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European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2008:T131904.20080422
Date de la décision : 22 Avril 2008
Numéro de l’affaire : T 1319/04
Numéro de la demande : 94306847.8
Classe de la CIB : A61K 31/445
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande :
Nom du demandeur : Kos Life Sciences, Inc.
Nom de l’opposant :
Chambre : 3.3.02
Sommaire : Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :
1. Lorsque l’utilisation d’un médicament particulier pour traiter une maladie particulière est déjà connue, ce médicament connu peut-il être breveté, en vertu des dispositions des articles 53 c) et 54(5) CBE 2000, pour son utilisation dans un traitement thérapeutique différent, nouveau et inventif de la même maladie ?
2. S’il est répondu par l’affirmative à la question 1, un brevet peut-il être délivré lorsque l’unique caractéristique nouvelle du traitement réside dans une posologie nouvelle et inventive ?
3. Faut-il tenir compte de critères particuliers pour interpréter et appliquer les articles 53 c) et 54(5) CBE 2000 ?
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 53(c)
European Patent Convention Art 54(5)
European Patent Convention 1973 Art 52(4)
European Patent Convention 1973 Art 54(5)
Mot-clé : Admissibilité des posologies – au titre des articles 52(4) et 54(5) CBE 1973 et au titre des articles 53 c) et 54(5) CBE 2000 – saisine de la Grande Chambre de recours
Exergue :

Décisions citées :
G 0005/83
T 0019/86
T 0290/86
T 0570/92
T 0051/93
T 0317/95
T 0056/97
T 0584/97
T 0004/98
T 0485/99
T 1020/03
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1287/05
T 0174/07
T 0294/07
T 0108/09

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen nº 94 306 847.8, publiée sous le nº EP 643 965, a été rejetée par décision de la division d’examen en date du 25 septembre 2003, au motif qu’elle n’était pas nouvelle au titre de l’article 54(1) et (2) CBE 1973, et qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 52(4) CBE 1973.

II. La décision a été rendue sur la base d’un jeu de 7 revendications déposé le 25 septembre 2003 pendant la procédure orale qui s’est déroulée devant la division d’examen. La revendication indépendante 1 s’énonce comme suit :

1. Utilisation de l’acide nicotinique, ou d’un composé métabolisé par l’organisme en acide nicotinique et choisi parmi l’hexanicotinate de d-glucitol, le nicotinate d’aluminium, le nicéritrol, le nicotinate de d,1-alpha-tocophérol et le tartrate d’alcool nicotinylique, pour produire un médicament à effet retard destiné au traitement de l’hyperlipidémie, par voie orale une fois par jour avant le coucher, caractérisée en ce que le médicament ne comprend pas en mélange, 5 à 30% d’hydroxypropylméthylcellulose, 2 à 15% d’un liant pharmaceutique hydrosoluble, 2 à 20% d’un composant hydrophobe et 30 à 90% d’acide nicotinique.

III. Les documents suivants ont notamment été cités au cours de la procédure devant la division d’examen, dans les motifs de la décision et lors de la procédure écrite devant la Chambre de recours :

(1) EP-A-577 504

(2) US-A-5 126 145

(3) JP-A-63 310 827 (cité comme abrégé WPI ; traduction en anglais produite par le demandeur)

(4) JP-A-5 221 854 (cité comme abrégé WPI)

(5) J.Clin.Invest., vol. 52(3), 1973, 732-740

(6) EP-A-349 235

(11) The American Journal of Medicine, 93 1992, 102-104

(12) The Journal of Family Practice, 34, 1992, 313-319

(13) Southern Medical Journal, 84, 1991, 496-497

(14) Metabolism, 34, 1985, 642-650

(15) J. Cardiovasc. Pharmacol. Therapeut., 1, 1996, 195-202

(16) Arch. Biochem. Biophys., 54, 1955, 558-559

(17) JAMA, 261(24), 23/30 June 1989, 3582-3587

(18) Am. J. Med., 91, September 1991, 239-246

(19) JAMA, vol. 271(9), 2 March 1994, 672-677

(20) American Journal of Medicine, vol. 92, January 1992, 77-81

(21) Présentation par le Docteur Eugenio Cefali produite avec le mémoire exposant les motifs du recours

Le document (15), ne faisant pas partie de l’état de la technique, n’était cité qu’à titre de référence.

Le document (19), publié postérieurement, n’est pas pris en compte dans la présente décision.

Le document (21) ne fait pas partie de l’état de la technique, mais il recèle des données expérimentales pertinentes pour l’évaluation de l’activité inventive.

IV. Comme il est indiqué dans la décision attaquée, la division d’examen a estimé que la nouveauté de l’objet de la revendication indépendante 1 et de ses revendications dépendantes 2 à 7 était détruite par la divulgation des documents (2) à (4), lesquels envisageaient l’utilisation de l’acide nicotinique pour produire un médicament à effet retard servant à traiter l’hyperlipidémie par voie orale (point 33).

A cet égard, la division d’examen, se référant notamment aux décisions T 317/95 et T 584/97, a fait valoir que la caractéristique de la revendication 1 portant sur une posologie donnée, c’est-à-dire “une fois par jour avant le coucher”, constituait une activité médicale exclue de la brevetabilité au titre de l’article 52(4) CBE 1973 et ne pouvant pas être considérée comme représentant une deuxième indication thérapeutique susceptible d’être source de nouveauté (points 27 et 28).

Quant au disclaimer de la revendication 1 vis-à-vis de la demande interférente (1) qui divulguait un médicament comprenant, en mélange, 5 à 30% d’hydroxypropylméthylcellulose, 2 à 15% d’un liant pharmaceutique hydrosoluble, 2 à 20% d’un composant hydrophobe et 30 à 90% d’acide nicotinique pour produire un médicament à effet retard destiné au traitement de l’hyperlipidémie par voie orale après le repas du soir et avant le coucher, la division d’examen a jugé qu’il était conforme aux décisions G 1/03 et G 2/03 de la Grande Chambre de recours (point 15).

V. Le requérant (demandeur) a formé un recours contre cette décision.

Il a déposé une requête principale et une requête subsidiaire avec son mémoire exposant les motifs du recours.

Le jeu de revendications de la requête principale est identique à celui présenté devant la division d’examen, après suppression des revendications dépendantes 6 et 7.

VI. Le requérant a fait valoir par écrit que la divulgation des documents (2) et (4) n’était pas destructrice de nouveauté puisqu’aucun de ces deux documents ne divulguait la posologie particulière de la revendication 1, à savoir “une fois par jour avant le coucher”.

Il a ajouté que cette caractéristique, en plus de conférer une nouveauté, n’était pas exclue par l’article 52(4) CBE 1973.

Le requérant s’est prévalu à cet effet de la décision T 1020/03 selon laquelle, eu égard au texte de l’article 52(4) CBE 1973 et à la décision G 5/83 de la Grande Chambre de recours, l’admissibilité des revendications rédigées sous la forme d’une deuxième application thérapeutique doit s’entendre au sens large, sans limitation du domaine dans lequel la nouveauté peut être recherchée.

Pour ce qui est de l’activité inventive, il a fait valoir que la réduction ou l’élimination d’effets secondaires bien connus résultait du moment où la niacine était administrée, soit une fois par jour avant le coucher.

Concernant l’état de la technique, où il n’est nulle part suggéré que le moment d’administration ait un effet quelconque, le requérant a estimé que l’objet revendiqué n’était pas évident.

Ceci est d’autant plus vrai que la seule solution avancée en termes de variation de posologie pour éviter les effets secondaires graves était de réduire la posologie ou d’arrêter purement et simplement de prendre de la niacine.

VII. Dans sa lettre du 9 novembre 2004, le requérant a demandé une procédure de recours accélérée.

VIII. Le requérant a demandé par écrit :

1. l’annulation de la décision et la délivrance du brevet sur la base des revendications de la requête principale ;

2. à titre subsidiaire, la délivrance du brevet sur la base des revendications de la requête subsidiaire ;

3. si la chambre n’est pas disposée à faire droit aux requêtes 1 ou 2, la saisine de la Grande Chambre de recours concernant les questions suivantes :

1. L’absence d’effets secondaires peut-elle être considérée comme une contribution technique à l’état de la technique, ou bien comme un effet technique capable de conférer un caractère nouveau au traitement connu d’une maladie bien définie ?

2. Les posologies médicamenteuses sont-elles toutes exclues de la brevetabilité au titre de l’article 52(4) CBE 1973 ?

Une procédure orale était seulement requise dans le cas où la chambre envisagerait de ne pas faire droit au requérant.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Examen quant au fond de la demande

Requête principale

2.1 Articles 84 et 123(2) CBE

La division d’examen n’a soulevé aucune objection quant à la clarté des revendications de cette requête et aux éléments ajoutés. La Chambre n’a également aucune objection.

Ainsi, la caractéristique de la revendication 1 – “une fois par jour avant le coucher” – signifie pour l’homme du métier que le patient qui suit le traitement doit prendre le médicament quand il va se coucher.

Cette interprétation raisonnable de cette caractéristique n’est pas contredite par la définition générale donnée dans la description de la demande, selon laquelle aux fins du traitement, la composition contenant l’acide nicotinique est administrée “avant chaque perte de conscience périodique d’origine physiologique” (publication A1, page 3, lignes 18 et 19).

2.2 Article 54 CBE

2.2.1 En ce qui concerne l’objection de la division d’examen pour absence de nouveauté vis-à-vis des documents (2) à (4), la Chambre reconnaît que les documents (2) et (3) divulguent l’utilisation respectivement de l’acide nicotinique et du nicéritrol pour produire un médicament à effet retard destiné au traitement de l’hyperlipidémie par voie orale ((2), colonne 5, lignes 54 à 60 ; abrégés WIPI de (3)).

En fait, comme le traitement de l’hyperlipidémie est le seul traitement thérapeutique connu utilisant l’acide nicotinique, la division d’examen a eu raison de conclure que pour l’homme du métier, les documents (2) et (3) divulguaient implicitement ce traitement même s’il n’était mentionné expressément ni dans le document (2) ni dans l’abrégé (3).

Cependant, ces documents ne divulguent pas la posologie spécifique de la revendication 1, à savoir “une fois par jour avant le coucher”.

Le document (2) comporte des tableaux avec des doses de 250, 500 et 750 mg, et indique que la niacine doit être administrée deux fois par jour (colonne 5, lignes 58 à 60).

La traduction en anglais du document (3) ne dit rien sur une éventuelle posologie. Elle divulgue seulement que le nicéritrol, précurseur biologique de l’acide nicotinique, est administré après le repas, sans autre indication (page 8, test à titre d’exemple 3).

A cet égard, la Chambre fait remarquer que ce test 3 visait moins à évaluer le traitement qu’à mesurer la fréquence des bouffées congestives en tant qu’effet secondaire.

Le document (4) est l’équivalent japonais du document (2). Par conséquent, les mêmes observations valent pour l’abrégé WPI, à savoir que la posologie “une fois par jour avant le coucher” de la revendication 1 n’y est pas divulguée.

2.2.2 On constate que les autres documents disponibles ne divulguent pas non plus cette posologie :

Le document (5) porte sur l’administration de l’acide nicotinique par voie intraveineuse.

Le document (6) divulgue un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique et devant être administré par le patient trois fois par jour (page 4, ligne 24).

Le document (11) porte sur une étude relative à l’hépatotoxicité associée à un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique dans le traitement de l’hyperlipidémie. Il ne fait pas état d’une posologie.

Le document (12) concerne un essai clinique relatif à un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique pris deux ou trois fois par jour (page 317, colonne de gauche, premier paragraphe).

Le document (13) est un rapport sur les effets secondaires qui peuvent résulter d’un traitement par une préparation à effet retard contenant de l’acide nicotinique. Il fait état d’une posologie caractérisée par une prise trois fois par jour (page 496, lignes 1 à 3, sous “Case report”).

Le document (14) porte sur un essai clinique d’un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique. Le médicament est administré aux patients trois fois par jour (page 643, deuxième paragraphe, première phrase).

Le document (16) ne traite pas de la formulation à effet retard de l’acide nicotinique et prescrit quatre prises par jour (page 558, troisième paragraphe, lignes 21 et 22).

Le document (17) préconise de prendre trois fois par jour le médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique (page 3585, troisième colonne, lignes 13 et 14).

Le document (18) traite à la fois d’un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique et d’un médicament à libération immédiate contenant de l’acide nicotinique. Selon ce document, la posologie de la formulation à libération immédiate commence par une faible dose au petit déjeuner pour passer à des doses croissantes réparties sur quatre prises (page 240, colonne de droite, lignes 2 à 5). Il ne dit toutefois rien sur la posologie du médicament à effet retard.

Le document (20) traite également d’un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique et d’un médicament à libération immédiate contenant de l’acide nicotinique. Il renvoie aux informations de la pharmacopée américaine destinées aux professionnels de la santé (U.S. Pharmacopeia Drug Information for Health Care Professionals), selon lesquelles la posologie d’une formulation à effet retard est de deux fois par jour, matin et soir (page 81, colonne de gauche, deuxième paragraphe).

Ce document divulgue en outre, sans indiquer le type de formulation du médicament, que le traitement commence généralement avec des doses uniques inférieures aux doses thérapeutiques, et que la fréquence des doses et la dose journalière totale sont progressivement amenées à une dose thérapeutique de premier niveau (page 77, colonne de droite, deuxième paragraphe, deux premières phrases).

2.2.3 Il ressort de ce qui précède que la caractéristique de la revendication 1 – “une fois par jour avant le coucher” – ne voit pas sa nouveauté détruite par les documents de l’état de la technique disponibles.

2.3 Etant donné que la demande était en instance le 13 décembre 2007, date de l’entrée en vigueur de la CBE 2000, et qu’il n’avait pas encore été statué sur la délivrance du brevet, en vertu des articles premier et 3 de la décision du Conseil d’administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires au titre de l’article 7 de l’acte de révision de la Convention sur le brevet européen du 29 novembre 2000, la demande tombe sous le régime des articles 53 c) et 54(4) et (5) CBE 2000, et non plus sous celui des articles 52(4) et 54(5) CBE 1973 qui s’appliquaient au moment où la division d’examen a rendu sa décision.

2.3.1 Les passages pertinents des articles 53 et 54 CBE 2000 s’énoncent comme suit :

Article 53 – Exceptions à la brevetabilité – Les brevets européens ne sont pas délivrés pour :

a) …

b) …

c) les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, cette disposition ne s’appliquant pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en oeuvre d’une de ces méthodes.

Article 54 – Nouveauté

54(5) Les paragraphes 2 et 3 n’excluent pas non plus la brevetabilité d’une substance ou composition visée au paragraphe 4 pour toute utilisation spécifique dans une méthode visée à l’article 53 c), à condition que cette utilisation ne soit pas comprise dans l’état de la technique.

2.3.2 La réponse à la question de savoir si la caractéristique de la revendication 1 (“une fois par jour avant le coucher”) peut être reconnue ou non au titre de l’article 54(5) CBE 2000 comme étant une utilisation spécifique dans une méthode visée à l’article 53 c), utilisation non comprise dans l’état de la technique, risque d’être décisive quant à l’issue de la présente affaire. Ainsi, dans l’affirmative, l’activité inventive et l’applicabilité industrielle (articles 56 et 57 CBE 2000) pourraient aussi être reconnues.

2.4 Article 56 CBE

2.4.1 La présente demande porte sur le traitement de l’hyperlipidémie à l’aide d’un médicament à effet retard administré par voie orale et contenant de l’acide nicotinique, caractérisé en ce que le médicament est pris “une fois par jour avant le coucher” (publication A1, revendication 1, page 2, premier paragraphe, page 3, lignes 15 à 19).

2.4.2 D’après la description, les formulations à effet retard contenant de l’acide nicotinique ont été développées avec succès pour éviter les bouffées congestives, effet secondaire associé à la formulation antérieure de l’acide nicotinique, autrement dit à libération immédiate (publication A1, page 2, lignes 23 à 29).

Ceci est bien confirmé par les documents (2), (3), (6), (11), (14), (18) et (20).

Le document (3) mentionne que les effets secondaires tels que les bouffées congestives sont bien moindres avec la formulation à effet retard de l’acide nicotinique (traduction en anglais de (3), page 8, paragraphe intitulé “Effect of Invention”).

Le document (6) indique que les bouffées congestives sont évitées si l’on utilise une formulation à effet retard contenant de la gomme de guar (page 6, dernier paragraphe, ensemble document (11), deuxième et troisième phrases de l’abrégé).

Le document (14) affirme que les bouffées vasomotrices cutanées sont minimales grâce à la formulation à effet retard de l’acide nicotinique (première phrase de l’abrégé).

Le document (18) préconise de remplacer la formulation à libération immédiate par la formulation à effet retard dans le cas de bouffées vasomotrices cutanées (page 240, colonne de gauche, première phrase du dernier paragraphe).

Le document (20) mentionne que des préparations basées sur une formulation à effet retard ont été développées pour réduire ou éliminer les bouffées congestives (page 78, dernière phrase du premier paragraphe).

2.4.3 La description de la présente demande indique par ailleurs que les formulations à effet retard ont néanmoins des effets secondaires plus graves que les formulations à libération immédiate, notamment en ce qui concerne l’hépatotoxicité (publication A1, page 2, lignes 30 à 40).

L’hépatotoxicité de toutes les formulations d’acide nicotinique à effet retard est bien établie par les documents (11), (12), (20) et (21).

Le document (11) indique que les formulations à effet retard sont de plus en plus soupçonnées d’avoir une toxicité hépatique bien plus élevée (page 103, colonne de droite, dernière phrase).

Le document (12) est un essai clinique utilisant des formulations à effet retard d’acide nicotinique. Il fait état d’enzymes hépatiques élevées, signe d’hépatotoxicité (page 317, colonne de gauche, deuxième phrase, sous “Discussion” ; page 318, colonne de droite, dernière phrase du premier paragraphe sous “Discussion”).

D’après le document (20), la toxicité hépatique est un effet secondaire potentiellement grave de l’acide nicotinique (page 78, colonne de gauche, avant-dernier paragraphe ; document).

Le document (21) contient une diapositive 7 montrant que l’administration, deux fois par jour, d’une formulation à effet retard d’acide nicotinique, comparée à une formulation à libération immédiate, provoque une augmentation des transaminases. Cet accroissement des enzymes hépatiques est un signe d’hépatotoxicité (diapositive 7, et page 3, texte sous “Slide 7”).

2.4.4 D’après les exemples de réalisation qui figurent dans la description de la demande, il semblerait que lorsque la formulation à effet retard est prise une fois par 24 heures, la nuit à raison de 1 500 mg, aucune augmentation des enzymes hépatiques ne se produit, signe que le foie n’est pas atteint (tableaux III, IV et V).

Ceci est confirmé par les données expérimentales du document (21) montrant que même à raison de 3 g par jour, le niveau des enzymes hépatiques reste inchangé, comme c’est le cas pour une formulation à libération immédiate, lorsque le médicament à effet retard est pris “une fois par jour avant le coucher”, alors que deux prises journalières provoquent une forte augmentation des enzymes hépatiques qui est proportionnelle à la posologie

2.4.5 Ainsi, le document (2) qui divulgue l’utilisation de l’acide nicotinique pour produire un médicament à effet retard servant à traiter l’hyperlipidémie par voie orale à raison de deux prises par jour, peut être considéré comme l’état de la technique le plus proche.

2.4.6 Compte tenu des points 2.4.1 à 2.4.5 ci-dessus, on peut considérer que le problème à résoudre par rapport au document (1) est de fournir un traitement oral de l’hyperlipidémie à l’aide d’un médicament à effet retard dépourvu d’hépatotoxicité.

2.4.7 Ce problème est résolu par la caractéristique de l’objet de la revendication 1 relative à la posologie particulière, à savoir une fois par jour avant le coucher.

2.4.8 A la lumière des exemples de réalisation, de la description de la demande et des données expérimentales du document (21), la Chambre est d’avis que le problème a été résolu de façon convaincante (cf. point 2.4.4 ci-dessus).

2.4.9 La question à laquelle il convient de répondre est de savoir si la solution proposée, à savoir l’administration, une fois par jour avant le coucher, d’un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique, ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique aux yeux de l’homme du métier.

2.4.10 A cet égard, la Chambre constate que seuls les documents (11) et (12) traitent de l’hépatotoxicité de médicaments à effet retard contenant de l’acide nicotinique.

Toutefois, le document (11) n’indique rien quant à la possibilité, pour le médecin, de préciser le régime d’administration du médicament à effet retard dans le but de minimiser les effets secondaires. Il se contente d’indiquer que le rôle du médecin est de décider s’il faut ou non utiliser la niacine (page 103, colonne de gauche, avant-dernière phrase).

Le document (12) préconise, soit de réduire la dose, soit d’arrêter le traitement (page 317, colonne de gauche, deuxième phrase sous “Discussion”).

Ce document enseigne également que les effets secondaires changent selon que le régime comporte trois prises par jour ou deux prises par jour.

Cependant, les effets secondaires envisagés sont ici des effets secondaires gastro-intestinaux, moins fréquents dans un régime à deux prises journalières, et des effets secondaires cutanés, moins fréquents dans un régime à trois prises journalières (page 317, colonne de droite, deuxième paragraphe sous “Side effects and intolerance”).

Les autres documents sont encore moins pertinents puisqu’ils ne traitent pas de la toxicité hépatique et ne suggèrent nulle part qu’une posologie puisse influer sur les effets secondaires.

La Chambre constate que le document (5), publié en 1973, est le seul document indiquant qu’il y aurait avantage à ce que l’apport en niacine ait lieu pendant une phase nocturne, lorsque la lipolyse semble être la plus active (page 739, colonne de droite, dernière phrase).

Toutefois, cette indication ne concerne pas l’hépatotoxicité et a trait aux injections intraveineuses.

La Chambre en conclut, à la lumière des faits actuellement portés au dossier, que la caractéristique de la revendication 1 (“une fois par jour avant le coucher”) implique une activité inventive car l’homme du métier n’aurait pas envisagé de modifier le régime habituel de traitement oral de l’hyperlipidémie en passant de deux prises journalières à une seule prise journalière avant le coucher.

En fait, eu égard à l’hépatotoxicité de l’acide nicotinique, la première réaction de l’homme du métier serait plutôt de passer à une posologie qui réduit le dosage des prises et en augmente la fréquence, et non d’adopter une posologie où toute la dose toxique est prise en une fois.

C’est ce que confirme la divulgation du document (18), en préconisant de commencer par une faible dose au petit déjeuner pour l’augmenter progressivement sur quatre prises différentes (page 240, colonne de droite, lignes 2 à 5), et la divulgation du document (20) selon lequel le traitement débute généralement avec des doses uniques inférieures aux doses thérapeutiques, après quoi la fréquence des doses et la dose totale journalière augmentent progressivement jusqu’à atteindre une dose thérapeutique de premier niveau (page 77, colonne de droite, deuxième paragraphe, deux premières phrases).

A la lumière des documents disponibles, l’homme du métier ne s’attendrait pas non plus à ce que la prise du médicament avant le coucher présente des avantages du point de vue de l’hépatotoxicité, puisque rien ne figure dans l’état de la technique à ce sujet.

2.5 Article 57 CBE

Comme il ressort de nombreuses antériorités portant sur des médicaments oraux à effet retard contenant de l’acide nicotinique (p.ex. (2), (3), (4), (6), (11), (12), (14), (18), (20)), l’utilisation de l’acide nicotinique pour produire un médicament à effet retard destiné au traitement par voie orale est bien connue de l’état de la technique, plusieurs spécialités étant disponibles sur le marché.

Par conséquent, il ne fait aucun doute qu’au moins une caractéristique satisfait aux exigences de l’article 57 CBE, à savoir celle de la revendication 1 portant sur la production d’un médicament à effet retard contenant de l’acide nicotinique destiné au traitement par voie orale.

3. La conclusion est qu’il doit être statué dans la présente espèce en fonction de la réponse à donner à la question énoncée au point 2.3.2 ci-dessus. D’une façon plus générale, une question juridique se pose, celle de savoir si une utilisation qui ne se distingue des utilisations connues que par la posologie de la substance administrée pour traiter une maladie, peut être assimilée à une nouvelle utilisation spécifique au titre de l’article 54(5) CBE 2000. Le texte de l’article 54(5) CBE est large et ne suggère pas en soi que certaines utilisations spécifiques doivent être traitées différemment des autres.

3.1 La Chambre n’a pas connaissance d’une quelconque autre affaire tranchée conformément à l’article 54(5) CBE 2000, et cet article n’a pas d’équivalent exprès dans la CBE 1973. Toutefois, il ressort des travaux préparatoires de la Conférence des Etats contractants pour la révision de la Convention sur le brevet européen qui s’est déroulée à Munich du 20 au 29 novembre 2000, notamment du rapport de la conférence (document MR/24/00), pages 71 et 72, points 136 à 142, et du document MR/18/00 (proposition de base, notes explicatives, articles 54(4) et 54(5) CBE), que “en ce qui concerne la deuxième indication médicale et toutes les indications suivantes, il conviendrait d’ancrer dans la Convention la jurisprudence développée par la Grande Chambre de recours de l’OEB” (point 139 du rapport de la conférence). Ainsi, pour comprendre l’article 54(5) CBE 2000, il convient de se reporter à la jurisprudence tel qu’elle se dégage de la décision G 5/83 de la Grande Chambre de recours, en date du 5 décembre 1984, et des décisions similaires rendues dans d’autres langues officielles dans des affaires parallèles (p.ex. G 1/83 et G 6/83).

3.2 Avant d’examiner la décision G 5/83 proprement dite, il convient de la replacer dans son contexte historique. Pour ce faire, il est utile de se reporter à une opinion très répandue avant ces décisions de la Grande Chambre de recours, reflétée dans un passage de l’ouvrage de Maître Paul Mathély “Le Droit Européen des brevets d’invention” (Paris, 1978), page 116 :

“Ainsi, une substance ou une composition connue, qui, étant comprise dans l’état de la technique, n’est plus brevetable, peut cependant être brevetée pour la première utilisation à titre de médicament ; mais aucun brevet ne peut plus être accordé, si l’on découvre une seconde possibilité d’utilisation de la même substance.

La disposition s’explique ainsi : en raison du secret médical, il n’est pas possible de contrôler l’emploi d’un médicament ; par conséquent, si un produit est déjà utilisé à titre de médicament, il n’est pratiquement pas possible d’assurer un droit privatif sur une autre application médicamenteuse du même produit.

Cependant, faut-il encore qu’il s’agisse de la même substance ou composition. Il s’ensuit que, si un principe actif, déjà connu comme remède, est traité, adapté ou composé d’une façon différente pour une application thérapeutique nouvelle, il devra être considéré comme un produit différent, présenté pour la première fois à titre de médicament.”

Ainsi est-il considéré ici que l’article 54(5) CBE 1973 ne permet de breveter une substance pour une application médicale que lorsque le brevet est le premier à en indiquer une quelconque application médicale. Une attitude plus favorable à d’autres utilisations d’une substance en tant que médicament avait vu le jour au moins dans deux Etats contractants, l’Allemagne et la Suisse, mais il peut être considéré que la Grande Chambre de recours était au courant de l’attitude plus restrictive des autres Etats contractants, telle que décrite ci-dessus.

3.3 Dans la décision G 5/83, la Grande Chambre de recours prend explicitement en compte le cas critique où le médicament résultant de l’application revendiquée ne diffère en rien d’un médicament connu (cf. dernière phrase du point 20 des motifs). La Grande Chambre en conclut (point 22 des motifs) que “le but poursuivi par l’article 52(4) CBE … est d’exclure des restrictions résultant de la brevetabilité les activités non commerciales et non industrielles dans le domaine de la médecine humaine et vétérinaire”. Cette règle d’exception ne doit pas déborder de sa finalité. Ainsi (point 23 des motifs), il est justifié d’admettre des revendications ayant pour objet l’application d’une substance ou d’une composition pour obtenir un médicament destiné à une utilisation thérapeutique nouvelle et inventive, ceci même lorsque le procédé de préparation lui-même en tant que tel ne se distingue pas d’un procédé connu mettant en oeuvre la même substance active.

3.4 D’après les études effectuées par la Chambre, il semble que toutes les affaires considérées dans la décision G 5/83 et les autres décisions parallèles de la Grande Chambre de recours portent sur des utilisations d’un médicament connu pour traiter une nouvelle maladie. La Grande Chambre de recours n’avait donc pas particulièrement besoin de faire la distinction entre une utilisation pour traiter une maladie différente, et une utilisation pour traiter la même maladie mais avec une posologie différente. Il est explicitement indiqué au point 20 des motifs de la décision G 5/83 que “si le médicament lui-même est nouveau en ce sens qu’il présente de nouvelles caractéristiques techniques, par exemple une nouvelle formulation, un nouveau dosage ou une nouvelle combinaison synergétique, les autres conditions de l’article 54(1) à (4) CBE sont remplies …” de sorte que le dosage est considéré dans le contexte d’un nouveau produit. Sauf à spéculer, il est impossible de savoir si la Grande Chambre de recours pensait aussi à la brevetabilité d’une substance pour une utilisation s’écartant de l’état de la technique par sa seule posologie. Il n’en reste pas moins que, pris au sens commun, les termes employés par la Grande Chambre de recours au point 23 des motifs et au point 2 du dispositif, et ceux très similaires de l’article 54(5) CBE 2000 sont de prime abord assez larges pour permettre la brevetabilité d’une substance ou composition destinée à être utilisée dans un traitement nouveau et inventif caractérisé par une nouvelle posologie en vue de traiter la même maladie à l’aide de la même substance. Existe-t-il des raisons suffisantes pour attribuer aux termes utilisés un sens plus restreint excluant cette possibilité de la brevetabilité ?

4. L’examen des affaires tranchées à la suite de la décision G 5/83 permet de jeter un éclairage sur les catégories d’utilisation thérapeutiques nouvelles et inventives, pour une utilisation où la production d’une substance connue ou d’un composé connu a été jugée brevetable.

4.1 La production d’une composition connue a été considérée comme brevetable pour une utilisation dans un nouveau traitement où le groupe cible à traiter était différent (porcs séronégatifs au lieu de porcs séropositifs, T 19/86, JO OEB 1989, 25) ; dans un nouveau traitement ayant un effet technique différent (prévention de la carie dentaire au moyen d’une substance connue mais en enlevant la plaque au lieu de réduire la solubilité de l’émail dentaire, T 290/86, JO OEB 1992, 414) ; dans un nouveau traitement avec un mode d’administration différent (injection sous-cutanée et non intramusculaire, T 51/93).

4.2 Certaines chambres de recours n’en ont pas moins estimé qu’accepter par principe la brevetabilité était problématique lorsque l’utilisation thérapeutique spécifique s’écartant de l’état de la technique se réduit à une posologie.

4.3 Compte tenu de la jurisprudence et du danger de collision avec l’article 52(4) CBE 1973, la décision T 584/97 a jugé non brevetable une revendication portant essentiellement sur l’administration de nicotine à des doses croissantes. Les décisions T 317/95, T 56/97 et T 4/98 (JO OEB 2002, 139) ont abordé la question, avec des réponses tendant vers la négative, mais sans statuer en définitive. Dans toutes ces affaires, la délivrance d’un brevet aurait de toute façon été rejetée pour d’autres motifs, à savoir le manque de nouveauté ou d’activité inventive, de sorte que la réponse apportée à cette question n’avait aucune importance.

4.4 La décision T 570/92 concernait une revendication recherchant une protection par brevet pour “l’utilisation de cristaux de nifédipine … dans la production de compositions pharmaceutiques solides … pour obtenir (un médicament) … destiné au traitement par voie orale de …., administré une ou deux fois par jour”. La chambre n’a pas décelé de collision avec l’article 52(4) CBE 1973 et a estimé que le texte enseignait à l’homme du métier que le traitement pouvait réussir avec une ou deux administrations journalières seulement, sans toutefois donner d’instructions au médecin pour le traitement concret des patients.

4.5 Dans la décision T 485/99, la chambre a souligné que la question clé était de savoir si la posologie telle que définie (administration pré-opératoire pour obtenir un effet post-opératoire) avait un effet médical (physiologique) différent. Dans la négative, la délivrance d’un brevet serait de nature à restreindre la liberté du médecin, et ne serait donc pas admissible. Etant donné que la question n’a pas été examinée de savoir si la posologie proposée produisait un effet médical différent, la chambre a renvoyé l’affaire devant la division d’examen.

4.6 Un traitement long et détaillé est exposé dans la décision T 1020/03 rendue le 29 octobre 2004 par la chambre de recours technique 3.3.4 (JO OEB 2007, 204), où il a été reconnu, pour la première fois, qu’une posologie proprement dite n’est pas exclue de la brevetabilité.

En résumé, l’avis de la chambre dans ladite décision (point 36 des motifs) est que “… la situation est parfaitement claire : soit une méthode d´application d´une composition ne constitue pas un traitement thérapeutique et ne tombe donc pas sous le coup de l´article 52(4), première phrase CBE, auquel cas elle est brevetable dès lors qu´elle satisfait aux autres exigences de la CBE, soit la méthode représente un traitement thérapeutique et tombe par conséquent sous le coup de l´article 52(4), première phrase CBE, auquel cas elle n´est pas brevetable en elle-même. Toutefois, l´utilisation d´une composition pour élaborer un médicament destiné à être employé dans le cadre d´un tel traitement thérapeutique est brevetable pour une thérapie non déterminée, dans le cadre d´une première indication médicale, ou pour une thérapie déterminée, dans le cadre d´une indication médicale supplémentaire, à condition là encore de satisfaire aux autres exigences de la CBE, telles qu´en particulier la nouveauté et l´activité inventive”. Concernant le raisonnement détaillé ayant conduit à cette conclusion, et pour savoir pourquoi cette décision n’a pas suivi le raisonnement des décisions T 317/95, T 56/96, T 584/97, T 4/98 et T 485/99 qu’elle considérait comme entrant en conflit avec la décision G 5/83, il est fait référence au texte proprement dit de la décision T 1020/03.

5.1 Il est possible de formuler de deux façons différentes un avis contraire à celui exprimé dans la décision T 1020/03. La première est de considérer qu’une différence autre que celle de la posologie doit exister pour qu’un traitement soit jugé nouveau, aux fins des articles 53 c) et 54(5) CBE 2000, par rapport à un traitement connu utilisant la même substance ou le même composé pour soigner la même maladie. La deuxième façon est d’estimer qu’un traitement connu pour utiliser une substance destinée à traiter une maladie doit, aux fins des articles 53 c) et 54(5) CBE 2000, être réputé divulguer toutes les posologies possibles utilisant ladite substance connue pour traiter ladite maladie. Les deux formulations se justifient en ce sens que l’évaluation du dosage correct relève à un point tel de la relation entre médecin et patient que la nécessité de protéger la liberté du médecin en la matière doit primer le droit d’obtenir un brevet. Des exemples de raisonnements en ce sens figurent dans les décisions T 317/95 (cf. point 4.5), T 56/97 (cf. points 2.4 et 2.5) et T 584/97 (cf. point 2.6), ainsi que dans la décision de la division d’examen, qui fait l’objet du recours dans la présente espèce. Pour un avis contraire il semblerait nécessaire de donner un sens très particulier à l’expression “méthodes de traitement thérapeutique” aux fins des articles 53 c) et 54(5) CBE. Les travaux préparatoires de la CBE 2000 ne font aucune allusion à cet égard, à moins que cela soit sous-entendu dans le passage (cf. point 3.1 supra) “en ce qui concerne la deuxième indication médicale et toutes les indications suivantes, il conviendrait d’ancrer dans la Convention la jurisprudence développée par la Grande Chambre de recours de l’OEB”. Le seul précédent auquel il est ici fait référence semble être la décision G 5/83 (et les affaires parallèles allant dans le même sens). Une interprétation faisant autorité est nécessaire, laquelle ne peut résulter que d’une autre décision de la Grande Chambre de recours.

5.2 La question de savoir si des médicaments destinés à une utilisation dans des méthodes de traitement thérapeutique, où la seule nouveauté réside dans la posologie, sont brevetables au titre des articles 53 c) et 54(5) CBE 2000, constitue une question de droit importante car la situation se présente assez souvent. Si la brevetabilité est exclue dans ces circonstances, les demandeurs doivent être fixés, afin que, le cas échéant, leur demande indique dès le dépôt que la nouvelle posologie peut être appliquée au moyen d’une nouvelle forme physiquement différente du médicament, permettant ainsi d’obtenir une protection par brevet au moins pour cette demande.

5.3 Si la protection par brevet est catégoriquement rejetée dans le cas de médicaments utilisés dans les méthodes de traitement thérapeutique où la seule caractéristique nouvelle est une posologie, le rejet de demandes de brevet ou l’invalidation de brevets s’en trouvent simplifiés là où il apparaît que la seule différence par rapport à l’état de la technique est une posologie, car cela dispense d’aborder la question généralement épineuse de l’évidence. Une telle exclusion catégorique de la protection par brevet épargnerait également aux tribunaux d’avoir à décider quelles preuves sont suffisantes pour établir qu’un médicament (connu) est produit et/ou mis sur le marché en vue d’être utilisé dans une nouvelle posologie. On peut toutefois se demander s’il convient d’entrer dans ce genre de considérations lorsqu’il s’agit d’examiner le sens des articles 53 c) et 54(5) CBE 2000.

5.4 Des considérations relatives à la santé publique, au secret médical, afin de sauvegarder la relation médecin/patient, ou à la liberté du médecin de soigner leurs patients de la meilleure façon possible, ont souvent influencé les législateurs des Etats contractants quant à la question de savoir si les produits pharmaceutiques – sans parler des méthodes thérapeutiques – sont brevetables. Témoin les réserves permises aux Etats contractants pendant une période intérimaire en vertu de l’article 167 CBE 1973. Mais ces considérations s’adressent surtout au législateur et non pas à ceux qui sont chargés d’interpréter la loi. Si de telles considérations doivent être prises en compte dans l’interprétation de la CBE, le mieux semble être que la Grande Chambre de recours précise la façon de procéder afin d’assurer un développement cohérent de la jurisprudence.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours pour décision :

1. Lorsque l’utilisation d’un médicament particulier pour traiter une maladie particulière est déjà connue, ce médicament connu peut-il être breveté, en vertu des dispositions des articles 53 c) et 54(5) CBE 2000, pour son utilisation dans un traitement thérapeutique différent, nouveau et inventif de la même maladie ?

2. S’il est répondu par l’affirmative à la question 1, un brevet peut-il être délivré lorsque l’unique caractéristique nouvelle du traitement réside dans une posologie nouvelle et inventive ?

3. Faut-il tenir compte de critères particuliers pour interpréter et appliquer les articles 53 c) et 54(5) CBE 2000 ?