l’espèce sans prendre en considération les arguments du requérant.

4. En vertu de l’article 75(1)b) CBE, la demande de brevet européen peut être déposée auprès du service central de la propriété industrielle d’un Etat contractant et a les mêmes effets que si elle avait été déposée à la même date à l’OEB.

Selon l’article 80 CBE, la date de dépôt de la demande de brevet européen est celle à laquelle le demandeur a produit des documents qui contiennent les informations mentionnées aux points a), b), c) et d), la description et les revendications devant être rédigées soit dans une langue officielle de l’OEB, soit dans l’une des langues des Etats contractants qui est autorisée par l’article 14(2) CBE.

En l’espèce, la demande a été déposée dans une langue officielle d’un Etat contractant autre que l’allemand, l’anglais ou le français, à savoir en espagnol, et ce par un demandeur qui n’avait ni domicile ni siège dans un Etat contractant, et qui ne possédait pas la nationalité d’un Etat contractant.

L’espagnol étant une langue officielle d’un Etat contractant, elle est donc l’une des langues autorisées au titre de l’article 14(2) CBE.

Par conséquent, le problème principal à trancher en l’espèce consiste à savoir si le fait que le demandeur n’ait ni domicile ni siège dans un Etat contractant et ne possède pas la nationalité d’un Etat contractant signifie que la demande ne remplissait pas les conditions de forme en matière linguistique à la date de dépôt auprès de l’Office espagnol des brevets.

La solution à ce problème dépend de l’interprétation que l’on donne de l’article 80d) CBE.

Cette disposition contient la précision suivante : “… dans une des langues visées à l’article 14, paragraphes 1 et 2 …”, “… in one of the languages referred to in Article 14, paragraphs 1 and 2, …”, “… in einer der in Artikel 14 Absätze 1 und 2 vorgesehenen Sprachen …”.

Il paraît clairement découler d’une interprétation littérale du texte de cette disposition dans les trois langues officielles que la référence à l’article 14 CBE vise uniquement à définir les langues que l’on est en droit d’utiliser. Il ne fait aucune référence aux conditions d’utilisation de ce droit.

Si cette interprétation est correcte, il en résulterait que lorsqu’une demande est déposée en espagnol, une date de dépôt lui serait attribuée conformément à l’article 80 CBE.

L’article 80 CBE a en effet pour but d’attribuer à une demande de brevet européen une date de dépôt en fonction de la date à laquelle cette demande a été déposée. L’espagnol est une langue officielle d’un Etat contractant. En application de l’article 14(2) CBE, il est possible de déposer une demande en espagnol. Il s’ensuit que d’après la CBE, une date de dépôt peut être attribuée à une demande déposée en espagnol. Les effets attachés à la date de dépôt sont les mêmes, que le demandeur ait la nationalité d’un Etat contractant ou son domicile dans cet Etat ou qu’il ait la nationalité d’un Etat qui n’est pas partie à la CBE. De tels effets ne sauraient effectivement dépendre uniquement de la nationalité du demandeur, car il n’y a aucune raison de traiter les demandeurs de manière inégale sur ce point.

Le texte de l’article 14(2) CBE semble également compatible avec l’interprétation ci-dessus, dans la mesure où il ne contient pas la moindre référence à l’attribution d’une date de dépôt aux demandes de brevet européen.

Il découle de ce qui précède qu’en vertu de l’article 14(2) CBE, une demande peut être déposée dans l’une des langues d’un Etat contractant autre que les langues officielles de l’OEB et que selon l’article 80d) CBE, ladite demande se voit attribuer comme date de dépôt la date à laquelle elle a été déposée dans cette langue.

Ces conclusions sont corroborées par la littérature, cf. en particulier : Singer, Europäisches Patentübereinkommen, 1989, article 80, point 2; Lunzer, The European Patent Convention, Revised English Edition by Lunzer, Londres 1995, article 80.02; Bossung, Münchener Kommentar 1986, article 80, point 63; cf. également Singer/Stauder, Europäisches Patentübereinkommen, 2e édition 2000, article 80, point 14.

En conséquence, le 25 août 1997 est la date de dépôt qu’il convient d’octroyer à la demande en cause. Il s’ensuit également qu’il peut être fait droit à la requête de la requérante tendant à l’attribution de la date de priorité fondée sur la demande de brevet uruguayenne déposée le 26 août 1996.

Dans ce contexte, la Chambre n’est pas d’accord avec l’exemple donné dans les Directives relatives à l’examen, A.VIII.3.1 en ce qui concerne l’interprétation de l’article 80d) CBE.

5. La requérante n’a pas contesté la décision de l’OEB selon laquelle elle n’a pas droit à la réduction de 20% de la taxe de dépôt. Cette décision est tout à fait correcte, dans la mesure où, ainsi qu’il découle des considérations ci-dessus, le demandeur a la nationalité d’un Etat qui n’est pas partie à la CBE et ne peut donc se prévaloir de cet avantage.

Les 20% restants de la taxe de dépôt (soit 50 DEM) ont été acquittés le 16 octobre 1997, soit, selon la section de dépôt qui considérait le 16 septembre 1997 comme étant la date de dépôt, dans le délai (d’un mois) prévu à l’article 78(2) CBE.

Or, la Chambre ayant conclu que la date de dépôt est le 25 août 1997, il en résulte que les 20% restants de la taxe de dépôt ont été payés trop tard, à savoir après l’expiration du délai d’un mois susmentionné.

Etant donné que ce problème est étroitement lié à l’octroi de la date de dépôt requise et qu’il doit donc être considéré comme faisant partie de la requête présentée par la requérante, la Chambre estime que ce retard ne devrait pas entraîner pour le demandeur la conséquence prévue à l’article 90(3) CBE.

En vertu de l’article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes, l’Office peut, si cela paraît justifié, ne pas tenir compte des parties minimes non encore payées de la taxe, sans qu’il en résulte pour autant une perte de droits pour la personne qui a effectué le paiement.

La Chambre est convaincue que toutes ces conditions sont remplies en l’espèce. En particulier, on peut excuser le demandeur de n’avoir payé dans le délai que 80% de la taxe de dépôt, dans la mesure où cela résultait d’une interprétation erronée bien compréhensible des dispositions de l’article 14(2) CBE, et où le demandeur l’a reconnu en acquittant les 20% manquants dès que la section de dépôt l’a informé qu’il ne pouvait se prévaloir de la réduction de 20%. En outre, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, un montant impayé allant jusqu’à 20% du montant concerné peut être considéré comme un montant minime (cf. T 290/90, JO OEB 1992, 368; J 27/92, JO OEB 1995, 288; T 161/96, JO OEB 1999, 331). On ne saurait considérer que la décision T 905/90, JO OEB 1994, 306, corr. JO OEB 1994, 556) s’écarte de la jurisprudence susmentionnée, puisqu’elle se borne à introduire un élément d’appréciation de ce qu’est un montant “minime”.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision entreprise est annulée;

2. L’affaire est renvoyée à la section de dépôt afin d’attribuer à la demande le 25 août 1997 comme date de dépôt.